Substack ou comment la newsletter devient le nouvel eldorado de la culture indépendante

substack.com

Dans un monde saturé d’algorithmes, de recommandations automatisées et de scrolls infinis, une plateforme est en train de rebattre les cartes de la création de contenu en ligne : Substack.

À première vue, rien de révolutionnaire. Une interface sobre, un système d’abonnement par e-mail, aucune publicité. Pourtant, derrière cette simplicité apparente, Substack incarne une transformation profonde du paysage culturel et médiatique. Un nouveau moteur économique pour les créateurs, écrivains, journalistes, artistes. Et peut-être même une forme de résistance douce au capitalisme algorithmique des géants du numérique.

Qu’est-ce que Substack ? Une newsletter, un blog, un modèle économique

Fondée en 2017 aux États-Unis, Substack permet à n’importe qui – écrivain professionnel ou amateur éclairé – de créer une newsletter avec une simplicité déconcertante. Pas besoin de compétences techniques. On écrit, on publie, et on envoie à ses abonnés. L’audience peut s’abonner gratuitement ou souscrire à une formule payante, dont 90 % revient à l’auteur (Substack se rémunère via une commission de 10 %).

Ce n’est pas juste un outil : c’est un écosystème, où le créateur contrôle sa relation au lecteur, son calendrier éditorial, ses revenus, et sa ligne. Pas d’intermédiaire, pas d’algorithme. Ce que vous écrivez est ce que vos lecteurs lisent, point.

Un modèle alternatif à l’ère des plateformes dominantes

Dans un excellent article publié par Les Inrocks en février 2025, Substack est présenté comme une alternative délibérée au modèle de Spotify, YouTube ou Apple Podcasts : ces géants qui ont capturé l’attention mondiale en centralisant l’accès à l’information, tout en en tirant la plus grande partie des profits.

Substack, à l’inverse, parie sur la désintermédiation. Il s’agit de redonner du pouvoir aux auteurs dans un monde où les médias traditionnels sont en crise et où les plateformes rémunèrent mal, voire pas du tout, la création. En ce sens, Substack fait figure de réponse à la précarisation croissante des métiers de l’écrit et de l’opinion.

Un nouvel âge d’or pour les indépendants ?

Tim Mak, ancien correspondant de guerre et créateur du Substack Lessons From War, l’exprime ainsi : « Il n’existe aujourd’hui aucun média prêt à publier chaque semaine une chronique sur l’expérience des anciens combattants ukrainiens, sauf moi-même. Et je peux le faire grâce à Substack. »

C’est là que réside le cœur de la proposition : Substack donne aux niches les moyens de devenir des micro-communautés durables, dans lesquelles les lecteurs sont aussi des mécènes, des soutiens, des membres actifs.

Philosophie, écologie radicale, économie critique, journalisme local, autofiction : sur Substack, ce qui est trop singulier, trop lent ou trop profond pour les réseaux classiques trouve refuge et résonance.

Une interface simple, une portée mondiale

Disponible en français, l’application Substack (iOS/Android) permet désormais de suivre des centaines de newsletters comme on suivrait des comptes Instagram. Le format a séduit autant des journalistes prestigieux (ex-New York TimesMediapart) que des voix radicalement marginales. Et en France, un nombre croissant de créateurs de contenus indépendants l’adoptent, de la blogueuse politique au critique ciné désabusé.

Mais Substack, est-ce vraiment rentable ?

Pas pour tout le monde. La promesse de l’indépendance éditoriale ne garantit pas automatiquement un revenu viable. Il faut bâtir une communauté, proposer un contenu régulier, maintenir une qualité constante. Mais ceux qui réussissent peuvent dégager plusieurs milliers d’euros par mois, à mille lieues des rémunérations proposées par TikTok ou Instagram pour des millions de vues.

C’est là toute la subtilité : Substack rémunère l’attention durable, la fidélité, l’engagement réel. Ce n’est pas une économie de la viralité, mais de la profondeur.

Vers un nouveau web humaniste ?

En ce sens, Substack cristallise une tendance plus vaste : le retour vers des espaces numériques à échelle humaine, où les lecteurs choisissent ce qu’ils lisent, paient volontairement pour soutenir des auteurs, et tissent des liens durables avec des voix singulières.

Le « web 3.0 » dont rêvent certains ne passera peut-être pas par les NFT ou la blockchain, mais par un outil modeste et robuste comme Substack. Il n’est pas parfait (certains lui reprochent d’héberger des voix controversées, voire réactionnaires), mais il permet au moins une chose : écrire librement, être lu, et vivre de son art. Et si, après tout, la révolution culturelle de demain ne passait pas par un tweet, mais par un e-mail ?

Pour aller plus loin

Substack (site officiel) : https://substack.com