BHL > La guerre sans l’aimer

Si Coluche avait lu tout Freud, de mon côté, j’ai lu tout BHL. Il est inscrit, avec Paul Valéry et un certain nombre d’autres, sur la liste des écrivains lus in extenso. Tout de suite, certains pesteront qu’il ne mérite pas un tel honneur tandis que d’autres y verront le régime de faveur réservé à un génie. La modération semble de bon aloi dans le cas présent : BHL est un individu pétri de défauts (et des majeurs, comme la boursouflure de son ego), mais il n’est pas sans qualités, notamment, une audace qui va au-delà du simple toupet.

 

Cette recension n’a pas pour objet de trancher quant à son appartenance à la catégorie des philosophes, mais d’estimer la qualité de La guerre sans l’aimer. Le sujet du livre est résumé par son sous-titre : Journal d’un écrivain au cœur du printemps libyen. Toile de fond et comédiens : une guerre, un homme et des intervenants illustres. La problématique qui sous-tend l’ensemble : BHL est-il un génie diplomatique singulier ou bien un imposteur de la plus haute volée ?

D’emblée, il faut remarquer que l’ouvrage est passionnant. Les informations méconnues et dignes d’intérêt sont légion. Par ailleurs, BHL démontre que sa participation à l’intérêt collectif peut être intelligente et efficace, quand bien même elle servirait in fine à le mettre en valeur. Voilà un début de réponse à ses détracteurs qui affirme que « BHL est bien gentil, mais s’il s’agite autant, c’est quand même en premier pour sa petite personne ». C’est vrai, mais s’il y a tant de causes à défendre, les plus intéressantes ne sont-elles pas celles où le risque de s’y brûler est grand ?

À ce propos, combien ne se sont pas couchés devant Sarkozy et combien ne sont pas tombés dans l’antisarkozisme primaire ? En parallèle de BHL qui affirme n’être guère partisan de Sarkozy, le sujet secondaire du livre est le président lui-même, en particulier dans la première partie. À sa suite se déploie le motif primaire même de l’ouvrage. Une armada d’interrogations est au service d’une démonstration audacieuse et d’une leçon réfléchie sur la nature des hommes quand ceux-ci sont acculés aux plus grandes difficultés. Certes, il y a là hommage déguisé au rôle joué par Sarkozy dans le dossier libyen. En outre, quelle que soit la position du lecteur à ce sujet, La guerre sans l’aimer délivre une démonstration argumentée (parfois, moralisante) en faveur du droit d’ingérence quand un peuple est à la merci d’une volonté tyrannique.

Le dernier point qui mérite d’être souligné demeure le témoignage que l’ouvrage laisse à l’histoire récente. L’action d’un homme qui grâce à ses relations va réussir à convaincre le président de la République de la nécessité urgente de prendre un sacré risque. À cette occasion, on ne pourra que regretter le rôle si effacé du ministre des Affaires étrangères. Reste un constat des plus curieux : le destin géopolitique de notre monde se règle parfois un peu par hasard. Ou, du moins, d’une façon quasi artisanale, par un coup de dés et non par des calculs longs et savants.

Un livre intéressant qui nécessite de le rappel d’un adage bien connu : “il n’y a que ceux qui n’écrivent jamais qui ne font jamais de fautes”. Peut-être le livre le plus convaincant de BHL après son Cadavre à la renverse.

À lire, après avoir accepté de taire un moment ses préjugés et quel que soit l’opinion qu’on nourrit sur le dossier lybien. Peut-être certains en concluront que BHL est arrivé à sa pleine maturité et à un type de reconnaissance morale glorieuse qu’il peinait tant à trouver depuis des années…

David

Grasset, 642 pages, 22€, 9 novembre 2011

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