Nicolas Dequin photographie la scène des musiques électroniques rennaise depuis 2015. Autodidacte devenu professionnel, il s’est d’abord fait connaître pour ses clichés d’événements. Début 2022, il livrait un nouveau projet intitulé Artistes rennais, dans lequel il tire le portrait de treize DJ du cru dans des lieux bien connus des Rennais. Dans le cadre du Made festival, à Rennes, dont il est le photographe officiel, il propose une exposition de cette série au bar Lalouperie, du 20 mai 2022, jour de vernissage en musique, au 29 juin. Rencontre.
Le photographe Nicolas Dequin présentera sa première exposition personnelle au bar Lalouperie, 99 rue Jean Guehenno à Rennes, à partir du 20 mai 2022. Installé à Rennes depuis 2015, le Douarneniste s’est fait un nom sur la scène rennaise de musique électronique grâce à ses clichés d’événements, de plus en plus travaillés avec les années. Cette première, restitution de son projet Artistes rennais, est l’occasion de revenir sur son parcours d’autodidacte et sa pratique, aujourd’hui professionnelle, de la photographie, en particulier dans le domaine de la musique.
L’œil du Penn Sardin
C’est en 2012 que Nicolas Dequin se voit offrir son premier boîtier d’appareil photo. Par pur plaisir, il s’amuse alors à se balader dans Douarnenez et ses alentours, des après-midi entières, inspiré par la beauté de la région. « Ce qui m’intéressait, c’était de photographier Douarnenez, ses paysages, ses côtes, son port, la mer, la pêche, etc. J’y ai fait mes armes, c’est là que j’ai appris à maîtriser le rapport à la lumière, à quelle heure aller shooter, le cadrage, la ligne d’horizon et à travailler sur des détails comme les filets de pêche ou la texture des pierres », témoigne le photographe.
Reste de cette période la série Douar An Enez, déjà composée de formidables clichés de la cité Penn Sardin et amenée à s’enrichir encore avec les années. Ce n’est sans doute pas un hasard si Nicolas Dequin, désormais professionnel, a été récemment embauché par Tourisme Bretagne en tant que chargé de contenu multimédia. Garant de la bonne image de la Bretagne, son rôle est notamment de fournir photos ou vidéos de lieux ou d’activités afin de dynamiser l’image de la région.
Depuis ses débuts sur le port de Douarnenez, Nicolas Dequin a varié sa pratique de la photographie, comme en témoignent les différentes séries visibles sur son site Internet. Il y laisse apparaître des centres d’intérêt éclectiques. Oceanos regarde la mer depuis les côtes bretonnes. Terre nourricière s’intéresse à la permaculture, Honey à l’apiculture. Dans la rue nous plonge dans les manifestations contre la loi sécurité globale. Chaydæn nous embarque en séjour en Thaïlande, tandis que Rennes des villes nous fait apprécier la beauté de la capitale bretonne. Il s’essaie même au “corporate” avec Immobilier, bien que plus à son aise dans les lieux à vocation culturelle comme Le Salon. Il était d’ailleurs le photographe du festival des tiers-lieux Set Me Free à l’été 2021.
La musique dans les yeux
Car Nicolas Dequin est surtout connu à Rennes pour son soutien à la culture, et plus précisément à la scène des musiques électroniques et son esprit festif, aperçu dans la série Ode à la fête. Il est lui-même passionné par cet univers, DJ à ses heures perdues, et membre de l’association O’Rheun, qui organise un festival annuel à Douarnenez. C’est ce milieu qui l’a dirigé vers la photographie professionnelle, après son installation à Rennes en 2015 et jusqu’à la création de son autoentreprise en 2019. Il commence par prendre des photos de façon bénévole pour les événements du collectif ÖND à l’Antipode, puis fait ses premiers contrats avec l’association Turtle Corporation.
Au-delà du plaisir des oreilles, photographier la musique se révèle un défi artistique de taille. Comment retranscrire un univers musical, a priori invisible, à travers la photo ? Plus que la musique en elle-même, son sujet, lors des prestations événementielles, est plutôt l’effet de la musique sur l’environnement humain, les émotions qu’elle réveille dans nos corps et sur nos visages, les décors ou les villages entiers qu’on dresse pour mieux l’apprécier. Il le cherche, cet effet, par des prises de vue en rafales, afin de capter l’instant fatal. Il le débusque par un long travail de sélection et de postproduction qui en révèle l’éclat.
« Ce que je recherche dans les prestations événementielles, ce sont les jeux de lumière, passer du clair à l’obscur, saisir les changements d’environnements subtils, mettre une personne en évidence dans un contexte de foule, chercher l’émotion et le partage chez les gens qui dansent de façon complètement libérée », explique Nicolas. La scénographie déployée lors des événements est souvent une solide alliée, elle qui permet de décliner des mises en scène photographiques dans la mise en scène scénique. Le jeune photographe se rappelle avec émotion sa découverte du travail de la scénographe Sarah Stefani à l’Antipode : « ça m’a bluffé de pouvoir capter des images de ses décors mis en contexte avec des gens, de la musique ».
Plusieurs années de pratique permettent à Nicolas Dequin d’affiner sa patte sur les photographies d’événement. Il doit beaucoup au travail d’Axel Fontaine (FTNE) pour l’Organisme Texture, désormais résident du club Warehouse à Nantes, qui l’a enthousiasmé à ses débuts et continue de le laisser admiratif aujourd’hui. « Ses photos font toujours sens par leur construction, leur enchaînement, le témoignage qu’elles donnent d’une soirée », commente Nicolas. Dans un tout autre registre, Nicolas est aussi très féru de l’œuvre de Jean-Charles Pieri, spécialisé au départ dans la photo de sports extrêmes, mais auteur également de magnifiques clichés animaliers. « C’est quelqu’un qui partage beaucoup ses connaissances, même si on n’exerce pas dans les mêmes domaines, je me suis énormément inspiré de son travail sur la colorimétrie », précise Nicolas.
Cette évolution dans son exercice a permis à Nicolas d’avoir de plus en plus de demandes de prestations. Il est un des photographes du festival de sensibilisation Réveille ta moelle à Rennes, dont il est désormais porte-parole, et avait à ce titre déjà partagé une exposition avec Laura Parize. En novembre 2021, il était le photographe officiel du Made festival. Il assure la même mission pour l’édition de mai 2022, et fête par la même occasion sa première exposition personnelle, restitution du projet Artistes rennais.
Une aventure de portraits
Le 6 décembre 2021, le gouvernement annonce une nouvelle fermeture des clubs et salles de concert. Nicolas Dequin se trouve une fois de plus mis à l’arrêt forcé. Il en profite alors pour lancer un chantier qui lui trottait en tête depuis un moment, faire des portraits des artistes qu’il photographie d’habitude dans un contexte festif. Le projet est motivé par de régulières demandes d’artistes désireux de se doter de photos professionnelles pour leur promotion. Car, de la même manière que les photos d’événements servent de vitrines aux structures organisatrices, la photo est, presque paradoxalement, un moyen privilégié de communication pour les musiciens et musiciennes, non seulement auprès des professionnels, mais aussi du public. « Les réseaux sociaux prennent une importance tellement considérable dans le monde de l’événementiel, de la musique, de l’artistique, que la photo aujourd’hui est ce que retiennent en priorité les gens », suggère Nicolas.
L’objectif du projet Artistes rennais sera alors de fournir du matériau de communication à des artistes locaux en développement. Mais pour Nicolas Dequin, il inclut aussi un défi artistique à la fois stylistique et technique, celui du portrait, auquel il s’essayait pour la première fois. « Je voulais sortir de l’image convenue d’un DJ derrière ses platines », explique-t-il. « Je changeais donc complètement d’environnement et de méthode de travail, notamment dans l’identification des lieux et la construction artistique qu’il fallait penser en fonction de l’univers musical de chaque artiste », poursuit-il. Et pour bien faire, Nicolas engage un partenariat avec la marque Canon, qui lui confie du matériel de pointe : le dernier boîtier hybride R6 ainsi que deux objectifs (24-70mm et 70-200mm pour le détail).
Vient ensuite le moment d’identifier des lieux et de planifier les shootings pour les 13 artistes qui participeront au projet. Préparés, chronométrés, ce sont trois jours intenses à parcourir la ville auxquels s’attaque Nicolas Dequin. Première étape aux Champs libres, en compagnie du DJ Do Joad et de l’artiste live Threat Level Midnight, tous deux membres du collectif Turtle Corporation. La seconde journée est dédiée aux DJ et producteurs Bubs et Jankev. Nicolas passe par la terrasse de la crêperie Bretone avec le premier, puis au Teraï Café et à Citron, café et atelier de réparation de vélo. La troisième et dernière journée est l’occasion d’un grand chelem pour Nicolas. Rendez-vous est donné à 9 h au duo de DJ Valise, sur le tarmac de l’aéro-club de Rennes. Puis, direction le parc du Thabor pour rejoindre les artistes du collectif ÖND : Vanadis, Eendracht (et son nouveau complice Speechmaker), M. Bleiz, Owghost, Täqt et Capon. Avec cette fine équipe de DJ, producteurs et productrice, Nicolas déambule dans la ville, s’arrêtant au bar Nakama, pour conclure avec le coucher du soleil aux alentours de la gare. Éreinté par ces trois folles journées, Nicolas range son appareil sous les applaudissements du collectif, le premier qui lui avait donné sa chance en tant que photographe.
Après un travail de sélection et de traitement à partir des 4 552 clichés récoltés en trois jours, Nicolas Dequin fait une première restitution de ses Artistes rennais sur les réseaux sociaux, en plusieurs semaines. Chaque livraison est l’occasion pour le photographe d’écrire un récit du shooting. « Je voulais inclure le public dans ce qu’on avait vécu, eux en tant que modèles, moi en tant que photographe », commente-t-il. Il en profite aussi pour dévoiler son travail de postproduction au travers de stories Instagram qui montrent l’avant et l’après de certains clichés, pour « apporter un côté formateur en montrant les dessous du travail de photographe ».
S’échappant enfin de nos écrans, ce travail sera exposé au bar Lalouperie, dans le cadre du Made festival à Rennes. En compagnie du photographe et de ses sujets, le vernissage aura lieu le 20 mai 2022, profitant d’un événement organisé par le collectif et label OSS Records. L’exposition restera visible jusqu’au 29 juin.