Patrick Drahi veut vendre SFR : vers un séisme des télécoms français ?

vente sfr drahi

Dix ans après avoir racheté SFR, Patrick Drahi tourne la page. Selon plusieurs sources concordantes, le fondateur d’Altice envisage sérieusement de se séparer de l’opérateur télécom français en grande difficulté financière. Une opération susceptible de bouleverser en profondeur le paysage des télécommunications en France.

La fin d’un cycle pour Patrick Drahi

Depuis son rachat en 2014 pour près de 17 milliards d’euros, SFR (devenu Altice France) s’est retrouvé au cœur de la stratégie d’endettement agressive et mall calibrée de Patrick Drahi. L’homme d’affaires a bâti l’empire Altice en multipliant les acquisitions à crédit en pariant sur des synergies et des marges rapides. Mais depuis plusieurs années, la pression des marchés et des créanciers s’est accentuée. La dette colossale d’Altice France (plus de 24 milliards d’euros en 2023) a forcé Drahi à céder 45 % du capital de sa filiale à ses créanciers en échange d’un allègement de dette, ramenée à environ 15,5 milliards d’euros.

Dans ce contexte, la vente de SFR représenterait un désengagement stratégique majeur de Drahi du secteur télécom en France, un secteur dans lequel il s’était imposé comme un acteur incontournable en une décennie. Dans ce contexte, la vente de SFR apparaît comme une manière de réduire la voilure, voire de tirer sa révérence.

Des prétendants sous surveillance

Les regards se tournent vers les trois autres géants du secteur :

  • Orange, numéro un en France, dispose de ressources solides mais se heurte à un obstacle majeur : un rachat de SFR poserait de très sérieux problèmes de concurrence et nécessiterait une cession de nombreux actifs pour obtenir l’accord de Bruxelles.
  • Bouygues Telecom pourrait être tenté, lui qui avait déjà tenté de fusionner avec SFR en 2014. Le groupe reste toutefois prudent, préférant sans doute des rachats partiels (clients, réseau, infrastructure mobile…).
  • Free (Iliad), enfin, est peut-être le plus motivé par l’opportunité de gagner rapidement en parts de marché, mais son fondateur Xavier Niel a déjà prévenu : « Aujourd’hui, Free ne peut pas racheter SFR. » L’autorité européenne de la concurrence, opposée à une réduction du nombre d’opérateurs à trois en 2016, pourrait renouveler son refus.

Concentration ou démantèlement ?

La vente de SFR pourrait ne pas se faire en bloc. Un démantèlement progressif — réseau, abonnés, infrastructures — permettrait de contourner certains verrous réglementaires. Des fonds d’investissement ou des acteurs étrangers pourraient également entrer dans la danse. Mais l’intérêt pour un opérateur à la rentabilité déclinante reste à démontrer.

En cas de fusion avec un acteur déjà présent, la consolidation pourrait se traduire par une hausse des prix pour les consommateurs, une réduction du nombre d’offres, et la suppression de postes dans un secteur déjà fragile.

Un enjeu politique et économique : vendre avant 2027 ?

Avec les élections présidentielles de 2027 en ligne de mire, la question devient aussi politique. Peut-on laisser disparaître un des quatre piliers d’un secteur stratégique sans susciter de débat ? La souveraineté numérique, l’aménagement du territoire, la lutte contre la fracture numérique sont autant d’enjeux qui entourent cette potentielle reconfiguration.

Patrick Drahi, affaibli par les révélations de corruption dans l’affaire Armando Pereira (bras droit de Drahi, mis en cause en 2023 au Portugal), pourrait chercher à se désengager avant que le climat politique ne se durcisse.

Un moment charnière pour les télécoms européens

Au-delà de la France, cette vente pourrait être le signal d’un changement plus global. De nombreux opérateurs en Europe appellent depuis des années à une consolidation du secteur. L’exemple de SFR permettra-t-il de rouvrir ce débat ? Ou Bruxelles opposera-t-elle encore son veto à toute concentration excessive ?

Quoi qu’il en soit, Patrick Drahi s’apprête à clore l’un des chapitres les plus controversés de l’histoire récente des télécoms français. Avec une question en suspens : qui, aujourd’hui, veut vraiment de SFR ?