MASQUES D’EUROPE, LA MAISON DES CULTURES DU MONDE FAIT SON CARNAVAL

De fêtes d’hiver en carnavals, les masques sont présents dans toute l’Europe. Effrayants, amusants, énigmatiques… L’exposition Masques d’Europe – Savoir-faire imaginaires, du 19 au 21 novembre 2021 à la Maison des Cultures du Monde, retrace le parcours de ces étonnants masques européens, de l’atelier du créateur à la mascarade, proposant la découverte des matières, des savoir-faire et de l’imagination de ceux qui les créent.

Les masques incarnent une variété de personnages issus des croyances populaires. Comment naît un masque dans la tradition ? Qui le fabrique et comment ? La nouvelle exposition de la Maison des Cultures du Monde, au prieuré des Bénédictins à Vitré, invite à découvrir la richesse et la diversité des traditions de masques en Europe. Ces traditions mettent en œuvre des savoir-faire artisanaux, et font partie intégrante de pratiques carnavalesques et festives, qui constituent un domaine à part entière du patrimoine culturel immatériel.

Malgré le déferlement des événements liés à la modernité, les masques demeurent et les représentations masquées se poursuivent. Fabriquer un masque, le revêtir, correspond à une série de gestes de défense et de protection. Les maux qui affaiblissent ou détruisent l’Homme : la mort, la maladie, la guerre, le mensonge, la trahison, représentés par des personnages aux caractères exagérés, souvent
grotesques, provoquant sur l’individu ou le groupe la peur du monstrueux ou le rire libérateur – se trouvent ainsi affaiblis ou détruits.

Le masque joue, danse, poursuit ses proies fictives ou réelles, puis finit sa courte vie saisonnière, au bûcher ou dans les flots d’une rivière. Garants de la bonne santé d’une société, les masques, supports de créations collectives ou individuelles, poursuivent leur vie dans la trame des songes.

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MASCARADES

Des mascarades ont lieu chaque hiver, partout en Europe. Malgré la grande diversité de ces fêtes, des constantes les unissent.

Le plus souvent, les personnes masquées passent de maison en maison pour égayer les gens chez eux par des musiques, des chants, des danses, et des vœux personnalisés. Ils se font offrir en retour quelques victuailles et boissons, voire de l’argent.

La place du village accueille des labours fictifs, des scènes de mort et de retour à la vie, des jeux comiques de mariages travestis, d’actes sexuels grotesques, de naissances improbables… Les jeunes femmes sont généralement poursuivies par les personnages masqués qui tentent de les attraper, de les porter ou de les mâchurer (marquer le visage d’une trace noire).

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La danse des Bugios, Sobrado, Portugal, 2018 © Candice Moise

Parfois, un procès en place publique condamne à mort le personnage Carnaval jugé responsable des dysfonctionnements de la société. Les agissements des voisins et les travers du monde sont tournés publiquement en ridicule. Un grand bûcher est souvent de mise pour clore les événements, dans lequel est brûlé le personnage Carnaval.

Si les masques étaient autrefois portés exclusivement par les jeunes hommes célibataires, les groupes masqués sont aujourd’hui mixtes d’âges et de genres. Les interactions avec les personnes sans masque ni costume restent au cœur de la fête.

Même s’il y a des ressemblances entre les différentes fêtes, chaque ville ou village possède son ou ses personnages emblématiques, à l’apparence distinctive, lesquels entretiennent un sentiment de fierté locale. Derrière les masques et les costumes se cache un travail de fabrication qui dure parfois toute l’année, et qui met en œuvre une imagination et des techniques infinies.

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Nassereith, Autriche, 2019 © Franz-Josef Kochs

PETASSOUS, FOUS ET BOUFFONS
Des histoires de souffles

En occitan, on appelle pétaç les chutes de tissus. Le terme qualifie aussi le chiffon ou les haillons. Petassou, dans le sud de la France, est le nom donné à une figure carnavalesque emblématique, dont tout ou une partie du costume est constitué de bandelettes de tissus dépareillés. Des personnages similaires existent dans beaucoup de carnavals européens sous d’autres noms évoquant les chutes de tissus ou celui de la fête locale.

Petassou serait lié à d’anciens rites ruraux. Quand les mascarades se déplacent dans les villes dès le XIVe siècle, le personnage est adapté à ce nouvel environnement. Il devient alors le bouffon ou le fou de carnaval. Ces derniers en ont seulement gardé le costume bariolé et quelques grelots. Bouffons et fous incarnent le même personnage, comme en témoigne leur étymologie : bouffon est issu de bufar, « souffler » en langue d’oc, et fou, du latin follis, « soufflet ».

Si Petassou semble se gonfler lorsque qu’il saute ou qu’il court, les fous, eux, manient plutôt le soufflet. Les uns et les autres peuvent aussi être affublés d’une vessie de porc gonflée comme un ballon. Autrefois, ces personnages assumaient le rôle important de faire circuler les souffles, à la fin de l’hiver, et de ramener la vie. Tous les souffles comptent dans ce renouveau vital : les accessoires qui se gonflent et se dégonflent, les rires qui agitent le corps, ou les ventres qui se soulagent des effets de trop grasses nourritures.

MASQUES EN BOIS DES ALPES

Le « Consorzio Mascherai Alpini », l’association des sculpteurs de masques en bois des Alpes, a été fondée en 2002 dans le nord de l’Italie. Elle réunit des sculpteurs de masques de carnavals d’Italie, d’Autriche, de Slovénie et de Suisse. Les membres de l’association échangent régulièrement sur leurs techniques, enrichissent leurs connaissances, tout en cherchant à valoriser l’identité culturelle propre à chaque tradition.

Le bois est un matériau versatile qui permet toutes sortes de formes, d’aspects et de finitions. Outre les caractères de chaque personnage, le traitement de la sculpture diffère. Les visages peuvent être tout autant réalistes que stylisés ; ainsi, les personnages présentent soit un aspect naturel, proche des dimensions d’un visage, soit un aspect grotesque et démesuré. Le bois, brut ou coloré, est parfois travaillé afin d’obtenir un fini lisse, mais il arrive que les traces de l’outil restent visibles. Parfois, on y ajoute des matériaux divers.

LE BOIS SCULPTÉ

Le bois est l’une des matières les plus simples destinées à la réalisation de masques. Les techniques employées varient selon la région ou l’artisan. La position de travail illustre ces différences de pratiques : à plat, sur un établi ou un billot de bois, incliné sur un chevalet ou à la verticale, le sculpteur se trouvant face-à-face avec son futur personnage.

Si la gouge reste l’outil le plus utilisé, certains lui préfèrent un instrument plus ancien, l’herminette, et ne recourent à la gouge que pour les finitions. Les uns fabriquent leurs masques à la plane, calés sur un banc à planer (technique issue de la menuiserie), quand d’autres se contentent d’un canif.

Les outils électriques : tronçonneuse, scie à ruban, fraiseuse… permettent généralement de faire le plus gros de la découpe. Quant au bois, l’essence doit être abondante localement, ne pas présenter trop d’irrégularités ou de nœuds, et si possible être légère et assez tendre. Dans la majeure partie des régions, on prépare le bois comme en menuiserie : il est séché plusieurs années, voire étuvé (séchage en chaleur humide) pour certaines espèces telles que l’aulne. En séchant, le bois se déforme et rétrécit irrégulièrement, ce qui peut provoquer des fissures.

Utiliser un bois sec, c’est s’assurer un matériau stable, qui ne se déformera plus. Pourtant, certains artisans travaillent le bois vert, fraîchement coupé de l’arbre. La forme du masque est alors grossièrement découpée et évidée. C’est cette ébauche qui est mise à sécher à peine quelques semaines. Le bois ne se fissure pas car il est fin, et le cœur en est ôté, mais il peut encore légèrement se déformer, c’est pourquoi les finitions se font une fois le masque sec.

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Peliqueiro, Laza, Espagne, 2020 © Jason Gardner

LES MATIÈRES ASSEMBLÉES

Le volume du masque peut être directement formé à partir d’une matière souple comme le tissu, la tôle, le cuir, ou la peau d’animal. Il est ensuite orné de matières et de motifs spécifiques.

Comme pour des vêtements, les coutures sont réalisées à la main ou à la machine. Les matières épaisses sont cousues selon les techniques de maroquinerie. Certaines parties peuvent aussi être assemblées par collage, par des rivets ou d’autres modes d’attache.

Le matériau employé peut constituer à lui seul le volume, ou être posé sur une structure rigide, comme du fil métallique, ou sur une base, tel un casque ou un chapeau.

Le masque est ensuite décoré d’éléments d’origine animale ou végétale (cornes, fourrures, plumes, feuillage…), de rubans, de fausses fleurs, de papiers, de perles ou de bijoux de pacotille, de pompons, etc.

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Les masques de babougeros la veille de la fête, Vamvakofyto, Grèce, 2018 © Candice Moise

LES MATIÈRES COLLÉES

Parmi les plus anciennes méthodes de fabrication des masques, on trouve l’utilisation de matières fines et souples en couches superposées, durcies par une colle, et mises en forme sur ou dans un moule. Des traces archéologiques laissent supposer que l’on
procédait ainsi plusieurs siècles avant notre ère ; mais les matières utilisées ont certainement évolué au gré du temps.

La matière de base la plus courante de nos jours est le papier, ou un carton spécial pour papier mâché, collé et durci par une colle blanche, une colle de farine ou selon d’autres recettes. Cette technique était employée notamment pour les déguisements de carnaval bon marché au XIXe siècle et jusqu’à l’arrivée des masques en plastique.

Certains masques sont en tissu rigidifié par de la colle forte ou de la cire. Les masques en cire et tissu pressé étaient, comme les masques en papier avant l’arrivée des plastiques, des masques de déguisement communs.

Quel que soit le matériau employé, il faut un support pour donner sa forme au masque. Ce peut être un moule en positif, qui présente la forme recherchée en volume, un moule en négatif avec la forme en creux, ou un moule de presse, constitué d’un positif et d’un négatif qui serrent la matière pour lui donner sa forme. Sans moule, la sculpture repose sur des formes légères qui resteront dans le
masque.

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Larves, Bâle, Suisse, 2017 © Candice Moise

LES MATÉRIAUX NOUVEAUX

Si les masques sont souvent composés de matières de récupération, il semble parfois plus facile, de nos jours, d’acheter des matériaux spécifiques, offrant une plus grande facilité ou rapidité de mise en œuvre, ou une meilleure résistance finale.

De nouveaux masques sont notamment inventés à partir de bandes plâtrées, de résines, de plastiques thermoformables. Ces derniers nécessitent une machine adaptée dans les ateliers de facteurs de masques artisanaux.

Mais ce sont aussi parfois des masques industriels du commerce qui servent de base en étant retravaillés, décorés, adaptés pour créer le personnage désiré.

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Masques en cours d’élaboration et moule dans l’atelier d’Antonio Pinto Sobrado, Portugal, 2018 © Candice Moise

HABILLAGE

Le masque n’est qu’une petite partie du personnage. Celui-ci n’est identifiable que complet, c’est‑à‑dire par l’ensemble des éléments correctement assemblés : le masque, la coiffe, les habits avec leurs nombreux détails et ornements, les cloches, et un objet spécifique à la main (fouet, vessie de porc, bâton décoré, balais, pince géante, etc.).

Le temps de l’habillage est donc essentiel et chaque détail compte : il faut bien fixer la pièce de costume lourde pour qu’elle ne glisse pas dans la course, protéger la peau des coups des grosses cloches, ceinturer efficacement et joliment pour qu’on ne voie pas la complexité des attaches, fixer le bord du foulard pour qu’il ne se soulève pas, vérifier chaque accessoire de la parure.

Le rituel de l’habillage, souvent technique et complexe, s’effectue en famille, ou parfois au sein de groupes avec l’aide des plus anciens et des connaisseurs. Les femmes et les mères examinent les détails et les fixations. Lors de ce temps convivial, famille et amis sont invités à partager l’habillage, mais aussi à manger et à boire.

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Société de Gilles de La Louvière, le dimanche matin du Laetare. La Louvière, Belgique, 2019 © Candice Moise

Et la fête commence !

Du 19 juin au 21 novembre 2021, Masques d’Europe Savoir-faire imaginaires à la Maison des cultures du monde, Vitré.

AUTOUR DE L’EXPOSITION

LES ATELIERS DU MERCREDI (À PARTIR DE 6 ANS)
Visite suivie d’un atelier créatif
Tous les mercredis du 21 juillet au 25 août, de 14h30 à 16h • Durée : 1h30 • 5 enfants maximum
Prix : 4€ | Réservation indispensable
• Fabrique ton masque de carnaval !
Mercredis 21 juillet, 4 et 18 août
Les apprentis artisans s’inspireront de personnages emblématiques des carnavals
européens pour fabriquer leurs propres masques.
• Fabrique ta marionnette de carnaval !
Mercredis 28 juillet, 11 et 25 août
À l’aide de tissus, feutrine et peinture, les participants recréeront des personnages masqués
et costumés en miniature.
VISITES GUIDÉES
Tous les jeudis du 22 juillet au 26 août, de 11h à midi • Durée : 1h • 10 personnes maximum
Gratuit | Sur inscription
VISITES GUIDÉES ET ANIMATIONS SUR DEMANDE POUR LES GROUPES
Tarifs : nous contacter | Réservation indispensable au plus tard 7 jours avant la date
souhaitée.

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Bâle, Suisse, 2017 © Candice Moise

INFOS PRATIQUES

Maison des Cultures du Monde – Centre français du patrimoine culturel immatériel
2 rue des Bénédictins – 35500 Vitré
En train 1h30 de Paris en TGV / 30 min. de Rennes
En voiture 30 min. de Rennes / parkings gratuits et payants en centre-ville


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