Résurgence de l’inoubliable KDS Crew rennais ? Certains l’ont, peut-être oublié, le KDS Crew fut avec le groupe Stormcore, le noyau nucléaire de la scène hardcore de Rennes et de Nantes il n’y a pas si longtemps. La plupart des membres de VK en furent, serait-ce alors une ‘resucée’ ? Que nenni. Leur album est à l’image de leur évolution, tout simplement splendide.
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?
(Philip K. Dick.)
Ils ont muté. Et les revoilà avec un album. Sa substantifique moelle est nourrie aux histoires hallucinées de Philip K. Dick. Rien de moins.
Quoi que leur musique tienne désormais plutôt du sous-genre death-trash-techno, rien de robotique. Au contraire, la veine mélodique est parfaitement assumée et n’enlève rien à la hargne et à la rythmique enlevée. La production est également remarquable. Un son vaste et éminemment clair en ferait presque un outil pédagogique à l’intention des néophytes réfractaires.
Et puis, il faut souligner l’absence de velléité à créer une ambiance « du genre de » ou a recomposer une énième B.O de Blade Runner. Quoique les différentes plages musicales du CD soient entrecoupées d’extrait du film, c’est une vision personnelle qui est proposée à l’auditeur.
Il s’agit d’une lecture, d’une translation dans l’univers (certes très codifié) du metal. Et à écouter l’oeuvre avec soin, même les plus réticents pourraient bien constater que cette scène n’est pas, comme on le fait croire trop souvent, composée exclusivement de bourrins chevelus nourris à la bière. Les paroles et la musique s’équilibrent parfaitement. La technicité ne s’expose pas pompeusement, mais sert toujours très justement l’atmosphère et le mouvement de l’ensemble.
Avec une réelle maturité, Voight Kampff avance avec assurance sur le terrain miné des ambivalences. Et ce, en trimbalant sans faux-semblant toutes les ambiguïtés de la SF comme du metal : le rejet d’un certain progressisme nivelant et de la Technique au service de la marchandise côtoie une fascination pour les conquêtes, la puissance, la technologie.
Voight Kampff démontre avec cette œuvre sobrement intelligente, symphonie stridente des hypervitesses sidérales, que ce style musical peut être intelligible. Loin de l’image barbare qu’on lui accole ordinairement, on est présence d’une subtile interprétation des visions littéraires prophétiques des âges modernes. Encore fait-il rappeler que le metal est l’héritier tant dans ses affres que dans ses fulgurations… Ce qui paradoxalement renvoie à cette leçon à méditer par les oreilles et âmes trop (classiquement) sensibles :
«Mais la vérité est que, si répréhensibles qu’ils soient per se, relativement aux autres spécimens de leur genre, aussi bien un voleur qu’un ulcère peuvent avoir d’infinis degrés de mérite. Tous deux sont des imperfections, c’est vrai, mais être imparfait étant leur essence, la grandeur même de leur imperfection devient leur perfection» (p. 31)
(Thomas De Quincey, De l’Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts [1827] suivi de Mémoire supplémentaire [1839] et de Post-Scriptum [1854], Gallimard, coll. L’Imaginaire, traduction et préface de Pierre Leyris, 2002)
Voight Kampff, More Human than human, Robot Bleu, mai 2012, 6€ franco de port à l’adresse de Robot Bleu, 67, descente de cap coz, 29170 Fouesnant, France
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