Qui était Vincent avant Van Gogh ? Réponse dans la bd de Sergio Salma

vincent avant van gogh

Van Gogh avant d’être artiste fut simplement un jeune homme en quête de soi. Sergio Salma nous raconte ses années d’avant la peinture.

Vincent Van Gogh meurt le 29 juillet 1890 à Auvers sur Oise à l’âge de 37 ans. Il avait peint 871 tableaux. Dans l’imaginaire collectif, est souvent répandue l’idée d’une vie consacrée à la peinture, une obsession originelle. Si l’on fait abstraction de quelques dessins mineurs, sa vie de peintre a en fait duré 5 ans avec son premier « grand » tableau : Les mangeurs de pommes de terre peint en 1885. Paris, Arles, Saint Rémy de Provence, Auvers sur Oise, sont les dernières étapes de la vie du peintre et ces derniers mois au cours desquels il réalise nombre de chefs d’œuvre, passant d’un sombre repas paysan à la luminosité exceptionnelle du Sud de la France. Contrairement à Monet, caricaturiste dès l’adolescence, l’essentiel de l’existence de Vincent s’est déroulé sans toucher le moindre pinceau. Cette mise en perspective semble indispensable pour dire combien la BD de Sergio Salma raconte la plus grande partie enfouie de la vie de Van Gogh, celle qui va de sa naissance à son arrivée en 1880 aux Beaux Arts de Bruxelles qui n’annonce aucunement son entrée en peinture, mais plutôt le début d’une nouvelle obsession. Dans cet album documentaire renseigné de manière sérieuse et précise, le dessin est à l’image du propos et de la narration. Aucune flamboyance, mais des couleurs sobres et grises correspondant parfaitement à la vie et aux états d’âme d’un être en quête de soi.

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Van Gogh est certainement l’un des artistes dont la vie, à défaut de la psychologie, est la mieux connue grâce notamment à une riche et magnifique correspondance avec son frère Théo, de quatre ans son cadet. Théo, le seul homme à qui Vincent a fait confiance toute son existence. Jusqu’à l’âge de onze ans, aimé par sa mère, tout semble aller pour le mieux dans cette famille aimante mais dominée par un père pasteur, autoritaire. Une mise en pension à vingt cinq kilomètres de Zundert, et la vie de Vincent bascule. Dès lors, d’établissement en établissement, de ville en ville, la rupture affective familiale est consommée. Seuls les Noëls rassembleront, comme un ultime trait d’union, la famille nombreuse.

Dans ce cheminement de la différence et de la solitude, Vincent souffre de ne rien choisir. Son père décide pour lui. Sa vie est remplie d’un vide existentiel abyssal. À qui sert-il ? À quoi sert-il ? Ses épisodes amoureux se traduisent par de sombres fiascos. Il est maladroit, en difficulté dans ses rapports avec les autres. La religion ne fera pas l’affaire non plus malgré une dévotion totale qui frise l’hystérie et inquiète son entourage. Extrême, tout conduit à l’exagération. Il veut vivre plus pauvre que les pauvres. Il veut prier plus que les pasteurs. Aucune folie dans cette quête mais plutôt une soif inextinguible d’absolu. Il faut donner un sens à sa vie, avec excès, quelque soit le domaine. Aller au bout de soi, au bout des choses, au bout de l’existence.

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Au cours de ces années, Vincent ne touche pas un seul pinceau. Des crayons parfois pour illustrer un lieu, un propos dans ses lettres adressées à Théo. Pas de génie précoce ou de talent particulier. Son contact avec les toiles et la peinture se réalisera dans la boutique d’un marchand d’art à La Haye, « Goupil et Cie », dans laquelle un oncle est associé. Il ne fera pas l’affaire comme employé mais il fera l’apprentissage, sans concession, du beau et de la technique picturale. C’est cette fréquentation avec les gravures, les musées qui est le seul trait annonciateur du devenir de l’artiste peintre. Quand ces tentatives de remplir sa vie seront devenues vaines, son crayon, puis son pinceau, vont devenir son obsessions, encouragé par Théo devenu marchand d’art à son tour.

La BD nous éloigne clairement de l’image traditionnelle d’un génie fou. C’est un enfant, un adolescent, puis un adulte hyper sensible, excessif et intransigeant, que nous suivons des Pays Bas, à Londres, ou Paris. Une vie, que l’on choisit pour lui, qui va d’échec en échec. La peinture n’est que l’ultime étape de ce cheminement de souffrances et de tristesse.

Dernière page de la BD : septembre 1880, Vincent prend une nouvelle fois le train pour l’école des beaux Arts de Bruxelles. Il lui reste dix ans à vivre. Il ne le sait pas. Il lui reste cinq ans pour devenir Van Gogh. Il ne le sait pas. Il ne le saura jamais.

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Vincent avant Van Gogh de Sergio Salma. Éditions Glénat. 144 pages. 23€. Parution : 18/06/2025. Lire un extrait

Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.