Course à pied Pig and Run à Merlevenez : un show cochon en Bretagne

pig run

Le 18 mai 2025, un dimanche matin parfumé au lisier, quelque part entre coureurs fluo, oreilles de porc en mousse et saucissons sous cellophane, la Bretagne a franchi un nouveau cap dans l’art de faire courir les foules : la « Pig & Run », une course à pied dont le premier prix n’est autre que… son poids en viande porcine. Récit haletant d’un cochon qui vaut de l’or mais suscite la controverse…

Ainsi se présente sur son site la Pig&Run, la course qui envoie du pâté :

Inspirée du marathon du Médoc, la 1ère course à pied nature et festive, proposée par les éleveurs de porcs bretons, combinera sport et festivités pendant 23.5 km*, sur les sentiers de la sublime Ria d’Etel en Morbihan :

  • Pour commencer, la Pig&Run se court déguisé ! (Un prix récompensera la plus belle tenue)
  • Un cadre authentique et atypique vous accueillera à votre départ et à votre arrivée : un élevage de porcs !  
  • Des ravitaillements animés et gourmands, à base de cochonnailles et de produits locaux, vous permettront de reprendre des forces tout au long du parcours,
  • La clôture des festivités se fera le midi autour d’un cochon grillé, auquel seront invités coureurs, supporters et bénévoles,
  • Et pour couronner le tout, les gagnants (meilleur temps Femme et meilleur temps Homme) remporteront leur poids en viande de porc ! Chaque finisher repartira évidemment avec un souvenir « cochon »

Préparation musculaire dès l’aurore : stretching, selfie et cochonailles

Dimanche 18 mai, il est 7h30 à Merlevenez, Morbihan. Dans l’air, une douce odeur d’ensilage et de saucisse sèche. Environ 500 dossards s’épinglent sur des maillots roses. Des joggeurs échauffent leurs quadriceps pendant que d’autres affinent leur museau en latex. Ici, le sport rime avec jambon. Bienvenue à la Pig & Run, une running-rillette de 23,5 km organisée par le Comité régional porcin de Bretagne.

Le départ se fait depuis l’élevage Le Blimeau. Un site Natura 2000, un décor de carte postale, et un parcours taillé pour la polémique : entre ria d’Étel, chemins côtiers et stations de ravitaillement à la saucisse sèche. Non, vous ne rêvez pas : ici, on court pour le cochon — mais aussi avec lui sur la tête.

Course sponsorisée par… le bacon

Parmi les partenaires officiels : le Crédit Agricole, Intermarché, Hénaff, et même le département du Morbihan (4 000 € déboursés pour « renforcer les liens entre les citoyens et la filière porcine », si, si). En tout, 500 coureurs, plus de 180 bénévoles, et un dress code qui frôle le délire animalier : pattes en lycra, t-shirts rose jambon, et oreilles en mousse obligatoires.

Kathia Guilletomo, 39 ans, pose avec son museau rose pour immortaliser le moment : « On est là pour la charcuterie », glousse-t-elle. En face, un marathonien du Médoc a troqué son déguisement de raisin pour une corne de licorne : « J’ai entendu dire que c’étaient des élevages à taille humaine », explique-t-il, visiblement peu au fait des 1 000 porcs d’engraissement bien cachés du site d’accueil.

Charcuterie, polémique et bière pression

Côté ravitaillement, la gastronomie tient lieu de carburant. Les coureurs s’arrêtent pour une huître, un saucisson, une lampée de bière. On aurait presque envie d’abandonner la ligne d’arrivée. À la mi-course, une petite chapelle au bord de l’eau accueille les coureurs. On y distribue des fruits secs, de l’eau, et surtout du boudin.

Mais dans cette ambiance presque trop joyeuse, le ver est dans le lard : associations environnementales, pétitions, ONG, tout le monde ne trouve pas l’initiative aussi croustillante que les rillettes proposées à midi.

Laurent Le Berre, d’Eau & Rivières de Bretagne, fustige une opération de com’ pour maquiller un secteur très polluant : « Le parcours passe en zone sensible, Natura 2000. Et pendant ce temps, la justice demande à l’État de lutter davantage contre les nitrates et les algues vertes… »

Et il n’a pas tort : derrière les selfies en groin, la Pig & Run s’inscrit dans une guerre de l’image. Le lobby du cochon ne lâche rien. Après la Pig Parade de 2015 (oui, un concours de sculptures porcines…), voici le run sauciflard. En face, une pétition lancée par une Rennaise, Livie Chatelais, dépasse les 35 700 signatures (le lien est ici). Un record régional depuis janvier.

À l’arrivée, un cochon, son poids, et un peu d’absurde

Le vainqueur repart donc avec son poids en viande de porc. Oui, oui. On pèse le champion, on le multiplie par du filet mignon, des côtelettes et du pâté. Pour les perdants ? Une casquette, une photo avec la mascotte et probablement un léger mal de ventre.

Mylène Hillion, 38 ans, venue encourager sa cousine éleveuse, témoigne : « Elle fait tout pour le bien-être animal ». Un propos sincère, mais difficile à entendre sous les slogans du lobby : « Fiers de nos cochons », « Courons pour le gras du terroir », « Un pas pour le lard, un bond pour la Bretagne. »

Postface au pied levé

Dans une époque où chaque initiative agroalimentaire est scrutée à la loupe, la Pig & Run navigue entre opération de com’ habile et performance d’absurde breton. Un peu comme si on courait pour Nestlé dans une source naturelle mais filtrée… Entre le rose des maillots et le vert des algues, la Bretagne choisit… les deux. Et court dans la gadoue, le nez en groin, avec fierté et humour.