Pauline Kergomard, amie de l’enfance et pionnière de l’école moderne

Pauline Kergomard
Pauline Kergomard

Pauline Kergomard est une figure centrale de l’histoire de l’éducation en France, particulièrement dans le domaine de l’enseignement préscolaire. Née le 24 avril 1838 à Bordeaux et décédée le 13 février 1925 à Saint-Maurice, son œuvre, notamment L’Ami de l’enfance, a profondément marqué la conception et la structuration de l’éducation des jeunes enfants. Elle demeure ainsi une référence majeure dans l’histoire de l’école maternelle.

Les débuts de Pauline Kergomard

Pauline Duplessis-Kergomard, née Marie Pauline Jeanne Reclus, est issue d’une famille bourgeoise où régnait une bonne éducation de ses membres. Elle commence sa carrière de pédagogue à l’âge de 18 ans en donnant des leçons particulières. Son engagement précoce pour l’éducation est marqué par une profonde conviction dans le rôle crucial de l’éducation en faveur du développement de l’enfant et de la société. En 1861, elle se rend à Paris où elle s’investit dans des cercles républicains progressistes. Là, elle rencontre puis se marie en 1863 avec Gustave de Penmarch, mais les difficultés financières de son mari la poussent à chercher une stabilité professionnelle.

Pauline Kergomard
Pauline Kergomard

En 1871, Pauline Kergomard passe l’examen de l’inspection primaire et devient inspectrice de l’enseignement primaire. Ses qualités pédagogiques et son esprit réformateur la mènent, en 1879, à être nommée déléguée générale pour l’inspection des asiles, puis, en 1881, inspectrice générale des écoles maternelles, un poste qu’elle occupera jusqu’en 1917. Dès ses premières expériences de pédagogie, elle manifeste un intérêt profond pour le développement de l’enfant. Dans son ouvrage L’Ami de l’enfance. Journal des salles d’asile, paru initialement en 1860, elle écrit :

« L’éducation de l’enfant ne doit pas se limiter à des règles strictes et à des préceptes autoritaires, mais doit être une douce initiation à la vie, où l’enfant se trouve libre de développer son propre esprit. »

François Marius Granet
L’intérieur d’une salle d’asile par François Marius Granet

L’invention de l’école maternelle en France

L’un des principaux apports de Pauline Kergomard à l’éducation française est son rôle fondamental dans la structuration et la diffusion de l’école maternelle. À l’époque de Kergomard, l’éducation des jeunes enfants, surtout ceux de moins de six ans, était quasi inexistante en dehors des familles bourgeoises. Ce manque d’infrastructure éducative pour les plus jeunes était un véritable défi pour l’émancipation des enfants issus de milieux populaires.

Dans ce contexte, Pauline Kergomard met en place un modèle éducatif qui s’éloigne de l’enseignement traditionnel, centré sur la rigueur et la mémorisation. Son approche révolutionnaire repose sur le jeu, l’autonomie et la liberté d’expression des enfants. Selon elle, les tout-petits ne doivent pas être éduqués de manière autoritaire, mais dans un environnement stimulant qui favorise leur développement global. En 1886, elle élabore une série de recommandations à destination des maîtres et des maîtresses des écoles maternelles : elles insistent sur l’importance des jeux éducatifs, l’utilisation de jouets adaptés à l’âge des enfants, ainsi que la nécessité de laisser les enfants bouger librement, plutôt que de rester assis à écouter des leçons abstraites. Elle explique dans L’Ami de l’enfance :

« Les enfants ne doivent pas être contraints à une activité qui ne soit pas en harmonie avec leur âge et leur développement naturel. Le jeu est leur moyen d’apprendre et d’explorer le monde. C’est à travers le jeu que l’enfant découvre sa propre capacité à penser, à agir et à interagir. »

Pauline Kergomard
Pauline Kergomard, L’Ami de l’enfance

Le développement de l’école maternelle en France

Sous l’impulsion de Pauline Kergomard, l’éducation maternelle devient progressivement une réalité institutionnelle en France. Dès 1881, Kergomard instaure des normes qui guideront l’ouverture des écoles maternelles dans les communes. Elle plaide pour l’extension de l’accueil des jeunes enfants dans des établissements publics, à travers des classes spéciales, mais aussi dans des écoles primaires qui dédieront des espaces spécifiques à l’éducation des plus jeunes.

Grâce à ses efforts, les écoles maternelles sont mises en place dans la plupart des villes françaises, et, en 1911, chaque enfant de France peut bénéficier d’un accès à une école maternelle, soit dans des établissements spécialisés, soit dans des classes spécifiques intégrées aux écoles primaires.

école en 1872
école en 1872, paru dans le journal l’illustration

Kergomard réorganise également le programme scolaire de ces établissements en insistant sur l’importance de l’accompagnement de l’enfant dans ses premières années de vie, un moment crucial pour son épanouissement intellectuel et affectif. Son modèle se distingue par l’attention portée à la découverte sensorielle, à la création artistique, aux jeux et aux activités physiques comme moyens d’apprentissage. Dans un rapport qu’elle rédige pour le ministère de l’Éducation nationale, elle souligne :

« L’école maternelle doit être un lieu où l’enfant peut s’épanouir pleinement. L’éducation ne doit pas être une préparation à l’école primaire, mais un moment de construction personnelle où la curiosité de l’enfant est nourrie, où sa capacité à jouer, à explorer et à comprendre le monde qui l’entoure est encouragée. »

Jules Ferry
Jules Ferry à l’origine de la loi sur l’instruction obligatoire en primaire (Peinture réalisée en 1888 par Léon Bonnat). Domaine public

Son œuvre littéraire et ses écrits

Outre son travail sur le terrain en tant qu’inspectrice, Pauline Kergomard est une grande théoricienne de l’éducation. Elle publie plusieurs ouvrages et articles sur les méthodes pédagogiques adaptées aux jeunes enfants. Elle est ainsi cofondatrice et coéditrice de L’Ami de l’enfance, un journal spécialisé dans l’éducation maternelle. Elle y expose ses idées sur l’épanouissement des enfants à travers le jeu, l’expérimentation et l’interaction sociale.

Écoliers
Écoliers, classe des garçons

Dans ses écrits, elle défend l’idée que l’éducation des jeunes enfants ne doit pas être une simple préparation à l’école primaire, mais un véritable moment d’apprentissage et de construction de la personnalité. Selon elle, l’enfant est un être actif, curieux et sensible, dont la personnalité se façonne dans un environnement riche et varié, loin des méthodes éducatives trop rigides. Dans l’un de ses écrits, La Pédagogie des enfants, elle défend l’idée que l’éducateur doit avant tout être attentif aux besoins émotionnels et intellectuels de l’enfant, en ces termes :

« L’âme de l’enfant est comme un jardin en pleine floraison. Il faut savoir cultiver ce jardin avec patience, bienveillance et respect. Chaque enfant est unique, et c’est à l’éducateur de savoir s’adapter à ses besoins spécifiques pour l’accompagner dans son développement. »

Pauline Kergomard
Pauline Kergomard

L’héritage de Pauline Kergomard

L’héritage de Pauline Kergomard reste bien présent aujourd’hui, avec de nombreuses écoles maternelles qui portent son nom, comme l’école maternelle Pauline Kergomard à Paris, ainsi que dans d’autres régions de France. Son modèle pédagogique a également inspiré de nombreuses réformes dans l’enseignement préscolaire, tant au niveau national qu’international. Son influence est visible dans les méthodes d’enseignement qui privilégient l’observation, l’expérience et l’interaction. Dans une de ses dernières interventions avant sa retraite, elle déclare :

« L’éducation des enfants est l’affaire de tous. Chaque enfant mérite d’être pris en charge et soutenu dans ses premiers pas vers la connaissance. Il ne s’agit pas seulement de lui transmettre des savoirs, mais de lui offrir les outils nécessaires à sa propre émancipation. »

Quel bel engagement en faveur d’une éducation égalitaire, accessible à tous, quelle que soit l’origine sociale de l’enfant ! Pauline Kergomard a fait de l’école maternelle un levier d’émancipation pour les enfants de toutes les classes sociales, en particulier ceux issus des milieux populaires. Mais qu’est-ce qui s’est déréglé depuis ?

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Rocky Brokenbrain
Notoire pilier des comptoirs culturels, Rocky Brokenbrain pratique avec assiduité depuis des années une danse alambiquée et surnaturelle. Zazou impénitent, il aime le rock'n roll, la guimauve, les grands fauves et, entre deux transes, écrire à l'encre violette sur les romans, musiques et danses qu'il aime... ou pas.

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