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EVERYTHING WAS BEAUTIFUL AND NOTHING HURT OU L’APOCALYPSE SELON MOBY

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Le chanteur New-Yorkais multi instrumentiste Richard Melville Hall, alias Moby, revient avec un nouvel album Everything was Beautiful and Nothing Hurt. L’ensemble mêle musique électronique, trip-hop et gospel dans une tonalité assez grave, sombre en faisant le constat objectif du dérèglement climatique, de la paupérisation et de la souffrance animale. Moby est vegan depuis longtemps et tous les profits de son nouvel album seront reversés à des associations qui luttent pour les droits des animaux.

Le disque s’ouvre avec le titre Mere Anarchy, le chanteur y évoque la passivité des hommes devant la dégradation de notre environnement : « For a long time we stayed down, and all we said was sleep alone, watch the city fall, with those eyes so low, watch the sunlight, watch it go, watch the storm rise, watch the storm fall, watch the storm rise, I watch the storm fall ». Musicalement, l’orchestration électronique minimaliste composée de beats lents et de nappes de synthés développe un climat sombre et froid. La voix de Moby et son expression dans le clip affichent également une forte gravité en phase avec la thématique du morceau. Ce titre d’introduction annonce une couleur sonore assez homogène entre les 12 pistes de cet opus. Une ambiance plutôt éloignée de certains morceaux dansants de l’album Play sortit en 1999 (ce disque comprenait aussi quelques titres mélancoliques comme le morceau Why does my heart feels so bad ?)

moby everything was beautiful nothing hurt

Cependant, les éléments musicaux de Everything Was Beautiful and Nothing Hurt ont tout de même une profonde familiarité avec ceux des précédents albums du descendant de l’écrivain Herman Melville (d’où son surnom en référence au livre Moby Dick). On y retrouve des chœurs gospel, des rythmes down tempo, le chant de Moby en parler-chanter se rapprochant du genre hip-hop notamment sur le très beau et poignant morceau This Wild Darkness.

moby everything was beautiful nothing hurt

Le style trip-hop crée au début des années 90 dans la région de Bristol en Angleterre est un mélange de hip-hop, de musique électronique et de soul pour citer les principaux éléments. Les groupes Massive Attack et Portishead, pionniers de ce courant, ont influencé bon nombres d’artistes dont Moby, Morcheeba, Björk entre autres… Un morceau plus rock, hypnotique au rythme martial Like a Motherless Child alterne scansion rap et chant féminin interprété par Raquel Rodriguez et traite du sentiment d’insécurité et de la misère affective.

En dehors de ces 3 titres, les morceaux sont plus atmosphériques, on y entend du trip hop planant et envoutant rappelant les premières compositions du groupe Morcheeba avec des boucles de guitare blues comme sur le morceau final A Dark Cloud is Coming. Le titre The Waste Of Suns est tout aussi lent mais rythmiquement accrocheur, les lancinantes voix féminines se marient bien avec le chant de Moby qui est mis en retrait comme sur le morceau Welcome to Hard Times.

moby

Vous l’aurez compris : Everything Was Beautiful and Nothing Hurt est mélancolique, mais beau et apaisant. L’interprétation des textes touche l’auditeur par sa tonalité grave et profonde. Comme le disait Victor Hugo, “la mélancolie c’est le bonheur d’être triste”, certains y trouveront donc certainement leur compte.

Tracklist : Mere Anarchy – The Waste Of Suns – Like A Motherless Child – The Last Of Goodbyes – The Ceremony Of Innocence – The Tired And The Hurt – Welcome To Hard Times – The Sorrow Tree – Falling Rain And Light – The Middle Is Gone – This Wild Darkness – A Dark Cloud is Coming

Moby Everything Was Beautiful and Nothing Hurt – Mute Records – 2 mars 2018

CINÉACTIONS, UN FESTIVAL DU CINÉMA ENGAGÉ A RENNES

Du 24 au 30 mars 2918, de nombreuses associations organisent des projections-débat, dans le cadre de la deuxième édition du festival rennais Cinéactions. Des films et événements gratuits, qui veulent porter les valeurs de l’éducation populaire.

Le générique de fin défile sur l’écran, au rez-de-chaussée de l’Union Départementale de la CGT à Rennes. Dans la salle, la trentaine de spectateurs reste un moment silencieuse. Le film projeté, les Sentinelles, retrace les combats des travailleurs confrontés à l’amiante ou aux pesticides pour que leur soit enfin rendue justice. « On ne peut pas regarder ça sans émotion », insiste une femme qui prend la parole. Face au public, le docteur Jean-François Deleume répond aux questions. Engagé aux côtés des salariés de la coopérative bretonne de Triskalia, malades à force de respirer les pesticides, il connait bien ces enjeux. Les débats continuent pendant plus d’une heure trente, jusqu’au pot final, servi par le syndicat.

Du 24 au 30 mars, le festival Cinéactions projette 20 de ces films à Rennes, principalement dans le quartier du Blosne et de ses environs. Des projections qui sont toutes suivies de débats. « On veut faire de l’éducation populaire, pour alimenter la démocratie locale », explique Yves Juin. Ancien syndicaliste à la CGT, le retraité est à l’origine de ce festival de cinéma engagé, lancé pour la première fois en 2017. Il résume ses objectifs en deux points : « Premièrement, montrer qu’il y a des alternatives. Deuxièmement, créer du lien social. »

cineactions

RASSEMBLER LES ASSOCIATIONS AUTOUR DE PROJECTIONS-DÉBATS

Militant très investi sur le Blosne, il y avait initié un forum social des quartiers. « On faisait toutes les semaines des débats, sur la politique de la vie, l’écologie, les médias… », se souvient-il. Mais le collectif qui organise ces débats à ses côtés veut changer de forme pour fuir cette routine. Yves Juin contacte alors d’autres associations pour organiser collectivement des ciné-débats. « Chacun faisait ça séparément, dans son coin », explique-t-il.

Au Forum Social des Quartiers se joignent alors ATTAC Rennes, le collectif Les Jours Heureux, l’Association France Palestine Solidarité, la Ligue des Droits de l’Homme, l’union locale CGT, l’Allumette, l’Amicale Sports Loisirs du Blosne. Parmi ces associations, une quinzaine de personnes représentent le noyau dur de l’organisation, qui a préparé, pendant six mois, ces différents événements.

Après une première année à « essuyer les plâtres », comme l’explique l’ancien syndicaliste, cette deuxième édition veut mettre la libération de la parole en avant. Tous les films projetés sont liés par un thème commun : « ils-elles prennent la parole ». « Avec les cinquante ans de mai 68, Nuit Debout, les lanceurs d’alerte, le mouvement Me Too, le sujet est d’actualité », explique Yves Juin. De la place des femmes dans les grèves aux questions écologiques, en passant par le quotidien des ouvriers de PSA ou celui des Palestiniens, les sujets balayés à partir de ce thème sont larges. Et invitent au débat.

UN FESTIVAL D’ÉDUCATION POPULAIRE

C’est justement là le but recherché. « Les débats sont souvent similaires, convenus », déplore Yves Juin. Ce festival vient changer les choses selon lui. La veille, toutes les personnes avaient pu prendre la parole, et les échanges se sont poursuivis jusqu’à… 23h. Avec la projection du film « PSA La Janais, la colère et le silence », des ouvriers comme des ingénieurs de Peugeot-Citroën ont pu débattre des suppressions d’emplois dans l’usine rennaise.

C’est que, dans les différentes salles du festival, le public est varié. Les organisateurs tiennent à la gratuité de l’événement – sauf pour le cinéma l’Arvor. « L’année dernière, on avait fait un rapide sondage dans les salles, se souvient Yves Juin. Plus de la moitié des personnes qui venaient n’étaient pas allées au cinéma le mois précédent : ils viennent parce que c’est gratuit. » Seule une participation volontaire est demandée, et les spectateurs donnent en moyenne deux euros. De quoi donner, malgré tout, un petit coup de pouce à l’organisation du festival, qui demande surtout un soutien des associations partenaires et reçoit une aide de la municipalité.

En quatre jours, plus de 400 personnes se sont déplacées pour voir ces films, et débattre tous ensemble. L’ancien syndicaliste s’en félicite. Mais il y voit surtout un signe que la parole se libère, et que les choses évoluent. « Il y a quelque chose qui change dans la société, mais qui manque de débouché politique », souligne-t-il. A défaut de pouvoir offrir ce débouché, ces projections s’ancrent pour lui dans un combat culturel. « Une bataille culturelle par l’éducation populaire », ajoute-t-il.

Prochaines projections :

JEUDI 29 MARS
Centre social des Champs Manceaux, 17h : La Fille de Brest, d’Emmanuelle Bercot.
Projection suivie d’un débat avec Patrick Wiener, médecin
Le Panama, 19h : Ce n’est qu’un début, de Michel Andrieu, suivi du Joli mois de mai, de Jean-Denis Bonan, Renan Pollès, Natalie Perrey.
Projections suivies d’un débat avec Francis le Hérissé et Yves Juin.
Carrefour 18, 20h : Discount, de Louis-Julien Petit
Projection suivie d’un débat avec l’association Breizhicoop et les glaneurs rennais
L’Arvor, 20h : Quand les murs parlent, suivi de Ghost Hunting, de Raed Andoni
Projections suivies d’un débat avec l’association France Palestine Solidarité.

VENDREDI 30 MARS
Carrefour 18, 18h : Caravane Touareg, de Marlène Rabaud et Arnaud Zajtma.
Projection suivie d’un échange avec le réalisateur Arnaud Zajtman et Ousmane Ag Oumar, guitariste du groupe Tartit.
Apéro dinatoire à 20h, suivi d’un concert avec le groupe l’Arti-Show et le guitariste Ousmane Ag Oumar.

JEUDI 19 AVRIL
L’Arvor : Inspecteurs du travail, une rencontre, de Jean-Pierre Bloc
Projection suivie d’un débat avec le réalisateur (sous-réserve) et des inspecteurs du travail.

Le programme du festival est à découvrir ici.

W.I.T.C.H.E.S CONSTELLATION, LATIFA LAÂBISSI AU TRIANGLE

Avec le spectacle W.i.t.c.h.e.s Constellation, la chorégraphe et danseuse Latifa Laâbissi présente Ecran Sombambule et Witch Noises, tirés de sa collection de sorcières. C’est à la Cité de la danse de Rennes, le Triangle, les vendredi 30 à 20h et samedi 31 mars à 19h30. Entretien.

witches constellation latifa laabissi le triangle

Après des études au Conservatoire classique, Latifa Laâbissi a étudié au Studio Cunningham à New-York où elle a appris les rouages de la danse abstraite américaine. Danse conceptuelle où le visage et le récit sont mis de côté dans une volonté esthétique.

Intéressée autant par les pratiques urbaines que par les danses d’expressions, la chorégraphe redéfinit les formats et bousculent les codes – en bonne voie vers l’académisme ? – de la danse contemporaine. Sa pratique mêle les genres et se développe dans un décor anthropologique où se dessinent des histoires, des figures et des voix. La voix et le visage deviennent alors des outils indissociables de l’acte dansé et le corps le support privilégié de toutes métamorphoses.

Depuis un an maintenant, Latifa Laâbissi a posé ses valises au Triangle, la Cité de la danse, pour une résidence d’artistes associés qui court sur trois ans, de 2017 à 2019. «C’est une maison vraiment très riche dans la diversité de ce qu’elle met en place. Tout n’est pas programmé pour trois ans, des projets s’inventent au fil des rencontres. – Explique la chorégraphe – La maison a l’intelligence de savoir créer des choses sur le long terme mais elle sait être réactive également face à des choses plus impromptues».

Avec le spectacle W.i.t.c.h.e.s Constellation, elle revisite la pièce majeure de l’expressionnisme allemand, La danse de la sorcière de Mary Wigman (1926).

Unidivers : Dans Écran Somnambule, vous reprenez Hexentanz de Mary Wigman (1926). C’était une danse extrêmement contemporaine pour l’époque. Comment vous l’êtes vous appropriée dans le contexte de la danse contemporaine d’aujourd’hui ? Répond t-elle toujours aux mêmes problématiques ?

Latifa Laâbissi : Elle a toujours son potentiel subversif pour moi. En ça, je trouve que cette danse est un peu hors temps. La danse es très transformée vu que le temps est étranglé, on passe de 1’30 à 32′, ce qui est extrême comme extension. C’est Hexentanz sans l’être. C’est exactement la même partition mais dans une temporalité qui fait voir la danse à la loupe et redessine en même temps un autre récit. C’est ce choc temporel qui m’intéressait. Cette figure a été un ovni total pour l’époque. Que ce soit dans les arts visuels ou le cinéma, de jeunes personnes connaissent Mary Wigman et veulent en savoir plus sur cette danse. Qui est Mary Wigman ? Qu’est-ce que cette danse ? Il y a une puissance à l’œuvre toujours aussi présente.

Je l’ai fait dans des contextes bien différents, avec des enfants, au Freud Museum à Londres et en Allemagne dans un milieu plus queer. J’aime ces différentes couches, ces différentes histoires. Ce n’est pas le même public et à chaque fois, c’est une tout autre perspective. Cette figure est polysémique et c’est ce qui est passionnant. C’est la visée de la sorcière comme subversive, très politique et féministe. A partir de cette danse, ça m’a intéressé de construire une sorte de collection de sorcières.

Unidivers : Le deuxième spectacle Witch Noises est en effet une reprise de La danse de la sorcière mais cette fois transmise par Mary Anne Santos Newhall.

Latifa Laâbissi : On a qu’une archive de 1’30 d’Hexentanz mais Mary Newhall a appris la danse de Mary Wigman en entier. Elle était l’élève d’une danseuse de Wigman, Hanya Holm. C’est une sorte d’enquête presque archéologique, elle a appris le solo par elle mais ça fait des années. C’est transmis par un tiers, qui le transmet à nouveau et ainsi de suite. Je ne fétichise pas mon rapport à cette danse mais le fait qu’à plusieurs générations, des femmes l’ont apprises et en ont fait quelque chose m’intéresse. Je m’intéresse beaucoup à des danses japonaises, pas dans la tradition, plus via Hijikata Tatsumi, un danseur de buto. Il ne parle pas vraiment de danse de sorcières mais de demons ce qui est un peu semblable. Il était très connecté avec la danse de Mary Wigman, des liens se forment.

U. : Vous avez déjà fait référence à Mary Wigman dans Phasmes (2001), comment en êtes-vous venus à travailler sur la danse de la sorcière ?

L. L. : Je viens d’une toute autre école, j’ai étudié dans un conservatoire classique et ensuite au studio Cunningham aux États-Unis. Tout en étant formée là, j’ai toujours été intéressé par les danses dites d’expressions, que ce soit du côté du Japon ou de l’Allemagne. J’aime ces danses qui ne renoncent pas au récit. J’ai vu pour la première fois la danse de la sorcière au Conservatoire. C’était à côté de tout ce que j’avais fait. Mary Wigman est une icône dans l’histoire de la danse donc je ne m’autorisais pas à apprendre la danse même si j’en avais très envie.

Le quatuor Albrecht Knust, compagnie d’artistes contemporains, s’est intéressé à pleins d’œuvres du répertoire de la danse allemande, américaine et autres. Ils faisaient un travail extrêmement scrupuleux sur les partitions. Ça m’a donné une forme de légitimité. L’art n’est pas un deus ex machina, il y a des inspirations, des couches d’histoires et c’est justement intéressant de reformuler les choses. Je trouve ça passionnant de jouer avec le passé et le présent, de créer un choc temporel.

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Adieu et Merci, 2013

Ecran Sombambule est une commande de Boris Charmatz qui lui même travaillait à partir de Hijitaka Tatsumi. Dans un de ses textes La danseuse malade, Hijikata dit que la chose qui le met au travail dans la danse c’est d’étrangler le temps à l’extrême. Boris Charmatz a proposé à trois chorégraphes de ralentir une pièce qui existait dans son répertoire. Il y avait déjà ce rapport au temps dans mon répertoire, dans Self Portrait Camouflage ou dans Adieu et Merci. En discutant avec Boris, un peu pour rire, je lui ai dit que l’extrême serait de ralentir la pièce la plus courte que je danse, Hexentanz. C’était un vrai défi. Pour m’aider, j’ai donné la musique à un ingénieur du son en lui demandant d’étirer le temps avec les machines électroniques. Il m’a donné trois versions : 10′, 17′ et 32′. Dans la dernière version, on reconnaissait la musique mais c’était aussi la plus étrange c’est donc celle que j’ai choisi. Apprendre la même chorégraphie et l’étirer sans rien rajouter était très compliqué à certains moments mais ça m’a réellement passionné. Ce n’est pas seulement se dire qu’on ralentit le temps, c’est une reconfiguration de l’imaginaire.

U. : L’imaginaire semble une part importante dans W.I.T.C.H.E.S Constellation, quels ont justement été les choix scénographiques ?

L. L. : Nous étions d’accord avec Nadia Lauro, avec qui je travaille depuis longtemps, que la scénographie n’était pas nécessaire pour ce spectacle. Je lui ai commandé le costume d’Écran Somnambule. Le costume et le masque sont très particuliers, c’est un travail extrêmement précis et il n’y a besoin de rien d’autre. Dans la deuxième pièce, il y a le travail live du musicien Cookie. Sa place est vraiment scénarisée, scénographiée même.

On a décidé de faire le spectacle dans la grande salle du Triangle qui est un peu impressionnante. Elle est très bien faite, il y a un rapport de regard scène-salle qui est absolument génial. Yves Godin se charge du travail lumière, c’est vraiment de la dentelle. C’est une des rares personnes qui essaie d’enregistrer le moins possible et de faire à la main au moment du spectacle. Il a sa console et fait du sur mesure même si parfois il est obligé d’écrire parce qu’il doit transmettre la régie lumière à une autre personne. Pour lui, ce n’est pas un lieu parmi d’autres, la lumière est adaptée à la salle du Triangle. C’est toujours le cas mais je tiens à insister parce que c’est quelqu’un qui a une attention et une finesse particulière.

La lumière rajoutera la dimension scénographique, un climat, une épaisseur. On a parfois l’impression qu’elle lévite. C’est sur la lumière que tout va se jouer, la possibilité de plonger dans un imaginaire. Pour ce spectacle, on a vraiment besoin d’un imaginaire autour de cette figure qui puisse se décrocher du théâtre.

U. : Une dernière, vous êtes candidate pour la direction du Centre National Chorégraphique – Musée de la danse. Comment envisagez-vous cette opportunité ?

L. L. : Le Musée de la danse est le projet de Boris Charmatz donc il part avec. Je suis en effet candidate avec Fanny de Chaillé pour le direction du Centre National Chorégraphique. Le fait que dans l’appel à projets il y ait la possibilité de postuler à plusieurs était pour moi très important. Selon moi, ces lieux réclament une forme d’alliance avec d’autres. C’est vraiment l’idée de collaborer avec un autre artiste qui me plaisait. La résidence au Triangle a aussi joué parce qu’il y a son propre travail, la façon dont il est visible en France et à l’étranger, c’est important mais ça ne doit pas être au détriment d’un projet pour sa région. On le disait tout à l’heure, une œuvre existe dans un contexte bien précis. Ce lieu est dans un contexte bien précis, dans une région avec une communauté d’artistes bien présente. C’était passionnant d’écrire le projet en considérant ces deux aspects là, l’aspect national et international avec nos travaux mais aussi de considérer le projet au niveau de la région.

Il y a aussi le fait que Fanny ne soit pas de Bretagne alors que moi si. Elle a une vision extérieure, la mienne est plus implantée. C’est un peu le moment aussi parce qu’on est en bonne santé artistique, on a actuellement une visibilité internationale. C’est important dans le sens où on ne va pas dans un lieu pour s’abriter. C’est très important pour moi de ne pas attendre qu’un lieu soit la solution à tout.

C’est aussi très stimulant de passer après un très bon projet. Le projet du Musée de la danse est exceptionnel à pleins de niveaux. Certains disent que c’est inhibant mais je trouve qu’au contraire c’est ultra stimulant. C’est un bâton de relais, ça donne envie de se surpasser. Se dire le projet était génial mais qu’il faut peut être renforcer ça ou ça. Ca donne la force de réfléchir après un bon projet qui a donné un renommée et un aura internationale au lieu.

TARIFS

16€ plein
12€ réduit
6€ -12 ans
4€ / 2€ SORTIR !
PASS Triangle :
12€ plein
9€ réduit
7€ -30 ans
5€ -12 ans

Entretien avec LATIFA LAABISSI, Self portrait camouflage

MADELEINE CHARRU, « UN MANQUE D’ACCOMPAGNEMENT À LA CONVERSION EN AGRICULTURE BIO »

Ingénieure agro-économiste et présidente de l’association Solagro, Madeleine Charru intervenait ce vendredi 23 mars aux Champs Libres dans le cadre du forum Changer l’Économie. Elle revient pour Unidivers sur les enjeux d’une transition agricole vers le bio.

Vous êtes directrice de l’association Solagro. En quoi consiste votre travail ?

Madeleine Charru : En tant que directrice, je fais tout et rien ! Mon travail est surtout un travail de chef d’orchestre, pour animer le conseil d’administration et mettre en œuvre les activités. Cela fait 25 ans que je suis à la tête de ce projet, qui est devenu une vraie entreprise associative. On a maintenant 30 salariés, une importante activité de bureau d’étude… Mais les bénévoles restent très actifs au Conseil d’Administration.

Notre objectif est d’imaginer, promouvoir et accompagner les transitions énergétiques, agricoles et alimentaires. En 1981, à notre création, c’était assez hérétique. Avec notre scénario After2050, l’association veut prouver qu’il est possible de nourrir tout le monde, de produire de la biomasse, et d’avoir en même temps moins d’impact sur l’environnement, que ce soit en termes d’émissions de CO2 ou d’utilisation des ressources naturelles.

madelaine charru
MADELAINE CHARRU

Toutes ces questions pèsent sur l’agriculture aujourd’hui : il faut produire pour manger, mais sans réaliser trop de dégâts. Le mode de fonctionnement actuel n’est pas durable.  On surconsomme énormément, et ça génère beaucoup de problèmes de santé publique : obésité, diabète de type II, maladies cardiovasculaires… En plus de cela, on gaspille beaucoup : 190 kilos par personne et par an.

On peut imaginer que nous pouvons réduire ce gaspillage, revaloriser ce qu’on gaspille. Mais surtout, nous devons modifier notre assiette. On consomme deux tiers de protéines d’origine animale, et un tiers d’origine animale. L’association Solagro propose de faire l’inverse. Il faut beaucoup de kilos de végétaux – et donc d’hectares de terres agricoles – pour produire un seul kilo de viande. 80% des terres agricoles sont ainsi utilisées  pour les animaux, entre les pâturages et les terres nécessaires pour le fourrage. La production de viande produit aussi beaucoup de gaz à effet de serre, avec les ruminants. Ce modèle n’est pas tenable actuellement. En parallèle, les producteurs biologiques ont besoin de plus de place, parce qu’ils sont moins productifs.

Ce qui est vrai pour la France l’est aussi pour le monde. Quand le niveau de vie progresse, comme on l’a bien vu pour la Chine, les gens mangent plus de viande, et adoptent des régimes alimentaires proches de ceux des occidentaux. Mais si tout le monde mangeait comme nous, il faudrait plus qu’une planète pour nous nourrir… Il faut donc commencer par balayer devant notre porte.

L’agriculture biologique est présentée comme une solution d’avenir, mais quelle place occupe-t-elle en France aujourd’hui ?

Madeleine Charru : Aujourd’hui, elle ne représente que quelques pourcents de la production agricole, moins de 10%. C’est très peu pour l’instant, mais ça augmente vite.  Par contre, la consommation de produits issus de l’agriculture biologique a augmenté de 20% entre 2015 et 2016. Aujourd’hui, on consomme plus de bio qu’on n’en produit. Les magasins vont chercher les légumes en Italie, les céréales en Roumanie… La production n’arrive pas à suivre la consommation.

Pourquoi la consommation de bio augmente-t-elle aussi rapidement ?

Madeleine Charru : Les consommateurs ont envie de savoir ce qu’ils mangent, et il y a une prise de conscience environnementale : c’est notre santé qui est touchée, mais aussi celle de l’eau, celle des sols…  Les travaux scientifiques ont montré l’impact des pesticides sur la santé, à commencer par celle des agriculteurs. Ainsi, dans le Médoc, il  y a une conversion en bio incroyable, parce qu’une étude de la MSA [la sécurité sociale agricole] a montré un taux de maladie très élevé lié aux pesticides dans la vigne.  A Rennes, il y a beaucoup d’initiatives également, pour protéger les cours d’eau. Tout le monde s’aperçoit qu’on s’est un peu empoisonnés, qu’on a empoisonné les insectes, les oiseaux. Il y a longtemps que certains scientifiques le disent, mais la prise de conscience est désormais populaire et générale.

Mais malgré il y a trop peu de paysan en agriculture biologique…

Madeleine Charru : Ce n’est pas si facile que ça de se convertir en bio, et il y a peu d’accompagnement pour le faire. Pour l’accompagnement budgétaire, il existe des aides européennes à la conversion. Mais il y a eu tellement d’agriculteurs à passer au bio que les lignes budgétaires dédiées ont été rapidement consommées. Surtout, il y a peu d’accompagnement technique. Les chambres d’agriculture et les coopératives ne sont pas en mesure d’accompagner les conversions, soit par manque de connaissance technique, soit parce que cela ne les intéresse pas. Ce n’est pas dans l’intérêt de tout le monde de défendre le bio…

Comment faire, donc, pour que cela se développe davantage ?

Madeleine Charru : Il y  a diverses façons de faire. Il est possible d’accompagner les agriculteurs, et de valoriser ceux qui s’y sont mis pour montrer que ça marche. Les agriculteurs sont assez opérationnels, ils aiment bien voir pour croire. Si nous montrons que des gens comme eux s’en sortent bien en bio, cela peut faire tâche d’huile. Alors nous essayons de mette en valeur les pionniers. C’est ce que nous avons fait sur notre site OSAE [Osez l’Agrio-Ecologie, ndlr] : ce sont les agriculteurs qui y parlent directement aux autres agriculteurs. On organise aussi des rencontres, surtout en Midi-Pyrénées et aux alentours.

Mais si on veut que cette situation change, il faut que tout change en même temps. Un agriculteur aura du mal à changer tout seul. Si la coopérative locale n’achète pas de bio, il ne saura pas quoi faire de sa production. Il faut aussi que les choses changent au niveau de l’agrofourniture. Une mesure d’Emmanuel Macron va être mise en place pour aller dans ce sens : il s’agit de séparer les fonctions de conseil et de fournisseur aux agriculteurs. Mais pour que cela soit effectivement mis en place, il faut que les coopératives aient un intérêt à le faire. Il faut qu’elles comprennent qu’elles peuvent créer de nouveaux métiers, pour conseiller et accompagner les agriculteurs.

Déjà les choses bougent un peu, grâce à la demande. Il y a une coopérative qui faisait quelques légumes secs bio. Ils ont eu une telle demande qu’ils ont mis en place des centres de triage, et passé des contrats avec les agriculteurs locaux. Cette demande venait d’abord d’Allemagne. Maintenant, elle est française, avec les Biocoop par exemple. Ce qui est intéressant, c’est que chacun avec ses achats peut influencer suivant ce qu’il met dans son panier. A terme, ça peut faire bouger les choses.

 agriculture bio

Mais avec cette demande, l’agriculture bio évolue aussi parfois vers une agriculture plus industrielle, au risque de renier ses propres valeurs originelles…

Madeleine Charru : Est-ce qu’il faut lutter contre ? Il vaut mieux du bio industriel que du non bio industriel… même si ce n’est pas ce qu’on promeut. Pour nous, le modèle de l’agriculture familiale doit évoluer, pour aller vers des modèles coopératifs. Mais est-ce qu’il y a assez d’agriculteurs pour ça ? C’est encore un autre problème.

La question du libre-échange pèse aussi sur l’agriculture et l’alimentation. Les opposants au traité de libre-échange transatlantique s’inquiétaient de voir les normes sanitaires abaissées. Plus récemment, les agriculteurs se sont opposés à la signature d’un accord de libre-échange avec l’Amérique latine, grosse productrice de viande…

Madeleine Charru : Si j’étais ministre de l’agriculture je ne signerais pas ces accords. Mais je ne suis pas ministre ! Dans un marché ouvert, les agriculteurs français ne peuvent pas être compétitifs en faisant plus et moins cher. Parce que face à eux, il y a d’immenses latifundae… Par contre, ils peuvent se démarquer par la qualité, parce que la prise de conscience qu’il ne faut pas bousiller notre planète et notre santé est croissante.

Une des façons d’avancer dans ce sens de plus de qualité, ce sont les plans alimentaires territoriaux. Les pouvoirs publics ont un levier d’action à travers la commande publique, avec les cantines, les EHPAD… Avec ces plans ils regardent à leur échelle quels sont leurs besoins, pour voir comment les satisfaire au niveau local. S’ils disent : on veut du bio, on va privilégier les agriculteurs du territoire, ils peuvent lutter contre la mondialisation et permettre à ces agriculteurs de produire  correctement.

Cela va bientôt exister à Rennes, avec le plan alimentation durable. [D’ici 2020, la ville veut atteindre un objectif de 20% de produits biologiques en restauration collective, ndlr.] Solagro vient d’accompagner le Grand Clermont pour aller dans ce sens, les Hauts de France vont aussi faire un appel à projets… Et cela a des effets très concrets. Par exemple, si un territoire veut mettre du poulet bio dans les cantines scolaires, il va voir qui fait du poulet dans la région, et comment accompagner ces producteurs pour ce convertir vers le bio. Nous avons eu des expériences similaires pour mettre en place des ateliers de transformation qui utilisent du lait bio pour faire du fromage ou des yaourts. Cela permet une réorganisation à l’échelle du territoire, à travers une demande qui est identifiée est qui garantit le débouché, donc cela aide à la conversion…

 

CATHERINE CLÉMENT RACONTE INDU BOY POUR L’AMOUR DE L’INDE

Historienne, philosophe et écrivain, Catherine Clément a vécu plusieurs années en Inde. En 1984, avec Josée Dayan, elle rencontre Indira Gandhi, quelque temps avant sa mort, pour une interview au sujet des épouses brûlées vives par leur belle-mère pour une dot insuffisante. Cette dame minuscule au teint mat et au nez busqué impressionne par sa voix de colombe et sa sérénité.

Cette rencontre, sa profonde connaissance du pays et le témoignage en 2005 de Harbant Singh, ancien journaliste de confession sikh permettent à Catherine Clément de retracer le destin d’Indira Gandhi, fille unique de Nehru qui fut quatre fois Premier Ministre de l’Inde.

Indu a trois ans quand son grand-père, Motilal Nehru, brûle tous les vêtements fabriqués par les colons anglais pour ne plus porter que du coton filé et tissé en Inde. C’est le premier pas vers l’Indépendance qui transformera plus tard Indira en figure de Jeanne d’Arc.

Enfant solitaire, elle se veut garçon manqué pour intéresser Pandit Nehru, son père, diplômé de Cambridge, autoritaire et souvent absent, s’affranchir des sarcasmes de ses tantes qui pallient l’absence d’une mère atteinte de la tuberculose.

Indu Boy, en créant l’armée des singes avait déjà cette volonté de servir son pays. Elle ne voulait pas de mari mais, écoutant le Mahatma Gandhi, trouvait beau de mourir pour son pays.

En mars 1942, elle accepte d’épouser Feroze Gandhi, le meilleur ami de sa mère. S’accordant avec la règle du non-amour des mariages en Inde, elle trouve en Feroze le futur père de ses enfants. Pandit Nehru et Gandhi doivent calmer les esprits devant ce mariage entre une brahmane et un parsi.

« Ce mariage était une mésalliance progressiste qu’aucun des membres de la famille Nehru n’accepta de bon coeur. Si vous ne commencez pas par son mariage boiteux, vous ne comprendrez pas qui était Indira Gandhi. »

Indira voulait des enfants, elle aura deux fils, Sanjay et Rajiv. Très vite, le couple se désagrège. Feroze, délaissé par une Indira au service de son peuple cumule les aventures.

Il faut dire que le pays connaît de nombreuses difficultés, en partie liées à la partition irréfléchie des Anglais, notamment avec le Pakistan et le Tibet suite à l’Indépendance signée en août 1947.

Le Penjab, divisé arbitrairement entre l’Inde et le Pakistan est en ébullition. Puis la Chine envahit le Tibet.

En 1964, à la mort de Nehru, le congrès offre le poste de Premier Ministre à Indira. Elle refuse mais entre au gouvernement. Après la victoire de l’Inde dans la guerre du Pakistan et à la mort de Shastri, premier ministre, les vieux du Congrès pensent profiter de son nom en la nommant Premier Ministre. Mais la veuve qui se fait lapider lors de son premier discours parvient rapidement à se faire aimer de son peuple en allant au plus près des laissés-pour-compte.

« C’est ainsi que j’aime l’Inde quand je suis au milieu de ses déshérités. »

La proclamation de l’état d’urgence en 1975, les actions politiques controversées de son fils Sanjay, notamment l’arrestation d’opposants et la campagne de vasectomie, la mort accidentelle de Sanjay puis finalement l’attaque du temple d’or, haut-lieu de prière des sikhs dirigé par Bhindranwalé, un jeune gourou sanguinaire causeront sa perte.

Contre l’avis de tous, Indira tient à garder auprès d’elle ses deux gardes du corps sikhs. Le 31 octobre 1984, ils l’assassineront de plusieurs balles de pistolet-mitrailleur dans le jardin entre sa résidence et son bureau. Indira Gandhi aurait donné la liberté à son garde du corps sikh de lui retirer la vie quand il le souhaitait pour expier le massacre du Temple d’Or.

Catherine Clément est une écrivaine de grand talent. En deux-cent pages, elle tisse les grands évènements politiques de l’Inde et la vie familiale des Nehru. Dynamisant son récit avec les coutumes d’un pays qu’elle connaît parfaitement et des anecdotes symboliques, elle brosse un portrait sans concession d’une femme exceptionnelle, d’un destin qu’elle élève en légende.

Philosophe, romancière, essayiste, mais aussi familière de l’Inde où elle a vécu cinq ans aux côtés de l’ambassadeur André Lewyn, Catherine Clément nous fait comprendre ce pays méconnu et son milliard d’habitants. Elle est l’auteure d’une bonne soixantaine d’ouvrages (romans, essais, poésies, biographies et Mémoires…) dont certains, comme La Senora et Pour l’amour de l’Inde, furent des best-sellers internationaux. Elle fut aussi journaliste au quotidien Le Matin de Paris (1976-1982), directrice de l’AFAA (1982-1987), Association française d’action artistique chargée de diffuser la culture française à l’étranger. Depuis 2003 elle est la fondatrice et directrice de l’université populaire du Musée du Quai Branly.

Lire un extrait

indu boy

Indu Boy de Catherine Clément, Editions Seuil, Date de parution mars 2018, Prix :18.00 € TTC, 224 pages, EAN 9782021323023

OPERA LE NAIN DE ZEMLINSKY À RENNES, UNE OEUVRE RAMASSÉE ET INTENSE

Le Nain, brillamment adapté de L’Anniversaire de l’infante d’Oscar Wilde, raconte avec autant de grâce que de violence l’histoire de la brève rencontre entre une princesse cruelle et un nain transfiguré par des sentiments immenses.

OPERA LE NAIN

Dans la cour d’une Espagne imaginaire on s’apprête à fêter les 18 ans de l’Infante. Parmi tous les cadeaux qu’on lui offre figure un nain… un nain poète et troubadour qui ignore tout de sa disgrâce car il n’a jamais vu son reflet dans un miroir. L’Infante en fait son jouet, il s’éprend de la belle, elle fait semblant de lui rendre son amour, lui offre une rose, danse avec lui… Puis le rejette, et, pour expliquer son désaveu lui tend ce miroir diabolique qui lui révèle son infortune. Elle en rit. Il en meurt.

opéra NAIN ZEMLINSKY

« C’est un peu court jeune homme ! », cette phrase tirée de Cyrano, pourrait résumer le sentiment laissé par les derniers accords de l’œuvre de Alexander von Zemlinsky, « Der Swerg ». L’intensité et la compacité de cet opus ont tellement réussi à nous captiver que la fin trop rapide nous a laissé véritablement frustrés. « Der Zwerg » ne dure que le temps d’un acte d’un peu plus d’une heure et quelques minutes, mais cet opéra, inspiré d’une nouvelle d’Oscar Wilde, « l’anniversaire de l’infante » est d’une intensité musicale et dramatique, rarement atteinte, c’est stupéfiant !

opéra NAIN ZEMLINSKY

Véritable réussite que cette coproduction des opéras de Lille, de Rennes et de la fondation Royaumont. La chose la plus immédiatement saisissante est le décor. Sorte d’écran de télé géant aux parois intérieures d’un blanc immaculé, il met le spectateur dans une position de quasi-voyeurisme. Le metteur en scène Daniel Jeanneteau et son collaborateur Olivier Brichet, en choisissant une voie épurée, focalisent notre attention et intensifient ce sentiment de concentration de l’œuvre. Les lumières jouent un rôle tout à fait essentiel. Marie-Christine Soma en les poussant jusqu’à des intensités aussi éblouissantes que peu habituelles, réussit à rendre les personnages diaphanes et presque dilués dans un halo qui les désincarnent. À l’opposé, elle rétablit une forme d’intimité en en baissant l’intensité pour créer des ambiances feutrées. L’apport de couleur est inexistant, sauf peut-être un soupçon doré pendant un court instant. Du côté des costumes, les touches très sombres des caméristes et du chambellan, coïncident parfaitement, tant à leur fonction qu’à l’ambiance générale, même remarque pour les huit compagnes de l’infante, vêtues de robes vaporeuses et légères, mais le pauvre nain miteusement affublé d’un jean, d’une veste de survêtement et de baskets blanches, semble sortir d’une banlieue médiocre. Tout cela fonctionne, mais manque un peu de créativité. Une bonne note toutefois pour les divertissantes chaussures à semelles compensées, que tous portent, et qui sont censées faire paraître encore plus petit, Mathias Vidal, dans le rôle du nain.

opéra NAIN ZEMLINSKY

Un des principaux motifs de satisfaction reste le niveau vocal de l’ensemble des protagonistes. Avec une belle autorité et une voix convaincante, c’est Christian Helmer, pour lors, Don Estoban, chambellan de l’infante, qui ouvre les hostilités. Très convaincant, il reçoit rapidement la réponse d’une excellente Julie Robard-Gendre, un peu surdimensionnée pour un si modeste emploi. Pas étonnant qu’elle soit notre coup de cœur vocal du jour, tant son assurance et sa prestation la situent au-dessus du lot. Cela n’empêche pas, pourtant, le chœur des huit compagnes de l’infante de faire très bonne figure. L’infante, parlons-en. Un étrange serre-tête lui donne des airs de princesse elfique, directement sortie d’un épisode du seigneur des anneaux et c’est plutôt réussi. Son teint très pâle, son jeune âgé et sa minceur incarnent de façon idéale l’enfant légère et inconséquente qui finira, boudeuse, abandonnant au sol ce nouveau jouet qu’elle a si vite brisé. Du côté vocal, un petit manque de puissance est à noter sur certains passages, mais c’est anecdotique et Jennifer Courcier s’en tire honorablement. Cette réflexion vaut pour Mathias Vidal, dans le rôle du nain, qui réussit à mettre beaucoup d’émotion et crédibilité à son personnage, et personne dans la salle n’a pu rester indifférent à sa peine, lorsqu’il découvre la vérité sur son image.

Ce que le nain avait peut-être de plus amusant était la totale inconscience de son
aspect grotesque. En vérité, il semblait parfaitement heureux et plein d’entrain. Quand les
enfants riaient, il riait aussi franchement, aussi gaiement qu’eux et, à la fin de chaque
danse, il leur faisait la plus comique des révérences, souriant et leur adressant des
signes de tête, tout comme s’il était vraiment l’un d’entre eux et non ce petit être contrefait
que la nature, par quelques facétieux caprices, avait façonné pour servir à autrui
d’objet de raillerie.
(Oscar Wilde)

opéra NAIN ZEMLINSKY

Franck Ollu, à la tête de l’Orchestre symphonique de Bretagne, saura tirer des dix-huit musiciens invités, la quintessence de leurs aptitudes. Tous les pupitres sont sollicités, les violons sont étonnants de musicalité, les cuivres et les bois omniprésents, les percussions instillent la vie follement énergique que réclame la partition. C’est musicalement splendide, incroyablement dense, et d’une précision métronomique. Guère étonnant que Arnold Schoenberg s’exprimant en 1949 n’ait écrit en parlant de Zemlinsky : « j’ai toujours cru ferme qu’il était un grand compositeur et je continue à le croire. Son heure viendra peut-être plus tôt qu’on ne le pense. Une chose ne fait pas de doute pour moi, c’est que je ne connais aucun musicien venu après Wagner, qui ait su remplir d’une substance musicale plus noble ce que le théâtre demande. Ses idées, sa forme, sa sonorité et chaque expression naissaient directement de l’action de la scène et de la voix du chanteur avec une netteté et une précision de la plus haute qualité. » Le public, largement présent pour cette séance en matinée, a acclamé avec une reconnaissante vigueur, le travail remarquable effectué par l’ensemble des chanteurs et des musiciens. Le nain fut pour tous une véritable découverte.

opéra NAIN ZEMLINSKY

Même si tu étais ma mort, Princesse, c’est toi que je voudrais.

Le Nain

Le Nain, der Zwerg, représentations à l’Opéra de Rennes le dimanche 25 mars à 16h, mardi 27 à 20h et jeudi 29 à 20h. Coproduction Opéra de Lille, Opéra de Rennes, Fondation Royaumont.

opéra NAIN ZEMLINSKY

LE NAIN ZEMLINSKY

Der Zwerg, opéra en un acte, livret de Georg C. Klaren d’après la nouvelle L’anniversaire de l’infante d’Oscar Wilde. Arrangement pour orchestre de chambre de Jan-Benjamin
Homolka 1922.
Spectacle chanté en allemand, surtitré en français
Libre adaptation de Georg C. Klaren
Musique d’Alexander von Zemlinsky (1871-1942)
Créé au Neues Theater, Cologne, 28 mai 1922
Arrangement pour orchestre de chambre de Jan-Benjamin Homolka – Créé au Wilhelma Theater de Stuttgart en 2014

Créé au Neues Theater de Cologne le 28 mai 1922, ce drame intense et cruel est unanimement considéré comme le chef-d’œuvre du compositeur autrichien. Alors qu’il a beaucoup apporté à la modernisation de l’Opéra, Alexander von Zemlinsky (1871-1942) est un artiste trop mal connu, dont les années de gloire de 1900 à 1930 à Vienne, Prague et Berlin ont vite été oubliées.
L’Opéra de Lille a choisi de confier l’interprétation d’une réduction du Nain pour orchestre de chambre à l’Ensemble Ictus, qui réunit des solistes de très haut niveau. La direction de l’Ensemble sera confiée à Franck Ollu, qui saura restituer la densité et les couleurs de cette œuvre flamboyante. Et c’est le plasticien, scénographe, dramaturge et homme de théâtre Daniel Jeanneteau qui a été choisi pour ses dispositifs scéniques d’une délicate beauté et sa direction d’acteurs d’une grande précision.

La musique de Zemlinski dénote avant tout une grande et profonde compassion pour la
condition humaine. Le bouleversant portrait d’un nain qui n’a jamais regardé dans un miroir, d’un être dont la nouvelle conscience de soi détruit le sens de sa propre valeur et, automatiquement, sa vie même, confronte l’auditeur à une troublante question métaphysique. En contradiction avec la maxime « Connais-toi toi-même » de la Grèce antique, ne nous trouvons-nous pas mieux de ne pas nous connaître ? Chacun de nous a-t-il besoin de ses illusions pour survivre ? En tant qu’ouvrage théâtral, le Nain ne le cède à aucun de ses contemporains. Il possède tension et équilibre dramatiques, est parfaitement proportionné, la musique y épouse à merveilles les paroles, les éléments lyriques, dramatiques et formels s’y fondent sans soudure. L’écriture vocale est libre et agréable, et l’orchestre aussi brillant et imaginatif que celui de Strauss et Mahler. Le Nain forme avec Une tragédie florentine, créée six ans plus tôt, et la Salomé de Strauss, dont la création eut lieu en 1905, une trilogie d’opéras en un acte d’après Oscar Wilde. Le Nain est une
histoire d’innocence détruite, de désir fervent mais irréalisable d’un amour impossible à obtenir. Ces trois drames dans lesquels règnent charme séduisant, chatoyante sensualité, désespoir et décadence fin-de-siècle, sont mus par des dilemmes complexes et de morbides ironies.

James CONLON, 1996 (extraits)

Mise en scène et scénographie Daniel Jeanneteau
Costumes Olga Karpinsky
Lumières Marie-Christine Soma
Chef de chant et assistant à la direction musicale Nicolas Chesneau
Assistant mise en scène et scénographie Olivier Brichet

Orchestre Symphonique de Bretagne
(Directeur Musical Grant Llewellyn)
Direction musicale Franck Ollu

Le Nain Mathias Vidal
Donna Clara Infante d’Espagne Jennifer Courcier
Ghita, sa camériste Julie Robard-Gendre
Don Estoban, chambellan Christian Helmer
Trois Caméristes Laura Holm, Marielou Jacquard, Fiona McGown

Avec le soutien des Fondations Royaumont et Daniel & Nina Carasso et La caisse des dépôts.

Autour du spectacle
Rencontre avec les artistes samedi 24 mars à 15h00
Foyer public, accès libre dans la limite des places disponibles.

À la découverte d’Une tragédie florentine avec Arthur Nauzyciel
En contrepoint des représentations du Nain à l’Opéra, le directeur du Théâtre National de Bretagne reprend un atelier qu’il a mené durant l’été 2016 autour d’un autre ouvrage de Zemlinsky, lui aussi inspiré d’Oscar Wilde : Une tragédie florentine, variation non moins cruelle sur le thème, cette fois, du trio traditionnel mari-femme-amant, qui va se résoudre dans une violence extrême. Arthur Nauzyciel conduit les jeunes chanteurs, avec le pianiste qui les accompagne, dans une analyse volontairement dépassionnée de l’expressionnisme dramatique et musical du tandem Wilde-Zemlinsky, pour mieux toucher à l’essence du drame. Une expérience passionnante.

Opéra Le Nain ZEMLINSKY
Alexander von Zemlinsky
(1871-1942)

Exposition – « Alexander Zemlinsky, l’étranger »
Découvrez ou re-découvrez à travers cette exposition la vie et l’œuvre du compositeur et chef d’orchestre Alexander Zemlinsky. À travers un ensemble de documents d’archives, de reproductions d’œuvres musicales ou picturales, suivez de Vienne à Berlin ou New-York le destin singulier de cet artiste issu de la Vienne sécessionniste, qui, aux prises avec la brutalité du XXe siècle, n’eut de cesse de sonder sa propre étrangeté.
Exposition produite par la Médiathèque Musicale Mahler, en partenariat avec l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et la Fondation Royaumont, avec le soutien du Ministère de la Culture et du Fonds Zemlinsky de Vienne.
Du mardi 13 au mercredi 29 mars (ouverture pendant les représentations du Nain)
Foyer Public – Opéra de Rennes

 

Playlist ici

Photos crédit Frédéric Lovino

ALBUM JEUNESSE, DÉCOUVREZ LES PETITES HISTOIRES DE BRETAGNE

Comment rendre intelligible et attrayante l’histoire de la Bretagne – Loire-Atlantique incluse – afin d’intéresser un jeune public aujourd’hui ? C’est la question que se sont posée deux enseignantes d’histoire-géographie, Michèle Guilloux et Gwenola Pichard qui ont grandi et travaillé dans la région à laquelle elles sont attachées. De cette interrogation est né Petites Histoires de Bretagne, un ouvrage qui s’adresse aux collégiens et qui retrace 45 époques, de la préhistoire à nos jours de façon simple et plaisante.

L’idée des deux auteures n’est pas d’être exhaustives sur la question mais bien de transmettre une vision générale du passé de la Bretagne et de permettre aux jeunes de comprendre les paysages et le patrimoine qui font leur quotidien. Petites Histoires de Bretagne est une façon de tisser des liens entre les générations à travers la compréhension de leur histoire et de références communes. Attiser la curiosité des jeunes pour ce qui constitue leurs origines mais aussi faire connaître la région à tous est bien l’objectif de cet ouvrage.

Pour interpeller leurs jeunes lecteurs, les deux enseignantes mêlent éléments d’histoire et de fictions avec des lettres, des extraits de journaux intimes, de discours d’inauguration, de dialogues… La grande Histoire et les petites histoires réelles ou imaginaires s’entrelacent donnant un côté très vivant au texte. Par ces textes et les jolies illustrations de Samuel Buquet qui a longtemps collaboré au journal Le Petit Quotidien (Play-Bac Presse), le lecteur se laisse aisément transporter d’époques en époques et découvre ou redécouvre l’histoire de la région avec plaisir.

PETITES HISTOIRES DE BRETAGNE

Le jeune lecteur prend, par exemple, conscience de la symbolique du Ménez Hom et du Ménez Bré à l’époque des celtes polythéistes. Un dialogue humoristique entre la statut du demi-dieu Hercule et la déesse Brigitte avec un vocabulaire actuel rend cette période de l’histoire drôle et accessible. Les rapports des Gaulois avec les Romains puis les Bretons de Grand-Bretagne ou encore les Vikings font écho à l’histoire apprise à l’école tout en réalisant un focus sur les spécificités bretonnes de l’époque.

PETITES HISTOIRES DE BRETAGNE

La description de l’époque moderne donne tout son sens au château des ducs de Bretagne et à la « duchesse en sabots », proche de son peuple, Anne de Bretagne. Le lecteur est invité à percevoir les villes sous un nouvel angle : Le Conquet est reconnu pour sa production de cartes pour la navigation. On apprend que Morlaix, maintenant connu pour son festival des musiques électroniques, Panoramas, est aussi la ville où le premier dictionnaire trilingue de l’histoire de breton-français-latin a été créé. Lorient qui accueille aujourd’hui le Festival Interceltique a été une ville active à l’époque de la révolution : les ouvriers de l’arsenal se sont attaqués au siège de la Compagnie des Indes, « symbole du pouvoir royal ».

PETITES HISTOIRES DE BRETAGNE

A l’époque contemporaine, les naufrages des marins partis à «la grande pêche » en Islande et à Terre-Neuve ont marqué l’imaginaire collectif et de nombreux films, livres et chansons leur rendent hommage. Le festival du chant de marin de Paimpol qui se déroule tous les deux ans y fait aujourd’hui encore référence. Les nombreuses pertes de Bretons pendant la Grande Guerre, le tourisme élitiste à Dinard pendant les années folles, le mouvement artistique des Seiz Breur, la Seconde Guerre Mondiale puis la reconstruction des villes bombardées … Les auteures réalisent un tour d’horizon de l’histoire bretonne et nous livrent un ouvrage à la fois documenté et ludique qui plonge le jeune lecteur dans la vie bretonne à ses différentes époques.

Petites histoires de Bretagne. Michèle Guilloux et Gwenola Pichard. Editions Locus Solus, février 2018, 96 pages tout illustré, 18€.

PATRICK CRIQUI PROPOSE DE RENOUVELER LE SYSTÈME ÉNERGÉTIQUE

Comment se débarrasser de notre dépendance vis-à-vis du pétrole et du charbon ? Économiste, directeur de recherche émérite au CNRS, Patrick Criqui apporte quelques éléments de réponse à cette interrogation cruciale. Il intervient vendredi 23 mars dans le cadre du forum Changer l’économie aux Champs Libres de Rennes.

Unidivers : Patrick Criqui, quelle place les énergies carbonées occupent-elles aujourd’hui dans notre société ?

patrick criqui
Patrick Criqui

Patrick Criqui : Actuellement, les énergies carbonées occupent une place essentielle. Depuis les débuts de la Révolution industrielle, elles connaissent une croissance continue. Elles représentent aujourd’hui 80% de l’approvisionnement total en énergie.

Les matières fossiles, comme le pétrole ou le charbon, concentrent des quantités d’énergie importantes sous une masse réduite, facilement transportables, et d’un coût modéré par rapport aux usages qu’elles permettent. Le gros problème, c’est que le carbone, pris dans les gisements en sous-sol, une fois brûlé, produit de l’énergie mais aussi un déchet une fois qu’il est oxydé : le CO2. Et ce CO2 part dans l’atmosphère.

Dès la fin du XIXe siècle, les travaux du scientifique suédois Svante Arrhenius a démontré les impacts sur le climat. Dans le dernier quart du XXe siècle, la communauté scientifique a pris conscience des conséquences délétères que ce changement climatique avait à l’échelle de la planète. L’ambition, désormais, est de défaire dans les 30 ans à venir un système énergétique qui a mis deux siècles à s’installer. L’enjeu : inverser la proportion des énergies carbonées et non carbonées dans notre société.

co2
Ce graphique présente : (i) sous forme de flèches, les flux de carbone entre les réservoirs sur la période 1990-1999 en milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an ; (ii) entre crochets, la taille des réservoirs en milliards de tonnes d’équivalent CO2 et leur variation sur la période 1750-1994. Réservoirs et flux pré-industriels sont en noir. Ceux qui sont liés au développement des activités anthropiques à partir de 1750 sont en rouge.

Mais n’est-il pas déjà trop tard pour changer les choses ?

Patrick Criqui : C’est tout l’enjeu. Les énergies carbonées intrinsèquement libèrent des déchets dans l’atmosphère, le CO2. On n’a pas un problème de ressources, mais de déchets. Une possibilité consiste à récupérer ces déchets et de les enfouir dans le sous-sol. Pour l’instant, sa mise en oeuvre reste limitée… Peut-être qu’on n’arrivera pas à atteindre l’objectif de 2 degrés [défendu par la COP21]. Quand bien même, il faut continuer les efforts afin d’agir le plus fortement et rapidement possible ; parce que si on ne fait rien, ce sera pire.

Existe-t-il des solutions au service de cette nécessaire transition énergétique ?

Patrick Criqui : On distingue souvent trois grands piliers de la transition. Le premier, la sobriété énergétique, consiste à ne pas consommer de l’énergie quand c’est inutile, et à la consommer ensuite le mieux possible. La deuxième option, c’est d’utiliser des énergies décarbonées. Pour l’électricité, il faut donc utiliser des énergies renouvelables, comme le solaire, l’éolien, l’hydraulique, mais on peut aussi recourir au nucléaire. L’énergie nucléaire représente un certain nombre de risques, mais n’émet pas de CO2. Il faut aussi viser à décarboner le gaz : on évoque de plus en plus les conséquences du gaz biologique. On peut également produire, par exemple, de la chaleur à partir de la combustion des déchets. Le troisième volet consiste à changer la manière d’utiliser l’énergie et remplacer des vecteurs carbonés par des vecteurs décarbonés. L’électrification du transport fournit un bon exemple de solution qui permet de limiter l’utilisation du pétrole sous forme d’essence.

biomasse

Cette transition vers une énergie électrique ne génère-t-elle pas de nouveaux problèmes ? Les énergies renouvelables ne sont pas toujours disponibles, elles sont parfois peu efficaces, nécessitent des matières premières qui se raréfient aussi…

Patrick Criqui : Ce sont des problèmes réels. Mais il s’agit de les penser dans une dynamique de progrès technique. Cette dynamique a été très importante depuis les années 1980, les choses se sont beaucoup améliorées. Les premiers panneaux solaires, par exemple, restituaient autant d’énergie qu’il en fallait pour les produire. Désormais, cette énergie grise est remplacée par la production d’électricité des panneaux en moins de 3 ans.

En ce qui concerne la dépendance aux matériaux critiques, tels que les métaux rares, ceux-ci sont quand même assez abondants au final. Ce sont des matériaux très polluants dont il faut constamment améliorer la production, pousser au recyclage. Mais le progrès technique me laisse penser qu’on sera capable de résoudre ces problèmes. Quand il y aura des tensions sur l’approvisionnement : le prix augmentera, on trouvera des nouveaux gisements, des alternatives…

 

Je ne pense pas qu’on se précipite vers des problèmes plus importants avec cette transition énergétique, sachant qu’elle va en plus s’effectuer dans un contexte des nouvelles technologies de l’information. Ces technologies consomment beaucoup d’électricité mais permettent une utilisation plus optimisée et localisée de l’énergie. Cela contribuera à à la résolution des problèmes.

On pourrait être confiants si on avait 50 ans devant nous ; la grande difficulté reste la rapidité des changements en cours. Le problème du changement climatique est un problème de baignoire et de robinet : la baignoire se remplit rapidement et on peut craindre qu’on ne fermera pas le robinet assez vite…

carbone

De quels territoires peut-on s’inspirer pour réaliser cette transition énergétique ?

Patrick Criqui : Certains pays ont fortement développé les énergies renouvelables, sans doute parce qu’ils bénéficient de ressources naturelles favorables. On cite souvent le Danemark, même si ses interconnexions avec le réseau européen, qui sont aussi importantes que son réseau national, facilitent la chose. Il y a aussi la Suède qui possède beaucoup d’hydraulique et des forêts en nombre astronomique favorisant le chauffage par bois. Le Brésil a aussi beaucoup d’hydraulique.

Pour l’Allemagne, c’est plus compliqué. Les Allemands ont à la fois décidé de réduire leurs émissions et de sortir du nucléaire à travers un développement massif des renouvelables. Ils ont réussi à le faire, mais utilisent encore beaucoup de charbon. Résultat : leurs émissions sont stables depuis une dizaine d’années, mais on ne sait pas s’ils pourront suivre leur chemin jusqu’au bout. La question du stockage est donc primordiale afin de favoriser le développement des énergies renouvelables intermittentes. Le stockage est aujourd’hui un enjeu crucial qui montrera si ce développement est possible ou pas.

osmotique

Il y a le risque aussi que des intérêts puissants, par exemple ceux de l’industrie pétrolière, entravent cette transition…

Patrick Criqui : Le problème de l’inertie des systèmes socio-techniques est à mon avis une dimension plus importante que le jeu des lobbys et des intérêts. Les entreprises se comportent différemment. Des géants du pétrole ont financé des études pur dire qu’il n’y a aucun problème avec le réchauffement climatique. L’élection de Donald Trump rejoint cela : on développe le charbon et on se fout du reste du monde. Mais il y a aussi des entreprises qui jouent la carte à fond des nouvelles énergies. Et entre les deux, on a un géant pétrolier français qui va s’inscrire dans ces objectifs de transition énergétique tout en cherchant de nouveaux gisements de pétrole. Ce qu’il faut surtout changer, ce sont les systèmes de transport, les habitudes de consommation.

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Pour produire plus, on a besoin de toujours plus d’énergie. Est-ce que vous pensez que la poursuite de la croissance est compatible avec la transition énergétique ?

Patrick Criqui : Je crois. D’un part, dans les pays industrialisés, la croissance n’est plus ce qu’elle était. 2% constitue déjà une bonne croissance, alors que cela représente la croissance des gains de productivité. La croissance dans ces pays correspond donc à l’évolution technologique. Dans les pays émergents, la croissance est de rattrapage, elle est donc plus rapide. Mais plus ils se développent, plus cette croissance ralentit.

Après, la question se situe dans le contenu de la croissance. Dans bien des cas, les gouvernants sont attentifs au niveau de croissance, au PIB, mais on pourrait accorder tout autant d’importance au niveau d’emploi. On peut imaginer ainsi à plus long terme une gestion du temps de travail pour partager l’emploi. Ce qu’il faut, c’est une croissance modérée, équitable, pas trop inégalitaire, tout en ayant une décroissance des matières premières et des énergies carbonées. Ça existe déjà. Dans la plupart des grands pays, la consommation d’énergie est stable ou décroissante. Mais il faudrait que ce découplage entre énergie carbonée et croissance évolue plus rapidement.

Pour terminer, je voudrais rajouter que ces questions sont un défi majeur pour l’humanité, parce que ce sont les conditions de vie de nos enfants, petits-enfants… Ça va arriver très vite. L’humanité ne disparaîtra pas, mais les conditions de vie risquent de devenir de plus en plus difficiles. La société n’arrivera à faire cette transition qu’à une condition : qu’à tous les niveaux de la gouvernance, il y ait de bonnes volontés et des actions efficaces, que ce soit aux plans international, européen, national, local. Le nouveau local est très important, notamment pour les transports, les énergies renouvelables, l’habitat. Il faut donc une cohérence entre les sommets internationaux, les politiques nationales et locales. C’est plus ou moins le cas aujourd’hui, mais on a des marges de progression.

En France, même si les résultats ne sont pas toujours là, on a organisé le sommet de Paris, il y a une loi de transition énergétique – qu’on peut discuter, mais qui au moins existe – et il y a des initiatives locales. Ce qui manque surtout, ce sont des moyens de financement pour appliquer ces politiques au niveau local.

carbone

Informations pratiques :
Conférence Peut-on se passer du Pétrole ?
Le 23.03.2018 à 13h30
les Champs Libres, salle de conférences

SÉRÉNA, UNE BD AUX ALLURES DE TRAGÉDIE GRECQUE

Avec l’adaptation en BD de Séréna, roman éponyme de Ron Rash, Pandolfo et Risjberg portent ce genre au plus haut : quand le dessin complète les mots pour les rendre plus forts encore. Magnifique.

BD SERENA

D’abord il fallait un récit qui ne pouvait être écrit que par un romancier ou nouvelliste américain, un de celles ou ceux qui décrivent la noirceur du monde et ses violences. Comme Carver. Comme Shirley Jackson (voir article La Loterie). Ce fut celui de Ron Rash, auteur du roman Séréna, qui connut un énorme succès en 2008. aux États-Unis. En s’inscrivant dans cette tradition américaine, le texte du romancier est proche aussi des tragédies antiques avec ce qu’il faut de trahisons, de soumission, de passions.

BD SERENA

« Ce que femme veut, Dieu le veut » ainsi pourrait-on qualifier le projet de la belle Séréna qui vient d’épouser George Pemberton , un riche exploitant forestier qui rêve d’étendre son empire bien au-delà des terres traversées par les voies de chemin de fer en expansion au cours de ces années trente, années de crise économique où la vie d’un bûcheron ne vaut guère plus qu’un stère de bois. Pour cette ambition sans bornes, le couple ne s’encombrera d’aucun scrupule, d’aucune retenue, tuant, faisant tuer quiconque s’oppose à leurs projets. Un seul objectif que Séréna résume ainsi: « Nous deux, n’est-ce pas Pemberton Uniquement NOUS DEUX ». Alors on abat des arbres par milliers, des serpents, des banquiers, des propriétaires, avec un cynisme sidérant. Jusqu’à se retrouver à deux? Ou seule ? Telle une Lady Mac Beth des années trente, la volonté de détruire de Serena ne s’arrêtera même pas au désir de tuer l’enfant naturel que son mari a engendré avant son mariage.
Implacable, parfois même terrifiant, le récit prend au fil des pages les allures d’un thriller écologique avec un suspense à couper le souffle jusqu’aux dernières pages sublimes.

BD SERENA

En 2014, ce texte tendu au cordeau avait déjà fait l’objet d’une adaptation cinématographique par Susanne Bier dans un film qui ne laissa pas de souvenirs impérissables. Toute autre devrait être cette version « roman graphique » de Pandolfo et Risbjerg. Collant au plus près du texte, les deux auteurs, qui avaient déjà réalisé avec succès « La Lionne » s’inspirant de la vie de Karen Blixen, apportent par le dessin et le découpage une vision magnifiée du récit initial.

BD SERENA
Grâce à de pleines pages, parfois sur fond noir, parfois sur fond blanc, les dessins scandent la progression de l’horreur, frôlant avec le surnaturel tel le visage aux orbites vides d’une grand-mère devin qui n’est pas sans rappeler le personnage du « Cri » de Munch ou les divinités peintes par Gauguin. Au contraire, les yeux cernés de noir de Séréna dans des cases serrées au plus près percent votre regard et expriment tout le cynisme de « la patronne » que tout le monde craint. Mari ou employés. Yeux noirs, yeux bleus, deux couleurs suffisant parfois à définir le Bien et le Mal. Pour ajouter à la dimension de tragédie antique, les auteurs ont créé un choeur composé de quatre bûcherons qui commentent les événements et portent un regard distancié sur les multiples personnages. Une trouvaille magnifique qui transforme le lecteur en spectateur de théâtre. Cette nature anéantie par un capitalisme outrancier sert de décor au drame qui se déroule devant nos yeux. Comme des dieux grecs, un puma, un serpent, ou un aigle interviennent dans le récit, semblables aux animaux mythologiques. Par eux arrivent les mauvaises nouvelles. Ou la mort. Ou Galloway, ce sinistre homme de main (même manchot !), dont le visage griffé aux allures de corbeau, vous empêchera peut-être de dormir. Les passions et les perversions sont ici portées au paroxysme.

BD SERENA

Ron Rash a créé son roman partir de la vision d’une « femme superbe juchée sur un grand cheval blanc ». Terkel Risjberg dessine cette vision dans des images sublimes où la blancheur de l’animal éclate sous nos yeux comme pour mieux nous montrer la noirceur de la cavalière qui le chevauche. Sur la couverture, Séréna, sous le reflet d’un vernis qui la recouvre seule, fait disparaître ces deux « complices » dans l’ombre. Elle émerge dans la lumière un fusil à la main. Un procédé et un graphisme superbes qui contribuent à faire de cette BD une BD que l’on garde en mémoire pour longtemps. Comme une image du Mal.

SÉRÉNA d’après le roman de Ron Rash. Adaptation de Anne-Caroline Gandolfo (scénario) et Terkel Risjberg (dessins). Éditions Sarbacane. 216 pages. 23,50€.

FORMAT: 21,5 X 29 CM
ÂGE: ADULTE
NOMBRE DE PAGES: 216 PAGES
PARUTION: 7 MARS 2018
COLLECTION: BD
ISBN: 9782377310470
PRIX: 23,50 €

La scénariste Anne-Caroline Pandolfo

Après une licence de Lettres Modernes, et des études aux Arts Décoratifs de Strasbourg, Anne-Caroline Pandolfo partage son travail entre l’illustration et l’écriture. À la suite de ses études, elle travaille comme réalisatrice pour la chaîne ARTE, puis comme illustratrice dans la presse et la publicité (représentée par l’agence Marie & Nous, Paris).

En 2002, Anne-Caroline déménage à Paris où elle travaille plusieurs années dans le dessin animé, en tant qu’auteure et réalisatrice, pour les maisons de production Futurikon et Method films. Elle supervise, écrit des scénarios et invente des univers graphiques (Popsecret, série 26X26 mn pour M6, Flatmania série 54X13mn pour France 3). Elle rencontre Terkel Risbjerg sur la production, et commence à imaginer avec lui des projets de bandes dessinées.

Ensemble, ils signent leurs premières bandes dessinées Mine, ma vie de chat et La Lionne aux éditions Sarbacane. Elle publie également des albums jeunesse, actuellement pour les éditions Talents Hauts. Aujourd’hui elle se consacre entièrement aux livres.

Le dessinateur Terkel Risbjerg

Né à Copenhague en 1974, Terkel Risbjerg a étudié la philosophie et le cinéma à l’Université de Copenhague. À la fin de ses études, il s’installe à Paris, où il travaille dans l’animation. Parallèlement, il travaille aussi comme décorateur, chef décorateur et storyboarder. Il vit et travaille aujourd’hui à Strasbourg.

Biographies issues du site de l’éditeur (Sarbacane) ici.

STACK | FLOCK | STACK, STEPHEN CORNFORD EXPOSE AU BON ACCUEIL

Pour la première fois en France, l’artiste multimédia anglais Stephen Cornford dépose ses gadgets électroniques à Rennes le temps d’une exposition. Le lieu d’arts sonores Le Bon Accueil propose Stack | Flock | Stack du 30 mars au 6 mai 2018.

Vous êtes-vous déjà interrogés sur nos habitudes de consommation ? Ou à combien s’élève le poids des déchets électroniques et électriques dans le monde, par an ?

Selon le rapport publié par l’Université des Nations Unies (UNU), l’Union internationale des télécommunications (UIT) et l’Association internationale des déchets solides, on estime à 44,7 millions de tonnes de déchets électroniques (DEEE) en 2016. Soit, 8 % de plus qu’en 2014 (+ 3,3 millions de tonnes). 80 % de ces tonnes font l’objet d’aucun suivi et sont jetés ou finissent dans les incinérateurs des décharges sans être recyclés.

L’industrie des nouvelles technologies a mis en place une politique de surenchère en matière de produits électroniques, ce qui accélère le rythme de renouvellement de ces dits-produits. Ce qui est in aujourd’hui sera jeté aux oubliettes demain pour une version + + : plus neuf, plus puissant ou tout simplement plus design.

Stephen Cornford
STEPHEN CORNFORD

L’artiste multimédia et musicien expérimental anglais Stephen Cornford se nourrit de ces e-déchets et des idéologies techno-utopiques que nous vendent les grandes industries. « Au fur et à mesure qu’on nous vend du nouveau, il y a des montagnes de déchets qu’on laisse derrière nous. – Explique Damien Simon, directeur du Bon Accueil et commissaire de l’exposition – Il parle de cette contradiction et de l’échec de la nouveauté en quelque sorte ».

De formation universitaire, Stephen Cornford prépare actuellement un doctorat sur l’Archéologie des médias avec Jussi Parikka, chercheur finlandais. Ce domaine de recherche anglo-saxon arrive peu à peu en France avec la traduction de publications étrangères. Trois œuvres représentatives de son travail seront présentées au Bon Accueil. Trois projets autour d’une problématique actuelle sur les nouvelles technologies, le numérique et la douce utopie dans laquelle chacun est consciemment ou non plongé.

exposition Stephen Cornford Le Bon Accueil

Qu’est-ce que l’archéologie des médias ?

« Les médias sont des produits industriels qui ont une période de vie plus ou moins longue. Il y a eu un tas de supports qui ont évolué, qui sont souvent tournés vers l’avenir. – Nous précise Damien Simon – l’archéologie des médias c’est cette pratique de retourner dans le passé, de le repenser et d’arriver à des usages auxquels on n’aurait pas pensé à l’époque ». Si nous rebranchions une radio de 1940, il ne serait pas possible de retrouver ce qui était diffusé à cette époque. Elle était activée d’une certaine manière et aujourd’hui, elle serait réactivée différemment. « Les artistes trouvent de nouveaux usages à ces technologies obsolètes. C’est cet aspect-là qui intéresse Stephen, explorer des technologies avec une pratique artistique. »

Bien que les e-déchets de l’artiste proviennent de la récupération, la notion de recyclage n’est pas centrale dans son travail. Le recyclage devient un outil pour montrer le nombre sidérant de déchets qui sont produits dans cette surconsommation. Stephen Cornford donne une seconde vie à ce tas de technologies réduit à néant pour une version plus hi-tech afin de les détourner et critiquer les idéologies véhiculées par les nouvelles industries.

« Les machines s’entassent et passent du statut de porteuses de rêve à celui de déchets. Stephen critique le fait qu’on nous vende un rêve, une sorte d’utopie. – Poursuit Damien Simon – Par exemple, ce nouveau téléphone permet de faire tel ou tel truc donc c’est encore mieux, mais on s’aperçoit vite que ce nouveau n’est au final qu’un gadget qui ne durera pas ». Au moment d’acheter un nouvel appareil électronique ou électrique, nous savons pertinemment qu’il a une durée de vie limitée – c’est ce que nous appelons l’obsolescence programmée – pour autant, y prêtons-nous attention ?

L’installation sonore Migration (2015) est aussi contemplative que critique. Des dizaines de dictaphones à cassettes seront fixés au mur à l’image d’un essaim, produisant des sons insectoïdes. Autant physique qu’informatique, la migration désigne ici le passage de plus en plus rapide d’un produit technologique à un autre, le transfert de données et le flux incessant que l’achat de ces nouveaux produits entraîne. Sans compter sur la multiplication des sauvegardes de données justement en prévention de l’obsolescence programmée des produits.

exposition Stephen Cornford Le Bon Accueil
« Migration », dictaphones modifiés, dimensions
variables, 2015.

Quand l’immatériel devient visible

Et si toutes ces informations immatérielles n’étaient au final que source de pollution ? Laisser un ordinateur allumé, stocker ses données ou ses mails en ligne, ce qui est à la base immatériel est pourtant stocké quelque part et pollue. « Les data center (endroit physique où sont rassemblées de nombreuses machines, bien souvent des serveurs, qui contiennent des données informatiques) consomment une énergie folle et ont un impact sur l’environnement. »

Ce que l’on pensait immatériel a pourtant une vraie existence dans ce monde. Dans Constant Linear Velocity (2016), chaque tour d’ordinateur représente un espace visible de ce qu’on aurait dans les data center. Cette sculpture cinétique vise à critiquer les industries informatiques et l’échec de ces utopies technologiques.

En complément, l’installation In search of Concrete Music (2010) rappelle de manière moins critique la matérialité liée aux développements des technologies de l’information et de la communication. « C’est l’idée que l’industrie de l’économie, des nouvelles technologies nous proposent quelque chose qui est censée être de l’ordre de l’immatériel. On a tendance à penser que le numérique n’est pas physique alors qu’il génère des quantités phénoménales de déchets ».

Vernissage en présence de l’artiste le 29 mars 2018 à partir de 18h30.

Infos pratiques :

LE BON ACCUEIL
74, canal Saint-Martin
35700 Rennes
09 53 84 45 42
contact@bon-accueil.org

BRIGITTE DELALANDE, PSYCHOLOGUE ET PHOTOGRAPHE

Brigitte Delalande est l’invitée du Carré VIP (VieillePie), l’émission de radio dédiée aux femmes de plus de 50 ans (mais pas exclusivement !). Codiffusée par RCF Radio Alpha et Unidivers.fr, retrouvez Marie-Christine Biet et ses invitées deux fois par mois à la radio et sur le web.

La V.I.P. du 21 mars est Brigitte Delalande, psychologue et photographe engagée dans la Société Photographique de Rennes. On a vu son (beau) travail récemment au musée Eugène Aulnette du Sel-de-Bretagne. Actuellement, elle expose à la Maison des associations, esplanade Charles de Gaulle à Rennes, où les « Regards de Femmes » sont présentés jusqu’au 12 avril.

Sa déclaration va à Yolaine Guigues : « mon amie d’enfance, nous nous sommes retrouvées autour de notre passion du cheval et de la fête ». Elle a tenu un centre équestre à Liffré avant de partir à Vieux Viel où elle s’adonne toujours à sa passion du dressage. Parallèlement, elle tient depuis un an une échoppe dégustation de crêpes et galettes à Dol-de-Bretagne (44, grande rue des Stuarts).

Elle porte son coup de cœur à Olga Lupi, artiste rennaise qui fait de magnifiques collages. On les a admirés au Jardin moderne, à l’Antipode et au bar le Synthi. Ils sont visibles actuellement à Blindspot (36 rue Poullain Duparc, Rennes)  et à la galerie 18h15 (bd de Liberté à Rennes) qui ferme hélas bientôt

Dans la très jolie programmation musicale choisie par Brigitte Delalande, se succèdent :

– La rue des Lilas, de Katé-Mé

 

  • Smiling makes the days go quicker, de Tankus the Henge,

 

  • L’Opus 100 de Schubert

 

brigitte delalande

MICHEL HEFFE VOUS PRÉSENTE SA COPINE LA MORT !

L’éditeur rennais Goater, dans sa collection GOATER COMIX, publie un ouvrage à mourir de rire. C’est le dessinateur et humoriste rennais Michel Heffe (bien connu de notre rédaction !) qui est à l’honneur. Si vous n’avez pas la patience d’attendre la semaine prochaine de découvrir cette sympathique Ma copine la mort dans toutes les bonnes librairies, venez retrouver Michel Heffe s’adonner à de gratifiantes séances de dédicace les 24 et 25 mars 2018 au festival rue des livres de Rennes. Mais, voilà, chers chanceux, qu’Unidivers a traversé le Styx pour vous en rapporter quelques bonnes pages !

Permettez-nous de vous présenter Michel Heffe. De son vrai nom Michel Deligne, il a préféré ce léger pseudo puisqu’un autre humoriste homonyme signait déjà ses œuvres du même nom. Pourquoi Heffe nous direz vous ? Simplement parce que son second prénom est Félix…

michel heffe
Michel Heffe

Né le quatre mars 1947, Michel Heffe est un souriant septuagénaire qui profite de sa retraite de professeur pour se consacrer au dessin et au journalisme. Mais avant d’en arriver là, il a eu une longue carrière professionnelle. Remontons le temps, si vous le voulez bien, de quelques décennies…

michel heffe
Michel Heffe

Après avoir largement satisfait à ses obligations militaires, à l’appel du clairon, il préfère celui de la littérature. Il entame un très respectable cursus par correspondance qui aboutit à son entrée à la Sorbonne, en lettres modernes. A la stupéfaction générale, il manifeste le souhait d’étudier plutôt en Bretagne qu’à Paris. C’est donc à La fac de Rennes 2 qu’il obtiendra le sésame (c’est-à-dire son agrégation) ouvrant une carrière d’enseignant.

michel heffe

Il enseignera pendant onze ans au lycée Bertrand d’Argentré à Vitré ; il donne en même temps, des cours de linguistique à la Faculté de lettres. Vous vous demandez sans doute quand donc nous parlerons de dessin. Patience ! Avec son épouse, il s’inscrit au Tandem club de France et parcourt avec un plaisir sans égal les routes de la belle campagne bretonne. Il en profite pour dessiner tous les petits incidents et  autres scènes comiques parce qu’inattendues, qui se produisent pendant ces escapades.

michel heffe copine mort

C’est à l’occasion d’une de ces errances bi-vélocipédique qu’il a la chance de rencontrer Jacques Faizan, dessinateur humoristique du Figaro, bien connu du grand public. Celui-ci lui conseille d’éditer, sous forme de recueil, les dessins créés pendant ses promenades. Et, plutôt bon prince, Jacques Faizan lui rédige une préface, censée ouvrir les portes et le portefeuille de l’éditeur. Que nenni ! La maison Denoel lui oppose une fin de non-recevoir au prétexte que le vélo eut été un instrument plus porteur. Un vélo plus porteur qu’un tandem ? De qui se moque-t-on !

michel heffe copine mort

Même s’il se dit amateur des dessinateurs des années 1950-1960, à l’humour souvent grinçant, comme Bosc et Chaval, ou dans un genre plus surréaliste COPI, Michel Heffe a développé son propre style : la ligne teintée d’humour vient souligner les caractéristiques du personnage dessiné. Nous en voulons pour preuve l’album édité en 1987 et intitulé « Bretagne en tête à tête » où il croque, de façon à la fois réaliste et satyrique, les Bretons d’extrême droite de la dernière guerre.

michel heffe copine mort

Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, vous allez avoir la chance de faire connaissance avec le truculent personnage créé par Michel Heffe en la personne de « Madame Georges ». Elle vous invite à passer un moment avec elle et celle qu’elle appelle affectueusement « Ma copine la mort ». C’est, en effet, le titre de ce nouvel opus. Au fil des cinquante pages qu’il contient, vous découvrirez notre Ankou recevoir, tel un psy, Madame Georges sur son canapé vert, l’invitant à siroter un « Southern confort ». Il faut savoir que c’était le whisky préféré de la regrettée Janis Joplin, à laquelle, en grand admirateur, Michel Heffe a dédié sa nouvelle création.

michel heffe copine mort

Quand il observe le regard que nous portons sur la mort, Michel Heffe évoque avec un malicieux sourire aux lèvres, l’attitude qui semble la plus courante : une sorte de politique de l’autruche. C’est une tout autre autre manière de voir les choses, celle que propose airb’nb qui vous permet de dormir une nuit dans un cercueil, placé dans l’une des nombreuses chambres du château du conte Dracula. C’est d’un goût exquis ! Enfin vient la façon de Madame Georges, qui, fataliste, essaye d’apprivoiser la mort, se risquant jusqu’à lui demander : Est-ce que je peux essayer….simplement pour voir ?

MICHEL HEFFE

C’est plein d’humour, de fraîcheur, alors n’oubliez pas de le réserver dans votre librairie ou de l’acquérir samedi et dimanche au festival rue des livres aux Gayeulles. Rendez-vous à Michel Heffe !

michel heffe

 

OLIVIER GÉRARD POSE SES SANGLOTS LA NUIT DE PERPIGNAN À ISRAËL

Roman contemporain chargé de violence, Sanglots la nuit d’Olivier Gérard narre le télescopage désespéré de deux êtres dont les biographies respectives entrent en conflit avec ce qui semble être les déterminismes de l’Histoire avec un grand H. De Perpignan à Istanbul en passant par Israël, exploration du cœur d’une relation homosexuelle.

Dans la vieille ville de Perpignan, Abram est un jeune artiste peintre, marié et père de famille. Sous le coup d’une accusation calomnieuse, il délaisse quelque peu sa vocation pour s’occuper à titre bénévole de drogués et de marginaux. Il va faire la rencontre du Franco-Israélien Asso, personnage secret, traqué, lui aussi largué, semble-t-il. Les deux hommes, contre toute attente, vont connaître une irrésistible attirance réciproque. Ce désir sera consommé de façon brutale avant la disparition d’Asso qui va plonger Abram dans le désarroi et l’inciter à le retrouver, quitte à tout laisser derrière lui.

Dans Sanglots la nuit, il ne s’agit pas d’émoustiller le lecteur. Il ne s’agit pas davantage de l’effaroucher (si sa délicatesse prévaut). Ici, nous ne nous trouvons ni dans un livre ni dans un film dont le cadre général fournirait le prétexte à une concaténation de galipettes. Cela, même si on peut y trouver de l’amusement, c’est la logique du nanar de genre (pas « genre » au sens de l’anglais gender). Dans le roman d’Olivier Gérard, les amours sont en tout désespérées.

Un point décisif à noter, c’est qu’à différents égards, Abram et Asso sont aux prises avec des récits qu’ils n’ont pas désirés. Qu’il s’agisse d’une vie familiale orientée par les nouvelles perspectives professionnelles de sa compagne (en ce qui concerne Abram) ou des expériences tragiques, elles aussi familiales, personnelles, du conflit israélo-palestinien (pour ce qui est d’Asso), les deux hommes ressentent un décalage grandissant entre eux-mêmes. Décalage à l’occasion duquel se révèle l’insupportable jachère de l’être, l’absence d’accomplissement, l’abandon, et ces directions en quelque sorte prises de force par actes et des attitudes aliénants. La dénonciation calomnieuse et mensongère dont Abram est victime (sur fond de pédophilie et orchestrée par une jeune garce blasée), l’accusation de terrorisme qui accable Asso ont aussi valeur de décrets pris par d’autres à leur corps défendant, des romans qui ne sont pas les leurs, le leur.

La relation entre les deux hommes, dans le déploiement de l’intrigue, est centrale en tant que tremplin des péripéties, mais, à nouveau, il importe de souligner, chez l’auteur, l’absence de concession à toute facilité. Rien n’est vraiment transfiguré, la vie n’est pas soudain vue « en rose ». Au contraire, les différents décors suintent la même solitude, la même déshérence. L’Histoire semble avoir vraiment épuisé ses ruses et Olivier Gérard l’exprime de façon remarquable.

À titre d’exemple, sa description du vieux Perpignan est à la fois singulière et fascinante en ce qu’elle parvient à ne rien déformer de son caractère historique, patrimonial, tout en restituant une ambiance particulièrement dépressive. On se serait éventuellement attendu à des descriptions de banlieues blafardes et chaotiques. Il en va de même de différents quartiers d’Istanbul, d’Israël et de la Palestine : sans tomber dans le documentaire ou la brochure touristique, l’auteur observe finement et restitue de manière accomplie. Ce faisant, il met à son service le décor et pose une question : les « sanglots la nuit » ne témoignent-ils pas d’un conflit entre la force de ce qu’on appelle le « roman national » (ou, disons aussi, toute fiction imposée de l’extérieur : histoire politique, culturelle, calomnie, instances judiciaires, mensonge au sujet de la paternité biologique…) et le roman individuel ?

Olivier Gérard me paraît avoir opté, dans les Sanglots la nuit, pour le point de vue individuel, revendiqué sa primauté, plus exactement la nécessité de sa fondation avant toute considération tournée vers la marche de ce monde. Il se situe ainsi dans la lignée de grands noms de la littérature tels que Witold Gombrowicz et Dominique de Roux. Pour cette raison, il est intéressant de lire Sanglots la nuit comme toute autre chose qu’une turpitude gay.

À la lumière crue du matin, maintenant qu’elles sont dépouillées de leurs objets familiers, les vieilles pierres de leur logement monacal rue Main de Fer renvoient vers Abram une nudité glaciale. Une sensation de malaise l’envahit. L’appartement n’est pas seulement vide. Son silence chuchote qu’une existence s’achève ici.

Comme si, brusquement, à une vitesse foudroyante, toute une vie se délitait, une paroi pourrie s’effondre, un mur d’avalanche cède, un barrage se rompt.

Par la fenêtre Abram peut voir Marthe : une liste et un crayon à la main, elle vérifie l’inventaire des colis que les déménageurs chargent dans leur camionnette.

Manassa est à l’école. Une journée radieuse d’automne s’annonce sur le Vieux Perpignan, quelques passants étirent leurs silhouettes et celle de leur chien sur le pavé, des touches d’or altèrent à peine les feuilles.      

sanglots la nuit

Sanglots la nuit, Olivier Gérard, Ed2a (Éditions Auteurs d’Aujourd’hui), octobre 2017, 242 p. 21,00 €. ISBN : 978-2-37629-035-3.

Juriste de formation, puis marin par devoir militaire, Olivier GÉRARD est réalisateur et scénariste. Après avoir fait ses débuts au cinéma en assistant, entre autres, Orson Welles, Louis Malle, Philippe de Broca, il a écrit et réalisé de nombreuses émissions de télévision, qui l’ont mené à travers le monde. Sanglots la nuit est son quatrième roman.

 

ASPERGUS ET MOI, RAT VIF POUR ALBUM LUMINEUX

Didier Lévy et Pierre Vaquez sont les lauréats du Prix Landerneau Album Jeunesse 2018 pour leur album Aspergus et moi.

aspergus et moi

Un jeune rat vif et sympathique est l’un des trente assistants du fameux peintre de célébrités, Franz Aspergus. C’est lui qui est chargé de préparer les noirs, si pauvre qu’il dort dans l’atelier, sous l’établi. Mais voilà que le vieux maître perd le goût de peindre. Il aimerait tant retrouver la fraîcheur de l’enfance ! Une nuit, le petit broyeur de noirs lui propose d’essayer de peindre de la main droite, lui qui est gaucher… Révélation ! Puis avec un balai – ou en fermant les yeux ! Aspergus s’amuse comme un fou, enfin, comme un enfant. Et peu à peu, aidé par le malicieux assistant, il invente l’Art moderne…

aspergus et moi

“Le fait de partir du noir plutôt que du blanc – explique Pierre Vaquez – me permet d’avoir dès l’abord une matière déjà donnée, un espace déjà saturé qui confère à l’image une grande densité qui convient à mon univers et me permet d’explorer les subtilités du clair-obscur. Pour Aspergus, même si l’histoire n’est pas précisément située dans le temps, l’ambiance est inspirée de ce qu’on peut imaginer des ateliers – notamment hollandais – du 17e siècle. La manière noire m’a aidé à mieux caractériser cette ambiance. Par ailleurs, la pratique même de cette technique, le temps et la discipline qu’elle exige, n’est sans doute pas sans rapport avec le travail dans les ateliers de l’époque : on peut voir une sorte de connexion entre l’activité d’Aspergus et mon propre travail (les assistants en moins).”

La manière noire est une technique d’estampe inventée en 1650 pour la reproduction de tableaux. La gravure se fait sur une plaque de cuivre poli, marquée d’une multitude de points à l’aide d’une lame d’acier appelée berceau. Après cette étape qui peut prendre plusieurs jours, le graveur reporte son dessin, avec un papier calque, sur la plaque ainsi striée puis efface plus ou moins le grain créé pour faire naître un jeu d’ombre et de lumière. La plaque est ensuite recouverte d’encre puis essuyée aux tampons de gaze avant d’être finalement pressée.

aspergus et moi

“Peut-on rêver mieux pour l’album lauréat du Prix Landerneau Album Jeunesse ? Aspergus et moi parle de la peinture et de la création, des gestes du créateur à la recherche de l’énergie de l’enfance. L’album a l’élégance de choisir la virtuosité technique pour rappeler que seul compte finalement cet esprit d’enfance et sa pureté.” (Timothée de Fombelle, président du jury prix Landerneau 2018)

aspergus et moi
Didier Lévy et Pierre Vaquez

Didier Lévy
Auteur
Avec plus de cent ouvrages à son actif, Didier Lévy est l’un des auteurs majeurs de la maison Sarbacane. Conteur talentueux des aventures d’Angelman et du Tatouage magique, auteur sensible de L’Arbre lecteur et de La Véritable histoire du grand méchant Mordicus, il aborde les grandes questions de la vie dans des récits à destination des jeunes lecteurs. Il est également le créateur des séries à succès La Fée coquillette avec Benjamin Chaud (Albin Michel jeunesse) et Cajou avec Xavier Deneux (Nathan).

Pierre Vaquez
Illustrateur
Graveur en taille-douce dite « manière noire » depuis douze ans, Pierre Vaquez met un pied pour la première fois dans l’univers jeunesse avec Aspergus et moi, lui offrant un graphisme singulier empreint d’un imaginaire nourri de cinéma muet, littérature et bande dessinée. Nuances de noir et texture veloutée : Pierre Vaquez met son savoir-faire au profit de ce récit sensible et lumineux.

Aspergus et moi, Didier Lévy, Pierre Vaquez, Sarbacane, septembre 2017, à partir de 5 ans, 40 pages, 280 x 300, 17,50€

MODE À RENNES, LA COLLECTION 2018 DE JOSÉPHINE GRAVIS

Après l’évènement Cool Club en décembre 2017, il est temps de découvrir la collection 2018 de Joséphine Gravis et de prendre de ses nouvelles. Entre mode, art, et musique, cette année est encore une fois riche en nouveautés et événements. Attrapez vos agendas pour réserver dès à présent vos soirées ! Interview de présentation de la collection et des actualités de Joséphine Gravis.

“Je n’ai pas la cadence des Fashion Weeks – nous expliquait la créatrice indépendante lors d’une première rencontre en 2015 je ne sors pas 2 collections par an, je ne m’impose pas ce stress. Je crée mes vêtements dans mon atelier, à mon rythme, des collections de pièces uniques ou de très petites séries et je fais des collaborations avec des artistes.”

Quelques années ont passé, mais c’est toujours avec le même enthousiasme qu’Unidivers découvre les nouvelles créations de Joséphine Gravis.

mode joséphine gravis
Collection 2018 © Gildas Raffenel

Un rond jaune sur un gilet noir, un triangle bleu sur un tee-shirt blanc, des coupes simples, des tissus agréables à porter pour un vêtement tendance et confortable… c’est cette simplicité, ces influences pop et surtout cette capacité à proposer autre chose que ce que la mode peut offrir actuellement qui plaît dans le style de Joséphine Gravis.

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Robe Tétris, Collection 2018 © Gildas Raffenel

Aussi fraîche que la précédente, la collection 2018 nous plonge une nouvelle fois dans son univers coloré et géométrique. Mais qui peut le mieux en parler si ce n’est la créatrice en personne ?

Unidivers : Comment avez-vous appréhendé la collection 2018 ? Quel est le processus de création de Joséphine Gravis ?

Joséphine Gravis : Pour la collection 2018, j’ai voulu mettre en avant les couleurs primaires, qui, pour moi, représentent la joie, la gaieté et composent un univers pop et ludique. Je les ai associées aux couleurs neutres (blanc, noir et gris) pour mettre en avant les lignes des différents vêtements qui composent la collection.

joséphine gravis
Collection 2018 © Gildas Raffenel

Le processus de création est assez classique : je me nourris d’images trouvées sur le net, dans des livres et magazines. Je dessine jusqu’à ce que je trouve des formes qui me plaisent. Je fabrique ensuite les patrons, découpe, puis assemble les tissus.

U. : Quelles ont été vos inspirations pour cette nouvelle collection ?

Joséphine Gravis : J’ai été très inspirée par les formes géométriques simples. Le rond, le carré, le triangle sont présents dans beaucoup de pièces de la collection. Ces formes étaient très utilisées dans le graphisme des années 80 qui m’influencent beaucoup.

U. : Avez-vous une tenue phare qui résume la collection ?

Joséphine Gravis :L’image ci-dessous représente bien l’esprit de l’ensemble de la collection que les tee-shirts en particulier. Même s’ils sont assez simples en apparence, ils sont vraiment longs à réaliser, car la matière est difficile à travailler. La photo dépeint bien l’esprit pop, géométrique et ludique de la collection.

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Collection 2018 © Joséphine Gravis

Joséphine Gravis : Je n’ai pas vraiment de « tenue phare » pour cette collection. Je trouve que toutes les pièces qui la composent sont importantes : la jupe « Madone » avec son côté imposant, mais très simple, lourde par sa matière, mais légère visuellement ; les sweats « Lover » qui se complètent en duo, mais qui fonctionnent aussi en solo ; les hauts « Puzzle » et la robe « Tetris » qui sont un véritable casse-tête à réaliser ; les vêtements avec des confettis pour le côté festif et toutes les figures géométriques présentes dans la collection qui incarnent pour moi la simplicité malgré la complexité de la fabrication.

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Jupe Madone, Collection 2018 © Gildas Raffenel

U. : Vos collections ont toujours une dimension et inspiration artistique, avez-vo eu des coups de cœur 2018, en Mode ou en Art ? Un créateur/créatrice ou artiste à suivre selon vous ?

Joséphine Gravis : J’adore le travail du photographe Michal Pudelka que je trouve très inspirant. En mode, j’aime bien l’univers de Krizia Robustella, celui de Jean-Paul Lespagnard, il faut suivre aussi les créations de Christelle Noel qui fait de la broderie couleurs pop et flashies, mais encore la marque brestoise Phenüm qui collabore avec beaucoup d’artistes.

bubi canal
Chrystelle II, 2013. Lambda print. 24″x36″ © Bubi Canal

Le travail de l’artiste Bubi Canal m’a pas mal influencé cette année et j’aime beaucoup des artistes comme Sylvain Havec, Thibaut Gleize, Mardi Noir ou encore le LL Cool Jo dont les travaux, en plus d’être beaux et prolifiques, sont plein d’humour. Mais il y en a tellement d’autres qu’il est difficile de rédiger une liste…

U. : Côté Événements, quoi de prévu cette année ?

Joséphine Gravis : Je viens de terminer une commande pour le centre Pompidou qui m’a demandé de au travailler sur des sacs qu’ils utilisent dans le cadre des cosy visites. Je participe au Nantes Fashion Days du 18 au 27 mai, et je vais commencer à plancher sur la prochaine collection. À côté de ça, je vais me produire en tant que DJ en duo avec Nate Wab (Nate & Jojo) au Festival Treize, le samedi 14 avril à Rennes et pour Maison Acid le weekend d’après à Nantes, évènement pour lequel je participe à une exposition collective. Je compte également organiser un nouveau Cool Club où j’inviterai des artistes, créateurs et musiciens pour un évènement qui aura lieu en décembre…

joséphine gravis
Nate & Jojo @ Joséphine Gravis

U. : Une dernière question : beaucoup de vos créations sont mixtes, pensez-vous faire une collection homme ? 

Joséphine Gravis : Presque toutes les pièces de la collection sont portables par des hommes. Mais une collection homme ? Pourquoi pas, ce serait un beau challenge.

mode joséphine gravis
Pull Lovers, Collection 2018 © Gildas Raffenel

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WHO’S HAPPY DE HUGH COLTMAN, UNE VIRÉE EN LOUISIANE

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Le talentueux chanteur anglais bien-aimé du public français Hugh Coltman revient en ce mois de mars avec un nouvel album de jazz intitulé Who’s Happy ? C’est bel et bien une question posée et qui taraude bon nombre d’entre nous en ces temps incertains.

LA MUSIQUE DE LA NOUVELLE-ORLÉANS N’EST PAS FORCÉMENT VIRTUOSE ; ELLE MET EN AVANT LE CRI ESSENTIEL.

Hugh Coltman officie également en tant que chanteur harmoniciste dans un groupe de blues-blues rock nommé The Hoax (le canular). Cette musique est comme on le sait à la base du jazz, style qu’Hugh Coltman aborde avec une attitude de crooner dans le meilleur sens du terme, c’est-à-dire en renouvelant les codes du genre, sans copier-coller sur les pionniers du siècle dernier, mettant de côté le côté séducteur pour interpréter avec classe et une grande maîtrise vocale des textes intelligents.

HUGH COLTMAN
Ses deux premiers albums Stories from the Safe House et Zero Killed  le présentaient comme un très bon compositeur dans un registre folk-pop-indé. À la suite de ces deux opus, Hugh Coltman est revenu en 2015 avec l’album Shadows comprenant des reprises de standards jazz écrits par Nat King Cole. Un changement d’orientation musicale donc, mais peut-être plus en phase avec la sensibilité et le savoir-faire du chanteur.

HUGH COLTMAN
Enregistré à La Nouvelle-Orléans, ville berceau du jazz, des fanfares, des fêtes mardi-gras (provenant de l’ancienne présence de la France dans l’État de Louisiane) ce disque, avec le titre festif It’s your Voodoo Working nous transporte dans les bars à concerts de la ville, si bien dépeints dans la série T.V. Treme. Le clip est quant à lui comique, à mille lieues du côté glamour latin lover de certains interprètes de musique jazz. Le morceau Hand Me Downs est un duo français-anglais, masculin-féminin en collaboration avec la chanteuse canadienne Mélissa Laveaux. Très douces, les voix sont posées délicatement sur une ritournelle jouée à la guitare acoustique. On y entend Hugh Coltman chanter en français avec un accent assez sympathique (enfin un British qui ose ! contrairement à l’engagement de masse des jeunes groupes français à délaisser la langue de Molière pour celle de Shakespeare…).

HUGH COLTMAN

Le titre Sugar Coated Pill dévoile une atmosphère assez rétro avec un piano cabaret et une interprétation plus classique. Le morceau Ladybird mélange les influences : guitares blues slow funk sur une trame harmonique originale, ce n’est pas un 12 mesures basé sur les 3 accords IV-IV-V tant (et peut-être trop…) joués par les accrocs du Shuffle à la guitare; l’atmosphère y est tout autant hypnotique avec en plus un côté sensuel et envoûtant (nous sommes à la Louisiane avec ses mystères, ses superstitions flottant dans les territoires sombres et hostiles des bayous…)
Dans les bacs depuis début mars, Who’s Happy s’annonce être l’un des disques les plus riches de ce premier trimestre. Les ambiances s’alternent, les rythmes et orchestrations aussi. Un élément assez original est l’utilisation du tuba, instrument incontournable des fanfares jazz new Orléans, qui est sur ce disque habilement intégré aux nouvelles compositions du chanteur.

HUGH COLTMAN

 

En 2017, Hugh Coltman a été nommé « Voix de l’année » aux Victoires de la musique jazz.

Hugh Coltman – Voix
Pierre Bertrand – Sax
Frédéric Couderc – Clarinette / Baryton
Jérôme Etcheberry – Trompette
Jerry Edwards – Trombone
Didier Havet – Soubassophone
Freddy Koella – Guitare
Gael Rakotondrabe – Piano
Raphael Chassin – Batterie

Hugh Coltman est en tournée :

  • 6 avril Château Rouge, Annemasse, France
  • 12 avril Le Bataclan, Paris, France
  • 20 avril SALLE DES FÊTES, Schiltigheim, France
  • 27 avril LE CHAPITEAU DE L’ÉCOLE DU CIRQUE, Bourges, Center, France
  • 19 mai LE NEC Marly, 57, France
  • 23 juin PARC DE LA PLAINE Le Triadou, Occitanie, France
  • 28 juin Chapiteau La Ferté-Sous-Jouarre, 77, France
  • 29 juin Chapiteau La Ferté-Sous-Jouarre, 77, France
  • 30 juin CHATEAUVALLON-AMPHITHEATRE Ollioules Cedex, 83, France
  • 25 juillet PLACE DU PENITENCIER Albertville, 73, France
  • 27 juillet PLACE DU PENITENCIER Albertville, 73, France
  • 29 juillet PLACE DU PENITENCIER Albertville, 73, France
  • 31 juillet Chapiteau Marciac, France

MUSIQUE ET CINÉMA, LAURENT KORCIA AU COUVENT DES JACOBINS

Le temps passe vite et il y a déjà près de trois ans que Laurent Korcia n’était pas venu à Rennes faire une démonstration de son merveilleux talent. Depuis le vendredi 16 mars, cette erreur est réparée et le violoniste amoureux de la Bretagne a pu faire connaissance, après une longue et solitaire déambulation dans les rues du centre-ville de Rennes, de son nouveau Palais des Congrès Couvent des Jacobins.

Laurent Korcia aime Rennes… et c’est très bien, car la capitale bretonne lui rend bien ! Il faut reconnaître que les deux soirées du vendredi et du samedi, furent de haut niveau. L’OSB était placé pour ces soirées sous la baguette du chef invité Debora Waldman qui a fait preuve d’une belle autorité en dirigeant cet ensemble de façon rigoureuse.

LAURENT KORCIA JACOBINS

Le thème du cinéma et de sa rencontre avec la musique classique trouvait sa première illustration dans l’ouverture du célébrissime Don Giovanni de Mozart. Milos Forman et lui, semblant s’entendre parfaitement, c’est avec la symphonie numéro 25 en sol mineur K.183, et qui sert d’introduction au film, que nous nous remémorerons les images du Vienne de 1823.., alors que du fond de sa cellule, l’infortuné Antonio Salieri, hurle désespérément …. « Mozart pardonne à ton assassin !»

LAURENT KORCIA JACOBINS
Il convient pourtant de ne pas oublier qu’entre ces deux bons moments, l’exécution de l’andante de la symphonie concertante pour violon et alto en mi bémol majeur K. 364, nous avait permis d’entendre lors d’une première apparition le violon de Laurent Korcia, mais aussi l’alto de Cyril Robert, le local de l’étape, lesquels nous ont proposé un mano à mano harmonieux et équilibré, aucun instrument ne laissant vraiment l’autre prendre le leadership, nous offrant par la même un dialogue raffiné et intelligent. Une remarquable page musicale !

LA NOUVELLE BABYLONE
Restant dans le domaine du cinéma, c’est le film muet des réalisateurs Russes Grégori Kosintsev et Léonid Trauberg La nouvelle Babylone qui est mis en musique par Dmitri Chostakovitch. C’est, pour ce grand musicien, la première participation avec le monde de l’image. Par la suite, on ne dénombrera pas moins d’une quarantaine de musiques de film. On ne saurait reprocher à cette œuvre un quelconque manque d’énergie : c’est un véritable déferlement de cuivres tonitruants, de percussions énervées en diable, alternant avec des séquences sombres. On a l’impression de regarder un kaléïdoscope nous proposant tout le spectre des émotions qu’une musique de film peut produire. Tout y est ! La tempête sur fond de mer déchaînée, l’émotion de retrouvailles, le calme d’un lever de soleil, le drame d’une mort tragique. L’avantage de ce catalogue aux accents satiriques est au moins de mettre en avant quelques-uns des musiciens de l’orchestre.

Laurent Dhoosche

Laurent Dhoosche et son hautbois font merveille comme dans Mozart, la trompette de Fabien Bollich sonne un vigoureux rappel, mais pas moins énergique que le basson de Marc Mouginot. Heureusement en quelques notes légères et virtuoses, Eric Bescond et sa flûte traversière ramènent un peu de calme et d’apaisement. Ce film, censé raconter les amours tragiques d’une vendeuse et d’un soldat à l’heure de la commune à Paris, lesquels, malgré leurs sentiments ne sont pas dans le même camp, a été mis à l’écran en 1929. La musique de Chostakovitch, pas dénuée d’arrière-pensées politiques, lui donne une vraie vie, foisonnante et drolatique.

C’est avec le concerto pour violon en ré majeur opus 35 de Erich Wolfgang Korngold que nous aurons le plaisir de retrouver Laurent Korcia et son merveilleux Stadivarius de 1719, le « Zhan », prêté généreusement par le groupe LVMH. Là aussi s’identifient aisément des accents propres à la musique de film, mais s’agissant d’un concerto, elle n’a aucun besoin d’être fonctionnelle, elle n’illustre aucune situation particulière et laisse s’exprimer l’auteur sans aucune contrainte. Le cinéma américain doit indirectement beaucoup au nazisme, car sans la fuite obligée des élites juives allemandes et autrichiennes, comme Korngold ou Schoenberg, leurs productions n’auraient peut-être pas connu de tels succès. Pour se persuader de l’importance de la musique dans le cinéma, transposons nous à l’époque moderne, saurions nous nier l’impact d’un musicien comme John Williams.

Laurent Korcia nous offre une interprétation étincelante et habitée de cette œuvre qui avait été créée par l’immense violoniste Jascha Heifetz, le 15 février 1947, en compagnie de l’orchestre symphonique de Saint Louis. Il est clair qu’après une telle référence, notre invité n’avait aucun droit à l’erreur, il a eu le bon goût de s’y conformer. Pas de raison alors de s’étonner de l’unanime ovation qui a salué ses divers retours sur scène, il a eu la courtoisie de nous accorder en solo un éblouissant rappel qui a laissé un bon millier de personnes présentes au Couvent des Jacobins, l’œil écarquillé et la bouche un peu béante. Cela aurait valu une photo !

InOut, LES MOBILITÉS DU FUTUR SE DESSINENT-ELLES À RENNES ?

Transports partagés, exploitation et anonymat des données personnelles, véhicules connectés et transition énergétique… L’avenir des mobilités pose de nombreuses questions… Le forum des mobilités numériques InOut s’est tenu à Rennes du 14 au 18 mars 2018. Il permet d’avancer des éléments de réponse à partir d’initiatives qui se développent déjà sur le territoire breton.

inout

Le deuxième étage du centre des congrès des Jacobins, flambant neuf, surplombe la ville de Rennes. Depuis les larges baies vitrées, on aperçoit les toits d’ardoise du centre-ville, le sommet de la salle de la Cité en travaux, quelques grues. Mais à l’intérieur, le parterre de journalistes s’intéresse bien plus aux élus et hauts cadres d’entreprises qui leur font face. Ce 14 mars, tous ces grands acteurs plus ou moins locaux sont venus présenter leurs futurs projets, entre transports et numériques.

inout rennes

Pour la métropole rennaise, le forum InOut, dédié aux « mobilités numériques », est l’occasion de se mettre en scène face à des responsables d’entreprises venus de toute la France, et même au-delà. « Le lieu pour cette rencontre est très mal choisi », s’amuse Mathias Vicherat, directeur général adjoint de la SNCF. « Il s’appelle couvent des Jacobins, on devrait plutôt l’appeler couvent des Girondins ! » Face au centralisme des premiers, il a envie de voir des initiatives émerger depuis les régions elles-mêmes…

« On veut devenir le territoire de référence sur les mobilités numériques », assène Emmanuel Couet, le président de Rennes Métropole. Pour lui, les enjeux du digital et de la mobilité se rejoignent désormais. Preuve en est le développement de véhicules connectés, les nombreuses applications dédiées au déplacement, l’exploitation d’immenses bases de données pour améliorer les transports… Surtout, explique-t-il, la ville a des atouts pour se démarquer de ses concurrentes dans ce domaine : « chaque année, 1 200 emplois nets sont créés sur la métropole dans le domaine du numérique ».

ville volante
Ville volante par les studios Ghibli

AVOIR UN COUP D’AVANCE

A ses côtés, le président de la Région, Loïg Chesnais-Girard, rappelle que la Bretagne est suffisamment diversifiée pour permettre de nombreuses expérimentations, entre ses îles, ses zones rurales, ses métropoles et ses cotes touristiques. Responsable d’Orange pour le grand Ouest, Pierre Jacobs pointe ses 3 000 salariés bretons en recherche et développement, et ses 4 000 cadres supérieurs installés dans la métropole rennaise. Betrand Picard, directeur commercial de Siemens, met en valeur un métro rennais – qu’il a conçu – « avant-gardiste » ; Loïg Chesnais-Girard précise en plus que la Bretagne a un réseau de trains régionaux parmi les moins chers et les plus efficaces.

« On veut avoir un coup d’avance sur les transports », explique le président de région. Pour cela, les pouvoirs publics travaillent main dans la main avec les grandes entreprises du secteur : Orange, PSA, Siemens, Keolis, Bolloré et la SNCF sont partenaires de la région Bretagne et de la métropole de Rennes pour organiser ce forum des mobilités numériques. « Nous avons la capacité d’agir et l’ambition », poursuit Loïg Chesnais-Girard. « On a envie de dire aux entreprises : utilisez-nous autant que vous voulez. »

inout

DE NOUVEAUX TRANSPORTS EN COMMUN

Ce sont ces partenariats entre pouvoirs publics et (très) grandes entreprises qui justement dessinent les évolutions des transports rennais. Au cœur de ces perspectives, évidemment, la seconde ligne de métro, dont les véhicules sont construits par l’allemand Siemens. « On travaille en étroite collaboration avec la métropole », soutient Bertrand Picard.

Derrière ce projet se cachent de discrètes innovations : des capteurs permettront de réguler le chauffage en fonction de la température, un système de navigation embarqué pourra informer les voyageurs en temps réel, une intelligence artificielle viendra déterminer à quels moments la maintenance des véhicules sera nécessaire grâce à la collecte de données.

mobilités futures
Cloud Skippers imaginés par le Studio Lindfors

Le groupe Bolloré est de son côté également engagé dans ces évolutions. La ligne 12 du STAR sera ainsi équipée du Bluebus du groupe breton, un bus électrique de 12 mètres. Un nouveau pas pour la métropole dans la transition énergétique : à terme, tous les bus du STAR devraient rouler à l’électricité. Pour l’entreprise, ce partenariat permet d’expérimenter le fonctionnement de ses véhicules à l’échelle de la métropole. Un test grandeur nature, pour tester à quel moment il vaut mieux recharger les bus, par exemple. Avant de continuer le développement de nouveaux modèles. « L’année prochaine, on va développer un bus de 18 mètres », indique ainsi Marie Bolloré, la fille de Vincent Bolloré, qui dirige l’activité véhicules électriques du groupe.

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VÉHICULES CONNECTÉS, VÉHICULES PARTAGÉS

Si la transition énergétique entre de plus en plus dans les transports, les véhicules autonomes, eux, restent une perspective de plus long terme… Les Rennais ont certes pu tester, sur le village d’InOut, la navette sans chauffeur de TransDev. Mais pour les constructeurs automobiles, l’heure est bien davantage au développement de véhicules connectés, qui communiquent entre eux. Une manière de renforcée la sécurité, selon les constructeurs. « La conduite ne sera plus la principale occupation dans un véhicule », souligne Pierre Jacobs, directeur d’Orange pour le grand Ouest. Le groupe de téléphonie travaille ainsi avec les groupes PSA et Ericson sur ces véhicules connectés. Des innovations qui, au préalable, nécessitent justement une couverture réseau complète sur toutes les routes. Le déploiement de la 5G devrait justement y aider.

voitures volantes

En parallèle de ces innovations, élus comme entreprises s’intéressent de plus en plus au partage de véhicules. En septembre 2017, la métropole a ainsi testé le covoiturage dynamique à Acigné : on peut rejoindre librement un déplacement inscrit en ligne, sans réserver. Au rez-de-chaussée du couvent des Jacobins, de nombreuses start-up veulent proposer des solutions de covoiturage, de partage de véhicule, de transport à la demande… « Si chaque Rennais faisait du covoiturage un jour par semaine, on aurait résolu tous les problèmes de pollution et d’engorgement », insiste Emmanuel Couet. Pour faciliter ce réflexe, la métropole va mettre en place des voies réservées aux covoitureurs sur certains axes de la rennais. Une solution qui risque de cristalliser des tensions avec certains automobilistes, reconnaît-il, et qui devrait être mise en place pour 2020.

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LE FILON DES DONNÉES PERSONNELLES

Mais avant tous, les entreprises ont le regard rivé vers le data : toutes ces données qu’on laisse derrière nous. Leur exploitation est un enjeu économique considérable pour elles, et les mobilités n’échappent pas à cette logique. Orange est ainsi la première entreprise productrice de données à travers, notamment, les téléphones portables et les objets connectés. La SNCF, elle, est la première entreprise en open data, les données publiquement accessibles.

Toutes ces données permettent de suivre très précisément les déplacements de chacun, les lieux fréquentés… Et donc de proposer de modes de déplacement adaptés. Pour un groupe comme Orange, cette connaissance des habitudes de chacun représente un produit à vendre qui intéresse de nombreuses structures publiques comme privées.

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Ainsi, de nombreux capteurs – de CO2, infrarouges, caméras – ont été installés par le groupe au sein du centre des Congrès. Une manière de voir, à l’intérieur du bâtiment, comment se déplacent les congressistes, pour s’adapter à leurs pratiques ou mesurer finement l’affluence à un événement. Pour cela, le groupe se repose notamment sur des start-up qui lui permettent d’innover en dehors des recherches de ses propres ingénieurs. Cela permet d’adapter par exemple le nettoyage du bâtiment à son usage réel, explique le directeur d’Orange pour le grand Ouest : très concrètement, si tout le monde utilise les mêmes toilettes, celles-ci devront être lavées plus souvent, contrairement aux autres. Ce qui existe au centre des Congrès prend une forme différente à l’intérieur des foyers, avec notamment les multiples objets connectés, qui proposent de faciliter certaines tâches… tout en recueillant davantage de données.

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A l’extérieur des murs, les téléphones portables que l’on a dans nos poches ou nos sacs prennent le relai des capteurs et autres objets connectés. Orange a ainsi développé un outil – baptisé Flux vision – qui permet d’analyser les déplacements à l’échelle d’un territoire à partir des données anonymes des mobiles. « On pourrait voir par exemple comment les congressistes se déplacent, pour proposer des déplacements à la carte », explique Pierre Jacobs.

L’opérateur de téléphone a également développé, pour ce forum des mobilités numériques, l’application Rennes explorer qui permet une immersion en 3D en temps réel dans les transports rennais. Grâce à cette application, il serait ainsi possible d’adapter ses déplacements en fonction de l’affluence dans les transports.

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L’exploitation de ces données est un vrai filon pour les entreprises. Pour les particuliers, elles promettent un confort individuel avec la personnalisation des offres de transport ou de services. Mais elles posent d’importantes questions sur le respect de la vie privée. Si en principe on donne son accord pour transmettre toutes ces données, on a rarement conscience de leur étendue et de l’usage qui en est fait, lequel peut s’avérer nettement intrusif. Chez Orange, on assure que les données vendues clé en main avec flux vision par exemple sont anonymisées. Une décision qu’a prise le groupe pour garder la confiance de ses clients. Mais, précise Pierre Jacobs, toutes les entreprises n’ont pas fait ce choix-là…

mobilités futures

”Si quelque ville se révolte, ou refuse de payer les impôts, le roi de Laputa a deux façons de la réduire à l’obéissance. La première et la plus modérée est de tenir son île au-dessus de la ville rebelle, et des terres voisines : par-là il prive le pays et du soleil et de la pluie, ce qui cause la disette et les maladies. Mais si le crime le mérite, on les accable de grosses pierres qu’on leur jette du haut de l’île, dont ils ne peuvent se garantir qu’en se sauvant dans leurs celliers et dans leurs caves, tandis que les toits de leurs maisons sont mis en pièces. S’ils persistent témérairement dans leur obstination et dans leur révolte, le roi a recours alors au dernier remède, qui est de laisser tomber l’île à plomb sur leurs têtes; ce qui écrase toutes les maisons et tous les habitants. Le prince néanmoins se porte rarement à cette terrible extrémité, que les ministres n’osent lui conseiller; vu que ce procédé violent les rendrait odieux au peuple, et leur ferait tort à eux-mêmes, leurs biens se trouvant sur le continent.” (Les Voyages de Gulliver, Jonathan Swift, 1727. Troisième partie, chapitre III)

Image de une : G. Rodeck, Sanatoir aérien du docteur Farceur, bureau volant de mariage, police aérienne [objets volants de fantaisie], 1890

SECTEUR GUINES RENNES, 460 LOGEMENTS EN 2022

Lundi 19 mars 2018, dans le cadre du Conseil municipal de Rennes, les perspectives des quatre premiers programmes immobiliers attribués sur le secteur Guines ont été dévoilées.

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Les quatre premiers programmes immobiliers ont été attribués aux bailleurs institutionnels du territoire (Archipel Habitat, Neotoa, Espacil et Aiguillon Construction). La répartition programmatique et le cahier des prescriptions architecturales, urbaines, paysagères et environnementales ont été travaillés en amont de la consultation d’architectes avec les différents bailleurs, pour partager d’emblée les ambitions du projet urbain.

Les quatre bailleurs se sont constitués en groupement de commande avec Espacil comme coordonnateur afin d’organiser un concours d’architecture commun, dans le but de choisir les projets en même temps au regard de leur cohérence avec le projet urbain de Rennes.

104 équipes d’architectes ont répondu à l’appel à candidatures et 12 d’entre elles, soit 3 par lot (A2, B2, C1 et C2), ont été admises à concourir. À la remise des esquisses, quatre projets ont été sélectionnés par le jury.

A2 : Neotoa + SNI / Petitdidier-Prioux

B2 : Aiguillon / Hamonic+Masson

C1 : Archipel Habitat / Périphériques

C2 : Espacil – Peoc’h Rubio

Sur la base de ces esquisses, un travail d’atelier commun a été engagé, associant les différentes équipes, Territoires publics et Sathy (urbaniste) afin de poursuivre la conception des différents programmes. L’ensemble des permis de construire pourraient être déposés à l’automne 2018.

Sur le secteur Guines, 460 logements à l’horizon 2022
Le secteur Guines, d’une surface de 2,5 hectares, a fait l’objet en 2017 d’un conventionnement entre l’État (foncier appartenant au ministère de la Défense) et la Ville de Rennes, dans le cadre de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement.

L’opération de renouvellement urbain, concédée par la Ville de Rennes à la SPLA Territoires Publics, consiste à y construire 460 logements, dont 80 % de logements aidés :

88 logements PLUS
44 logements PLAI
62 logements PLS
178 logements en accession sociale
88 logements en accession libre.
Le programme comprend également 1 976 m² de services.

Sur la parcelle, 6 ilots sortiront de terre d’ici 2022

Neotoa – Petitdidier-Prioux
Détail de la programmation

122 logements dont 30 en accession libre, 34 en accession sociale, 36 locatifs intermédiaires et 22 locatifs sociaux.

Ensemble composé de 6 bâtiments de R+2 à R+17

Aiguillon Construction – Hamonic + Masson
Détail de la programmation

89 logements, dont 29 en accession libre, 38 en accession sociale, 22 locatifs sociaux.

Ensemble de bâtiments de R+2 à R+16

Archipel Habitat – Périphériques
Détail de la programmation

91 logements, dont 19 en accession sociale et 72 locatifs sociaux.

Ensemble de R+2 à R+8

Espacil – Peoc’h Rubio
Détail de la programmation

96 logements dont 29 en accession libre, 25 en accession sociale, 26 locatifs intermédiaires et 16 locatifs sociaux + services.

Ensemble de R+4 à R+16

SALON DES VINS ITALIENS DE RENNES LE 24 MARS (VINO E GUSTO)

Le restaurant italien Vino et Gusto organise samedi 24 mars 2018 le 3e Salon des vins italiens de Rennes 6 rue de la Baudrairie de 11 à 18h. L’année dernière, près de 1000 amateurs de la spiritueuse et non moins spirituelle Botte sont venus déguster des flacons d’excellente tenue : de l’Ageno, aux arômes de glycine, jusqu’à la syrah, à la vivante robustesse. Entrée libre et dégustation  gratuite.

vino e gusto
de d. à g. : Amalia, Aurélia et Yann, maestro des saveurs italiennes

Les Domaines

TABLE A : AZIENDA LA STOPPA FANNY BREUIL
Emilie-Romagne
De Rivergaro (Piacenza) Domaine de 30 hectares Produisant 160.000 bouteilles Propriétaire : Elena Pantaleoni
Situé au sud de Piacenza, il s’agit d’un très ancien domaine fondé par le Docteur Ageno il y a plus de cent ans, ce dernier avait planté des cépages bordelais d’ailleurs. Il fût racheté en 1973 par la famille Pantaleoni qui réorienta le vignoble en plantant des cépages locaux comme la Bonarda ou la Malvasia de Candia et rénova la cave. Aujourd’hui La Stoppa est renommé comme une des plus belles références des vins naturels en Italie !

AGENO 2012
Encépagement : Malvasia di Candia Aromatica 60%, Ortrugo e Trebbiano 40%
TREBBIOLO 2015
Encépagement : Barbera 60% Bonarda 40%
BARBERA 2009
Encépagement : Barbera 100%
MACCHIONA 2011
Encépagement : Barbera 100%

TABLE B : CAPPELLA SANT’ANDREA Francesco Galgani
Toscane
De San Gimignano (Siena) Domaine de 8 hectares Produisant 25.000 bouteilles
Situé à l’ouest de la zone du Chianti Classico cette appellation est la seule de Toscane à produire des vins blancs intéressants de qualité assez homogène. Le domaine présenté ici travaille des vins de terroir avec un soin et une attention apportée en vigne de qualité remarquable, le résultat dans le verre en étant la plus belle preuve ..
VERNACCIA DI SAN GIMIGNANO “Clara” 2016
Encépagement : 100% Vernaccia
VERNACCIA DI SAN GIMIGNANO “Rialto” 2016
Encépagement : 100% Vernaccia
CHIANTI COLLI SENESI 2015
Encépagement : Sangiovese
DONNA FLAVIA 2015
Encépagement : Ciliegiolo, Sangiovese

TABLE C : AZIENDA AMERIGHI STEFANO AMERIGHI
Toscane
De Foiano della Chiana (Arezzo) Domaine de 8 hectares Produisant 12.000 bouteilles
Voici un cas particulier et ce pour 2 raisons principales, d’abord la zone où Stefano est situé, Cortona, totalement inconnue pour beaucoup, la deuxième étant le cépage utilisé : la Syrah. Personnellement je ne suis pas du tout adepte de travailler ce type de cépage dans mon assortiment, l’Italie étant 2 fois plus riches en cépages autochtones par rapport à la France, mais seulement voilà quand on rencontre des vins qui atteignent des niveaux de qualité exceptionnels on oublie vite notre cahier des charges et on en parle avec passion….
SYRAH CORTONA 2015
Encépagement : Syrah
SYRAH CORTONA “Apice” 2014
Encépagement : Syrah

TABLE D : AZIENDA MARCHIONNI PAOLO MARCHIONNI
Toscane
De Scandicci (Firenze)
Domaine de 5 hectares Produisant 14.000 bouteilles
Situé à 15 km au sud-ouest de Florence dans la zone d’appellation Chianti Colli Fiorentini,, ce petit domaine est géré par 2 jeunes vignerons, frères et fiers de leurs racines profondément ancrées dans ce terroir magnifique historiquement dédié à la production de vins et d’huiles de qualité. Rigoureux et respectueux de leur environnement ils produisent des vins immédiats et directs dans un style raffiné, gourmand et gouleyant.
BIANCO VIGLIANO CHARDONNAY 2016
Encépagement :Trebbiano et 11Chardonnay
ROSSO VIGLIANO 2016
Encépagement : Sangiovese
L’ERTA 2013
Encépagement : Sangiovese

TABLE E : AZIENDA LUIGI GIUSTI PIERGIOVANNI GIUSTI
Marches
De Senigallia (Ancona) Domaine de 12 hectares Produisant 40.000 bouteilles
Situé aux portes d’Ancone cette appellation de vin rouge issu du cépage Lacrima produit les vins les plus originaux de la région. En effet, le Lacrima possède un caractère olfactif très déroutant avec des notes pouvant passer de la rose à la violette voire au litchi ! Giovanni Giusti est un de ses meilleurs interprètes, grand amoureux de sa terre et vraiment vigneron dans l’âme, il réussit à produire une gamme de vins homogène en qualité et variée en expressivité même si le cépage de base reste le même. De plus, son vin moëlleux, typique et ancestral à base de marc de Lacrima et cerises locales est un véritable nectar…A tester au moins une fois !
L’INTRUSO 2013
Encépagement : Sangiovese, Lacrima, Montepulciano
LACRIMA MORRO ALBA 2013
Encépagement : 100% Lacrima
LACRIMA MORRO ALBA ORIGINI 2015
Encépagement : 100% Lacrima (sans sulfites)
LACRIMA MORRO ALBA LUIGINO 2010
Encépagement : 100% Lacrima
VINO DI VISCIOLA
Boisson aromatisée à base de cerise locale et vin Lacrima

TABLE F : AZIENDA DAMIANO
CIOLLI DAMIANO CIOLLI
Latium
De Olevano (Roma) Domaine de 5 hectares Produisant 15.000 bouteilles
Encore un jeune vigneron grand défenseur de son terroir et de son cépage : le Cesanese. Nous sommes donc à Olevano Romano situé sur le mont Celeste à 600 m d’altitude et à 35 km au sud est de Rome. Son vin est très intéressant, profond et raffiné avec un style situé entre la Bourgogne et le Rhône même si il possède une belle matière, lui permettre de s’oxygéner sera très bénéfique à l’expression de son caractère et de sa complexité.
CESANESE DI OLEVANO SILENE 2016
Encépagement : 100% Cesanese
CESANESE DI OLEVANO CIRSIUM 2014
Encépagement : 100% Cesanese

TABLE G : AGRICOLA OCCHIPINTI ANDREA OCCHIPINTI
Latium
De Gradoli (Viterbo) Domaine de 6 hectares Produisant 18.000 bouteilles
Nous voici à Gradoli, village situé à 450 mètres d’altitude situé au nord du lac de Bolsena (le plus grand d’origine volcanique en Europe) et proche de la frontière avec la Toscane. Andrea réalise des vins naturels très gouleyants et très raffinés à la fois avec les cépages locaux Aleatico (connu surtout sur l’île d’Elbe vinifié en moelleux) et Grechetto rosso qui sont complémentaires car assez différents.
ALEA VIVA 2015
Encépagement : Aleatico
ARCAICO 2015
Encépagement : 50% Grecchetto rosso 50% Aleatico

TABLE H : FATTORIA MORETTO FAUSTO ALTARIVA
Emilie-Romagne
Castelvetro di Modena Domaine de 10 hectares Produisant 65.000 bouteilles
Enfin un Lambrusco avec lequel on pourra prendre du plaisir en dégustation (et qui ne fera pas dégâts à l’estomac…)! Nous sommes en plein coeur de la zone de Grasparossa à 200 mètres d’altitude dans une zone vallonée qui donne juste envie de s’asseoir et de se mettre à la peinture…. Ici on produit des vins généreux avec du caractère, de l’authenticité mais surtout beaucoup de finesse et une élégance surprenante !
PIGNOLETTO FRIZZANTE
Encépagement : Grechetto Gentile
LAMBRUSCO TASSO
Encépagement : Grasparossa di Castelvetro
LAMBRUSCO SEMPREBON
Encépagement : Grasparossa di Castelvetro

TABLE I : FATTORIA SELVAPIANA FEDERICO GIUNTINI
Toscane
De Rufina
Domaine de 58 hectares Produisant 250.000 bouteilles
Les vignes de Rufina se dressent sur les pré-Apenins, chaîne de montagnes séparant la région d’Emilie- Romagne de la Toscane. Selvapiana est le plus ancien domaine de la petite appellation Rufina (750 ha), et cultive d’ailleurs l’histoire avec des vins de plus de 50 ans d’âge encore présents dans leur cave. Cela reste, et de loin selon moi, l’appellation satellite de Chianti la plus intéressante, capable de se hisser au niveau des meilleurs « Classico »
CHIANTI RUFINA 2015
Encépagement : Sangiovese
CHIANTI RUFINA RISERVEA BUCERCHIALE 2013
Encépagement : Sangiovese

Table J : CAMPINUOVI DANIELE ROSELLINI
Toscane
De Cinigiano Domaine de 7 hectares Produisant 15.000 bouteilles
Nous voici dans la zone émergente de la Toscane : la Maremma. L’appellation Montecucco étant l’appellation de référence, le fait qu’elle soit voisine de Montalcino (uniquement séparé par la rivière Orcia) n’étant pas un hasard.
En fin de compte cette zone est très complémentaire de Montalcino, car du fait qu’elle soit plus au sud avec des terroirs et des micro- climats assez différents, on y produit des vins plus facile d’accès avec , surtout, des rapports qualité-prix remarquables car ce sont également des vins qui peuvent se garder en cave.
MONTECUCCO ROSSO 2015
Encépagement : Sangiovese et Cabernet Sauvignon
MONTECUCCO SANGIOVESE 2015
Encépagement : Sangiovese
MONTECUCCO SANGIOVESE RISERVA 2012
Encépagement : Sangiovese

TABLE K : GRAPPES & TERROIRS FANNY BREUIL
8 700 bouteilles produites
Fanny Breuil & Thomas Oui https://www.facebook.com/grappes-terroirs
Grappes & Terroirs est le projet de deux amis passionnés de vins de terroirs et qui veulent mettre en avant des terroirs mal connus, des cépages délaissés ainsi que valoriser et soutenir l’effort de vignerons engagés dans l’agriculture biologique.
C’est dans le Rhone qu’ils démarrent avec un Ventoux rouge issus de vieilles vignes de Grenache, Mourvèdre et Carignan et un Vacqueyras blanc issu majoritairement de Clairette. Le projet est double : faire des vins biologiques et travailler selon des règles de commerce éthique.
La production est petite pour ne travailler qu’avec de belles qualités.
VENTOUX 2014
Grenache Carignan Syrah
VACQUEYRAS 2014
Clairette – Roussanne – Viognier

Table L : AZIENDA LA STAFFA RICCARDO BALDI
Marches
De Staffolo Domaine de 7 hectares Produisant 15.000 bouteilles
Situé prés d’Ancone c’est l’appellation la plus connue de la région. Le Verdicchio est un cépage italien encore trop sous estimé alors que le rapport prix – plaisir est remarquable. Ce domaine de petite taille est tenu par un jeune vigneron passionné qui a comme principal objectif de produire le vin le plus typé et le plus authentique possible. Il part déjà avec de très bonnes bases vu la situation du vignoble planté à Staffolo, village réputé pour son terroir.
SPUMANTE MAI SENTITO
Encépagement : Verdicchio, Malvasia et Trebbiano
VERDICCHIO DEI CASTELLI DI JESI 2016
Encépagement : Verdicchio
VERDICCHIO RINCROCA 2015
Encépagement : Verdicchio

Table M : AZIENDA ALEPA PAOLA RICCIO
Campanie
De Caiazzo Domaine de 3 hectares Produisant 18.000 bouteilles
Domaine découvert récemment situé dans les collines de Caserte et lieu de prédilection de cépage local Palagrello (blanc et rouge). Les vins sont dans un style nature avec une très belle maîtrise du sujet et également des expressivités dans le verre très variés, originales et précises. Originalité et authenticité à découvrir !
CASA DI CAMPAGNA BIANCO
Encépagement : Falanghina et Greco
RICCIO BIANCO 2012
Encépagement : Palagrello bianco
CASA DI CAMPAGNA ROSSO
Encépagement : Palagrello rosso et Cabernet sauvignon
RICCIO NERO 2009
Encépagement : Palagrello Nero


Vino e Gusto Restaurant italien Rennes 6 rue de la Baudrairie
Ouvert de mardi à samedi de midi à minuit.
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PARCOURS WILLIAM FORSYTHE À RENNES (CHAMPS LIBRES, TNB, MUSÉE DE LA DANSE)

Du 20 mars au 6 mai 2018, le Musée de la danse, les Champs Libres et le TNB Théâtre national de Bretagne s’associent autour du travail d’un grand chorégraphe du XXe siècle : l’américain William Forsythe. Présentation d’un chorégraphe hybride et du parcours.

Comment relier le centre chorégraphique, les Champs Libres et le centre dramatique de Rennes ? Après 20 danseurs pour le XXe siècle en 2012, le Musée de la danse et les Champs Libres n’en sont pas à leur première collaboration. « L’arrivée d’Arthur Nauryciel a ouvert ce projet, cette envie de présenter un portrait de grande ampleur » explique Boris Charmatz, directeur du Musée de la danse.

Qui a réinventé la danse ? Qui en sont les figures majeures ? Chorégraphe aux multiples facettes, le travail de William Forsythe semblait un bon point de départ pour les trois institutions culturelles rennaises. Avec un désir commun de partager son œuvre, le parcours William Forsythe constitue la possibilité d’embrasser le large éventail que propose son travail. Qui est ce danseur et chorégraphe considéré comme « le plus européen des américains » ?

Après des études de danse classique et de jazz à l’Université de Jacksonville (Floride), ce danseur et chorégraphe américain entre au Joffrey Ballet de Chicago en 1971. En 1984, il devient directeur du Ballet de Francfort et ce jusqu’en 2004. Expérience prolifique car il  crée ses œuvres majeures comme The Impressing Czar (1988) ou The Vertiginous Thrill of Exactitude (1996) à cette période. En 2005, il fonde sa propre compagnie, The Forsythe Compagny qu’il dirige jusqu’en 2015. Il est maintenant chorégraphe indépendant et assure la direction artistique d’un festival d’art contemporain en Allemagne, Festspielhaus Hellerau.

William Forsythe

Figure majeure de la danse contemporaine, il a su inscrire sa discipline dans d’autre domaines artistiques, bousculant ainsi les codes du ballet classique. « Il est possible d’entrer dans son travail par plusieurs portes : les spectacles, les films, les installations, à travers d’autres artistes qu’il a inspiré mais aussi juste en parlant » explique Boris Charmatz, directeur du musée de la danse.

Devant la richesse de sa carrière, les trois institutions proposent un portrait de grande ampleur en trois actes. Un parcours rare où toute la diversité de son travail est à portée de main. L’occasion idéale pour professionnels et néophytes de se plonger dans le travail aussi riche que protéiforme de ce chorégraphe.

L’architecte de l’espace aux Champs Libres

La danse et l’art contemporain ne cessent de se rencontrer dans le travail de William Forsythe. L’installation performative Nowhere and everywhere at the Same Time n°2 dans la salle Anita Conti en sera la preuve.

250 pendules seront suspendues et mises en mouvement de manière aléatoire grâce à un dispositif mécanique. Ces « objets chorégraphiques » forment une installation monumentale qui sollicitera le public. « La salle Anita est une boîte noire à la base. Pour l’installation, nous allons ouvrir l’espace à la lumière, à la manière d’un studio de danse pour faire en sorte que le public se sente attirer dans l’espace. » explique Roland Thomas.

William Forsythe

A la croisée entre la contemplation et l’action, William Forsythe emmènera le public dans son univers où le corps n’est que mouvement. Le visiteur sera invité à interagir et à déambuler dans cette étendue de pendules métalliques. Leur mouvement subtil entraînera le public dans une chorégraphie improvisée dans laquelle il sera le danseur principal. Une nouvelle approche de la danse qui ne cesse d’évoluer entre les mains de William Forsythe.

A tour de rôle, Cyril Baldy, danseur-chorégraphe au Ballet de Francfort et Myriam Gourfink, chorégraphe qui développe un travail sur la lenteur à partir de techniques respiratoires de yoga, proposeront une performance au sein de l’installation.

William Forsythe

Le pédagogue au Musée de la Danse

Véritable moteur pour beaucoup d’artistes, le Musée de la danse met l’accent sur les méthodes d’improvisations du chorégraphe réalisées en vidéos, un projet qui a marqué toute une génération de danseurs. Parallèlement à Solo et Lectures from Improvisation Technologies, Noé Soulier présentera Mouvement sur Mouvement les 5 et 6 avril, un spectacle inspiré des technologies de l’improvisation et de son propos.

William Forsythe

En vis à vis du travail du chorégraphe, un extrait de la pièce Régi de Boris Charmatz sera également proposé. Créé avec Raimund Hoghe et Julia Cima en 2005, le trio avait repris un des exercices de William Forsythe qui consistait à toucher toutes les parties du corps avec toutes les parties de l’autre corps. Une occasion de voir un extrait de ce qu’est devenu cet exercice et l’influence qu’a pu avoir le chorégraphe sur une génération de danseurs.

William Forsythe

Le chorégraphe au TNB Théâtre national de Bretagne

« William Forsythe ne fait pas que revisiter les codes classiques, il va plus loin. Il s’est employé à reconstruire l’idée de ballet classique. Il intègre de l’Art contemporain avec l’idée de rendre complémentaire la matière en insérant des lumières ou des sons pour créer une œuvre unique. » explique Arthur Nauzyciel, directeur du Théâtre National de Bretagne.

Du 17 au 21 avril 2018, trois pièces seront présentées au TNB par la Compaña Nacional de Danza de España, sous la direction de José Carlos Martinez, ancien danseur étoile de l’Opéra national de Paris. « Forsythe travaille tout en déséquilibre. Il est rigoureux, avec une précision d’orfèvre mais en même temps, il place ses danseurs dans un déséquilibre constant. » précise Boris Charmatz.

Sur les rampes du plateau Vilar du TNB, le public pourra découvrir la difficulté technique de The Vertiginous thrill of Exactitude, la déconstruction des règles du ballet dans Artifact Suite, et l’ordre et le chaos dans Enemy in the Figure. 

William Forsythe

Trois volets, trois lieux, trois bonnes raisons de se laisser porter par le talent du chorégraphe, que l’on soit néophytes ou professionnels. Le parcours s’ouvrira avec un vernissage mardi 20 mars au Musée de la danse à 18 h et se poursuivra aux Champs Libres à 19h30. Le suspens reste entier quant à la présence de William Forsythe lors du vernissage

Vernissage mardi 20 mars 2018 : 18h au Musée de la danse / 19h30 aux Champs Libres

Echauffement public, spectacles, performances, rencontres, conférence dansée, workshop sont proposés durant ce temps fort “William Forsythe”.

Aux Champs Libres :
Nowhere and everywhere at the same time, N° 2
installation du 20 mars au 6 mai, tout public, gratuit

Au Musée de la danse :
Vis-à-vis William Forsythe / Boris Charmatz
installation du 20 mars au 14 avril, gratuit

Au TNB :
The Vertiginous Thrill of Exactitude / Artifact Suite / Enemy in the Figure
spectacles du 17 au 21 avril, billetterie 02 99 31 12 31

FILM CALL ME BY YOUR NAME, UNE BANALE HISTOIRE D’AMOUR

Call Me By Your Name ? Certains films arrivent en France un certain temps après leur sortie américaine, déjà entourés d’un grand succès critique et public, ainsi que d’un cortège de nominations aux différentes cérémonies de début d’année. Ils se retrouvent ainsi mis en compétition avec des films dont ils ne cherchaient même pas à partager l’envergure, et qui, malgré eux, les font passer pour des œuvres importantes avant qu’ils n’aient pu faire leurs preuves. On l’aura deviné : Call Me By Your Name est de ceux-là.

Il apparaît vite que le dernier film en date de Luca Guadagnino n’est pas un chef-d’œuvre ; de toute façon, il ne clame pas l’être. Rien de grave, dira-t-on alors. Seulement, de manière paradoxale, la modestie de Call Me By Your Name fait à la fois sa force et sa faiblesse.

call me by your name

Objet étrange qu’un film dont le principal intérêt réside finalement en sa banalité. Car, disons-le sans ambages, la force essentielle de Call Me By Your Name est sans doute de raconter une histoire d’amour homosexuelle comme une histoire d’amour ordinaire et universelle, à laquelle chacun est susceptible de s’identifier. Ici, il n’y aura ni interdits sociaux (les parents d’Elio, gentils et cultivés, sont même ravis de le voir découvrir les joies de la sexualité) ni risques de maladie : toutes les conditions sont réunies pour qu’Elio et Oliver puissent, au terme d’un petit jeu de séduction relativement long et capricieux, simplement consumer leur amour estival. Call Me By Your Name n’est donc pas un film sur l’homosexualité, mais plutôt un film sur l’ardeur du désir, qui, d’ailleurs, s’avère tout à fait transférable (sur une jeune fille, voire sur un fruit).

call me by your name

Si le film Call me by your name déçoit malgré l’originalité du ton arboré, c’est en raison de son caractère finalement très balisé. On est, tout d’abord, vite un peu gêné par le cadre très stéréotypé de l’action : l’histoire se passe « quelque part en Italie du Nord » – ô mystère, ô séduction… ; tous sont beaux et cultivés (on retranscrit du Bach, on parle quatre langues, ou bien on fait des recherches en sciences de l’Antiquité…)… Tout se passe comme si, peu confiant en la force intrinsèque de la relation amoureuse racontée, James Ivory (le scénariste du film, qui adapte ici le roman éponyme d’André Aciman) tentait de la napper outrancièrement d’éléments « romantiques » visant à exciter l’imagination du spectateur en lieu et place de l’intrigue véritable.

call me by your name

S’il fallait faire preuve de charité à l’égard du scénario, on pourrait éventuellement dire que le film s’amuse à placer une histoire d’amour peu conventionnelle (par sa tendance, disons-le, au pansexualisme) dans un cadre extrêmement conventionnel qu’il s’agit de subvertir. Seulement, la mise en scène fait preuve d’une telle complaisance à l’égard de ce même cadre que ce serait sans doute faire preuve de mauvaise foi que d’affirmer le contraire.

call me by your name

Car une fois passé l’effet de surprise qu’on peut éprouver pendant la première heure du film (face au ton déployé ou à la beauté de la photographie, signée Sayombhu Mukdeeprom), on ne peut que s’étonner de la fadeur du propos. On est en droit d’attendre, d’un film de 2 heures 15, qu’il ne se contente pas de célébrer avec enthousiasme la beauté mystérieuse de l’amour (cela a déjà été fait, et sans doute mieux, par d’autres), pour engager une réflexion plus profonde sur ce qui la soutient. Le titre du film, par exemple, renvoie à une idée d’Oliver, qui propose à Elio d’intervertir leurs prénoms : chacun appellera l’autre par son propre nom. Cela pourrait servir à Ivory et Guadagnino d’amorce pour engager une réflexion sur le poids du narcissisme en amour, mais il n’en sera rien : malgré ce procédé d’une ambiguïté non dissimulée, l’histoire d’Elio et Oliver continue à incarner une ingénuité qui finit par lasser. À cet égard, il faut d’ailleurs souligner le caractère inégal de la distribution. Si Timothée Chalamet sait parfaitement incarner le composé d’orgueil et de fragilité qui constitue son personnage, Armie Hammer, en revanche, peine à exprimer la moindre émotion à travers son visage de jeune premier américain. Il en va de même pour les seconds rôles : Michael Stuhlbarg (peut-être la plus belle idée du film) et Ava Cesar sont convaincants dans leurs rôles de parents, mais que dire d’Esther Garrel ? Si son personnage, trop peu écrit, ne lui facilite pas la tâche, la jeune actrice française paraît absente tout le long du film.

call me by your name

Paradoxalement, on aurait donc aimé que le modeste Call Me By Your Name soit un film un peu moins ordinaire. Car c’est une chose de partir d’une relation homosexuelle pour filmer l’Amour et le Désir à travers toutes leurs déterminations particulières ; une autre d’avoir bien trop peu à en dire.

https://youtu.be/c9TIdDbzQXM

Call Me by Your Name (Appelle-moi par ton nom) de Luca Guadagnino ; Scénario : Luca Guadagnino et James Ivory, d’après le roman Call Me by Your Name d’André Aciman (2007) ; Durée : 132 minutes ; Sortie : 28 février 2018 ; avec : Armie Hammer (VF : Valentin Merlet) : Oliver, Timothée Chalamet (VF : Gabriel Bismuth-Bienaimé) : Elio Perlman, Michael Stuhlbarg (VF : Arnaud Bedouët): M. Perlman, Amira Casar : Annella Perlman, Esther Garrel : Marzia, Victoire du Bois (en) : Chiara, Vanda Capriolo : Mafalda, Antonio Rimoldi : Anchise, Elena Bucci (it) : Bambi, Marco Sgrosso : Nico, André Aciman : Mounir, Peter Spears (en) : Isaac

call me by your name

LE BEAU MONDE DE LAURE MI HYUN CROSET, PREMIER ROMAN AU SCALPEL

Le beau monde est le premier roman de Laure Mi Hyun Croset… Un mariage, c’est d’abord une décision commune puis c’est un temps de préparation qui demande énergie, contrôle de soi et un sens de l’organisation qui ne tolère aucun faux pas sous peine de rater la fête, de s’exposer aux quolibets des siens, des invités… Et dans la famille de Charles-Constant, on souhaite un mariage parfait qui satisfera tant les heureux unis que les quelque trois cents invités.

Mais voilà, la belle et jeune Louise, future mariée, ne pointe pas présente le grand jour venu. Où est-elle ? Que lui est-il arrivé ? La cérémonie à l’église est annulée mais le banquet est maintenu et toute la caravane des conviés, composée de la bonne bourgeoisie lyonnaise, pourra ripailler. Car dans ce milieu, ces choses-là ne s’envisagent pas un moment. Alors on va tenter de s’amuser comme on peut. Et puis qui sait ? Louise a peut-être eu finalement un simple retard de dernière minute.

le beau monde

Bien sûr, le grand sujet des conversations devient de sitôt Louise et sa personnalité si fascinante. Au fil des heures et des mets présentés, des alcools ingurgités, les langues vont se délier et le portrait de Louise va être brossé tant par celles et ceux qui la connaissent que par celles et ceux qui prétendent la connaître. Ainsi va se dérouler une curée autour de cette étrange jeune fille. Cruauté, médisance, conduite au pilori. Louise sera vêtue non de sa robe de mariée mais d’un dress code des plus immondes ; et ce, pour le restant de sa vie. Tout Le beau monde convoqué à la noce va se lâcher, va larguer tous les codes de la « bonne société » pour s’adonner à un véritable jeu de massacre.

Pour son premier roman, Laure Mi Hyun Croset nous gratifie d’un roman écrit au scalpel, à une satire digne de La Fontaine ou La Bruyère, de cette caste qui ne tolère aucun défaut, aucun faux pas chez les autres. En Louise, ces gens ont trouvé là un excellent bouc émissaire. Et tous les masques des uns comme des autres vont tomber. Derrière les bonnes manières vont apparaître le vrai caractère des amis de la jeune absente comme du marié, qui semble d’un charisme diaphane autant que liquide. Pauvre Charles-Constant, on se demande bien de quelle guimauve il est composé. Et le pleutre n’a pas même assez de relief pour prendre la défense de sa bien-aimée, de sa future épouse… Comme elle est magnifique cette société qui se défend d’être presque sans aucun défaut.

Laure Mi Hyun Crosset nous invite donc dans un huis clos sans pitié, féroce et malsain. Quelle fête ! Quelle fête en fous rires, en sourires, en faux rires. Quelle fête factice qui ressemble plus à un tribunal qu’à une noce.

Et si ce roman n’était pas qu’une fiction ? Qui n’a pas mis au moins une fois les pieds dans un milieu où les conventions finissent par se consumer à la moindre petite flamme. La grande finesse de l’auteure, avoir fait d’un personnage absent, le personnage central, omniprésent qui conduit l’intrigue de bout en bout. Et cela ne manque pas de sel. Jusqu’au-boutiste. Le beau monde est aussi très visuel, drôle, grinçant où les « ridicules » sont à l’honneur. Et l’on pense souvent à Chabrol qui ne se lassait pas de croquer les bourgeois, d’envoyer valser tous les codes. Ça fait un bien fou ! C’est monstrueusement jouissif !

 

Laure Mi Hyun Croset
Laure Mi Hyun Croset

Le beau monde, Éditions Albin Michel, 200 pages, mars 2018, couverture : © Sean Murphy / Getty Images – Photo auteure – © Aurélien Bergot Prix : 15,00 € – www.albin-michel.fr

 

RENNES, CULTURE CLUB AU BISTROT DE LA CITÉ CHEZ PHILIPPE TOURNEDOUET

Culture Club pose ses caméras au Bistrot de la Cité rue Saint-Louis à Rennes qui fête ses 20 ans d’existence.

Rendez-vous avec son patron et illustre figure de la nuit rennaise : Philippe Tournedouet. Les invités : Grégoire Laville, auteur de « Quand Rennes s’est éveillée Rennes », Sylvie Ganche cinéphile non-voyante et Pierre-Vital, chanteur du groupe Santa Cruz. L’émission Culture Club animée par Thibaut Boulais en compagnie de Ronan Le Mouhaër et Nicolas Roberti est tournée chaque mois dans un lieu emblématique de la Métropole de Rennes. TVR, Canal B et Unidivers – trois regards culturels en partenariat pour un même prix : gratuit. L’essayer, c’est l’adopter !

TVR a supprimé cette vidéo.

rennes bistrot cité

rennes bistrot cité

VÉLO À RENNES, CHANGEMENT DE VITESSE ?

Quelle place pour le vélo à Rennes ? Alors que la Ville entreprend de gros travaux pour favoriser la cohabitation entre les différents moyens de transports, rencontre avec ceux qui utilisent le vélo au quotidien. Ils témoignent des difficultés ou non à circuler à Rennes quand est sur deux roues.

Épisode 1 : Corentin, usager du vélo et militant sur Twitter, par Tanguy Homery
Corentin est un rennais qui utilise chaque jour son vélo pour se rendre au travail. Pour dénoncer le manque d’aménagements (pistes ou bandes cyclables) et les comportements parfois dangereux des automobilistes, il publie régulièrement des vidéos sur les réseaux sociaux. Parce que la bataille pour plus de vélo à Rennes se joue aussi en ligne.

Episode 2 : Adrien, étudiant et livreur pour Uber Eat, par Tanguy Homery
La pratique du vélo n’est plus réservée aux balades du week-end ou aux déplacements domicile-travail. Il est aujourd’hui le premier outil de certains livreurs, notamment pour Uber. Ces cyclistes auto-entrepreneurs doivent parfois traverser Rennes en très peu de temps pour accomplir leur mission.

Episode 3 : Odile Guernic, présidente de Rayons d’action, par Tanguy Homery
A Rennes, nombreuses sont les associations qui font pression sur la municipalité pour développer la place du vélo en ville. Alors que la Maison du vélo vient d’ouvrir ses portes, rencontre avec Odile Guernic. La présidente de Rayons d’action est sceptique quant au fonctionnement de ce nouvel équipement.

Episode 4 : Ladies night, une soirée pour les femmes à La Petite Rennes, par Lucie Louâpre (reportage diffusé en février 2015 dans La Midinale de Canal B)
L’association La Petite Rennes propose à ses adhérents un atelier d’auto-réparation de vélo. Une fois par mois, ce service est réservée aux femmes, minoritaires dans la pratique du vélo.

LA PETITE REINE DU BUDGET PARTICIPATIF RENNAIS (C’EST AÏNO)

FILM LADY BIRD, L’AMOUR ET L’ATTENTION

Dans son premier long-métrage en tant que réalisatrice, Greta Gerwig magnifie le « coming of age » d’une adolescente, Christine, qui préfère se faire surnommer « Lady Bird ». Avec une pudeur et une délicatesse admirables, elle poursuit ainsi la réflexion affective amorcée en 2012 avec Frances Ha.

Lady Bird

Lady Bird se présente d’emblée comme le nouveau parangon d’un genre emblématique du cinéma américain : le coming of age movie, dont on pourrait peut-être faire remonter l’histoire à La Fureur de vivre, et dont Boyhood de Richard Linklater constituait l’un des exemples récents les plus éclatants et les plus originaux. Comme dans ces illustres exemples, il s’agira donc, dans Lady Bird, de raconter ce moment-charnière que constitue le passage de l’adolescence à l’âge adulte ; et comme ses prédécesseurs, Greta Gerwig sait se saisir des codes du genre pour mieux en faire le lieu d’un récit personnel et original.

lady bird

Le scénario ne comporte pas d’« intrigue » à proprement parler : Greta Gerwig préfère procéder à divers éclairages sur la dernière année passée au lycée par son personnage. Toutes les pistes narratives (la relation de Christine à sa mère, sa quête de l’amour, son désir d’aller étudier à New York, etc.) sont in fine reconduites au seul et unique « devenir-adulte » de Lady Bird, à la quête d’indépendance que signifie sans détour le surnom qu’elle s’est choisi. Au premier abord, ce personnage n’a rien d’héroïque : Lady Bird ressemble bien plutôt à tous ces adolescents et adolescentes qui se rêvent en grand rebelles, mais dont la révolution se limite, en fin de compte, au choix d’une couleur de cheveux excentrique. Aussi le petit numéro de rebelle joué par Christine chez elle s’arrête-t-il sans attendre dès qu’il faut impressionner les têtes de gondole du lycée. En fait, si Lady Bird peut apparaître comme extraordinaire au spectateur, c’est par l’énergie folle qu’elle investit au service de son souhait le plus ardent : devenir indépendante. De son point de vue, les moindres enjeux de son coming of age semblent revêtir une importance décisive. Il y a, dans le film, une sorte d’héroïsme de l’ordinaire, rendu d’autant plus touchant par son côté illusoire.

film lady bird

Ce moment-charnière constitue pour Greta Gerwig une occasion privilégiée, après Frances Ha (film réalisé en 2012 par Noah Baumbach, dont elle était à la fois la coscénariste et l’actrice principale), pour interroger la complexité des rapports sociaux et affectifs qui lient ses personnages. Comme dans ce dernier film, les relations amoureuses du personnage principal se soldent par des échecs au profit d’une forme d’affection plus durable et plus authentique, libérée des fantasmes liés à l’amour qu’incarne bien le pathétique personnage de Kyle (Timothée Chalamet, une nouvelle fois prometteur ici dans ce rôle de faux James Dean) : l’amitié, partagée avant tout avec Julie, et dans laquelle se résorbe également la relation de Christine avec Danny. Et plus généralement, on pourrait dire que Lady Bird privilégie l’amour à l’Amour, l’affection à la passion. C’est ce dont témoigne le traitement des relations entre Christine et ses parents : si la jeune fille est spontanément plus proche de son père, qui n’hésite pas à se sacrifier pour lui permettre de faire les études dont elle rêve, elle entretient en revanche des rapports plus délicats avec sa mère, qui n’hésite pas à la bousculer lorsqu’elle exprime ses désirs d’ailleurs et de grandeur. Seulement, au bout de différentes étapes, mère et fille finiront par se dire leur attachement ; mais là encore, tout passe par des voies de communication indirecte (une lettre qui n’aurait pas dû parvenir à sa destinataire, un message vocal laissé sur répondeur…), comme si l’affection, pour ne pas se perdre, devait rester pudique et prudente. C’est ainsi que, en fin de compte, l’envol de l’oiseau lui servira paradoxalement à accepter le nid où il fut nourri.

lady bird

Cela dit, la justesse émotive et psychologique de Lady Bird  ne doit pas pour autant masquer le formidable sens de l’autodérision déployé dans le film, qui, sur ce point, n’est pas sans évoquer le Woody Allen des années 1970, et n’est pas pour peu dans l’impression de réenchantement qu’il suscite. Sous le regard de Gerwig, toute situation banale, déjà vécue par tous les spectateurs, peut soudainement révéler un potentiel affectif et humoristique nouveau. Sur ce point, le film doit aussi beaucoup à la qualité de son interprète principale, Saoirse Ronan, qui confirme ici définitivement les espoirs placés en elle depuis plusieurs années.

lady bird

« L’amour et l’attention : n’est-ce pas la même chose ? », demande une religieuse du lycée à l’héroïne, vers le milieu du film. L’équivalence ici posée qualifie à merveille le regard enchanteur et nostalgique (à l’image de ce format analogique) posé par Greta Gerwig sur un passé dont elle vise à montrer la gloire modique, mais bien réelle : filmer avec tendresse ce qui semblait anodin, n’est-ce pas le comble de l’attention ?

https://youtu.be/DtbYKBcORe8

Titre original : Lady Bird
Réalisation et scénario : Greta Gerwig
Musique : Jon Brion
Photographie : Sam Levy
Montage : Nick Houy
Production : Scott Rudin, Eli Bush et Evelyn O’Neil
Durée : 93 minutes
Sortie France : 28 février 2018
Saoirse Ronan : Christine « Lady Bird » McPherson
Laurie Metcalf : Marion McPherson
Tracy Letts : Larry McPherson
Lucas Hedges : Danny O’Neill
Timothée Chalamet : Kyle
Beanie Feldstein : Julie Steffans
Stephen McKinley Henderson : Père Leviatch
Lois Smith : Sœur Sarah Joan
Kristen Cloke : Mme Steffans
Laura Marano : Diana Glass
Jordan Rodrigues : Miguel McPherson
John Karna (VQ : Gabriel Lessard) : Greg Anrue
Odeya Rush : Jenna Walton
Jake McDorman : M. Bruno
Kathryn Newton : Darlene
Andy Buckley : Oncle Matthew
Danielle Macdonald : une jeune fille
Marielle Scott : Shelly Yuhan
Bayne Gibby (VF : Ethel Houbiers) : Casey Kelly

BD GUANTANAMO KID, L’HISTOIRE VRAIE DE MOHAMMED EL-GORANI

En mettant en images dans Guantanamo Kid le récit de l’incarcération injustifiée de Mohammed-El-Gorani, le plus jeune détenu de la prison américaine, Tubiana et Franc révèlent au grand jour la violence de cette zone de non-droit. Une lecture parfois éprouvante mais salutaire.

guantanamo kid

Il s’appelle Mohammed El-Gorani. Fils d’immigrés tchadiens vivotant en Arabie saoudite, « musulman rigoureux », il décide de se rendre au Pakistan chez un de ses cousins pour apprendre l’informatique. Un vendredi, il est arrêté à l’aveugle devant la grande mosquée par la police pakistanaise qui reconnait son accent saoudien. « Il est au mauvais moment au mauvais endroit ». Nous sommes deux mois après les attentats du 11 septembre 2001. Mohammed a 14 ans et sa vie vient de basculer pour toujours.

guantanamo kid

Chargés de vendre aux Américains des suspects adoubés à l’organisation terroriste Al-Quaida, les Pakistanais, par simple intérêt financier, le confient à l’armée américaine. Il s’envole alors avec d’autres pour une base américaine située sur l’île de Cuba : Guantanamo, « Gitmo », où il va revêtir la tristement célèbre tenue orange et devenir le plus jeune prisonnier de cette prison à l’abri des yeux du monde.

guantanamo kid

Cette histoire, c’est Jérôme Tubiana, qui nous la raconte après avoir rencontré Mohammed en 2010 à N’Djamena. Publiée dans les revues XXI et London Review of Books, elle est mise en dessins cette fois-ci par Alexandre Franc qui apporte au récit initial une force nouvelle. Le trait subtil, qui n’est pas sans rappeler celui de Guy Delisle, permet d’éviter les mots indicibles, sans pour autant édulcorer la violence extrême d’une détention qui va durer plus de huit ans, huit années d’adolescence où l’incompréhension se mêle à la résistance. L’indication des tortures physiques, comme les tortures à l’électricité, est simplement illustrée par des cases neutres sans réalisme. La sobriété du dessin avec des noirs profonds, sa richesse graphique, les procédés utilisés comme celui de décrire cliniquement, d’après un manuel militaire, une entrée dans la cellule de la « Force de réaction immédiate », renforcent la véracité du récit et le caractère implacable de processus faits pour déshumaniser le prisonnier, comme ses geôliers.

guantanamo kid

Le récit, seul, est suffisamment lourd et poignant pour dénoncer la mise en place d’un système hors du droit, de la part d’un état qui, comme le précise Amnesty International, partenaire de la publication, « s’autodésigne comme des défenseurs des droits humains dans le monde, tout en les violant dans cette guerre déclarée au terrorisme ». La description minutieuse des mesures avilissantes rappelle les souvenirs des heures les plus sombres de l’Histoire, et questionnent bien au-delà du cas de Mohammed, les possibles doses d’inhumanité que l’espèce humaine peut développer.

guantanamo kid

Ce qui frappe en lisant cette BD, c’est l’absence pendant de longues années de toute preuve, de toute logique, de toute interrogation sur ce qu’il faut bien appeler un enlèvement, et non une arrestation. Il faudra attendre 2004, pour qu’un véritable avocat soit nommé et puisse intervenir. Auparavant de « faux avocats, en fait des « interrogateurs » membres parfois du FBI, étaient censés obtenir par le mensonge des renseignements. Il faudra plus de trois ans pour que commencent à être pris en compte l’âge réel du détenu et intégrer le fait que Mohammed aurait commencé ses agissements terroristes dès l’âge de 6 ans.

guantanamo kid

Le roman graphique n’occulte pas la résistance parfois violente de Mohammed, une résistance qu’il paiera souvent au prix fort, mais offre parfois au lecteur une respiration un peu salutaire. Il ne présente et ne nomme que les « frères » détenus, « fréquentables » qui seront libérés, eux aussi plusieurs années plus tard. Nul doute que de véritables dangereux et fanatiques terroristes ont côtoyé Mohammed, qui préfère taire leurs noms et leurs agissements. Mais rien ne peut justifier le maintien de cette zone d’exception où séjournent encore aujourd’hui 41 détenus, alors que 730 ont été libérés et que 9 sont morts en prison.

MOHAMMED EL-GORANI

Rien n’est encore fini, malgré les promesses, non tenues d’Obama, de fermer le centre. Rien n’est fini pour permettre au droit international de retrouver sa place et rien n’est fini pour Mohammed, dont l’histoire terrible se poursuit dans la vie comme dans la BD bien au-delà de sa libération.

MOHAMMED EL-GORANI

Mal en point physiquement, suite aux mauvais traitements infligés par les tortionnaires américains, Mohammed est indésirable dans la plupart des pays où il souhaite vivre enfin en paix. Dans sa postface, Jérôme Tubiana écrit : « Quelque chose me dit qu’il ne cessera pas de se battre et finira par trouver un endroit où on ne le regardera pas comme un suspect (…). J’aimerais que la fin soit heureuse, mais je ne peux pas l’inventer. Je ne peux qu’écrire : à suivre… ».

 

BD Guantanamo Kid : l’histoire vraie de Mohammed El-Gorani. Récit : Jérôme Tubiana. Dessins : Alexandre Franc. Editions Dargaud. En partenariat avec Amnesty International. 172 pages. ISBN : 9782205077681. 20€. Parution le 16 mars 2018.

NOS SOUVENIRS SONT DES FRAGMENTS DE RÊVES SELON KJELL WESTÖ

Nos souvenirs sont des fragments de rêves est un roman ambitieux. L’auteur finlandais Kjell Westö nous raconte une magnifique histoire d’amour, reflet des difficultés de construire une vie, hors de ses origines sociales. Sans cliché mais avec une efficacité redoutable.

Nos souvenirs sont des fragments de rêves (Den svavelgula himlen) est un roman ample. Comme lorsque vous vous regardez chaque jour, depuis votre adolescence, devant votre glace de salle de bains : rien ne change au quotidien et, pourtant, au fil des années votre visage n’est plus le même. Le temps a coulé, a inscrit des rides, des taches. Vous avez vécu.

Nos souvenirs sont des fragments de rêves raconte la vie au quotidien d’un narrateur – issu d’un milieu familial modeste – de son ami Alex et de sa soeur Stella – tous deux héritiers d’une dynastie finlandaise, les Rabell – que le premier devenu écrivain a rencontrés un jour d’été dans une presqu’île qu’il sillonnait à vélo.

Des années 1970 à aujourd’hui, cinquante ans d’amitié avec Alex, d’amour fou, violent et sporadique avec Stella, voilà ce que décrivent ces 600 pages denses qui apportent avec elles des personnages secondaires essentiels. Des personnages qui constituent l’environnement affectif du narrateur: Jakob, père de Alex et Stella perdu dans ses chimères, Poa un grand père au passé trouble, Clara une mère aimante et aristocratique et d’autres encore. Suffisamment pour écrire une véritable comédie humaine qui peut se résumer à ces deux phrases :

« C’est l’amour qui fait que nous nous souvenons, c’est de l’amour que viennent les histoires.
Mais qu’est ce qui constitue nos souvenirs, et qu’est ce que nous aimons en réalité? ».

Le narrateur-écrivain cherche tout au long de l’ouvrage à répondre à ces deux questions ; Nos souvenirs sont des fragments de rêves se révèle ainsi une magnifique histoire d’amour. Histoire d’amour entre lui et Stella, véritable balise affective de toutes ces années, mais aussi amour sincère avec Linda, une maitresse de compensation, et avec une mère divorcée, un père coureur et un peu inconséquent. Et même une histoire d’amour insoupçonnée que nous découvrons avec étonnement dans les dernières pages. La passion, indissociable de l’amour physique traverse tout l’ouvrage, moteur d’un homme qui se cherche une place dans la société et qui rêve d’écrire le roman de sa vie et de ses amours.

NOS SOUVENIRS SONT DES FRAGMENTS DE RÊVES

Car Nos souvenirs sont des fragments de rêves est aussi un roman qui intègre le monde environnant de ces cinquante dernières années : la crise boursière, le 11 septembre ou, encore, les frères Kouachi à Charlie provoquent des échos dans la vie des personnages, ancrant leur histoire dans la réalité. Les enfants – magnifiques sont leurs portraits, – permettent de transcrire le passage des générations. Pas d’amour éthéré ou de romantisme à la Musset, ce sont bien les états d’âme et la vie d’hommes et de femmes de la fin du siècle précédent que Kjell Westö nous raconte, en prenant pour cadre une magnifique nature finlandaise qui enveloppe de sa beauté tranquille toute l’histoire.

Cette recherche de sens à la vie est traversée tout au long de l’ouvrage par une réflexion présente dès les premières pages : l’amitié et l’amour sont difficiles lorsque des différences de classe sociale dressent des barrages parfois invisibles. L’écrivain fait partie de la classe moyenne qui loue une métairie pour l’été. Stella et Alex sont des enfants d’une aristocratie qui va passer ses vacances dans le domaine familial au bord de la mer. Marqués par ces origines sociales, qui se perpétueront, tous les personnages semblent insensiblement voués à rester dans leur case. Une case qui leur a été assignée dès la naissance. Cette prédestination peut même faire mentir des souvenirs que le narrateur prétend pourtant garder à l’état brut grâce à une mémoire exceptionnelle. Les yeux collés sur leurs propres passions, sur la musique, la religion, l’économie ; autant de thèmes présents en filigrane tout au long du récit, les personnages peuvent croire à de fausses réalités.

«La première fois où j’ai fait l’amour avec Stella, j’ai su que je ne pourrai jamais plus vivre sans : elle passera toujours avant les convenances, la carrière, avant même la morale. »

A travers un style fluide et prenant, l’auteur finlandais – dont son grand succès précédent « Un mirage finlandais » a été publié en France aux Editions Autrement – interroge ainsi ce que constitue réellement le socle de notre vie : une réalité ou ce que nous avons l’impression et le souvenir d’avoir vécu.

Les moyens narratifs utilisés sont en apparence simples et sans aucun artifice, à l’exception de quelques surprises en fin d’ouvrage. Le lecteur suit sans désemparer la vie de personnages qui lui ressemblent, ni héros, ni salauds. Pas de destin exceptionnel, pas de suspense, pas d’intrigue. La vie, rien que la vie. Celle qui s’écoule lentement quand nous nous regardons chaque matin devant notre glace.

Nous souvenirs sont des fragments de rêves Kjell Westö (Traduction du suédois par Jean-Baptiste Coursaud), Editions Autrement, janvier 2018, 592 pages, 22€. ISBN: 9782746746343.

Feuilleter l’ouvrage

EXPO SCULPTER RENNES, FAIRE À L’ATELIER OU COMMENT VOIR LA SCULPTURE ?

Du 14 mars au 27 mai 2018, le Musée des Beaux-Arts de Rennes, le Frac Bretagne et La Criée centre d’art contemporain proposent l’exposition collective Sculpter. Elle regroupe 63 artistes autour du thème : la sculpture en France depuis les années 80. Présentation de l’exposition Sculpter (faire à l’atelier).

Quel est le point commun entre Rika Tanaka, Christelle Familiari ou encore Laurent Tixador pour n’en citer que trois ? Depuis la déshydratation d’un fruit recouvert d’or avec Passion de l’artiste japonaise Rika Tanaka jusqu’aux scénettes mises en bouteilles du breton Laurent Tixador, ces trois artistes expérimentent ce genre qu’est la sculpture.

Selon le site du Centre National de Ressources textuelles et lexicales (CNRTL), la sculpture est l’« action de tailler une matière dure, de façonner une matière selon des techniques appropriées, d’assembler divers matériaux, afin de dégager, dans un but utilitaire ou esthétique, un objet, une figure, un ornement; ensemble des techniques utilisées à cet effet. ». Il est bien loin le temps des sculptures grecques de Phidias et de Praxitèle. Que représente la sculpture dans l’art d’aujourd’hui ?

expo sculpter rennes
Sans titre. Étant donnés : 1° la chute d’eau, 2° le gaz d’éclairage…, 1991, Richard Baqué.

Trouvant ses origines dans la nouveauté des sculptures de Rodin, l’hybridation de Germaine Richier ou encore la fantaisie de Nikki de Saint-Phalle, l’exposition Sculpter (faire à l’atelier) propose un vaste aperçu de ce qu’est la sculpture dans l’art d’aujourd’hui et la tendance affirmée chez les jeunes artistes à retourner dans les ateliers.

« L’idée était de sélectionner des artistes dont la fabrication est au cœur de leur démarche, que ce soit une partie ou tout leur travail » explique Anne Dary, directrice du Musée des beaux-arts. Que leurs sculptures soient produites grâce à des savoir-faire traditionnels, à l’aide d’experts ou de nouveaux procédés techniques, les artistes se confrontent à la matière et au genre même de la sculpture afin d’en repousser les limites comme leurs prédécesseurs au début du XXe siècle.

expo sculpter rennes

Depuis Forme extraite 2 de Richard Monnier en 1986 jusqu’à Forward Compatibility de Benoît-Marie Moriceau en 2018, un panorama non exhaustif de la sculpture contemporaine en France de 1980 à nos jours est proposé au public. Au total, soixante-trois artistes ont répondu à l’invitation (plus ou moins rémunérée, et plutôt peu que prou…) du Frac Bretagne, du Musée de beaux-arts de Rennes et de La Criée, centre d’art contemporain. Le travail en atelier, la recherche de nouvelles formes sculpturales et l’expérimentation sont au cœur des problématiques artistiques des artistes invités. Sculpteurs français ou vivant en France, chaque artiste déploie une nouvelle définition de la sculpture : la leur.

Sculpture murale, sur socle, installation, « performance en sommeil »… comment rendre compte de cette exposition de qualité dont la nature hétéroclite est desservie par le manque d’explication des oeuvres ? Unidivers vous propose une déambulation introductive à travers les trois lieux d’exposition.

Direction le Frac Bretagne

Premier arrêt : le Pavillon Nocturne (2015) de l’artiste Julien Dubuisson, présenté sous trois formes. Dix-huit éléments en résine blanche sont alignés sur une étagère sans fil conducteur visible au premier abord. Dix-huit miniatures qui constituent pourtant une collection. « Toutes les pièces ont leur forme propre et aussi la forme de ce qu’elle contient. J’ai fait en sorte que toutes puissent être manipulées par un enfant » explique l’artiste. Une vidéo tourne sur le côté, le deuxième volet de l’œuvre. Une petite fille manipule les répliques en résine : pierre d’un mégalithe de l’âge du bronze, masque funéraire, Locking Piece d’Henri Moore… tous ces éléments en référence à l’histoire de l’art s’emboîtent et créent de nouvelles formes, de nouvelles reproductions d’œuvres jusqu’à la dernière : une miniature de Ghost de Rachel Whiteread devient la caisse où tous les éléments sont rassemblés. Musée personnel ou sépulture de la sculpture, Julien Dubuisson invite à contempler son univers, son histoire de la sculpture.

expo sculpter rennes

Second arrêt : Bauhaus de Virginie Barré. Exposée telle qu’elle a été conçue pour l’exposition personnelle de l’artiste en 2006. L’installation mêle des représentations d’Indiens réalisées à partir de photos et l’avant-gardisme de l’école du Bauhaus. Cinq corps, dont on ne voit que la profondeur des cheveux noirs, arborent des couvertures en feutres à l’effigie de l’école du Bauhaus. Un dialogue entre Amérindiens et hommes blancs est créé.

expo sculpter rennes
Bauhaus, Virginie Barré 2006. Frac Bretagne

Halte à la Criée, centre d’art contemporain

Les couleurs vives de la Parade moderne de Clédat et Petitpierre sont visibles de l’extérieur et attirent le spectateur. À la fois exposition inerte et objets d’une performance entre le carnaval et la procession funèbre, les dix costumes présents opèrent la transposition en 3D de personnages issus de l’histoire de l’Art de la première moitié du XXe siècle (à l’exception du Cri d’Edvard Munch – 1893). Dans le cadre des Dimanches à Rennes, les personnages des artistes défunts se réveilleront dimanche 8 avril à 15h et marcheront au rythme du Bolero de Ravel…

expo sculpter rennes

La sculpture devient le souvenir d’une expérience artistique passée chez Laurent Tixador, dont la démarche est essentiellement performative. Depuis une dizaine d’années, l’artiste met en bouteille un moment de ses expéditions comme une boucle qui termine chaque expérience vécue. Sept bouteilles sont montrées à La Criée et prennent la forme d’une installation dans la petite salle du centre d’art.

expo sculpter rennes
Bouteille « le village dans le bosquet », 2012
Laurent Tixador

Terminus au Musée des beaux-arts de Rennes

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Un dernier arrêt, et non des moindres. Après la sculpture murale Sans titre (2017) de John Cornu mais avant Galilée (2013) de Pierre Labat, le Paysage magnétique (2016) de Véronique Joumard se ménage une place privilégiée dans le parcours. À l’aide d’aimants placés à l’endroit et à l’envers d’une étagère, l’artiste crée des formes abstraites à base de limailles de fer dans une réflexion sur les matériaux et leurs réactions – ici face aux effets de l’attraction.

La visite se poursuit : voilà Sisi la Famille (2013) d’Aurélie Ferruel et Florentine Guédon. Cet ensemble de treize coiffes est mis en scène à la manière des totems ancestraux. Chaque coiffe porte les attributs d’un des membres des deux familles : Outils de coiffure, de bricolage, textiles… Une photographie des membres avec leurs coiffes complète le tableau.

expo sculpter rennes
Sisi la famille, 2013
Aurélie Ferruel et Florentine Guédon.

Le parcours s’achève avec l’une des œuvres les plus récentes produites pour l’exposition, Forward Compatibility (2018) de Benoît-Marie Moriceau. Une note d’histoire pour clôturer cette déambulation dans l’univers de la sculpture. Après Cutter Crusher en 2012, l’artiste présente le deuxième vestige de son archéologie sculptée. Le passé archéologique et le futur se mêlent dans cette sculpture d’anticipation où il réfléchit les reliques d’une activité artistique actuelle. Une ouverture subtile à un futur plus ou moins proche. Que sera la sculpture de demain ?

expo sculpter rennes

Artistes exposés : Wilfrid Almendra, Pierre Ardouvin, Béatrice Balcou, Élisabeth Ballet, Davide Balula, Richard Baquié, Virginie Barré, Julien Berthier, Dominique Blais, Olivier Blanckart, Katinka Bock, Étienne Bossut, Lilian Bourgeat, Jean- Yves Brélivet, Patrice Carré, Stéphanie Cherpin, Clédat & Petitpierre, John Cornu, Dewar et Gicquel, Julien Dubuisson, Laurent Duthion, Christelle Familiari, Richard Fauguet, Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, François Feutrie, Adelaïde Feriot, Dominique Ghesquière, Célia Gondol, Séverine Hubard, Véronique Joumard, Pascal Jounier Trémelo, Pierre Labat, Guillaume Leblon, Laurent Le Deunff, Didier Marcel, Vincent Mauger, Théo Mercier, Anita Molinero, Richard Monnier, Benoît-Marie Moriceau, Samir Mougas, Patrick Neu, Gyan Panchal, Bruno Peinado, Francis Raynaud, Hugues Reip, Sylvie Réno, Pascal Rivet, Elsa Sahal, Ernesto Sartori, Elodie Seguin, Rika Tanaka, Eva Taulois, Stéphane Thidet, Laurent Tixador, Francisco Tropa, Morgane Tschiember, Sergio Verastegui, Marion Verboom, Jacques Vieille, Raphaël Zarka.

Infos pratiques :

Musée des beaux-arts de Rennes
20 quai Emile Zola
35000 Rennes
lundi Fermé
mardi 10:00–17:00
mercredi 10:00–17:00
jeudi 10:00–17:00
vendredi 10:00–17:00
samedi 10:00–18:00
dimanche 10:00–18:00

Frac Bretagne
19 avenue André Mussat
CS 81123
35011 Rennes Cedex
lundi Fermé
mardi 12:00–19:00
mercredi 12:00–19:00
jeudi 12:00–19:00
vendredi 12:00–19:00
samedi 12:00–19:00
dimanche 12:00–19:00

La Criée centre d’art contemporain
Place Honoré Commeurec
35000 Rennes
lundi Fermé
mardi 12:00–19:00
mercredi 12:00–19:00
jeudi 12:00–19:00
vendredi 12:00–19:00
samedi 14:00–19:00
dimanche 14:00–19:00

STEPHEN HAWKING RENCONTRE DIEU, TROUS NOIRS ET ÉTINCELLES COSMIQUES

L’astrophysicien britannique Stephen Hawking est mort à 76 ans à Cambridge. Il meurt le jour anniversaire de la naissance de son pair Albert Einstein.

Stephen William Hawking est né le 8 janvier 1942 à Oxford. Physicien théoricien et cosmologiste britannique, Stephen Hawking fut professeur de mathématiques à l’université de Cambridge de 1980 à 2009, membre du Gonville and Caius College et chercheur distingué du Perimeter Institute for Theoretical Physics. Il est connu pour ses contributions dans les domaines de la cosmologie et la gravité quantique, en particulier dans le cadre des trous noirs.

Au milieu des années 1960, alors qu’il poursuit ses études de physicien en vue d’obtenir son doctorat, Hawking démontre que la théorie de la relativité générale d’Einstein implique que l’espace et le temps ont eu un commencement, le Big Bang, et une fin, les trous noirs. Ces conclusions le conduisent à découvrir dès 1963 que les trous noirs ne seraient pas si noirs que cela, mais qu’ils seraient capables d’émettre un rayonnement, depuis lors appelé le rayonnement de Hawking.

Mais la renommée de Stephen Hawking auprès du grand public est liée à ses ouvrages de vulgarisation scientifique dans lesquels il discute de ses propres théories et de la cosmologie en général, comme le best-seller Une brève histoire du temps (titre original : A Brief History of Time). Hawking souffrait d’une forme rare, de début précoce et d’évolution lente, de sclérose latérale amyotrophique (SLA) ; sa maladie a progressé au fil des ans et l’a laissé presque complètement paralysé.

stephen hawking

COMMUNITY ESTELLE NOLLET, RENDEZ-VOUS SUR L’ÎLE DE NEW ABERDEEN

New Aberdeen, ça vous dit quelque chose ? La petite île de New Aberdeen, peut-être davantage ? Non ? Eh bien moi non plus avant de me plonger dans ce roman remarquable d’Estelle Nollet Community.

 

Quand une expédition scientifique tournée vers la nature, l’observation des otaries, des oiseaux, de la biodiversité, à destination de New Aberdeen, en plein océan austral, se prépare, on se dit pourquoi pas un tel voyage, une telle expérience… Après tout, cela nous changera du quotidien ouaté,  – en bons sédentaires, statut auquel nous demeurons attachés… (nos petites habitudes si rassurantes…) Et si on embarquait à bord du Baron Dufresne, le bateau porte-conteneurs qui va emmener l’aréopage vers ce caillou volcanique au milieu de nulle part équipé de vivres pour six mois puisque l’expédition Mission 66 est prévue pour durer une année avec un ravitaillement, un et un seul. A mi-parcours.

Les huit hommes et deux femmes qui embarquent ne se connaissent pas et vont devoir travailler, apprendre à vivre ensemble, se découvrir pour le meilleur mais également pour le pire. Car les choses ne vont pas nécessairement se dérouler comme planifiées sur la feuille de route. Car les acteurs de ce roman très visuel, très sensitif va les emmener de la vie à la survie. Qui s’en sortira ? Qui résistera ? Qui quittera l’aventure ? Mais qui pouvait s’attendre à devenir un Robinson Crusoé du XXIe siècle ? Le suspense dans ce roman est aussi permanent et aussi changeant que les ciels ou les ambiances.

Au fil des mois, au fil des saisons, les rebondissements vont se succéder et via le prisme du narrateur, Cookers, le cuisinier néo-zélandais, nous allons accompagner cette grande mise à l’épreuve que sera Community. Chacune, chacun, est venu(e) sur cet îlot avec sa propre histoire, des instants heureux, des douleurs enfouies, des secrets parfois inavouables. Et chacun sera soumis à ses propres aspirations, ses propres attentes, ses propres fantasmes. Et chacune tombera le masque, les masques au fur à mesure des coups durs, de la peur de l’abandon, du comportement de l’autre, de ses propres frustrations. De manière souvent inattendue. Ce huis clos dramatique est un reflet glaçant parfois de nos propres personnalités, rassurant souvent de nos propres élans d’empathie. Le tout souligné par une écriture sans concession, qui va droit à l’essentiel. Tendue. Comme la vie, comme la mort avec lesquelles chacun doit se battre sinon se débattre voire jongler.

C’est tonique, vivifiant autant que l’écume des vagues qui vient taper les rochers anthracite de l’îlot. C’est tonique, vivifiant autant que les défis auxquels nos protagonistes vont être confrontés. C’est magique et grandiose parce qu’écrit avec passion et justesse comme un journal, comme un roman, comme un carnet de voyage.

 

Community Estelle nollet 

Community – Éditions Albin Michel – 265 pages, janvier 2018 Couverture : © Vincent Lesné – Photo Estelle NOLLET – © DR, Prix : 19,00 € – www.albin-michel.fr

 

RENNES ÉCOLE MOULIN DU COMTE, VITRINE EN COURS DES JEUNES ARTISTES

Dans le cadre de la 20e édition du festival Les Embellies de Rennes, du 20 au 24 mars 2018, l’association Patchrock s’est associée à Vitrine en Cours afin de réaliser des ateliers artistiques avec les enfants de l’école élémentaire Moulin du Comte. C’est l’histoire de « La Petite Fabrique d’Images », superbe projet d’initiation des enfants à la pratique artistique durant une année scolaire…

VITRINE EN COURS ET ECOLE ELEMENTAIRE MOULIN DU COMTE
Chris Raclet et Nicolas David accompagnés de Joris Le Guidart

Le collectif Vitrine en Cours est né en 2006 quand Chris Raclet, opérateur projectionniste de cinéma et Nicolas David, amateur photographe se sont retrouvés. Comment est né le projet de création de votre collectif ?

Nicolas : Il est né de la rencontre du cinéma, de la photographie et du graphisme et des retrouvailles de Chris et moi-même. Nous nous connaissons depuis le lycée. Nous avons suivi chacun notre parcours et nous nous sommes retrouvés il y a une dizaine d’années à Rennes : lui avec un projecteur 16 mm et moi avec un projecteur diapo. C’est marrant, car chacun de notre côté nous avions commencé à projeter des images lors de soirées privées. Quand nous nous sommes retrouvés à Rennes, nous avons rassemblé notre matière et nous nous sommes mis à associer, mélanger et superposer ces images. Nous avons été rejoints par la suite par Yoann qui a apporté son univers. Il est aussi dans le monde de l’image et du graphisme.

VITRINE EN COURS

Vous réussissez à métamorphoser un espace à partir de projections d’images et de films argentiques. Comment travaillez-vous et où trouvez-vous votre source d’inspiration ?

Nicolas : Nous mélangeons tout : à la fois des images chinées, récupérées, trouvées sur des vide-greniers, dans des braderies, sur internet, dans la rue, dans des déchetteries, partout … Nous recyclons cette matière argentique, analogique. Nous la mélangeons avec des choses plus actuelles, des prises de vue originales, des photos personnelles, des dessins, des films que nous avons pu réaliser nous-mêmes. C’est un mélange d’images d’archives et d’images contemporaines. Par rapport à nos projecteurs et à cette image analogique, nous allons être étiquetés « vintage », ça ne nous dérange, mais pour nous notre travail est actuel. Notre source d’inspiration est le monde qui nous entoure tout simplement. Parfois nous rigolons, car sur les premiers événements, les diapos que je projetais étaient les diapos de mes vacances que nous mélangions avec beaucoup de choses.

VITRINE EN COURS ET ECOLE ELEMENTAIRE MOULIN DU COMTE

Combien de temps dure un projet en général ? Vous réalisez des projections en Belgique et en Écosse. Cela vous demande-t-il de vous installer dans le pays pendant la durée du projet ou pouvez-vous travaillez à distance ? Comment procédez-vous ?

Nicolas : Cela dépend des projets. En Belgique, c’était sur un événement. Nous avions des photos et des images du lieu que nous devions habiller et il y a eu un travail en amont là-dessus. Sinon nous sommes arrivés la veille de l’événement pour avoir le temps de s’installer et faire des essais, mais nous prenons possession du lieu vraiment sur place. Sur des projets d’installation ou de création, il y a quelques fois un travail en amont. En général, c’est surtout le lieu qui nous inspire. Le support et donc le lieu est parfois plus important que l’image projetée.

Chris : Il y a deux types de travaux. Il y a de l’habillage d’espace où nous travaillons en live, nous ne faisons pas de répétition, c’est au feeling. Nous allons créer des tableaux gigantesques qui vont remplir l’espace. Après nous avons une partie création où nous travaillons avec des musiciens, une danseuse par exemple. Nous passons du temps en résidence de création ce qui n’est pas du tout le même travail en utilisant toujours notre matière argentique.

Nicolas : Pour le festival des Embellies cela va être de l’installation. Ce sont des créations, mais pas de l’habillage comme nous avons pu faire au festival Travelling ou au festival des Rockomotives à Vendôme où là vraiment nous métamorphosions le lieu en mélangeant, superposant et associant nos images. Nous avons commencé en faisant de l’habillage et de la décoration. Petit à petit nous sommes davantage partis vers la création, la collaboration. Maintenant, de plus en plus, le côté installation, performance nous plaît aussi.

VITRINE EN COURS

Avez-vous un projet qui vous a particulièrement plu jusqu’ici ?

Nicolas : Sixteen est une création, une performance avec trois musiciens et deux projectionnistes. C’est une création à double sens aussi bien au niveau de l’image que de la musique. Musique et image se sont mutuellement inspirés. C’est un projet hébergé par La Station Service (structure de création, production et diffusion artistique). Nous jouons au Mans, à Châteauroux…

Chris : Nous avions déjà fait des créations avec les musiciens. Ils venaient avec leur musique, leur album et on créait à partir de cette musique. Là, à l’inverse, et c’est pour ça que ça nous tient à cœur, nous avons demandé à trois musiciens de créer de la musique sur ces images.

Nicolas : Ces images sont à 80 % tournées par nous-mêmes. Nous avons fait la prise de vue, le développement. Ce n’est pas que de l’accompagnement de musiciens où nous recyclons de la matière. Là c’est de la matière originale. Nous avons écrit, tourné, développé.
Le projet de « La Petite Fabrique d’Images », cette intervention à l’école élémentaire Moulin du Comte sur une année scolaire grâce à l’association Patchrock était aussi nouveau pour nous. Nous revoyons les enfants, il y a un suivi, c’est assez chouette. L’échange qu’il y a pu avoir avec les enfants, leur curiosité face à la matière analogique et la projection de leurs petites créations est chouette.

https://vimeo.com/160887317

Cette année le projet était de mettre en relation les élèves avec le collectif Vitrine en Cours. En quoi consiste l’expérience artistique exactement et quelles en sont ses principales étapes ?

Nicolas : Nous avons proposé aux enfants de travailler sur les différents supports, comme des diapositives et du film de 16 mm, de dessiner, gratter la pellicule, colorier et peindre et voir ce que ça donnait en mettant l’image dans le projecteur. Il y avait un côté très tactile, très manuel dans l’expérience. Il n’y a pas d’étape ordinateur. Ce qui est intéressant c’est de faire quelque chose de cette matière. Ce n’est pas juste de l’animation. Nous allons utiliser une partie de cette matière dans le cadre du festival des Embellies pour les installations au théâtre du Vieux Saint-Étienne.

Chris : Il y avait dans « La Petite Fabrique d’Images » l’idée de leur montrer comment nous pouvions utiliser des images sans ordinateur, mais aussi les projeter avec différents appareils et en mélangeant deux images en créer une troisième. C’est ce que nous allons aussi essayer de leur montrer au Vieux Saint-Étienne. Nous l’avons fait à Noël au sein de l’école lors d’une restitution. Il y avait un projecteur 16 mm, un projecteur diapo et un rétroprojecteur. Il y avait tous les travaux qu’ils avaient réalisés. Ils venaient avec leurs parents et pouvaient mettre une diapo et par-dessus mélanger le rétroprojecteur, une boucle de 16 mm… C’était une façon de leur montrer qu’avec le travail de « La Petite Fabrique d’Images » en projection nous pouvions vraiment créer une autre image.

VITRINE EN COURS ET ECOLE ELEMENTAIRE MOULIN DU COMTE
Le collectif Vitrine en Cours et les élèves de l’école élémentaire Moulin du Comte

Comment les enfants ont-ils réagi face à cette proposition et pendant son déroulement ?
Chris : Au tout départ ils ont été enchantés, car c’était un travail manuel. Les premiers travaux étaient axés sur le dessin. Suivant les âges, ils faisaient des choses différentes. Les plus petits, les CP faisaient des dessins sur des transparents qu’on pose ensuite sur un rétroprojecteur. Plus ils avançaient en âge plus ils commençaient à dessiner, gratter puis peindre la diapo. Les plus grands le faisaient sur de la pellicule 16 mm. Ils ont adoré. Ils ont beaucoup aimé pouvoir tout de suite mettre l’image dans l’appareil et voir l’image projetée. Ils étaient aux anges.

VITRINE EN COURS ET ECOLE ELEMENTAIRE MOULIN DU COMTE

Quelles ont été les réussites réalisées et les difficultés rencontrées ?

Chris : Les difficultés étaient de travailler avec des classes entières. C’était la première fois que nous étions confrontés à des classes entières. C’était des ateliers de 45minutes, une heure. L’avantage est que nous étions aidés par l’équipe pédagogique qui est super. Il y avait Amandine et Chloé de Patchrock qui étaient là pour nous aider à encadrer les enfants. C’était une grande aide. Il y a eu une fois où nous avons été un peu débordé sinon ça s’est bien passé. C’est vrai que ce n’est pas évident quand on a jamais été confronté à cela. Les retours des professeurs des instituteurs et institutrices ont été très positifs. Plusieurs enfants qui d’habitude ne participaient pas ont osé s’exprimer par ces ateliers. Nous avons été surpris par les travaux. Certains enfants ont fait des choses vraiment très chouettes.

 

VITRINE EN COURS ET ECOLE ELEMENTAIRE MOULIN DU COMTE

Est-ce une expérience que vous souhaiteriez renouveler ?
Chris : pourquoi pas. L’équipe pédagogique ici est vraiment chouette et c’est ce qui nous a motivés. Ce n’est pas quelque chose vers laquelle nous serions allés naturellement. Nous sommes venus rencontrer l’équipe pédagogique, nous avons senti une énergie et nous nous sommes décidés sinon nous ne l’aurions pas fait. Donc, pourquoi pas.

VITRINE EN COURS ET ECOLE ELEMENTAIRE MOULIN DU COMTEFestival Les Embellies. Du 20 au 24 mars. Installations au théâtre du Vieux Saint-Étienne, Rennes.

LES EMBELLIES, LE FESTIVAL RENNAIS DES ARTISTES ÉMERGENTS

Le festival Les Embellies de Rennes fête ses vingt ans du 20 au 24 mars 2018. L’occasion de découvrir de nouveaux talents avec une programmation rock, pop, folk, électro au Théâtre du Vieux Saint-Étienne notamment mais aussi à l’Ubu ou à la Maison des Associations. Présentation lumineuse.

FESTIVAL LES EMBELLIES A RENNES
Stéphanie Cadeau, directrice artistique de l’association Patchrock qui organise Les Embellies

D’abord nommé Bar’Baries puis Les Embellies, le festival a accueilli de « grands noms » de la Chanson comme Têtes Raides ou Pauline Croze pour ensuite faire le choix de privilégier une programmation composée majoritairement d’artistes émergents. Comment déterminez-vous aujourd’hui les artistes qui se produiront au festival ?

Stéphanie Cadeau : Je fonctionne beaucoup au coup de cœur sur des choses que je peux entendre, que je peux voir en concert. Au début, on a bénéficié de groupes comme Têtes Raides qui étaient en plein essor. Il y avait un gros focus sur la chanson française en France avec d’autres noms comme Thomas Fersen ou Brigitte Fontaine. Au tout début, on était surtout sur des artistes bien connus du grand public, qui remplissaient bien les salles. On était simplement sur de l’organisation. Petit à petit, on a commencé à accompagner des artistes en développement et généralement locaux. Je m’attache aussi à essayer de mener pendant le festival, cette action développement qu’on mène le reste de l’année. L’idée est de proposer des artistes découvertes qui sont sur des premiers concerts, un premier album. C’est à l’intuition, au coup de cœur. Il m’arrive parfois de programmer des choses que je n’ai pas eu l’occasion de voir mais si j’ai été séduite tout de suite à l’écoute ou en visionnant des vidéos, j’ai envie de programmer. Il y a aussi une part de collaboration avec d’autres programmateurs qui me conseillent. Ce sont plus des programmateurs en dehors de Rennes, l’idée est de proposer des choses qui n’ont pas trop été jouées à Rennes ou peu. Il m’arrive souvent de finir une programmation en allant aux Bars en Trans qui sont souvent des premières scènes aussi. C’est généralement des gens sur le reste de la France qui nous donnent des conseils si eux-même ont programmé ou accompagné un groupe. L’idée est d’avoir envie de défendre les artistes qui jouent au festival, d’en faire la promotion et de les faire découvrir au public.

Quel est l’état d’esprit des Embellies ?

Stéphanie Cadeau : A l’époque des Bar’Baries on était tous vraiment très sensibles à la chanson française. Petit à petit nos goûts ont évolué et le festival a pris un virage. Aujourd’hui on va plus vers le rock. Ça reste assez vaste. On peut très bien trouver des choses très indépendantes comme le krautrock ou le math rock comme des sons électro. L’idée est que la palette rock reste assez large. On ira cependant jamais vers les musiques du monde même si cela peut être des choses qu’on peut aimer.

Des animations ont lieu tous les jours de 17h à 20h et le samedi de 15h à 17h en entrée libre avant les concerts. Quels seront les temps forts de l’édition 2018 ?

Stéphanie Cadeau : Les premières années on se posait dans la salle de la Cité. On a vécu de belles années dans cette salle. Après, réduisant notre programmation en faisant moins de têtes d’affiche, nous avons moins pu faire de concerts là-bas. La salle est aussi en travaux en ce moment. Ça nous manquait un petit peu d’avoir ce lieu central. On va à l’Ubu, à l’Antipode, au Jardin Moderne… même si on aime beaucoup travailler dans ces lieux là car nous y sommes très habitués et très attachés, on avait cette envie de réussir à trouver un lieu central pour se poser, où le public pourrait plus facilement nous identifier aussi.
La nouveauté pour nous est de se poser au théâtre du Vieux Saint-Étienne du 21 au 24 mars. La veille, le 20 mars, il y aura une ouverture du festival à la Maison des Associations, une clôture le samedi à l’Ubu. On sera au Théâtre du Vieux Saint-Étienne pour proposer des concerts mais également avant avec des installations visuelles et sonores. Ces actions sont issues d’une action culturelle que nous menons à l’école élémentaire Moulin du Comte avec le collectif Vitrine en Cours et le musicien Grégory Hairon. Ce sont des travaux faits avec les enfants de l’école dont il va ressortir trois installations visuelles et sonores qui seront proposées au Théâtre du Vieux Saint-Étienne gratuitement. Il y aura aussi une exposition pour fêter les vingt ans du festival avec vingt visuels de ces vingts années. Le visuel est l’identité du festival et nous y sommes attachés. Ce sera un point information et un point billetterie où il sera possible de retirer son billet sans frais de location. Il y aura aussi un bar et une restauration. Il y aura quelques temps forts : le vernissage des installations en début de soirée, des émissions de radio avec nos partenaires C-Lab et Canal B et aussi un blindtest le vendredi.

Le mardi soir à l’ouverture du festival, nous accueillerons la création Ô Lake [Extended]. Chaque année nous accueillons un artiste en résidence. Cette année c’est Ô Lake, Sylvain Texier qui a déjà proposé deux spectacles : The Last Morning Soundtrack et Fragments. Il propose son nouveau spectacle en duo depuis à peine un an. L’idée est d’en proposer une version élargie, « extended », il sera rejoint par un trio à cordes et un percussionniste. Ce sera six musiciens sur scène. On fait l’ouverture du festival avec la première de ce spectacle qui est créé à l’Ubu à Rennes et au VIP à Saint-Nazaire. L’idée est de continuer d’accompagner ce spectacle sur le reste de l’année et de le diffuser sur le reste de la France en utilisant aussi Les Embellies pour inviter les programmateurs.

Le samedi, à l’Ubu, nous fêterons les vingt ans du festival. On démarrera avec une soirée classique de concert avec Arm, ancien leader de Psykick Lyrikah. Il y aura aussi Madensuyu et Drame. On terminera sur une soirée « tardive » avec trois DJs qui sont des personnes proches de l’association et qui proposeront une « boom » pour fêter les vingt ans du festival. C’est important pour nous de fêter ces vingt ans à l’Ubu car c’est là-bas que nous avons fait nos premières armes et c’est grâce à l’Ubu et à l’association Trans Musicales qu’on a pu démarrer il y a vingt ans.

Tous les soirs au théâtre du Vieux Saint-Étienne sera proposé deux ou trois artistes. La première soirée est plutôt folk avec Emily Jane White et House of Wolves. C’est une tournée commune des deux artistes. Ils jouent chacun leur tour puis ont un set qu’ils font en commun. La deuxième soirée sera plutôt rock noise avec Héron Cendré, Miët et Veik, un trio de Caen. Le vendredi soir sera plutôt pop-électro avec Yachtclub et Deux Boules Vanille. Le samedi après-midi on recevra Jaune et Léonie Pernet.

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Sylvain Texier, auteur, compositeur et interprète

L’association mène des actions culturelles durant l’année et durant le festival. Un projet entre l’école élémentaire Moulin du Comte et le collectif Vitrine en Cours a lieu cette année. Pouvez-nous nous en dire quelques mots ?
Stéphanie Cadeau : Cela fait cinq ans que l’on travaille avec l’école Moulin du Comte, école située route de Lorient dans le même quartier que nos bureaux. Depuis trois ans le partenariat est devenu vraiment important dans le sens où on le mène toute l’année scolaire, de septembre à juin et qu’il est soutenu par le dispositif Jumelage des services Éducation Artistique et Culturelle de la Ville de Rennes et de la DRAC Bretagne. La première année, nous avons fait une chorale rock avec la classe de CM2 et trois artistes rennais. L’année suivante, nous avons fait une chorale pop et pour la première fois nous avons proposé des activités à toutes les classes avec le groupe Bumpkin Island. Cette année nous avons continué à proposer des activités aux sept classes avec le projet « La Petite Fabrique d’Images». C’est moins musical et plus visuel. Nous avions envie de faire évoluer la proposition à l’école. Nous travaillons avec le collectif Vitrine en Cours qui sont deux projectionnistes qui travaillent uniquement la matière argentique, c’est à dire la diapositive, le film 16 mm. On s’est rendu compte, même si on s’en doutait, que quand on parlait aux enfants de photos et d’images, le mot pellicule a mis beaucoup de temps à venir. Les enfants parlaient de téléphone. L’idée est de leur faire découvrir ces matières anciennes qu’on utilise moins mais qui existent toujours. Dès la journée de présentation les enfants ont été très emballés.

Les ateliers prennent plusieurs formes. On leur fait créer des visuels sur des supports plus ou moins grands en fonction de la difficulté. Les plus grands vont travailler sur des supports plus petits comme le film de 8 mm de large. On peut aussi leur faire travailler sur la diapositive ou des grands calques pour appareils de rétro-projection. Les façons de travailler sont variées. Cela peut consister à gratter la matière argentique qui est noire, cela fait un effet. Cela peut être de la peinture ou du coloriage au feutre. Il y a eu d’autres ateliers sur les notions de négatif et positif. Il y a eu des ateliers de développement photo. Un laboratoire photo a été installé dans l’école. Cet après-midi va être filmé une grande boucle sur du 16 mm avec une très ancienne caméra. Le thème central choisi avec la directrice de l’école est la cours de récréation. Cet après-midi on va faire défiler tous les enfants et on va filmer leur visage dans la cours de récréation. L’idée est d’en faire une seule boucle unique qui tournera sur de vieux appareils de projection. C’est une des installations qu’il y aura au Vieux Saint-Étienne.

Il y a aussi le musicien Grégory Hairon connu sous son projet Gregaldur. Maintenant il a changé de nom pour Héron Cendré. Il jouera aux Embellies d’ailleurs. Il est intervenant musicien. L’idée est de poser de la musique sur toutes ces images. Avec les enfants, toujours avec des appareils analogiques, pas de numériques, ils ont enregistré toute sorte de son dans la cours. Le thème de l’eau a été proposé par Vitrine en Cours. Ils ont capté du son avec de l’eau. Grégory va utiliser tous ces sons et à partir de là en faire la matière sonore autour des installations. Il y a eu une restitution au moment de Noël à l’école. On a montré aux parents ce qui est fait avec les enfants. Les parents étaient enchantés de voir des diapositives, de vieux appareils de projection… Les installations au Vieux Saint-Étienne seront une autre forme de restitution. Les parents seront invités à venir voir avec les enfants les installations. On projette une ultime restitution dans l’école à nouveau au mois de juin pour fêter la fin de « La Petite Fabrique d’Images».

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Le collectif Vitrine en Cours et les élèves de l’école élémentaire Moulin du Comte

Patchrock est l’association organisatrice du festival. Comment fonctionne-t-elle ? Combien de salariés emploie l’association à l’année et combien de bénévoles leur viennent en appui durant le festival ?

Stéphanie Cadeau : L’association existe depuis 1996. Aujourd’hui, il y a quatre salariés. Je fais la direction artistique. Il y a une personne à la coordination qui gère tous les aspects techniques, la coordination de l’action culturelle, des artistes. Il y a une personne à la communication et une personne qui s’occupe de la diffusion des spectacles qu’on accompagne.

Tout au long de l’année nous avons un conseil d’administration et un bureau qui sont actifs et suivent les projets de l’association. Pendant le festival une vingtaine de bénévoles vient en renfort sur chaque lieu à tous les postes sauf pour les postes techniques. Là on embauche des intermittents du spectacle. Toute l’année nous embauchons une cinquantaine d’intermittents du spectacle très régulièrement en technique et pour les artistes de nos spectacles.

Comment qualifierez-vous l’ambiance de ces quatre jours de festival ?
Stéphanie Cadeau : Comme c’est notre première au Vieux Saint-Étienne, nous espérons en faire un lieu convivial et que le public s’y sentira bien. Le maître-mot est la découverte et le soutien aux artistes en développement.

Festival Les Embellies. Du 20 au 24 mars. Théâtre du Vieux Saint-Etienne, Ubu, Maison des Associations à Rennes.

DANSFABRIK BREST, DANS L’OEIL DE LA BACKLINE DE THIERRY MICOUIN ET PAULINE BOYER

La première de la nouvelle création de Thierry Micouin et de Pauline Boyer, Backline, s’est tenue au festival Born to be alive à Reims où Thierry Micouin est artiste compagnon. Backline se situe dans le droit fil de Double Jack dans l’œuvre de Thierry Micouin et est présenté le 14 mars au festival DansFabrik de Brest.

BACKLINE

L’œil est un des thèmes centraux de Backline. Le plateau est rond avec un lino blanc et en son centre, comme un iris, on distingue des formes géométriques faites de traits noirs au sol et quinze micros tournés vers l’intérieur du plateau. Au-dessus de ce plateau œil, et le recouvrant entièrement, un velum est comme une paupière. Tournés vers l’extérieur en direction du public, en bordure de ce plateau, des écrans de contrôle l’encerclent. Pauline Boyer se trouve également en bordure du plateau, à sa table de travail où elle mixe les sons que produit en direct le danseur Thierry Micouin. Elle n’est pas en hauteur, hors du regard des spectateurs, la où se trouve habituellement la régie. Dans Backline, le mixage du son est partie intégrante de la pièce chorégraphique, et se fait donc en direct et à vue.

Si l’espace de danse est clairement défini, la frontière qui délimite le début de la pièce est pourtant laissée floue. Lorsque le public s’installe autour de ce plateau pour assister à la représentation de Backline, Pauline Boyer est déjà assise à son pupitre et Thierry Micouin est assis par terre face à elle. Elle est affairée à sa tâche et sa présence inhabituelle attire l’attention, mais on s’en détache rapidement pour se mettre à son aise, éteindre son portable tout en discutant avec son voisin. On note à peine la présence de Thierry Micouin qui est tout à son smartphone, absorbé, là sans être là, déconnecté de ce qui l’entoure, manipulant son téléphone avec des gestes quasi imperceptibles. Le changement de lumière qui traditionnellement indique le début d’un spectacle ne se produit pas. C’est le danseur seul qui indique le commencement de la danse. Il y entre assez brutalement en se levant, toujours son smartphone toujours en main ; il marche et lit à voix haute des notifications de réseaux sociaux (des news massivement anecdotiques), il en emplit l’espace, le sature du contenu de ce smartphone. Le danseur se réapproprie l’espace avec un cri. « Oooooooh » lance-t-il dans cet espace. Ce cri particulier a pour objet de marquer une rupture. Il n’est pas un cri de rage, ce n’est pas un hurlement de colère, mais une interjection. Il est lancé comme on passerait la main sur une table pour faire table rase de ce qui l’encombre, d’un geste net, sans précipitation, mais avec efficacité. La problématique est posée, et dès cette première tâche accomplie, Thierry Micouin nous livre immédiatement un véritable manuel de résistance pour contrer la perte d’identité et l’abrutissement de notre espace mental.

« Hey oh ! Let’s go ! » lance-t-il, cette fois-ci en utilisant l’un des micros. Il fait resurgir l’espace de la scène punk rock. Ceux qui n’ont pas connu cette époque pourront saisir ces mots sur la barre de tâche de leur ordinateur. La toute première entrée qu’ils trouveront montre à quel point elle est emblématique du mouvement punk. Hey oh ! Let’s go ! est le titre d’une chanson des Ramones, groupe américain mythique de ce mouvement.

Hormis quelques notes enregistrées sur son smartphone qu’il approche de l’un des micros, notes extraites de la non moins mythique Anarchy in the U.K. des Sex Pistols, groupe britannique également phare du mouvement punk. Tous les sons sont créés sous nos yeux avec le corps du danseur, ses pas, son souffle, sa voix, le frottement du micro sur son corps, immédiatement et en direct transformés, mixés par Pauline Boyer, loin de toute sophistication superfétatoire. La problématique est énoncée sans micro, puis le travail avec les micros se met en place, et par là même, le jeu avec Pauline Boyer, le jeu du do it yourself qui était le credo du mouvement punk.

BACKLINE

Thierry Micouin utilise le langage corporel des rock stars, il fait revivre leurs attitudes, celles qu’ils prennent sur scène. C’est dans sa mémoire qu’il nous convie en faisant revivre ces extraits du passé qu’il a lui-même vécu en tant que spectateur. Maintenant qu’il s’est placé au centre du plateau, il transmet ces gestes caractéristiques au public. Mais il opère sur ces poses une transformation radicale, il en métamorphose totalement le rythme. Il n’en fait pas une reconstitution, mais il compose sa danse à partir d’arrêts sur images qu’il relie entre eux (faites de détails d’une pose, la position d’une main, une statique particulière, etc.). Avec ce matériau Thierry Micouin élabore une phrase chorégraphique qu’il tourne en boucle, en ajoutant des fragments à chaque fois. Il expose le processus de réminiscence d’un souvenir que des détails permettent de préciser un peu plus, de lui donner plus de corps. Les lumières d’Erik Houiller intensifient l’impression d’être au croisement entre l’atmosphère saccadée de la scène rock et celle plus nébuleuse du rêve, de l’intériorité.

Les écrans de contrôle et le velum dont l’image restait fixe jusque là présentent maintenant une des images qui suivent la pulsation du son travaillé par Pauline Boyer. L’œil du spectateur est parasité par ces écrans et il doit s’activer pour se focaliser sur le danseur, opérer un choix.

Dans cette danse très découpée, Thierry Micouin utilise l’un des micros qui est en fait une caméra avec laquelle il se fait plus directif avec le regard du spectateur. Il l’oriente ce regard. Thierry Micouin filme en plan très serré son œil de verre (œil qui ne voit rien) qu’il extrait de son orbite en direct. Il le fait glisser le long de son bras. Dans le pli de l’intérieur de son coude, Thierry Micouin place la prothèse et pince sa peau, constituant des paupières. Il recrée l’espace d’un instant le milieu originel de la prothèse. Il fait voyager à nouveau l’œil et répète l’opération au niveau de la jonction de ses seins, puis dans son nombril, et ensuite dans sa bouche où ce sont ses lèvres qui font office de paupières.

Les spectateurs sont installés en cercle autour du plateau et en permanence une partie du public voit le danseur de dos. Les images qu’il filme sont diffusées sur les écrans et le velum. Le spectateur, où qu’il soit, choisit s’il regarde l’extraction de la prothèse directement sur le corps du danseur (scène difficilement soutenable pour certains), ou s’il la regarde par images interposées sur les écrans ou le velum, ainsi pour le voyage de la prothèse. Sont en balance l’écran de contrôle et son image en plan très serré, contrôlée par son auteur, et la scène vécue en direct et en globalité, contrôlée par le spectateur.

BACKLINE

Thierry Micouin est un danseur émérite, mais comme les punks gommaient ostensiblement toute beauté explétive, il sacrifie dans Backline le corps glorieux, la technicité remarquable au profit d’un message urgent, bien plus impérieux. Nos données personnelles sont utilisées par les nouveaux médias qui nous assaillent et saturent notre espace mental, uniformisent nos mémoires en les dépersonnalisant, annihilent notre identité en en faisant un objet de mercantilisme, et pour ce nous espionnent. La performance de Thierry Micouin et de Pauline Boyer oppose à cette déshumanisation la prise de conscience du contrôle exercée sur notre regard et la restitution de notre intimité. Ils mettent en exergue le travail de concentration sur notre propre mémoire, l’importance de la nécessité de reconstituer cette mémoire qui peut faire appel à l’image, mais qui est également inscrite dans notre corps, nos gestes. À la société de consommation qui a fait de la révolution informatique et internet une nouvelle possibilité de nous réifier, Thierry Micouin et Pauline Boyer font vivre celles qui nous permettent d’être créateurs. Loin d’être une vision angoissante, Backline propose une prise de conscience et est un magnifique appel à la résistance.

Mercredi 14 MARS (21H00), Backline de THIERRY MICOUIN et PAULINE BOYER, Tarifs 8€ ou PASS, La Grande Carène, Brest.

DISTRIBUTION
Conception et interprétation Thierry Micouin et Pauline Boyer
Chorégraphie Thierry Micouin
Dispositif scénique et Musique Pauline Boyer
Lumières et régie générale Erik Houllier
Régie son Benjamin Furbacco

Production T.M. Project
Coproductions Manège, Scène nationale-Reims, Scènes du Golfe-Vannes
Soutiens Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Bretagne, Région Bretagne, Ville de Rennes, Fonds SACD musique de scène

Festival DansFabrik Brest

Le Quartz
Scène nationale de Brest
60, rue du Château
BP 91039
29210 Brest Cedex 1