Dans une langue poétique aux manières sauvages et acides Lydie Dattas sculpte un texte envoûtant aux saveurs rugueuses. La Blonde, un hommage barbare, un tombeau pre-mortem au peintre français Pierre Soulages, le maître de l’outre-noir !
Ces nuits rectangulaires qui offrent le saint chrême du noir aux mourants du virtuel sont insomnie divine. Dédaigneux des couleurs suceuses de rétines, le souverain des régions noires abat ses chefs-d’oeuvre nocturnes. Ajoutant chaque fois une unité à l’infini, il décline toute la gamme des précieux noirs eckhartiens. p. 85
Né en 1949 Lydie Dattas publie ses premiers poèmes à l’âge de 16 ans, illuminée par sa découverte de l’œuvre de Rimbaud mais également par la figure de haute féminité de Shérazade. Ses publications seront, malgré tout, clairsemées. Après Noone en 1970 se sera L’Expérience de bonté en 1999. C’est à compter de 2001 et la parution de Les Amants lumineux qu’un rythme régulier se dessine.


Aujourd’hui proche du diariste Christian Bobin, Lydie Dattas fut durant vingt-cinq ans l’épouse d’Alexandre Bouglione (avec qui, après moult difficultés et ruptures familiales, elle fondera le cirque Romanès). Cette plongée amoureuse et passionnelle dans le monde gitan la marquera profondément, et sa veine poétique aussi.
Avec La Blonde, Lydie Dattas offre à l’œuvre de Soulages une voix puissante, rauque et profonde, aux volutes aussi primordiales que radicales. Ainsi parle-t-elle de sa vision de la genèse du travail apophatique du peintre :
Déchiffrant les souffles qui échappent aux plus puissants télescopes, il a la révélation de la Blonde. Celle qui somnolait dans les grottes altaïques ressuscite dans le Verbe muet de ses soleils tendus. Ces visions étirant l’Esprit sur des châssis de bois relancent au firmament les dés de la Création. Sœurs spirituelles des ardoises noires, elles ont la puissance des bisons charbonnés des grottes. Le peintre tend la main au premier chaman qui arracha un gibier sacré au pli mallarméen d’une caverne pour donner un sens à la vie. p.23

À la fermeture du musée, après avoir repris son manteau au vestiaire, sur le pavé mouillé du trottoir, le dernier visiteur découvre la couleur azelane de la nuit. C’est alors que les portraits négatifs du dieu l’éblouissent par leur ressemblance crachée avec son gouffre intérieur. p. 95
