La moitié des radios associatives menacée de disparaître en même temps que le pluralisme

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Nouvelle atteinte au pluralisme réel de la vie démocratique française, le projet de loi de finances 2026 prévoit de ramener le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) de 35 M€ à 19 M€ (–44 %).

Derrière cette ligne comptable, plus de la moitié des radios associatives sont potentiellement condamnées et près de 80 % des emplois menacés. Ce choc budgétaire confirme, hélas, le diagnostic que nous formulions dans notre enquête sur un pluralisme culturel affaibli par les politiques publiques : un État, notamment le ministère de la Culture, qui prétend défendre la diversité culturelle et le pluralisme politique tout en affaiblissant en pratique les acteurs de proximité qui la font vivre.

Ce que dit le PLF 2026

Réunies au sein du réseau Les Locales (CNRA + SNRL), les radios associatives alertent : le PLF 2026 opère un coup de rabot inédit de 16 M€ sur le FSER, faisant passer son enveloppe de 35 M€ à 19 M€. Les organisations préviennent d’un risque de fermetures en chaîne et d’un coup d’arrêt au déploiement du DAB+, alors même que les radios associatives en sont les chevilles ouvrières.

Pourquoi c’est un coup porté au pluralisme

Implantées dans l’ensemble des territoires (urbains, ruraux, ultramarins), les radios associatives assurent chaque jour une mission d’intérêt politique et général : information locale, éducation aux médias, médiation culturelle, participation civique et citoyenne. Non lucratives et ancrées dans l’économie sociale et solidaire, elles subissent cependant la même pression des coûts (énergie, diffusion, loyers, salaires, DAB+). Or le FSER représente souvent une part déterminante de leurs ressources. L’amputer, c’est affaiblir la voix des territoires et des publics peu entendus par les grands réseaux. C’est donc affaiblir la pratique incarnée du pluralisme politique. En parallèle, sur le même modèle étatique qui continue à abreuver de subventions des groupes de presse détenus par des milliardaires au détriment des journaux indépendants ESS, l’argent de l’Etat va aux radios… d’Etat (le groupe Radio france) et les radios capitalistiques à travers différents dispositifs, notamment le crédit d’impôts. Les quelques millions distribués aux acteurs indépendants inscrits dans l’Economie sociale et solidaire représentent des cacahuètes en comparaison.

Qui contrôle quelle radio ?

En parts d’audience 2023 (Arcom) :

  • Radio publique sous contrôle d’Etat :
  • Radio France (France Inter, Bleu, Info, Culture, Mouv’) : ~30 %.
  • Groupes privés :
    • M6 (RTL, RTL2, Fun Radio) : ~18 %
    • NRJ Group (NRJ, Chérie FM, Nostalgie…) : ~15 %
      Les Indés Radios (127 radios locales/régionales) : ~11 %
    • Lagardère News (Europe 1, Europe 2, RFM) : ~7 %
    • RMC (désormais CMA CGM via CMA Audiovisual) : ~6 %

Radios libres :
Environ 750 pour ~9 %

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Un effet domino social, culturel et territorial

Les Locales estiment que près de 80 % des emplois du secteur — environ 2 400 postes directs et indirects — seraient menacés. Au-delà de l’emploi, c’est tout un écosystème qui vacille : artistes, associations, équipements culturels, collectivités, établissements scolaires. La médiation culturelle quotidienne opérée par ces antennes locales ne sera remplacée par personne si les studios ferment.

Le paradoxe budgétaire mis à nu

Nous documentions déjà l’incohérence d’un système d’aides publiques qui se concentre sur quelques acteurs dominants tout en asphyxiant les médias de terrain qui font vivre la diversité réelle. La coupe annoncée au FSER n’est pas une simple mesure d’économie : elle entérine un modèle de politique culturelle qui privilégie la centralisation et l’entre-soi au détriment du pluralisme effectivement incarné dans les territoires.

Ce que demandent Les Locales

  • Maintenir le FSER au minimum à 35 M€ (niveau 2025).
  • Soutenir la transition DAB+ sans fragiliser les radios de proximité.
  • Reconnaître que ces médias ne sont pas un coût mais un investissement (emplois, cohésion sociale, éducation aux médias, vitalité culturelle).

Ce que disent les chiffres

  • ≈ 770 radios associatives sur l’ensemble du territoire.
  • Part souvent déterminante du FSER dans leurs budgets (pilier de l’équilibre économique).
  • ≈ 3 000 emplois directs dans le secteur ; ≈ 2 400 menacés si la coupe était adoptée.

Au-delà des radios : un test démocratique

À l’heure où la désinformation prospère en ligne, réduire l’un des rares contre-pouvoirs médiatiques de proximité relève d’un contre-sens démocratique. Les radios associatives fabriquent du lien social et du sens, elles ne se résument pas à un « coût », elles constituent un bien commun. Le débat parlementaire qui s’ouvre dira si la France veut des territoires qui parlent ou des territoires auxquels on parle. Soyons clair, ce qui est en jeu, c’est un glissement de la démocratie républicaine territoriale pensée par De Gaulle à une démocratie ilibérale contrôlée par un Etat qui promeut des positions artificiellement pluralistes à travers les intérêts de quelques gros acteurs économiques, notamment le secteur financier.

Mobilisation et contacts

Les Locales (CNRA + SNRL) appellent citoyens, élus, acteurs culturels à se mobiliser et à interpeller les parlementaires pour amender le PLF 2026.

  • Contacts presse : contact@snrl.frcontact@cnra.eu
  • Référents : Jean-Marc Courrèges-Cénac (CNRA) | Sylvain Delfau (SNRL) — 06 16 04 13 54

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il étudie les interactions entre conceptions spirituelles univoques du monde et pratiques idéologiques totalitaires. Conscient d’une crise dangereuse de la démocratie, il a créé en 2011 le magazine Unidivers, dont il dirige la rédaction, au profit de la nécessaire refondation d’un en-commun démocratique inclusif, solidaire et heureux.