Avec sa mini-série Karma en six épisodes, Netflix frappe un grand coup. Portée par un casting irréprochable et une écriture aussi resserrée qu’implacable, Karma interroge la violence de nos choix et le prix que chacun paie, un jour ou l’autre. Une mécanique tragique et virtuose, digne des plus grandes séries noires.
Et si le thriller n’était pas seulement affaire de suspense, mais aussi de destin ? Dans Karma, nouvelle production sud-coréenne diffusée sur Netflix depuis avril 2025, la vengeance ne porte pas de masque, elle opère à visage découvert. En six épisodes tendus comme un fil de fer, la série déplie un réseau d’existences liées par un accident criminel, dans une construction à la fois limpide et redoutablement retorse. À la croisée de Fargo, The Glory et de la première saison de True Detective, Karma ne se contente pas de captiver : elle sonde la part d’ombre de chacun d’entre nous.
Un accident, six vies, un engrenage
Tout part d’un incendie. Puis les couches se superposent, les identités se dévoilent, les faux-semblants se fissurent. Chaque épisode adopte le point de vue d’un personnage – infirmière, médecin, escroc, ancien détenu, femme en cavale… – dont les choix, plus ou moins désespérés, convergent vers un point de non-retour. L’intrigue, nourrie de flashbacks et de recoupements, s’apparente à un puzzle narratif que le spectateur reconstitue à mesure que les masques tombent. On se perd parfois, on devine souvent, mais on reste toujours accroché.
Et ce n’est pas un simple jeu d’écriture. La structure même du récit devient miroir moral : à chaque action, sa conséquence. À chaque faute, son retour. Comme un écho à la vieille idée bouddhique du karma, ou à cette formule dostoïevskienne : « nous sommes tous responsables de tout et de tous devant tous ».
Noirceur, tension, justesse
C’est là que la série se distingue. Loin des archétypes manichéens, Karma cultive la nuance. Ses personnages ne sont ni bons ni mauvais – ils sont traversés, travaillés, rongés. Le mal n’est jamais gratuit, il est contextuel, rationnel, presque banal. Mais il est là, et il finit toujours par revenir. Dans un monde où la loi échoue à réparer les torts, c’est une logique supérieure – celle de la narration, celle du destin – qui rend justice.
La mise en scène, sobre, oppressante, n’a rien de spectaculaire mais colle parfaitement à l’ambiance. Lumières froides, décors minimalistes, silences pesants. On est loin du tape-à-l’œil de certains K-dramas contemporains. Ici, chaque plan pèse son poids. La tension ne se relâche jamais.
Interprétation remarquable
Le jeu d’acteurs participe pleinement à l’impact de la série. Shin Min-a, dans un rôle de femme ambiguë hantée par une erreur irréparable, compose un personnage bouleversant. Park Hae-soo (qu’on avait découvert dans Squid Game) impressionne par la froideur maîtrisée de son rôle. Mention spéciale également à Gong Seung-yeon et Lee Hee-joon, impeccables jusque dans les moments de rupture. Pas une fausse note dans ce casting qui semble taillé pour ce type de récit moralement dense et émotionnellement exigeant.
Une série-miroir
Derrière le thriller, Karma pose des questions lourdes. Comment vit-on avec une faute qu’on ne peut réparer ? Jusqu’où peut-on aller pour s’en sortir ? Et surtout : peut-on échapper à soi-même ? La série met en scène une société sud-coréenne dure, clivée, où la réussite se paie parfois au prix de l’humanité. On y croise des laissés-pour-compte, des mères dépassées, des jeunes gens prêts à tout pour survivre. Comme si Karma était, aussi, un regard politique sur une société en tension, où la loi du plus fort est parfois la seule qui s’impose.
Ce faisant, Karma s’inscrit dans la grande tradition des fictions morales, à la fois divertissantes et profondément philosophiques. En cela, elle rejoint les meilleures productions du genre – de Breaking Bad à The Wire, en passant par The Glory ou My Mister. Avec une audace : faire tenir tout cela en six épisodes de 45 minutes, sans jamais donner l’impression de précipitation ou de gratuité.
Pourquoi il faut voir Karma
Parce que c’est une série brève mais dense, noire mais profondément humaine. Parce que chaque épisode vous pousse à questionner vos propres choix. Parce qu’il y a une jubilation intellectuelle à voir chaque pièce du puzzle s’imbriquer. Parce que Karma, tout simplement, est l’une des grandes réussites télévisuelles sud-coréennes de 2025.
« Ce n’est pas qu’une série. C’est une sentence, une boucle, un verdict silencieux. »
À voir sur Netflix. Titre original : Karma. Réalisée par Lee Il-Hyeong. D’après le webtoon de Hwang Joon-ho. Avec Park Hae-soo, Shin Min-a, Gong Seung-yeon. Six épisodes. Sortie : 4 avril 2025.