Survol de la France par Benyamin Netanyahou : la République a-t-elle manqué à ses obligations internationales ?

avion netanyahou

Dans la nuit du dimanche 6 au lundi 7 avril 2025, dans le cadre d’un déplacement entre la Hongrie et les États-Unis, un avion officiel israélien qui transportait le Premier ministre Benyamin Netanyahou a survolé l’espace aérien français. Ce survol a suscité de vives réactions, dans la mesure où Netanyahou est visé, depuis le 21 novembre 2024, par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à Gaza.

En route vers Washington, [Benyamin] Nétanyahou aurait survolé l’espace aérien français. Sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crime contre l’humanité, il aurait dû être intercepté et arrêté », a dénoncé la vice-présidente de l’Assemblée nationale et députée insoumise, Clémence Guetté, sur X, mardi 8 avril. « La France est légalement tenue de coopérer pleinement aux enquêtes et aux poursuites de la CPI », a-t-elle ajouté, accusant l’Hexagone de se rendre « complice » des crimes du Premier ministre israélien.

Alors que la France est État partie au Statut de Rome de la CPI depuis 2000, de nombreuses voix se sont élevées pour interroger la légalité de ce survol, voire exiger des explications sur l’absence d’interception de l’appareil. Ce silence engage-t-il la responsabilité internationale de la France ? Quels sont, exactement, ses obligations juridiques en la matière ?

Le mandat d’arrêt de la CPI : portée et obligations

Le mandat d’arrêt délivré par la CPI vise explicitement Benyamin Netanyahou. Selon l’article 89 du Statut de Rome, les États parties sont tenus d’exécuter les demandes d’arrestation et de remise émanant de la Cour. Cela suppose, en principe, que tout État sur le territoire duquel une personne visée par un tel mandat se trouve est tenu de l’arrêter.

Le survol aérien d’un territoire est-il assimilable à une « présence » suffisante pour permettre une arrestation ? À première vue, non. En droit international, le survol d’un espace aérien national par un avion officiel ne constitue pas une présence au sens strict sur le territoire de l’État. Cependant, cette règle connaît des exceptions importantes.

Un avion officiel peut-il être intercepté ?

La France, comme tout État souverain, exerce une juridiction exclusive sur son espace aérien, selon les termes de la Convention de Chicago de 1944 sur l’aviation civile internationale. Toute autorisation de survol par un avion militaire ou officiel étranger suppose l’accord explicite de l’État survolé. La France aurait donc pu refuser l’autorisation de survol à un aéronef transportant une personne poursuivie pour crimes internationaux, ce qui relève d’une compétence discrétionnaire mais non neutre politiquement.

En matière de coopération avec la CPI, cela soulève une autre question : la France avait-elle connaissance de la présence de Netanyahou à bord de l’avion ? Si tel était le cas, et si le survol a été autorisé, la France pourrait être accusée d’avoir facilité une violation indirecte de ses obligations conventionnelles, en s’abstenant d’exercer les moyens dont elle disposait pour coopérer avec la Cour.

Les immunités d’un chef d’État en exercice

La question se complexifie lorsqu’il s’agit d’un chef de gouvernement en exercice, bénéficiant d’une immunité de juridiction en droit international coutumier. Toutefois, la CPI a établi dans sa jurisprudence (notamment dans l’affaire Al-Bashir, Soudan) que ces immunités ne s’appliquent pas entre États parties au Statut de Rome, ceux-ci ayant accepté de limiter les immunités classiques en matière de coopération avec la Cour.

En conséquence, la France n’était pas juridiquement empêchée d’exécuter un mandat d’arrêt contre Netanyahou, en vertu de ses engagements vis-à-vis de la CPI. Cette position fait l’objet de débats, mais elle est de plus en plus consolidée.

L’inaction française : juridiquement défendable ou politiquement compromettante ?

Il est peu probable que la France ait envisagé une interception en vol d’un avion officiel israélien, geste potentiellement perçu comme un acte de guerre ou, à tout le moins, un casus belli diplomatique. En revanche, le simple refus de survol aurait constitué une mesure symbolique forte, conforme au principe de coopération avec la CPI.

VL’inaction de la France ne constitue pas une violation manifeste du droit international, dans la mesure où la coopération active (arrestation, extradition) est exigée lorsqu’une personne est physiquement sur le territoire, ce qui n’est pas le cas d’un survol. Mais la situation révèle une forme de défaillance morale et politique. En autorisant le passage, l’État français a évité une crise diplomatique avec Israël et les États-Unis, au prix d’un affaiblissement de la crédibilité de la justice internationale.

Vers une diplomatie pénale à géométrie variable ?

L’épisode du survol de la France par Benyamin Netanyahou cristallise un dilemme fondamental : celui de la conciliation entre raison d’État et obligations internationales. Si juridiquement la France peut se prévaloir d’un certain flou, politiquement, sa passivité est lourde de conséquences.

Elle met en lumière les limites de la justice pénale internationale, dépendante de la volonté des États et sujette à des calculs stratégiques. La France, qui se veut l’un des piliers du multilatéralisme et du droit international, aurait pu, en refusant ce survol, affirmer une position claire en faveur de l’impunité zéro pour les crimes les plus graves.

Bibliographie indicative :

  • Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998.
  • Convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale, 7 décembre 1944.
  • Akande, D. (2009). The Legal Nature of Security Council Referrals to the ICC and Its Impact on Al Bashir’s Immunities. Journal of International Criminal Justice.
  • Arsanjani, M. H., & Reisman, W. M. (2005). The Law-in-Action of the International Criminal Court. American Journal of International Law.
  • Les Surligneurs. (2025). Survol de la France par Netanyahou : une obligation non respectée ?
  • France Info. (2025). La France aurait-elle dû arrêter Benyamin Netanyahou ?