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JEAN FOUBERT DÉCRYPTE LE SECRET DE TWIN PEAKS ET SES MONDES

Twin Peaks est la mère de toutes les séries. Elle conjugue un subtil soap opera à une enquête à suspens, mêlant fantastique, science-fiction, métaphysique : une synergie presque parfaite enveloppée par la vision esthétique de son génial créateur. Avec Twin Peaks, David Lynch nous plonge dans un abîme de sensations, d’obsessions, de questions qui nous envoûtent. La troisième saison de sa série culte, diffusée l’année dernière, a poursuivi le chemin emprunté 26 ans plus tôt par les deux premières parties de Twin Peaks, confirmant qu’elle reste un véritable vecteur de transformation de la télévision. Jean Foubert, historien de l’art et du cinéma, spécialiste de l’œuvre de David Lynch, décrypte la fabuleuse série dans Twin Peaks et ses mondes, paru aux éditions L’Harmattan. Entretien avec un expert passionné, qui prolonge les questionnements vertigineux issus de Twin Peaks. « Les films de David Lynch tournent autour d’un secret irreprésentable »

Vous avez écrit un premier livre sur David Lynch (L’art audio-visuel de David Lynch, éd. L’Harmattan, 2009) dans lequel vous évoquiez déjà Twin Peaks. Comment avez-vous envisagé ce nouveau livre sur le sujet ? Twin Peaks et ses mondes est-il plus personnel ?

Jean Foubert  Le premier faisait suite à un séjour à l’université de Berkeley donc c’était un travail plus théorique, plus cérébral. Là, j’ai vraiment voulu quelque chose qui soit de l’ordre du physique, de la sensation, dans les émotions, plus intime. Il s’agissait d’apporter un angle personnel sur l’univers de Twin Peaks, dont la série (Le film Twin Peaks, Fire walk with me, sorti en 1992, évoque les 7 derniers jours de Laura Palmer) que j’ai vue en 1990-91(lorsque les deux premières saisons ont été diffusées sur la Cinq, chaîne aujourd’hui disparue) m’a vraiment donné envie d’écrire sur David Lynch. J’ai un rapport très personnel à cet univers et je voulais absolument écrire quelque chose qui soit libre, accessible et ouvert pour le lecteur, de l’ordre de l’essai et non pas didactique.

L’ouvrage ressemble davantage au livre que je rêvais d’écrire sur Twin Peaks et David Lynch.

twin peaks mondes

Vous découvrez donc la série quand elle est diffusée en France ?

Jean Foubert  J’ai été rivé à mon écran de télé dès qu’elle a été diffusée. J’allais alors avoir 18 ans. Je connaissais David Lynch puisque j’avais vu Dune, lorsque j’avais 11 ans. J’avais vu Blue Velvet par la suite mais autour de Twin Peaks, il y a eu quelque chose d’événementiel.

On se demandait ce que David Lynch allait faire dans l’univers des Networks américains parce qu’on n’était pas alors dans les chaînes indépendantes HBO ou Showtime qui a produit la 3e saison, mais sur ABC, l’équivalent de TF1, France 2 ou France 3.

J’aimais beaucoup Les Inrocks grande époque fin 80-début 90 et l’émission de Bernard Lenoir, sur France Inter. On y parlait beaucoup de Twin Peaks et il y avait énormément d’attente. Pour moi, la magie a opéré instantanément et ça a vraiment renforcé ma passion du cinéma et m’a donné envie de m’engager et d’écrire sur ce réalisateur.

Vous avez le souvenir d’un choc immédiat ?

Jean Foubert  Ça fait partie des événements culturels qui ont vraiment marqué ma vie. Les deux premiers réalisateurs que j’ai aimés avant Lynch sont Hitchcock et Tati, dans les années 80. Il y a une connexion puisque Lynch entretient un rapport privilégié avec les deux.

On peut dire que découvrir Twin Peaks a décidé de votre parcours…

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David Lync

Jean Foubert  Complètement. J’ai été le premier à soutenir une thèse de doctorat sur David Lynch en France. A l’époque, il y avait très peu de livres publiés sur lui. Donc c’était un travail universitaire qui me permettait d’explorer un territoire vierge. Et à ce moment-là, David Lynch était au creux de la vague parce que le film Twin Peaks avait été sabré par la critique. Avec cette thèse, ça me donnait envie de m’engager pour affirmer que c’était un réalisateur fondamental et que l’histoire le prouverait. Du reste, elle l’a prouvé puisqu’ensuite, il y a eu Lost Highway, Une histoire vraie et Mullholand Drive.

Dans ce livre, vous décortiquez de façon personnelle la série.

Jean Foubert  Je décortique la série et je laisse beaucoup de piste ouvertes. Je voulais respecter à la lettre ce qu’a toujours dit Lynch : « Pourquoi les films devraient-ils faire sens alors que la vie ne fait pas sens ? » En plus, une multiplicité d’interprétations circulent sur Internet, une quantité d’articles et d’ouvrages ont été publiés.

Face à ce refus de Savid Lynch d’expliquer son œuvre qui reste d’ailleurs hors de portée d’explication définitive, absolue, certaine et catégorique, j’ai voulu en tant qu’essayiste faire preuve d’humilité par rapport à l’œuvre du cinéaste et respecter tous ces gens passionnés par l’univers de David Lynch et qui ont leur interprétation. Je ne voulais pas leur imposer ma vue du cinéma de David Lynch mais je propose des pistes de réflexions pour continuer à explorer.

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Jean Foubert

La série occupe-t-elle selon vous une place particulière dans la filmographie de David Lynch ? Elle synthétise tous ses thèmes forts ?

Jean Foubert  Il est intéressant de constater que souvent les fans de Twin Peaks ne sont pas forcément des fans du cinéma de Lynch, et réciproquement.

Il faut bien voir qu’il y a 3 phases différentes dans la carrière de Lynch : celle qui court de la fin des années 60, avec ses premiers courts-métrages expérimentaux jusqu’à Eraserhead (sorti en 1977). C’est une phase expérimentale dans l’ambiance des midnight movies et pas loin de la transgression du cinéma No wave new-yorkais des années 80, qui descend un peu du surréalisme. Ensuite, une seconde phase plus mainstream, avec Elephant Man (1980), mélodrame classique puis Dune (1984), film de science-fiction. Et puis, il y a Blue Velvet (1987)… : David Lynch, clairement, commence à choisir un genre de prédilection, le film noir, et commence à mettre en scène l’Amérique des petites villes, mais on a vu qu’il mettait aussi en scène Los Angeles. Blue Velvet est pour moi l’œuvre séminale qui annonce l’univers de Twin Peaks.

Les deux premières saisons de Twin Peaks sont des œuvres communes à deux personnes : David Lynch et Mark Frost, d’ailleurs Lynch n’aime pas trop la seconde saison. Des équilibres de création, de production étaient trouvés entre Frost et Lynch, et le network américain ABC. Mais c’est une bonne introduction pour le grand public à l’œuvre de David Lynch.

Par contre, la 3e saison est une création à part entière de Lynch et on peut dire effectivement que c’est une œuvre fondamentale, très largement représentative des obsessions, des constantes, des thématiques de David Lynch.

twin peaks

On a dit que Twin Peaks a été la mère de toutes les séries, offrant plusieurs niveaux de lecture. Est-ce cela qui explique le succès des deux premières saisons ?

Jean Foubert  Tout-à-fait. C’est intéressant parce qu’on a pu dire que Jackson Pollock avait en quelque sorte « cassé la glace »à la fin des années 30 quand sa peinture a été reconnue par les institutions et les galeries. Mais on peut dire que David Lynch a fait la même chose parce qu’on a vu à sa suite de grands réalisateurs, comme Martin Scorsese, avec Boardwalk Empire, ou Jane Campion, avec Top of the lake, plus récemment, s’intéresser à un médium qui n’était pas réputé pour être le meilleur véhicule de fiction artistique. David Lynch a vraiment amorcé une révolution de l’industrie de la télé. Twin Peaks a été un grand tournant dans l’histoire du cinéma. Et c’était quand même aussi une série policière envoutante qui a fasciné le public.

On parle d’ « inquiétante étrangeté » pour caractériser l’œuvre de Lynch. On la retrouve bien dans la série ?

Jean Foubert  Oui. L’« inquiétante étrangeté », pour le dire très simplement, c’est l’ordinaire, le banal, le quotidien qui commence à devenir menaçant, inquiétant… Un univers qu’on connait mais qu’on est plus tout à fait sur de reconnaître. Les deux premières saisons ressemblent à une enquête policière mais ce n’est pas exactement ça : il y a des décalages, introduits parfois par l’humour, par le grotesque, des coïncidences, l’intrusion du fantastique, l’utilisation des gros plans… Tout ça contribue à créer un univers en même temps familier et de l’ordre de l’aliénant.

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Ce que nous ne montre pas David Lynch semble finalement essentiel dans la fascination qu’exerce Twin Peaks ?

Jean Foubert  Oui. Les films de Lynch ne sont pas clos. L’un de ses films préférés, c’est Chinatown de Roman Polanski. Et il explique que c’est parce que le rêve se poursuit alors que le film, le récit sont déjà terminés et que les lumières de la salle de cinéma sont rallumées. C’est ça le cinéma de David Lynch : il nous emmène, nous entraine, déroule une espèce de rêve éveillé, d’hypnagogie, qui se poursuit après le film. On est face à des limites, les films de David Lynch tournent autour d’un secret, qui est irreprésentable.

C’est le principe de l’oreille dans Blue Velvet : Jeffrey Beaumont  repense à cette oreille qu’il a découverte plus tôt. Tout le monde se la représente comme l’indice clé. Et la caméra plonge à l’intérieur de l’oreille. Donc on pense que quand on plonge à l’intérieur des choses, on va en connaître le secret ! On croit qu’on va comprendre celui du film. Mais en fait, plus la caméra plonge à l’intérieur de l’oreille, plus le trou s’élargit et ce trou noir finit par recouvrir la totalité de l’écran et au-delà même : au centre du film, le secret, c’est rien, c’est un vide, un trou noir autour duquel tout le film tourne. On voit qu’on est face à une limite. David Lynch ne fait que des vues d’échelles. La vue d’ensemble où tout paraît beau et les vues en gros plan, les insectes dans le jardin, l’oreille. Lui-même l’a bien raconté : enfant, il voyait la vue d’ensemble, cette vie parfaite que chaque jeune américain rêverait de vivre et, en contrepoint, ces vues en gros plan, de la salive, du sang, des insectes… Ce contraste, cette tension, est un procédé élémentaire du cinéma de David Lynch.

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On tournerait donc autour d’un mystère qui serait lui-même une limite parce qu’on ne pourrait jamais en avoir les clés ?

Jean Foubert  Tout-à-fait. Je suis persuadé que David Lynch n’a pas lui-même réellement les clés de ce qu’il construit dans ses films. Ce n’est pas le premier à l’affirmer au cinéma : Orson Welles dans Citizen Kane nous dit qu’on n’arrive jamais à toucher à la vérité, au secret, intime, personnel et complet de l’existence. Kurozawa également dans Rashomon… Plusieurs films ont établi que notre existence tournait autour d’un secret irreprésentable, indicible.

En ce sens, le cinéma de David Lynch, Twin Peaks notamment, serait psychanalytique ?

Jean Foubert  Ce qui est intéressant justement c’est que quand Lynch a conçu les deux premières saisons, il aurait souhaité qu’on ne découvre jamais l’identité du meurtrier de Laura Palmer. C’est Mark Frost et la production qui ont imposé que l’assassin soit découvert. David Lynch aurait aimé que la magie de cette investigation se poursuive.

Il y a deux approches qui s’opposent en ce qui concerne cet aspect psychanalytique du cinéma de David Lynch : une approche jungienne qui évoque l’inconscient et ses profondeurs, tout ce qui est caché derrière les apparences et une lecture lacanienne, que je revendique beaucoup plus, qui dit qu’il y a une opposition entre principe de réalité et réel. Le réel selon Lacan est le secret central de l’existence, je le cite dans le livre, une chose « qui ne cesse pas de ne pas s’écrire », autrement dit une chose qui refuse de se laisser assigner, de se laisser inscrire dans le domaine du langage donc qui bloque le récit.

C’est ce qui fait que les récits de David Lynch tournent souvent en boucle, comme dans Lost Highway. Il y a aussi à la fin de la 3e saison de Twin Peaks une sorte de boucle, même si on ne revient pas réellement au point de départ. Mais le récit bute contre quelque chose qu’il n’arrive pas à dire, qui ne s’inscrit pas et qui fait qu’en un sens la magie ne cesse pas d’opérer.

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Dana Ashbrook, Miguel Ferrer, David Lynch, Chrysta Bell, Robert Knepper, Jim Belushi, Kimmy Robertson and Harry Goaz in a still from Twin Peaks. Photo: Courtesy of SHOWTIME

Vous dites aussi que la série est subversive en évoquant sa part d’irrationalité ?

Jean Foubert  Par rapport aux conventions du récit policier qui prétend analyser, réduire un mystère à une solution en utilisant des méthodes rationnelles.

Dans le cinéma de David Lynch, il y a cette intrusion du fantastique dans l’univers du rationnel. Quand le fantastique continue à persister dans le récit comme énigme, qui ne peut pas être élucidée, on est face à quelque chose qui échappe au contrôle, du policier et des modes d’investigations tels qu’on les connait dans le récit policier.

La part d’irrationalité me semble aussi présente dans Twin Peaks dans une réflexion sur l’espace et le temps qui nous sont présentés comme pouvant être une illusion ?

Jean Foubert  On nous présente, dans la 3e saison, l’univers de la relativité or si on l’applique à la vie quotidienne, ça nous semble fantastique. Je cite Borges qui dit que si on applique les lois de la relativité à notre quotidien, quelqu’un pourrait sortir d’une cellule dans en franchir les murs… Selon la théorie de la relativité, on est dans un univers en 4 dimensions : les 3 dimensions de l’espace et la dimension du temps, donc pour localiser, selon Einstein, un évènement, cela suppose 4 coordonnées. Quand Dale Cooper recherche le magasin général dans la saison 3, il ne recherche pas seulement un emplacement mais aussi un instant puisque le magasin général n’arrête pas de se déplacer, il faut arriver à un endroit et à un instant précis. C’est une déformation, une subversion des catégories traditionnelles de l’espace et du  temps plus qu’une illusion.

On rejoint là l’inquiétante étrangeté : si on applique le principe de la théorie de la relativité à notre quotidien, il prend des allures fantastiques. Il devient troublant et mystérieux.

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Twin Peaks – Fire Walk With Me (1992) | Pers: Sheryl Lee, Kyle Maclachlan, David Lynch, Kyle Maclachlan | Dir: David Lynch | Ref: TWI023AA | Photo Credit: [ The Kobal Collection / Lynch-Frost/Ciby 2000 ] | Editorial use only related to cinema, television and personalities. Not for cover use, advertising or fictional works without specific prior agreement
Vous évoquez aussi l’aspect politique des films de David Lynch qui montre l’envers du rêve américain, ses oubliés.

Jean Foubert  J’ai été stupéfait pas la 3e saison de Twin Peaks. Jamais je n’avais vu David Lynch aussi engagé politiquement.

Il film avec une grande intensité, une grande beauté, une grande empathie, les oubliés du rêve américains. Harry Dean Stanton est magnifique dans cette saison, incarnant le gérant d’un parc de caravanes où se retrouvent les laissés pour compte. Il fait preuve d’une grande empathie pour ses locataires et pour le petit garçon tué et il dit d’ailleurs : « c’est quoi ce monde où on vit, c’est un putain de cauchemar ».

Il y a aussi une critique très présente d’une société mercantile, dominée par le principe de rentabilité et reproductibilité.

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Vous diriez que David Lynch est le cinéaste de l’opacité ?

Jean Foubert  C’est toujours lié à cette question de sens : on veut toujours faire du sens. Ce qui est paradoxal, c’est que c’est souvent les réalités les plus transparentes qui nous paraissent les plus opaques. C’est flagrant chez David Lynch. Ce n’est pas une opacité voulue, c’est simplement que le monde dans lequel on vit est fait de contradictions et qu’on procède par recoupements.

On ne peut pas réduire les films de David Lynch à un rébus, donc il faut accepter l’opacité chez Lynch comme on l’accepte dans l’existence.

Et cinéma des sensations vous semble aussi convenir ? Comme si au fond, le cinéma de Lynch nous faisait ressentir les choses, avec d’ailleurs une part d’indicible, qu’on a du mal à expliquer.

Jean Foubert  Tout-à-fait. On est clairement dans un cinéma à dimension physique.

Le son et la musique sont fondamentaux chez Lynch. Le récit est bien souvent un prétexte à ce qui est davantage une expérience esthétique et physique de son univers.

Cette 3e saison est moins accessible que les deux premières.

Jean Foubert  Moins accessible, plus exigeante mais aussi plus riche. On retrouve là vraiment le David Lynch formidablement expérimental de la première heure, avec notamment le 8e épisode, abstrait dans le sens où on ne peut en faire l’expérience qu’à travers celle, physique, qui est liée à un spectacle de sons et d’images.

David Lynch d’ailleurs ne parle pas d’épisodes mais de parties : c’est une œuvre en 18 parties. Les deux premières ont été projetées en avant-première au festival de Cannes. Des critiques classent cette œuvre comme meilleur film de l’année 2017. Au-delà de la réussite complète pour moi de cette 3e saison, au-delà de son importance au sein de l’œuvre de David Lynch, il pose la question même du média : est-on encore à la télévision ? Est-ce du cinéma ? Il y a une révolution, encore plus forte que celle issue des 2 premières saisons, du concept même de ce qui peut être produit par la télévision.

David Lynch a fait quelque chose qu’on n’avait jamais vu mais qu’on ne reverra peut-être jamais. Au début de l’année, la 3e saison de Twin Peaks était diffusée en boucle au MoMA à New-York… Est-ce qu’un autre produit de télévision fera son entrée au musée d’art moderne ?

La télévision a permis à David Lynch de s’inscrire dans la durée. Il avait la contrainte du temps au cinéma, qui semblait le frustrer.

Et selon vous, David Lynch a mis un point final à Twin Peaks ?

Jean Foubert  Moi, je pense que ce serait bien que ça s’arrête à la 3e saison. Mais je n’ai ni le talent, ni le génie de David Lynch. Ce qui est sûr c’est qu’il ne reviendra pas à Twin Peaks s’il estime ne plus avoir rien à dire. Il ne fera pas une saison de plus pour les fans.

 

Jean Foubert Twin Peaks et ses mondes, éditions L’Harmattan, novembre 2017, 13€.

Jean Foubert, L’art audio-visuel de David Lynch, L’Harmattan, 2009, 24€.

RENNES FESTIVAL, GIBOULÉES D’ART ET DE CULTURE LES 17 ET 18 MARS

Les étudiants de Sciences Po Rennes mettent l’art et la culture à l’honneur le 17 et 18 mars 2018. Dans une ambiance participative autour du théâtre, de la danse, du street-art ou de la musique le festival Les Giboulées vous propose de passer un week-end tout en art et en partage.

Dans un premier temps appelé Charivarue, le festival se dénomme désormais Les Giboulées. Pourquoi avoir changé de nom ?

Jeanne Deghilage : Les Giboulées comme Charivue est un projet étudiant qui a évolué au fur et à mesure des années. Le premier projet était Charivarue, un événement d’art urbain. Son identité artistique a évolué. Par sa structure, le festival est devenu le festival Les Giboulées, un festival sur deux jours avec une vision encore plus affirmée de démocratisation et décentralisation culturelle. Le projet a évolué, les noms se sont un peu superposés et par souci de clarté de communication on a préféré faire un choix entre les deux noms. Les gens ne faisaient pas forcément le rapprochement entre Charivarue et Les Giboulées, avaient l’impression de deux entités différentes qui étaient en fait devenues un seul et même événement. Nous avons décidé d’unifier l’événement et l’association pour que ce soit plus claire au niveau du projet.

Le projet est né il y a trois ans et est mené chaque année par dix étudiants de l’Institut d’Études Politiques de Rennes. Comment et en combien de temps l’avez-vous organisé ?

Lorenza Vincent Lasbats : Une équipe se forme chaque année sur la base du volontariat. Chaque année une passation se fait avec l’équipe précédente. Les personnes intéressées pour reprendre l’association se déclarent et l’intègrent. Nous avons constitué la nouvelle équipe début octobre. Cela fait donc environ six mois que nous travaillons sur l’organisation du festival. Sciences Po nous accorde un temps en plus pour travailler sur ce projet. L’école considère que c’est un investissement de deux heures par semaine pendant toute l’année ce qui est loin d’être le cas dans les faits.

Jeanne Deghilage : Deux heures, c’est le temps de la réunion hebdomadaire.

Lorenza Vincent Lasbats : Nous nous réunissons chaque semaine pour définir ce qu’il y a à faire et ensuite nous travaillons individuellement ou en petit groupe. Le nombre d’heures dépend de l’investissement de chacun mais c’est assez lourd.

Jeanne Deghilage : Six mois c’est un peu court. La passation a un peu tardé pour notre édition. Pour l’année prochaine, si une équipe est repreneuse du projet, une passation dès septembre est plus adaptée. Nous avons beaucoup de partenaires publics et ce sont des partenariats qui sont longs à mettre en place contrairement à certains partenariats privés. Les réponses sont longues. Il y a entre trois et quatre mois d’attente de gestions de dossiers et forcément c’est à prendre en compte dès le début du projet.

PARCOURS ARTISTIQUE LES GIBOULEES RENNES
Les étudiants de Sciences Po Rennes organisateurs des Giboulées 2018

Votre volonté est de démocratiser les arts et la culture en faisant de ce week-end un événement participatif pendant lequel chacun pourra être à la fois spectateur et acteur. Quels sont les temps forts du festival et comment les festivaliers pourront s’approprier la ville le temps d’un week-end festif ?

Constance Foiret : Le vendredi 16 mars aura lieu la soirée d’inauguration à Sciences Po Rennes. Ce sera une soirée qui permettra d’ouvrir le festival et en même temps de remercier les partenaires qui ont participé à la tenue du festival. Ce sera aussi un moyen de présenter l’équipe au public qui sera présent. Ensuite, le parcours street-art de Deuxben qui est un gros projet au sein de l’équipe aura lieu. Nous attendons beaucoup de ce projet. C’est vraiment ce qui incarne en partie le pan accessibilité du festival et c’est inédit. C’est vraiment une innovation de notre part. Chaque année notre école nous demande de penser quelque chose de nouveau.

Jeanne Deghilage : Il y a déjà eu des choses en France qui ressemblent au street-art tactile mais une fresque tactile (quatre panneaux de trois mètres de long) de street-art c’est la première fois que c’est fait. Nous espérons que ça va fonctionner. C’est le risque de la création artistique mais c’est le pari que nous avons voulu prendre.

Constance Foiret : La soirée au 1988 accueillera deux groupes : Big Wool et The Mirrors. C’est du rock alternatif, du britrock et ensuite un after à La Contrescarpe avec des invités spéciaux. Le lendemain, le dimanche 18 mars au Millepotes, il y a aura la scène ouverte pour remercier de nouveau le public qui était présent et mettre en valeur les groupes qui ont envie de monter sur scène.

Jeanne Deghilage : C’est l’événement de clôture. Il y a déjà quelques groupes qui sont programmés pour finir le festival avec plusieurs prestations dans un esprit convivial et festif à l’image du festival.

Constance Foiret : Nous avons voulu faire le festival dans les rues de Rennes pour supprimer le mur qu’il peut y avoir dans les théâtres classiques. Entre les artistes qui sont sur scène et le public, il y a une distance. Faire des pièces de théâtre, par exemple, dans la rue permet de détruire ce mur et les artistes peuvent ainsi interagir avec le public directement. C’est une manière pour les Rennais de s’approprier la ville et d’avoir un lien direct avec les artistes.

Jeanne Deghilage : Il y a beaucoup d’initiatives artistiques sur Rennes et souvent c’est la logique inverse. On fait venir des styles artistiques qui ne se réalisent habituellement pas dans des lieux classiques comme l’opéra, par exemple. Nous avions envie d’être dans le même esprit mais à l’inverse. Plutôt qu’investir des lieux un peu sacrés de la culture nous avons voulu montrer que la culture peut être parmi tout le monde et avec nous dans la rue. Si les personnes sont motivées et qu’elles veulent faire toutes les prestations surtout qu’elles n’hésitent pas mais l’idée est que ça s’intègre dans des activités du week-end. L’idée est qu’en allant faire ses courses au Centre Alma, on se rende compte qu’il y a une prestation à Henri Fréville et qu’on se laisse une parenthèse culturelle et artistique d’une heure afin de s’évader un petit peu. L’esprit des Giboulées est d’intégrer l’art et la culture dans la vie quotidienne des gens. D’un point de vue plus pratique, il y aura une signalétique, des bénévoles pour informer, des responsables de l’association …

Lorenza Vincent Lasbats : Si on peut résumer, c’est un peu inverser la tendance, ce n’est pas le public qui va vers la culture mais la culture qui va vers le public.

Qui sont les invités spéciaux de l’after du samedi soir ? Est-ce une surprise ?

Lorenza Vincent Lasbats : Ce sont des invités mystères. Nous ne pouvons pas dévoiler pour le moment qui ce sera ! Ce sera un collectif de DJs qui a un peu pignon sur rue à Rennes. Nous sommes très contents de les avoir, ce qu’ils font est vraiment de qualité mais nous préférons dévoiler cela plus tard. C’est un peu notre surprise !

PARCOURS ARTISTIQUE LES GIBOULEES RENNES
Big Wool

Pouvez-nous présenter les artistes qui animeront cette édition ? Comment les avez-vous choisis ?

Lorenza Vincent Lasbats : Il y a Deuxben De Rennes qui est un artiste street-art. Nous sommes très contents car nous voulions faire appel à un artiste pour réaliser cette fresque tactile. Il est très motivé par le projet. C’est vraiment une belle rencontre.
La Compagnie 10 Doigts travaille sur le thème de l’accessibilité depuis plusieurs années. Pour nous c’est vraiment important de travailler avec une compagnie qui est à ce point experte dans ce domaine et qui est motivée par la rencontre entre notre festival et la compagnie.

Jeanne Deghilage : L’idée est d’avoir une programmation éclectique donc il n’y a pas de têtes d’affiche. C’est comme ça que nous pensons la programmation. Nous avons la soirée du 1988 Live Club qui est un peu à part. Sinon l’idée est de représenter le plus de choses possible. Nous avons du théâtre, du cirque, de la danse, de la musique, des spectacles moins traditionnels, du clown pour les jeunes publics. Il y a des choses un peu moins classiques comme La Meute ou L’Audacieuse qui est en duo avec un accordéoniste et qui va à la rencontre du public pour pouvoir faire leurs prestations. L’identité des Giboulées est d’avoir une action participative avec des artistes accessibles. C’est là-dessus que nous avons aussi choisi nos choix de programmation. Nous allons, par exemple, avoir Eskemm qui va être rue Le Bastard et qui fait un spectacle participatif de danse. Nous avons La Meute qui sera au square de Villejean. Ce sont de très jeunes artistes. C’est aussi une opportunité pour les artistes rennais de sortir de leur zone de confort et de sécurité et de tenter de nouvelles choses. La Meute joue essentiellement à Villejean et a un public assuré là-bas. Nous leur avons proposé de jouer en centre-ville. Nous essayons de faire découvrir aussi des danses de l’Europe de l’Est avec Korishki le dimanche. Nous voulons vraiment toucher tous les âges, tous les styles et faire découvrir de nouveaux genres en donnant une opportunité artistique aux différents groupes.

Cette année l’équipe a décidé de travailler sur l’accessibilité du festival pour les personnes en situation de handicap. Quelles actions allez-vous mettre en place lors du festival pour faciliter cette accessibilité ?

Lorenza Vincent Lasbats : A l’origine le festival a basé son identité sur l’accessibilité mais plus dans un esprit de démocratisation en fonction des lieux. Nous voulions poursuivre ce qu’avaient fait les équipes des années précédentes mais en allant plus loin en cherchant des personnes encore plus éloignées de la culture. Nous nous sommes dits que dans la culture actuellement, on ne cherche pas spécialement à inclure des personnes qui sont en situation de handicap comme les déficients visuels ou les malentendants. Aujourd’hui, nous avons fait appel à des artistes qui vont répondre à ces enjeux là. Par exemple, Deuxben, va faire des panneaux de street-art tactiles pour les déficients visuels. Nous travaillons aussi avec une compagnie qui s’appelle les 10 Doigts. Cette compagnie fait plusieurs actions comme des spectacles bilingues français-langue des signes française, du chant signe…

Constance Foiret : Durant le parcours street-art urbain, il y aura des personnes handicapées qui font partie de l’association Handicap 35 pour tester ces panneaux que Deuxben mettra en place. C’est un moyen de prouver et de mettre en valeur le fait que l’association Les Giboulée est centrée sur l’accessibilité. Il s’agit aussi de mettre en valeur ces personnes déficientes mais qui ont tout à fait leur place au sein du public des Giboulées.

Jeanne Deghilage : Nous sommes sur de la création artistique pure pour Deuxben et nous travaillons avec des compagnies artistiques qui sont axées accessibilité. Nous avons aussi intégré la notion d’accessibilité dans notre communication. Nous avons travaillé par le biais de personnes qui sont spécialisées dans l’accessibilité aux personnes en situation de handicap. Nous avons établi une charte graphique à respecter afin que les documents visuels soit accessibles aux personnes malvoyantes. Nous sommes aussi dans une logique de vérifier que l’ensemble des lieux soient accessibles pour la plupart des personnes en situation de handicap. Nous nous sommes mis d’accord avec le gérant du 1988 Live Club pour que la soirée du samedi soir ait lieu dans la salle accessible aux fauteuils roulants. Nous aurons une partie des bénévoles qui seront sensibilisés, si ce n’est formés, à l’accueil de personnes en situation de handicap. Nous passerons avec l’association Handicap 35 et nous espérons pouvoir ainsi toucher les personnes en situation de handicap même sur les spectacles qui ne sont pas forcément spécialisés. L’idée est aussi de montrer que si la structure le permet ces personnes ont aussi une envie d’un accès à la culture et parfois c’est juste l’accès qui n’est pas possible.

PARCOURS ARTISTIQUE LES GIBOULEES RENNES
Tignasse 2 l’Espace, Deuxben De Rennes, 2017.

Vous avez plusieurs partenaires dont la Région, la ville de Rennes, et procédez en parallèle à une campagne de crowdfunding. Quelle part représente l’apport du crowdfunding dans le budget de l’événement ?

Jeanne Deghilage : Entre un cinquième et un sixième du budget total si on atteint l’objectif. N’hésitez pas à donner nous avons besoin de vous ! Même les plus petites contributions peuvent nous aider. Nous avons vraiment envie de faire des choses qui plaisent et d’avoir un retour avec le public. Ça nous paraissait ainsi logique d’avoir une plate-forme de financement participatif. La plupart des dons sont de 5 ou 10 euros et c’est comme ça que nous avançons. Nous avons encore besoin de dons même à quatre ou dix jours du festival.

 

PARCOURS ARTISTIQUE LES GIBOULEES RENNES
Evolution Crew

Et que vous a appris jusque-là cette expérience en tant qu’étudiantes et futures professionnelles ?

Constance Foiret : Nous avons été confrontés à un vrai travail d’équipe de manière concrète. Nous avons fait des travaux de groupes durant les années précédentes pendant nos études. Là c’est quelque chose de concret, de sérieux où de l’argent, des gens et des spectacles sont en jeu. Ça nous force à faire preuve de compréhension, de patience et d’écoute. Nous nous sommes rendu compte que c’était important d’échanger les informations. Dans une vie professionnelle et dans la vie privée c’est primordial.

Lorenza Vincent Lasbats : J’ai appris beaucoup dans les relations avec les institutions, comment on communique avec les institutions qui ne portent pas notre projet mais nous aident à le réaliser. C’est important d’avoir des bonnes relations publiques avec ces personnes-là. Sur le plan plus personnel, j’ai appris beaucoup en voulant faire avancer le projet. Je me suis forcée à apprendre plein de choses dans le domaine de la communication, le domaine administratif et je pense que j’ai acquis des compétences que je n’aurais pas forcément acquises si j’avais eu une année universitaire normale. Je pense que ça m’a confirmé dans mes choix d’orientation aussi.

Constance Foiret : Dans un CV, dire que nous avons été organisateurs d’un festival à Rennes, je pense que cela sert énormément pour nos futurs emplois. Nous sommes assez fiers d’écrire dans notre CV « organisateur ou membre d’une association qui organisée un festival à Rennes ». C’est vraiment exceptionnel à notre âge d’avoir pu participer à cela.

Lorenza Vincent Lasbats : Nous avons appris beaucoup au contact des uns des autres et nous avons essayé de créer un esprit de groupe en arrivant à faire des compromis sur certaines choses. Nous sommes tous très contents d’avoir travaillé ensemble.

Jeanne Deghilage : C’est une expérience qui est très professionnalisante et très formatrice. Au sein de l’équipe, nous n’avons pas forcément tous eu des expériences professionnelles avant. C’est assez partagé puisque nous avons fait une année à l’étranger certains en milieu professionnel, d’autres en université. Au sein de Sciences Po nous avons des parcours très différents et c’est un enrichissement mutuel de travailler au sein d’une équipe sur un format plus entrepreneurial. On se rend à quel point le travail d’équipe peut être un vrai moteur d’idées. Je pense que la plupart des bonnes idées que nous avons eues, nous les a eues quand nous étions neuf.

D’un point de vue plus personnel, pour des choses qui font peut-être un peu moins rêver, un peu moins glamour j’ai pu essayer de comprendre comment fonctionne les contrats, le paiement des artistes … Je pense que nous n’aurions pas pu apprendre autant de choses aussi rapidement avec un cours magistral sur le même sujet. C’est aussi l’application de plein d’apports théoriques que nous avons eus au fil des années et nous les mettons en pratique. C’est l’une des meilleures formations qui puissent être faites. Comme nous sommes que neuf, nous touchons à tout et nous venons en renfort sur beaucoup de missions. C’est extrêmement formateur je pense.

Jeanne Deghilage : Nous aimerions remercier les personnes au niveau de l’identité graphique du festival. Nous avons travaillé avec deux personnes. Nous avons voulu unifier l’image des Giboulées en repensant le site internet et la charte graphique de l’association avec le nouveau logo.

Lorenza Vincent Lasbats : Le logo a été réalisé par Morgan Messier. Nous avons été très contents d’avoir une identité graphique qui nous ressemble. Vincent Dézèque a travaillé sur notre affiche. L’affiche ressemble vraiment à ce qu’est le festival : un festival qui se passe dans la rue, qui est très festif et très féerique dans le choix des couleurs. Il a compris notre identité. Il est diplômé depuis un an. Nous essayons de travailler avec des personnes qui sont motivées par notre projet. C’est important d’avoir des acteurs motivés qui gravitent autour de notre projet, qui comprennent l’âme de notre festival et qui adhèrent au projet.

Jeanne Deghilage : C’est le cas de Vincent. Il a entendu parler du projet et est venu nous voir. Il était motivé à travailler avec nous. Morgan comme Vincent ont été très compréhensifs et patients. Nous avons pu faire des retouches. Ils ont vraiment facilité le travail graphique cette année. Ils ont été très à l’écoute.

Programme du Festival Les Giboulées de Rennes les 17 et 18 mars 2018

SAMEDI 17 MARS

Deuxben
Deuxben est un artiste autodidacte qui anime les murs de la capitale bretonne de ses personnages colorés depuis 2013. Son travail mêle aussi bien le graffiti que le collage de rue ou la peinture sur toile. L’équipe des Giboulées lui a proposé un projet inédit : la construction d’un parcours de street art tactile dans la ville ! En tout, 4 tableaux de l’artiste seront disposés à différents endroits de Rennes. Le thème de l’exposition est laissé libre à l’artiste, mais les œuvres seront des portraits de personnages avec des caractéristiques physiques particulières, comme ce que fait généralement l’artiste. La nouveauté sera que ces portraits seront accessibles par la vue et le toucher, et donc tactiles !

Visites commentées du parcours à destination des personnes malvoyantes : 10h30 et 14h30 – Station de métro Charles de Gaulle
Merci de prévoir un accompagnateur lors de ces visites. Si vous n’avez pas d’accompagnateur, merci de nous en informer au moment de votre inscription. Les inscriptions se font auprès de Marine Berginiat, par mail : contact@festival-lesgiboulees.fr

Evolution Crew
Évolution Crew est un groupe de 11 danseuses âgées entre 12 et 19 ans. Passionnées de danse et de culture hip-hop, elles sont entraînées par leur professeur de danse : Élise Réhault, à l’association Danses LM à La Mézière. Elles participent ensemble à de nombreux concours de danse et battle chorégraphiques dans toute la France.

14h – Station de métro Henri Fréville

L’Audacieuse
Ce spectacle tout terrain se situe quelque part entre la performance improvisée, le spectacle intimiste de rue, le concert grandiloquent, la visite guidée, la confidence et les secrets.

Elle petite et démesurée, bavarde et joyeuse aime l’enfance, les amoureux, le chant, les lampadaires, les religieuses au chocolat, le jardinage… Lui musicien au verbiage désordonné aime l’accordéon, l’absurde, les grasses matinées, les films de super héros, la nourriture chinoise, la danse… ensemble ils se laissent à voir, à regarder… Basculant allègrement de la contemplation au fourmillement, ils jouent comme ils aimeraient vivre, au rythme de leurs respirations saccadées. Ce qui leur donne corps c’est d’abord le lieu, l’événement, le moment et bien sûr le public.

14h – Station de métro Triangle / 15h – Station de métro Le Blosne

Compagnie 10 Doigts
Les histoires en doigts et voix : C’est une forme très visuelle où les mots, les signes, les sons passent d’une comédienne à l’autre dans l’enchaînement des histoires. Les histoires en doigts et voix sont liées à une envie de Compagnie de raconter des histoires et de désacraliser la langue des signes auprès de tous, jeunes ou moins jeunes, et de désacraliser le livre auprès de ceux qui le découvrent, notamment pour les sourds, exposés à l’illettrisme et pour les entendants en les invitant à découvrir ces histoires dans une autre langue, enfin d’inviter au livre et à la lecture tout simplement.

16h – Librairie Le Failler

Comment s’y rendre ? Métro/Bus : République

Compagnie Pied Ne
Bienvenue chez Victor…Installez vous confortablement, il va nous raconter une histoire… son histoire : il vient d’avoir 20 ans. Il est temps pour lui de « vivre sa vie »… Amoureux de la vie, enthousiaste de nature, Victor se cherche, cherche, teste, fouille, farfouille, feuillette, se plante, se trompe, rebondit, rechute, se relève, essaye, réessaye, ré-ré-essaye et … finit par se trouver…peut-être ! Tout ça avec l’énergie candide d’un jeune poussin sorti de sa coquille qui voudrait être un crocodile…ou l’inverse.

Un conte ludique et interactif pour jeune public dès 4 ans mais aussi pour les plus grands.

16h – Parc de Maurepas

Comment s’y rendre ? Bus : Assomption (C1, 14)

Eskemm
A partir d’une liste de mots tirés au hasard par le public, « Les p’tites boîtes à danser » consistent en l’association et la combinaison de divers éléments prédéterminant une danse ; les spectateurs piochent, les danseurs improvisent, créant sur l’instant une danse éphémère et aléatoire. Ainsi les mots deviennent mouvements, telles de courtes partitions chorégraphiques qui sans cesse se renouvellent. Cheminement d’un processus possible d’écriture chorégraphique (parmi tant d’autres…), « Les p’tites boîtes à danser » c’est aussi un moment de partage et d’interaction avec le public, performance ludique et poétique sous forme de solos et de duos.

17h – Rougier & Plé

Comment s’y rendre ? Métro/Bus : République ou St Anne (C1, C5, 9)

SAMEDI SOIR

BIG WOOL / THE MIRRORS
LE rendez-vous à ne pas manquer ! Retrouvez dès 20h, au 1988 LiveClub (27 Place du Colombier, 35000 Rennes) deux groupes bourrés de talent :

BIG WOOL
Les cinq musiciens de Big Wool créent une musique à l’atmosphère singulière, portée par la voix de Maxime Dobosz. Les textes introspectifs où les histoires d’amour ne sont jamais synonymes de sourires. Les nappes de guitare et les frottements des cordes du violon invitent à des balades en solitaire. Du post-rock accrocheur, teinté de pop lumineuse.

THE MIRRORS
C’est un défouloir, un ring ambulant où le duo s’affronte avec rage, fiévreux d’une énergie incroyable. Enchaînant les tournées, ils ont pu partager la scène avec certains de la crème du rock anglo-saxon comme The Wytches et DZ Deathrays. Attachés et fidèles à sa mythologie, ils nous prouvent avec efficacité les joies du duo guitare/batterie. Leur EP « What’s My Brain’s Brain? » sorti le 14 avril dernier l’affirme d’ailleurs mieux que jamais : un rock incisif et élégant aux mélodies accrocheuses, dansant sur des nuances subtiles et une frénésie contagieuse.

Informations pratiques :

Pour s’y rendre : métro/bus Charles de Gaulle
Pièce d’identité originale obligatoire
La Direction se réserve le droit de refuser l’entrée à toute personne en état d’ébriété et/ou au comportement déplacé
CB acceptée
Billetterie en prévente : 7€ et sur place : 7€ tarif réduit / 10€ tarif unique

DJ SET
Dès 00h, vous pourrez également nous rejoindre à la Contrescarpe, bar de nuit situé au 5 Rue du Champ Jacquet à Rennes :

Comment s’y rendre ? Métro/Bus : St Anne ou Champ Jacquet (C1, C5, 9)

DIMANCHE 18 MARS

La Compagnie Leutexie
« Quatre personnages se retrouvent après une longue période d’absence. Ce sont des amis d’enfance, des collègues, des frangins, peu importe. Le motif de cette réunion semble incertain, mais ce qui est sûr c’est qu’elle va provoquer la libération de tous leurs maux, de toute leur rancoeur. On apprendra ainsi qui a volé ces fameux œufs en chocolat le 15 avril 2001, qui est le plus radin des quatre, comment le chien a été tondu, pourquoi l’une d’entre eux est partie à l’autre bout du pays, pourquoi l’autre a peur des discours… Mais finalement, tout ça a l’air de n’être qu’un moyen d’éviter de parler de ce sujet qui les rassemble et qui semble les faire souffrir… »

11h – MDQ de Villejean

Comment s’y rendre ? Métro/Bus : Villejean ou Villejean Churchill

Korishki
Créée en 2001, la compagnie Korishki propose des danses russes, ukrainiennes, moldaves, ou encore tziganes pour un voyage haut en couleurs à travers les Pays de l’Est. Dirigée par Emmanuelle Lecerf Vakaryn, ex-danseuse de l’Ensemble National de Biélorussie, la troupe rassemble aujourd’hui environ 25 danseurs. Amateurs et professionnels de très bon niveau technique venus de tous horizons, les danseurs partagent une passion pour la danse de caractère (danses traditionnelles et populaires). Avec ses 400 costumes, la compagnie vous propose un spectacle coloré et chaleureux, pour petits et grands, qui a déjà foulé les planches du Palais des congrès de Lyon, de Nantes et de nombreux théâtres locaux. La compagnie a aussi apporté du bonheur et de l’émotion au sein de collectivités ainsi que lors de spectacles au profit d’associations caritatives.

14h – MDQ de Villejean

Collectif Astrales
Le Collectif Astrales c’est cinq comédiennes, une metteuse en scène, une scénographe, un éclairagiste, une graphiste, une assistante chant, une assistante chorégraphie, une photographe, une camerawomen qui se retrouvent et s’assemblent pour créer une pièce de théâtre féministe. Nous avons entre 18 et 25 ans et nous avons envie d’un théâtre poétique et politique. Nous avons envie de réfléchir aux discriminations et aux violences de nos sociétés mais en passant par une fable, par un conte, par une belle histoire. Ces envies mêlées donnent aujourd’hui naissance aux Evanescentes, ou fable contre les violences virilistes.

15h – Parc du Thabor

La Meute
La Meute, ce sont cinq jeunes âgés de 13 à 15 ans, du quartier Villejean à Rennes. D’abord un simple atelier d’écriture, ils se sont produits à l’Antipode et au Liberté. Leur but ? Montrer une image positive du quartier Villejean en écrivant des chansons aux sujets légers et remplis de joie et aux rythmes d’Afro Trap.

17h – Square de la Motte

CLÔTURE

Afin de clôturer ce festival Les Giboulées édition 2018 en beauté, nous avons souhaité accueillir plusieurs groupes sur scène.

PROGRAMMATION A VENIR…

On vous donne donc rendez-vous dès 18h au Millepotes Bar (4, Boulevard de la Liberté, 35000 Rennes)

Comment s’y rendre ? Métro/Bus : République ou Liberté-TNB (C1, C2, 11)

PARCOURS ARTISTIQUE LES GIBOULEES RENNES
Logo réalisé par Morgan Messier

BAUD-CHARDONNET, PLAGES ET GUINGUETTES À RENNES EN 2019

À partir du lundi 12 mars 2018, les travaux d’aménagement du parc inondable de Baud-Chardonnet commencent. Dès l’été 2019, le quartier Baud-Chardonnet sera bordé d’un parc constitué de plages engazonnées, de pontons et guinguettes qui accueillera des activités sportives, festives et des événements. Coût prévisionnel de l’opération : 6 M€

BAUD-CHARDONNET : PLAGES ET GUINGUETTES À RENNES EN 2019

BAUD-CHARDONNET : PLAGES ET GUINGUETTES À RENNES EN 2019

Conçu par Jacqueline Osty, paysagiste associée à Reichen & Robert, urbanistes de la Zac Baud-Chardonnet, le parc, raccordé en 2020 à la rive droite de la Vilaine par une nouvelle liaison piétonne et deux-roues, proposera un vaste espace de convivialité présentant la particularité de répondre en même temps à la nécessité de composer avec l’aléa des crues.

Les travaux d’aménagement de la zone d’expansion des crues qui caractérise le futur parc inondable commenceront par la suppression de la digue existante, et l’abattage d’une soixantaine d’arbres qui s’y élèvent actuellement et dont l’état sanitaire ne permet pas leur conservation. Près de 160 nouveaux sujets (chênes, érables, aulnes) seront plantés dans ce secteur, s’ajoutant aux 200 arbres existants qui seront conservés.

rennes baud-chardonnet rennes baud-chardonnet

rennes baud-chardonnet

Maître d’ouvrage : SPLA Territoires Publics, aménageur de la Zac pour le compte de la Ville de Rennes.

Maîtres d’oeuvre : Reichen et Robert & Associés, urbanistes de la Zac (Paris), atelier Jacqueline Osty & associés, paysagistes de la Zac (Paris), Direction de l’espace public et des infrastructures de Rennes Métropole.

COMMUNIQUÉ

RENNES SEMAINE D’INFORMATION SANTÉ MENTALE, PARENTALITÉ ET ENFANCE

Du 12 au 25 mars 2018, le collectif rennais en santé mentale organise la 29e semaine d’information sur la santé mentale. La question de la parentalité et de l’enfance sera le fil rouge de cette édition qui propose de nombreux rendez-vous : débats, conférences, projections…

« Santé mentale : Parentalité et enfance »

L’annonce d’une grossesse et l’arrivée d’un enfant sont des évènements clés dans la vie qui peuvent parfois entraîner des problèmes de santé mentale avant, pendant et après la grossesse.

Les troubles psychiques peuvent également concerner les enfants : En France, il s’agirait d’un enfant sur huit qui serait concerné par ces troubles. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les troubles psychiques et problèmes mentaux figurent également parmi les principales causes d’incapacité chez les jeunes.

Le thème retenu permettra donc d’aborder de nombreuses questions : Comment promouvoir la santé mentale et le bien-être des enfants et des parents ? Quels rôles pour les familles ? Les acteurs du soin ? Quelles ressources pour répondre aux besoins de santé mentale des enfants ? Comment prendre en compte les facteurs sociaux et environnementaux qui agissent sur le bien-être et la santé mentale ? Quels accompagnements à la parentalité pour les parents souffrant de troubles psychiques ?

Quelques temps forts du programme

Rencontre plénière du Conseil rennais de santé mentale

Lors de cette rencontre annuelle, les citoyens rennais (usagers, élus, professionnels, bénévoles) sont invités à s’informer et échanger pour contribuer au développement de la politique locale de promotion de la santé mentale. Cette année, des temps d’information, de rencontres et d’ateliers seront animés autour de la question de l’enfance. Inscriptions en ligne.

Maison des associations, 6 cours des Alliés.

  • Focus sur le Conseil Rennais de santé mentale

Créé par délibération du Conseil Municipal, le Conseil rennais de santé mentale a été installé le 1er avril 2010 et a acté la volonté de coopération des élu(e)s, de l’ensemble des acteurs publics, privés, associatifs ainsi que des usagers (association de patients et de familles) et des habitants. Il se définit comme une plateforme de concertation et de coordination ayant pour objectif de définir des politiques locales et des actions permettant  l’amélioration de la santé mentale de la population. Comptant sur l’implication de tous, il se veut  catalyseur de projets, promoteur de l’acculturation commune et producteur de réponses adéquates aux attentes des acteurs de terrain afin d’améliorer la capacité opérationnelle des professionnels. Plus d’informations avec la Charte du conseil Rennais de santé mentale.

 

Forum JE(UX) EN FAMILLE !

Le jeu, sous toutes ses formes, peut être considéré comme créateur de lien social, un lien dans le maintien de l’interaction entre les parents et les enfants quand des difficultés apparaissent. Les troubles liés à la santé mentale (dépression postnatale, post-partum, troubles du comportement, maladies psychiques, …) peuvent être des freins à la communication et au maintien de bonnes relations intrafamiliales. Par des actions ludiques autour du jeu,  les participants pourront  échanger, débattre, s’informer mais aussi s’amuser pour faire évoluer les représentations sociales de la santé mentale dans le cadre familial.

Parc du Thabor. Samedi 24 mars, en continu de 11 h à 17 h.

La semaine d’information sur la santé mentale

Les Semaines d’information sur la santé mentale (SISM) s’adressent au grand public. Chaque année, citoyens, collectivités, associations et professionnels organisent des actions d’information et de réflexion à travers toute la France. Ces actions poursuivent cinq objectifs :

  • Sensibiliser le public aux questions de santé mentale.
  • Informer, à partir du thème annuel, sur les différentes approches de la santé mentale.
  • Rassembler par cet effort de communication, acteurs et spectateurs des manifestations, professionnels et usagers de la santé mentale.
  • Aider au développement des réseaux de solidarité, de réflexion et de soin en santé mentale.
  • Faire connaître les lieux, les moyens et les personnes pouvant apporter un soutien ou une  information de proximité.

Forte d’un réseau dense et dynamique d’acteurs autour de la santé mentale, la Ville de Rennes soutient chaque année cet évènement national.

Pour une meilleure prise en charge de la santé mentale dans la ville

En lien avec les orientations nationales et régionales de santé publique, la Ville de Rennes mène des actions de proximité en faveur de la santé, dans une logique de concertation et de mobilisation des partenariats, afin de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé et rendre chacun acteur de sa santé. Le Plan local de santé rennais constitue le cadre d’actions des services de la Ville dans ce domaine.

La Ville de Rennes fonde son action en faveur de la santé sur une approche positive et très large de la santé qui la situe bien au-delà de l’absence de maladie. Ainsi, chercher à améliorer la santé pour tous, c’est agir sur les facteurs qui influencent l’état de santé des habitants : conditions de vie et de travail, qualité de l’environnement et des relations sociales, etc.

La santé mentale a donc toute sa place dans cette approche.  Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la santé mentale peut être définie comme « un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ».Garante de l’intérêt général et du vivre ensemble sur son territoire, la Ville de Rennes est fortement engagée en faveur d’une meilleure prise en compte de la santé mentale dans la ville. Cet engagement repose sur plusieurs axes :

  • Promouvoir une dynamique d’insertion dans la Cité
  • Favoriser la coopération et la complémentarité entre les acteurs du territoire
  • Promouvoir l’accès aux soins et aux droits

Le programme complet est disponible ici.

semaine santé mentale rennes

V.I.P. RENNES, MARIE-JOSÉE OTERO, ANTONIO, ISABEL ET MARINA

Marie-Josée Otero est l’invitée du Carré VIP (VieillePie), l’émission de radio dédiée aux femmes de plus de 50 ans (mais pas exclusivement !). Codiffusée par RCF Radio Alpha et Unidivers.fr, retrouvez Marie-Christine Biet et ses invitées deux fois par mois à la radio et sur le web.

La VIP du 7 mars est Marie-Josée Otero. Venue à Rennes pour faires ses études de russe car cette formation n‘existait pas à Nantes, elle est y restée et a enseigné le russe à Bréquigny et à Zola avant de s’épanouir comme documentaliste. Sa rencontre avec Clotilde Vautier, Antonio et Mariano Otero va changer sa vie, car trois ans après le décès de Clotilde des suites d’un avortement clandestin, elle épousera Antonio Otero et va prendre soin de ses petites filles, Isabel et Mariana.

Marie-José Otero cultive la mémoire de cette artiste au travers de l’association « Les amis du peintre Clotilde Vautier » (voir notre article). Elle fut une des figures de la vie culturelle rennaise des années 60. Disparue tragiquement en 1968, elle a été redécouverte grâce au film de sa fille, Mariana Otero, « Histoire d’un secret ».

Sa déclaration d’affection va à Mariana Otero, documentariste « digne fille de Clotilde Vautier : la même énergie, le même esprit clair, la même simplicité »

Son film Histoire d’un secret sera présenté samedi 10 mars à l’Arvor à 18h.

Son coup de coeur va à Justine Caurant, coprésidente de l’association Histoire du féminisme à Rennes qui « explore, promeut et diffuse l’histoire des luttes locales pour les droits des femmes, à travers des conférences, visites guidées, etc. Elle est à l’initiative des événements de mars 2018 autour de Clotilde Vautier, en partenariat avec les associations HF Bretagne et Les amis du peintre Clotilde Vautier, en particulier la très belle exposition à la MIR. J’ai énormément apprécié l’atmosphère de fraternité et d’efficacité qui a régné durant tous les préparatifs. Ces jeunes femmes m’ont épatée ».

Son coup de gueule. Marie-Josée enrage de “la destruction de la planète pour des raisons de pur profit”.

Son truc pour rester en forme, c’est l’affection des siens, “Et chanter, chanter avec un groupe chaleureux (la chorale Jean-Marie Lorand) qui aborde des musiques sublimes”.

Les choix musicaux de Marie-Josée illustrent son goût pour les choeurs (Psaume 42, de Mendelssohn), la culture hispanique (Danzon  n° 2, d’Arturo Marquez par l’orchestre des jeunes du Venezuela) et… « Le tourbillon d’la vie » chanté par Jeanne Moreau dans « Jules et Jim ».

Marie-José Otero

ÉPHÉMÉRIDES CRÉATIVES, LA PRESSE SELON FRANCIS BLANCHEMANCHE

Du 14 mars au 24 avril 2018, l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation (ESPE) de Rennes ouvre les portes de la galerie EC’ARTS au plasticien breton Francis Blanchemanche et propose l’exposition Éphémérides créatives, « Du papier à l’écran, un art du détournement ». Rencontre avec l’artiste.

Directeur artistique au service audiovisuel de l’Université Rennes 2, le graphiste et plasticien Francis Blanchemanche agite son feutre noir et redessine la presse depuis maintenant 20 ans. Ce n’est pas sans raison que l’ESPE lui a donné carte blanche pour une exposition autour des médias et du numérique dans le cadre de la semaine de la presse.

« Mon aventure avec les médias a commencé dans les années 90. Je lisais beaucoup Libération, je ne les jetais pas donc je les entassais. Je ne voulais pas devenir une de ces personnes qui gardent une montagne d’affaires sans savoir quoi en faire. Autant faire quelque chose de toute cette matière. L’idée était de garder le meilleur avant de le jeter. » explique l’artiste. Quelques coups de ciseaux, une finition au cuter et un peu de colle et sa première série « On a marché sur la une » (1991-1994) était née.

Le journal Libération, les magazines Télérama, Les Inrockuptibles et Le Monde n’ont plus aucun secret pour lui. Éplucher, trier, sélectionner et mixer sont devenus pour lui un processus de création en perpétuelle évolution. Une source d’inspiration inépuisable qu’il étend désormais au web avec sa dernière série, réalisée à partir d’une base de données d’images créée sur le réseau social Facebook.

Que ce soit sur papier ou avec l’outil numérique, Francis Blanchemanche s’amuse avec les codes journalistiques. Il les respecte, les maltraite ou les détourne avec légèreté et humour décalé qui sont l’essence de sa pratique. Son feutre noir et sa souris d’ordinateur sont toujours prêts à l’emploi pour une nouvelle lecture de l’information sans censure.

francis blanchemanche

Vous faites du collage depuis de nombreuses années, parlez-nous de l’évolution de votre travail ? 

Francis Blanchemanche – Le rapport à l’image a toujours été important pour moi. J’ai commencé par assembler différents éléments papier pour créer une composition dans les années 90 . J’ai eu envie d’aller plus loin et je me suis tourné vers le numérique avec la série « Copies qu’on forme » (1999-2001). C’est la première fois que j’utilisais Illustrator. Le discours est le même mais la technique est différente.

La série « Papiers recyclés » est née en 2004. J’étais en vacances, j’avais mon journal Libération mais je ne savais pas quoi faire. J’ai commencé à dessiner. Je reproduisais l’image qu’il y avait sur la page mais après un moment, bien dessiner n’a plus suffi. Je voulais aller plus loin donc je me suis à travailler avec une tablette lumineuse de manière à ce que le verso vienne sur le recto. Il y a un jeu de renvois entre le recto et le verso. Parfois, on ne sait plus ce qui est de l’ordre de la photo.

francis blanchemanche

Les médias sont une source d’inspirations illimitée, comment travaille Francis Blanchemanche ?

Francis Blanchemanche – Je travaille par séries et par contraintes que je renouvelle sans arrêt. Par exemple, je ne mélange jamais deux journaux. Pour « Papier recyclés », je pars de l’image et non du texte. Avant de choisir la page, je regarde systématiquement le verso et par transparence la composition finale que ça donnerait si je décidais de travailler dessus. Si ça ne convient pas plastiquement je ne travaille pas dessus. J’essaie toujours de trouver quelque chose d’original et de changer d’univers.

Pour « Les assis » ou « Copies qu’on forme », le jeu était vraiment d’associer le texte et l’image. L’image a un sens, le titre un autre mais avec le collage, les deux perdent leur sens et un troisième se crée.

francis blanchemanche

Pourquoi avoir choisi ce titre d’exposition ? Que va trouver le spectateur en allant voir Éphémérides créatives ?

Francis Blanchemanche – La date est importante pour moi donc tous mes collages sont datés. C’est une manière de fixer l’image dans le temps pour que le spectateur sache de quand date le document. C’est aussi une façon de me positionner par rapport à l’actualité. Par exemple, le 5 août 2012 j’étais en train de dessiner des judoka.

Éphémérides créatives est comme un calendrier personnel, artistique. Je reviens sur d’anciennes séries avec des collages que je n’ai pas encore exposés. Il y aura aussi ma nouvelle série en cours. Elle s’appelle « Collages digitaux » mais ce n’est pas le titre définitif. Pour cette série, je travaille exclusivement à partir d’images récoltées sur Facebook. Sur les trois cents croquis réalisés, soixante-huit seront exposés.

ephemerides creatives

Quels sont vos projets artistiques pour la suite ?

Francis Blanchemanche – J’aimerais travailler en sérigraphie mais c’est un tout autre technique. La prochaine étape sera d’animer ces dessins, une évolution logique de mon travail.

Cette exposition sera le support d’investigations plastiques, didactiques et pédagogiques auprès des étudiants (master 1) et des stagiaires (master 2). Durant la période de l’exposition, la galerie sera ouverte sur demande en passant par l’accueil de l’ESPE.

Vernissage mercredi 14 mars de 17h30 à 19h.
Galerie EC’ARTS
153 rue Saint-Malo
35700 Rennes

NÉ UN MARDI LE PREMIER ROMAN DU NIGÉRIAN ELNATHAN JOHN

Elnathan John est né en 1982 au Nigéria, avocat de formation, il se passionne pour l’écriture, publie des nouvelles qui attirent l’attention du monde de l’édition : on le presse d’aller plus loin et il sort là un premier roman, Né un Mardi, qui fait mouche et augure peut être d’une belle carrière littéraire.

Né un Mardi

 

Dantala est un jeune adolescent de l’ethnie Haoussa, il s’appelle Dantala parce que né un mardi, ce qui est assez commun dans plusieurs cultures de l’Afrique de l’Ouest où il est d’usage de donner comme prénom le jour de naissance. Les Haoussas sont un peuple de cette partie de l’Afrique réparti principalement entre le Nord du Nigéria et le Niger avec des extensions vers les états limitrophes : Cameroun, Tchad, Bénin, Ghana, et jusqu’au Soudan sur les routes du Hadj (Pèlerinage à la Mecque). C’est un peuple vivant de manière prédominante de l’agriculture. Du point de vue religieux il est majoritairement islamisé mais cet Islam est lui-même fortement teinté de pratiques animistes tel le Bori commun à d’autres cultures proches. Autant dire que ces croyances mêlant des saints guérisseurs locaux équivalents des marabouts du Maghreb et autres djinn ne sont pas vraiment conformes à la doxa des salafistes sponsorisés par l’Arabie Saoudite pour qui cette Afrique est une terre de mission qu’ils arrosent d’argent et de prêches.

Né un Mardi

Dantala a été envoyé dans une école coranique de Bayan Layi où il s’est révélé plutôt appliqué et doué pour les langues et pour qui tout ce qui arrive est la volonté d’Allah. Suite au décès de son père, sa famille ne peut plus payer son école et il s’en est échappé pour rejoindre un groupe de « petites frappes » moitié voleurs de rue, moitié nervis d’un parti politique. Des émeutes suivent des élections perdues, la police tire, Dantala perd certains de ses amis et doit fuir. Se rapprochant de sa famille, il arrive à Sokoto où il trouve refuge auprès d’un Imam salafiste, qui s’intéresse à lui car il a compris que le gamin est intelligent. Il se découvre un ami Gabriel ou Jibril, frère d’un converti auprès de qui il apprend l’anglais en lisant comme un forcené tout ce qui lui tome sous la main. Il gagne peu à peu sa place auprès de son Maître, tombe amoureux, retrouve ses frères convertis au chiisme autre cible des salafistes. Un imam autoproclamé crée dans la région un maquis version « Boko Haram » et tout s’enflamme…

Un livre passionnant sans préjugé, une réelle maestria de l’écriture, curieusement on s’immerge facilement dans le milieu et on sympathise très vite avec certains personnages. Le livre apporte beaucoup d’informations pour mieux comprendre cette zone d’affrontement des cultures et des religions ou tout n’est pas complètement noir ni totalement blanc. Un roman que l’on referme presque à regret de ne pas pouvoir suivre plus loin son héros.

Né un Mardi premier roman d’Elnathan John, publication : 18/01/2018, nombre de pages : 272, ISBN : 979-10-226-0727-8, Prix : 18 €, Éditeur : MÉTAILIÉ.

Titre original : Born on a tuesday
Langue originale : anglais (Nigéria)
Traduit par : Céline Schwaller

Elnathan John

Elnathan John est un avocat, écrivain et satiriste nigérian. Il a étudié le droit à l’Université Ahmadu Bello de Zaria. Il écrit pour le Sunday Trust. En 2013, sa nouvelle Bayan Layi, publiée dans Per Contra, a été sélectionnée pour le prix Caine. Sa nouvelle Flying est retenue à nouveau en 2015.

Son premier roman, Né un mardi (Born on a Tuesday), encensé par la critique, a été publié au Nigeria (2015), en Angleterre, aux États-Unis et en Allemagne. Il est choisi pour le prix de littérature NLNG, le plus important prix littéraire nigérian. Elnathan John vit entre l’Allemagne et le Nigeria.

 

DOCUMENTAIRE NADAR, LE PREMIER PHOTOGRAPHE PORTRAITISTE

Ancré dans le Paris de la deuxième moitié du XIXe siècle, un passionnant portrait de Nadar, pionnier et maître de l’art photographique.

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Nadar fut le premier grand portraitiste de l’histoire de la photographie, le premier faiseur de célébrités du monde moderne. Les images qu’il nous a laissées ont façonné notre mémoire des géants du XIXe siècle.

Après avoir gagné chichement sa vie en vendant articles et caricatures aux gazettes, Félix Tournachon, dit Nadar, se lance en 1854 dans l’aventure naissante de la photographie. Grâce au prêt d’un ami, il rachète le matériel de Louis Daguerre, et ouvre rue Saint-Lazare son premier atelier. Entre le Paris artistique de la bohème et celui des grands travaux d’Haussmann, tout ce que la capitale compte de personnalités va défiler devant son objectif : George Sand, Victor Hugo, Baudelaire, Sarah Bernhardt, Gérard de Nerval, Jules Verne… Inventeur infatigable, passionné d’aviation avant l’heure, premier photographe aérien, premier photographe à la lumière électrique, précurseur de l’interview télévisée, Nadar n’a cessé de fouiller le progrès et d’y laisser sa patte. Centré sur les années parisiennes du pionnier de l’art photographique, l’élégant portrait que lui consacre Michèle Dominici restitue par un grand choix d’archives, d’effets graphiques et d’animation, l’effervescence d’un monde prêt à entrer dans la modernité.

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« Il y a des gens qui savent voir et d’autres qui ne savent même pas regarder », assurait-il. Après avoir gagné chichement sa vie en vendant articles et caricatures aux gazettes, Félix Tournachon, dit Nadar, se lance en 1854 dans l’aventure naissante de la photographie. Grâce au prêt d’un ami, il rachète le matériel de Louis Daguerre, et ouvre rue Saint-Lazare son premier atelier. Entre le Paris artistique de la bohème et celui des grands travaux d’Haussmann, tout ce que la capitale compte de personnalités va défiler devant son objectif : George Sand, Victor Hugo, Baudelaire, Sarah Bernhardt, Gérard de Nerval, Jules Verne… Centré sur les années parisiennes du pionnier de l’art photographique, l’élégant portrait que lui consacre Michèle Dominici restitue, par un superbe choix d’archives conservées à la Bibliothèque nationale de France – clichés, dessins, journaux –, d’effets graphiques et d’animation, l’effervescence d’un monde prêt à entrer, à la suite de ce visionnaire, dans la modernité.

Nadar, le premier des photographes, un documentaire de Michèle Dominici (2017, 52 min) Auteur : Michèle Dominici et Stéphanie de Saint Marc. Coproduction : ARTE France, Doc en Stock, Bibliothèque Nationale de France. Dates de diffusion : Arte, 11 mars 2018 – 17.35 / 4 avril 2018 – 2.40

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Crédits Photos : Doc en Stock

L’ENSEMBLE MÉLISME(S) ET GILDAS PUNGIER À L’ÉCOLE DE VIENNE

Bien entendu, lorsque l’on cite le nom de l’excellent chœur professionnel qu’est Mélisme(s), on ne peut s’empêcher de penser simultanément au chœur de l’opéra de Rennes, puisque, d’une certaine façon, les deux ensembles se confondent. C’était donc une manière de se produire à domicile que d’offrir un voyage à travers les mélodies de l’école de Vienne, à l’opéra, vendredi 23 février.

Véritable création de Gildas Pungier, Mélisme(s) est une réponse au souhait de l’ancien directeur de l’opéra qu’était Daniel Bizeray, lequel souhaitait monter le niveau du chœur de l’opéra, tout en portant un projet qui dépassait le cadre du lyrique, mais en créant également, un véritable chœur professionnel en Bretagne. Il fallait donc une structure qui offre la possibilité à ce nouvel ensemble d’évoluer hors les murs. Mélisme(s) entrera donc en lice pour son premier concert le 25 juillet 2003 au festival de Lannion.

Il va sans dire que l’effectif de cette époque, n’a pas de rapport avec l’actuel et il faudra attendre celui de Moncontour pour atteindre 16 chanteurs. En 2005, l’ensemble Matheus propose une version concert de La flûte enchantée au Quartz de Brest, et c’est avec Jean-Christophe Spinosi que le groupe atteint sa jauge actuelle de 24 participants lors d’un spectacle donné au théâtre des champs Élysées. Officiellement implanté dans les côtes d’Armor, et actuellement en résidence à Rennes, Mélisme(s) a une vie propre. Ses membres ont d’ailleurs le statut d’intermittents du spectacle et sont amenés à se produire dans d’autres cadres musicaux.

On reconnaîtra à ce groupe une véritable qualité, et pour ceux qui en gardent le souvenir pas si lointain, la prestation des chœurs de l’opéra, étincelante lors du Lohengrin de 2015, effacera totalement la déconvenue causée par le rôle titre. Ce n’est pas la seule occasion de briller qu’aura cet ensemble et comment ne pas penser à La Cenerentola, au Dialogues des carmélites, ou au mélodieux Cantique de Jean Racine incomparablement interprété par cet ensemble.

Tout cela est du au travail acharné et discret de Gildas Pungier, auquel ce modeste écrit a la prétention de vouloir rendre un hommage appuyé.

La ville de Lorient le voit naître le premier Août 1963.On peut dire qu’il a su synthétiser avec adresse les qualités principales, que peuvent offrir une mère Alsacienne et un père, Breton. Entre une certaine réserve qui n’exclut pas la cordialité, il dissimule une capacité de travail pharaonique et une rigueur presque teutonne dans l’exécution de sa tache.Avec deux parents enseignant, l’un le russe, l’autre l’Allemand, il domine pourtant mieux le solfège que les langues étrangères. A 7 ans il intègre l’école de musique de Lorient, à neuf ans, faute de pouvoir faire de la guitare, il entre en classe de clarinette.Viennent ensuite sept années de conservatoire à Versailles, moment privilégié, au cours duquel il reçoit l’enseignement du prix de Rome, Solange Ancona, elle même élève d’Olivier Messiaen. Passons rapidement sur la création d’une école de musique à Languidic, de douze années à enseigner à Lannion, pour arriver en 1994 où , comme un hold-up, son excellent travail sur L’enlèvement au sérail lui vaut, sans coup férir, la place de chef du chœur de l’opéra de Rennes. Voila le décor planté, et c’est l’école de Vienne qui sera pour cette soirée du 23 février, notre thème de découverte.

Johannes Brahms entame les hostilités avec des extraits des Deutsche volkslieder n°19 et 15, occasion pour les deux solistes, Violaine le Chenadec, soprano, et Etienne Chevalier, baryton, de se mettre en valeur en nous offrant une prestation digne d’intérêt. Comme l’annonce d’un opéra qui sera donné à Rennes en avril, c’est une œuvre d’Alexander von Zemlinsky qui nous enfoncera un peu plus dans cette esthétique particulière qu’est la musique de l’école de Vienne. Zemlinski n’est rien moins que le beau-frère d’Arnold Schoenberg, pour lequel il créera en 1924 Erwartung mais dont il s’éloignera pour des raisons personnelles et de technique sur le sérialisme. Fruhlingstaube, est une œuvre pour chœur mixte et orchestre à corde, inspirée par un poème de Ulhand. Cela reste parfaitement agréable à l’oreille et d’une fallacieuse légèreté, car une écoute attentive en révèle rapidement la profondeur. La première vraie confrontation viendra avec Friede auf Erden, c’est à dire paix sur la terre, de Schoenberg, qui s’affirme comme une œuvre charnière, certes pas encore dodécaphonique, mais plus tout à fait classique. La mélodie, mystérieuse et incantatoire monte en puissance jusqu’à un paroxysme vocal éblouissant. C’est absolument saisissant, pourtant tout le public ne suit pas et quelques récalcitrants peinent à aborder à ces rivages de l’atonalité. Mélisme(s) y est stupéfiant, on s’y sent lacéré et ébloui…une véritable expérience.

La seconde partie du concert verra un retour à Zemlinsky et au quatuor formé pour l’occasion par les élèves du pont supérieur avec Lucas Robin et Maud Chauvet au violon, Damien Henrion à l’alto, ainsi qu’Esther Borka au violoncelle, ils fournissent un travail appliqué et plaisant. Afin de ne pas être injuste, signalons le passage du contrebassiste Boris Cavaroc et au piano bien sur l’indispensable Colette Diard.

Après ces différents extraits et sans doute conscient d’avoir soumis son public à quelque chose d’inhabituel, Gildas Pungier avait programmé cette œuvre majeure qu’est l’adagietto de la cinquième symphonie de Gustav Malher, mais cette fois, pour voix. La transcription de Gérard Pesson, assez habile, utilise les différents registres pour imiter les instruments, comme les ténors reproduisant la partition des harpes, et tout cela fonctionne, c’est harmonieux et beau et nous entraîne dans une rêverie un peu onirique à laquelle se mêlent les images d’un film de Visconti.

Présent dans les travées d’un opéra duquel il ne pourra jamais vraiment s’éloigner, Alain Surrans, notre ancien directeur, a eu les paroles simples et exactes qui résument le travail de notre chef de chœur ; « c’est remarquable de qualité ». On ne saurait dire mieux.

LE PLAN D, L’ÉCO-LIEU CULTUREL DE SAINT-BRIEUC

Soutenues par l’agglomération de Saint-Brieuc au début du projet et par l’incubateur de l’ESS des Côtes-d’Armor Tag 22 , Pauline et Pamela ont commencé la réhabilitation d’une ancienne brasserie à Saint-Brieuc. Le Plan D comme Plan Débrouille se veut un lieu de foisonnement culturel, écologique et festif. Un lieu de rencontres et de partage.

À l’intérieur de cette vieille bâtisse en travaux se cache un très joli lieu décoré avec goût. À peine ouvrons-nous la porte de cette ancienne brasserie que nous découvrons un univers chaleureux et atypique que nous n’avons plus envie de quitter. Notre imagination s’emballe et nous nous projetons déjà au cœur d’une soirée folk en train de manger un repas bio accompagnée d’une Guernouillette, la bière locale créée et fabriquée à Saint-Brieuc.

LE PLAN D ECOLIEU CULTUREL A SAINT BRIEUC
Les volontaires en Service Civique de l’ESS en Bretagne découvrent le Plan D.

Nous ne sommes pas à côté de la plaque, car c’est bien ce type d’événements que l’association souhaite organiser. Ce magnifique lieu qui appartient aux parents de Pauline a dès le début inspiré les deux femmes qui ont souhaité formaliser et concrétiser toutes leurs idées en mettant en place une association, le Plan D.

Les idées, elles n’en manquent pas. Leur volonté est de créer un éco-lieu où pourront se rencontrer les « écolos », artistes, habitants du quartier, artisans, associations et collectifs locaux. Cet espace se veut un lieu d’échanges où il sera possible de venir voir une exposition, un concert, une pièce de théâtre, participer à un atelier ou se réunir entre membres d’une association. À terme, l’association aimerait investir le deuxième bâtiment et pourquoi pas y installer un atelier de sérigraphie, un studio photo ou un micro-brasseur. Afin que le plan D reste un lieu accessible à tous, l’association souhaite que les activités soient proposées à un prix abordable.

Une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture de Proximité) est déjà ouverte tous les jeudis et les adhérents qui le souhaitent s’engagent pour une durée minimum de quatre mois payés à l’avance à venir acheter légumes, œufs, poulet et pain. Les circuits courts sont favorisés et les produits proposés varient selon les saisons et les aléas climatiques. Un jardin partagé a également pris place et, à terme, des ateliers réalisés par des intervenants sur la permaculture pourront avoir lieu.

LE PLAN D ECOLIEU CULTUREL A SAINT BRIEUC

Le café associatif ouvre ses portes pour les adhérents tous les jeudis de 17h30 à 20h30. L’ambiance est « éclectique » : des personnes du quartier ou qui ont entendu parler du Plan D par Facebook ou la presse viennent se retrouver autour d’une boisson bio et/ou locale. Entre vingt et quarante personnes sont présentes chaque semaine et tous les premiers jeudis du mois une jam-session -un « boeuf » musical- est proposée. Les artistes ou amateurs qui le souhaitent sont invités à venir faire vivre le lieu.

Le plan Bricole à l’image des Repair Cafés devrait bientôt voir le jour. L’ancien projet de quincaillerie participative de Saint-Brieuc qui était en réorganisation va investir une partie des lieux afin de pouvoir entreposer le matériel dans un endroit sûr. Les membres de ce projet ne vont pas créer une nouvelle association, mais bien intégrer le Plan D. Les personnes pourront amener leurs objets cassés et tenter de les réparer avec des personnes compétentes. Il sera aussi possible de mutualiser le matériel de bricolage et de le louer à bas coût. Ce faible prix permettra d’entretenir ou de remplacer les outils nécessaires. L’installation du producteur de pain de l’actuelle l’AMAP au sein du lieu d’ici l’automne est également en projet. Un maître d’œuvre bénévole est en train de préparer le permis de construire et les travaux à réaliser pour pouvoir installer le producteur au sein du bâtiment.

LE PLAN D ECOLIEU CULTUREL A SAINT BRIEUC

Plusieurs événements se sont déjà déroulés au Plan D : « la première du plan D » a pris la forme d’un dimanche après-midi festif où les associations portées sur la monnaie locale complémentaire, -maintenant appelée la Bigaille-, la disco soupe ou la pédagogie Montessori sont venues parler de leurs projets, accompagnées par un concert. « Cultive ton panier » a été l’occasion de découvrir quelques producteurs locaux en écoutant des concerts et le « Dressing-fest » de chiner parmi les articles d’un vide-dressing proposés par des artisans locaux. Une soirée de soutien a également été organisée dans une salle des fêtes. La fête de la bière a été interdite par la mairie et donc annulée une semaine avant son démarrage, car le lieu n’était pas aux normes.

Le jeudi, une semaine avant l’événement, la mairie est venue contrôler le lieu et a dressé une liste de modifications à faire. Le Plan D s’est donné les moyens de respecter cette demande en installant par exemple des projecteurs à des endroits précis, des extincteurs, une issue de secours… Malgré ces installations, l’association a reçu lundi un arrêté interdisant la manifestation. Depuis, les événements se font en privé uniquement avec les adhérents et le plan B est en attente de plus d’éléments venant de la mairie afin de réaliser les modifications nécessaires pour la mise aux normes qui représentera un coût conséquent pour l’association. L’association et le comité de quartier sont depuis juillet dans l’attente de pouvoir être mis en concertation concernant la réalisation du futur quartier de la ville Jouha qui devrait prendre la forme d’un écoquartier.

Le café permet de couvrir une petite partie des frais futurs, mais l’ancienne brasserie compte surtout sur le financement participatif afin de pouvoir réaliser les travaux d’aménagement -3000 euros-, l’électricité -entre 7000 et 8000 euros si certains bénévoles peuvent bien donner un coup de main au plan D- et les diagnostics (ERP, amiante, plomb, parasite, structure intérieure et extérieure) à hauteur de 2000 euros. Malgré ces problématiques, le projet continue d’inspirer l’équipe ainsi qu’une vingtaine de bénévoles réguliers soucieux de voir fleurir le projet dans sa globalité.

LE PLAN D ECOLIEU CULTUREL A SAINT BRIEUC

En attendant d’être aux normes et de pouvoir ainsi être ouverts au grand public, les adhérents, qui sont déjà au nombre de 150, peuvent profiter des services en place. Le projet plaît ainsi beaucoup. Certes, toute une partie de l’édifice est encore en travaux et nous avons vite pris conscience de l’ampleur de ce qui a été réalisé et reste à faire, mais le lieu et le projet sont pleins de potentiel. Cela laisse à penser que de beaux moments sont à venir. Malgré le froid, les visiteurs sont facilement conquis.

LE PLAN D ECOLIEU CULTUREL A SAINT BRIEUC
Le deuxième bâtiment que le Plan D souhaiterait investir.

LE PLAN D ECOLIEU CULTURE A SAINT BRIEUC

GIANT DE MIKAËL, UNE BD QUI FRÔLE LES SOMMETS

Dans Giant, diptyque qui s’achève, Mikaël nous fait partager la vie quotidienne d’un ouvrier constructeur des buildings new-yorkais pendant la Grande Dépression. Vertigineux.

BD GIANT

Sur la magnifique couverture, une lourde silhouette assise sur une poutre métallique contemple New York, une silhouette d’ouvrier, casquette vissée sur la tête, clope à la lèvre. Cette image rappelle immédiatement cette célèbre photo représentant onze ouvriers à l’identique posant lors d’une pause déjeuner mise en scène au-dessus du vide.

BD GIANT

Sur le dessin, l’homme par contre rêve, médite. C’est un taiseux, un « Giant », un Géant. Ombre au début de la BD, son visage va s’extraire peu à peu de l’anonymat pour prendre forme et pour raconter enfin son histoire. C’est celle de ces émigrés irlandais quittant la misère et la guerre civile pour rejoindre la Grosse Pomme, la ville rêvée, où chacun peut tenter sa chance et réussir. La réalité en cette année 1932 se révèle finalement beaucoup moins glorieuse et la crise économique allonge les files d’attente aux bureaux d’embauche. Giant, riveteur inégalé par sa force herculéenne, un mystère pour ses voisins ouvriers, va devoir écrire à la veuve de Ryan restée dans la « verte Erin », pour lui annoncer le décès de son mari, car le métier reste dangereux: « un accident mortel en moyenne tous les dix étages ». Mais au lieu d’écrire ce courrier dévastateur, il entame une fausse correspondance, se faisant passer pour Ryan, avec son épouse, mère de trois enfants. Jusqu’au jour, où Mary Ann et sa petite famille débarquent à Ellis Island.

BD GIANT

Cette histoire se suffit à elle même pour permettre de suivre au quotidien Giant, de deviner son passé, de retirer son apparence massive et en faire un être de chair, partagé entre son Irlande natale et son présent d’anonyme. La talent de Mikaël, et la fluidité de son récit lui permettent d’insérer ce grand taiseux dans une description fine et humaine d’une époque et d’une ville en pleine effervescence.

BD GIANT

L’auteur nous emmène dans le « Purgatoire », ces logements de fortune, provisoires, dans des arrière-cours insalubres dans l’espoir d’obtenir le « Paradis », un logement en dur qui permettra à la famille restée en Irlande de traverser l’Atlantique. C’est le paradoxe de la ville, touchée par le krach boursier de 29, où les rues grandissent à la verticale dans une euphorie bâtisseuse unique, alors que la misère suinte au ras du sol. Les ouvriers oublient parfois la raison de leur venue, mais la solidarité les réunit et les portraits des personnages secondaires sont remarquables : Dan Shackleton le dernier embauché, sorte de double inversé du Giant, Ed Donahue qui a américanisé son nom et tant d’autres qui racontent à leur manière leur vie de bâtisseurs anonymes, mais fiers de bâtir le monde moderne.

BD GIANT

À la manière d’un documentaire, on découvre leur vie quotidienne et avec discrétion, on se glisse dans leurs préoccupations : l’envoi de la paie au pays, le lien avec la religion, les relations avec la mafia, avec le monde de la prostitution. Comme pour ancrer cette vie journalière dans la réalité, Mikaël prend même soin, à travers l’intervention d’une photographe, de dénoncer les mises en scène demandées par les journaux de l’époque. Une manière habile de signifier au lecteur que l’histoire de Giant ne s’accommode pas de fables ou de contes journalistiques. Qu’elle est la vraie vie.

BD GIANT

Beaucoup de planches nous renvoient à des documents photographiques, que rappelle la couleur sépia. Mais le talent graphique de Mikaël magnifie ces images. On navigue ainsi entre les bas-fonds et le ciel, entre les vicissitudes de la terre et la camaraderie des hauteurs. Au sol tout est confus, resserré, multiple. Sur les poutres métalliques du Rockefeller Center, tout est aéré, la géométrie ordonnance l’espace. Les dessins sont époustouflants de beauté et le deuxième tome plus silencieux laisse un plus grand espace à ces vues de tours gigantesques nimbées de nuages ou de fumées. La monochromie accentue l’unité du récit en apportant une touche ancienne. Que ce soit l’évocation de l’Irlande ponctuée de rares taches vertes, ou le lever du jour sur Manhattan, Mikaël traduit magnifiquement le silence de la solitude, ce silence que Giant est obligé de rompre dans les dernières pages pour une inévitable confrontation.

BD GIANT

Dans sa préface le compatriote franco-canadien de Mikaël, Jean Louis Tripp, écrit : « J’aime bien qu’on me raconte une histoire. Et qu’on me la raconte bien. Et Mikaël sait faire cela. Bien. Enjoy ». Il aurait pu ajouter: « et qu’on me la dessine bien ». Et tout cela Mikaël sait désormais le faire pour nous offrir, deux des plus beaux albums de ces derniers mois.

BD GIANT

BD Giant de Mikaël, histoire en deux tomes. Éditions Dargaud. Chaque album de 58 pages est accompagné d’un magnifique cahier graphique. 13€99. Le tome 1 paru en 2017 avait obtenu le prix BD RTL en juin.

DESSINATEUR : MIKAËL
SCÉNARISTE : MIKAËL
COLORISTE : MIKAËL

PUBLIC ADO-ADULTE – À PARTIR DE 12 ANS GENRE : AVENTURE HISTORIQUE

BD GIANT

Série : GIANT
Tome N° 2
Album : + EX-LIBRIS OFFERT
Éditeur : Dargaud
Date de parution : 19 Janvier 2018
Type de récit : série finie
Référence : ex9782505069539
Reliure : Couverture rigide
Poids : 653 g.
Auteur : Mikaël

MAGNUM MANIFESTE, L’AGENCE PHOTO CHEZ ACTES SUD

Avec la publication de Magnum Manifeste, les éditions Actes Sud donnent vie et sens au collectif qui anime la plus légendaire agence photo du monde. Un ouvrage somptueux à regarder et à lire.

MAGNUM MANIFESTE

Le 22 mai 1947 étaient promulgués les statuts de l’agence photographique Magnum, agence qui allait devenir LA référence photographique des décennies suivantes. Pour fêter l’anniversaire de ce septuagénaire, les éditions Actes Sud, plutôt que de faire éclater les bulles de champagne qui ont présidé de manière mythique et erronée à la création de ce groupement inédit de photographes, ont préféré innover en publiant un livre qui fera date par le regard neuf qu’il apporte sur ces 70 années de photographie.

MAGNUM MANIFESTE

La démarche était pourtant difficile, car l’histoire de Magnum pétille parfois, mais explose le plus souvent. Magnum c’est surtout du magma en fusion, où l’on trouve des pépites brûlantes, une richesse infinie, mais aussi, quand on y plonge les yeux pour saisir des images iconiques, des instants incandescents. Le premier mérite de cet immense ouvrage est de raconter tous ces mouvements que laissaient pressentir les noms des créateurs.

MAGNUM MANIFESTE
Robert Capa

L’association originelle de Robert Capa, élément moteur de la fondation de Magnum, avec notamment Henri Cartier-Bresson, reflète une des contradictions majeures qui va secouer perpétuellement le collectif de photographes. Le reporter hongrois veut rendre les photographes maîtres de leur production, coller comme dans sa pratique personnelle, à l’événement, privilégier le photo-reportage, vendre aux magazines et aux quotidiens. Le Français, préfère le reportage de fond, saisir l’ordonnancement géométrique de ce fameux « instant décisif ». Aujourd’hui encore pour les 91 photographes cooptés qui composent l’agence le débat subsiste et provoque chaque année des assemblées générales houleuses, où les femmes n’ont pas encore trouvé toute la place qui leur revient. Le parti pris de Magnum Manifeste, en référence aux nombreux documents écrits cités qui tentent de définir l’esprit du collectif, est d’inscrire l’histoire de l’agence dans l’histoire de nos sociétés : les soubresauts de l’une photographiant les soubresauts de l’autre.

MAGNUM MANIFESTE

Le livre est ainsi construit autour des « obstacles » comme les choix entre livres ou journal, expo personnelle ou expression collective, actualité ou reportage de fond, et tant d’autres. Il se distingue ainsi de la plupart des ouvrages traitant de Magnum qui s’attachaient à un choix de photographes majeurs pour lesquels on publiait des photos iconiques ou autour desquels on choisissait des thèmes illustrés comme la guerre, la famine, l’usine. Avec Magnum Manifeste, c’est l’histoire de notre terre et de son évolution dans le temps qui est racontée.

Magnum c’est aussi une mythologie avec ses héros et ses martyrs, ses récits fondateurs et ses tragédies, ses crises et ses renaissances.

Cette mise en perspective, didactique et minutieusement structurée, divise l’ouvrage en trois périodes. La première qui va jusqu’à 1969, celle que Clément Chéroux dans sa lumineuse préface qualifie de « droit de l’hommiste », s’attache à défendre le caractère universel des droits de l’homme. On montre l’individu comme entité unique avec des droits et des libertés à conserver. Sergio Larrain photographie ainsi les enfants déshérités de Santiago, pendant que Elliott Erwitt fige des moments intimes de famille à vocation universelle. De 1969 à 1989, l’humain reste au coeur des thèmes privilégiés par les photographes de l’agence, mais cette fois-ci c’est la figure de « l’autre », celui qui est différent, qui prédomine. Philip Jones Griffiths dresse les portraits d’identité des boat-people pendant que Susan Meiselas suit les strip-teaseuses foraines et Raymond Depardon se mêle aux aliénés de l’asile de San Clemente.

Un seul mot suffit pour la troisième partie, celle qui va jusqu’à aujourd’hui; « fin », fin de l’argentique, fin de la presse papier, fin des utopies, fin de la pêche. On photographie ce qui s’apprête à disparaître comme les formidables Natures mortes communistes de Martin Parr ou la fin du voyage de migrants en Méditerranée de Paolo Pellegrin.

L’agence prédomine ici sur les photographes dont les travaux, en apparence si diversifiés ne font qu’accompagner le mouvement du monde. Cet accompagnement est d’autant plus compréhensible que Magnum Manifeste reproduit souvent les articles de presse dans lesquels ont été publiées les photos. Replacées dans le contexte de l’époque et sous la forme de papier journal elles retrouvent une valeur documentaire que l’on oublie trop souvent. Chez Magnum, une photo doit s’accompagner la plupart du temps d’un texte et on lit ainsi avec surprise un reportage bourré de clichés d’époque dans Génération X : l’Angleterre qui accompagne les portraits photographiques de deux jeunes Anglais par Cartier-Bresson.

Magnum Manifeste pour la première fois donne un sens de lecture à ce monde photographié qui couvre sept décennies et assure le lien entre la photographie d’un gitan et de son cheval de Koudelka et les photographies de la prison de The Maze de Donovan Wylie. Le monde de Magnum comme reflet du monde. Capa, Seymour, Rodger, Cartier-Bresson seraient aujourd’hui probablement heureux de ce constat. Et de ce livre.

Magnum Manifeste, sous la direction de Clément Chéroux en collaboration avec Clara Bouveresse . Éditions Actes Sud. 418 pages. ISBN: 9782330078065.

Actes Sud Beaux Arts
Hors collection
Juin 2017 / 24,5 x 29,5 / 416 pages
Traduit du français par : Daniel DE BRUYCKER
ISBN 978-2-330-07806-5
Prix indicatif : 49, 00€

SALON DU LIVRE, LA RUSSIE À PARIS DU 16 AU 19 MARS

Le Salon du Livre se tiendra à Paris, Porte de Versailles, du 16 au 19 mars 2018. Cette année, la Russie est le pays invité d’honneur. LIVRE PARIS recevra une délégation de 30 auteurs, reflets de la diversité et du dynamisme de la création littéraire contemporaine de la Russie : des auteurs reconnus internationalement, mais également de nouveaux talents, émergents et prometteurs. Belle occasion pour découvrir deux romans russes à paraître en mars chez Gallimard.

Iouri Bouïda
Iouri Bouïda

Iouri Bouïda, figure incontournable de la littérature russe contemporaine reste assez discret en France. Doté d’une belle imagination, d’une écriture à la fois poétique et brutale, il met en avant des personnages paumés du système politique actuel. Avec Voleur, espion, assassin (Gallimard, 8 mars 2018), il nous livre l’autobiographie romancée d’un écrivain, qui est également le portrait de la génération post-stalinienne. En faisant coexister un regard précis sur les formes de la décadence et de la désolation, Bouïda nous parle de façon aussi burlesque qu’épatante du courage individuel, de l’intégrité malgré tout, et d’une joie de vivre indéfectible.

Ludmila Oulitskaïa
Ludmila Oulitskaïa

Ludmila Oulitskaïa, considérée comme l’auteure russe contemporaine la plus importante a reçu le Prix Medicis étranger en 1996 pour son roman Sonietchka. Gallimard publie le 22 mars 2018 son nouveau roman, L’échelle de Jacob. Nora, jeune femme libérée qui élève seule son enfant,  découvre des lettres échangées entre Maroussia, sa grand-mère féministe avant la Révolution et son grand-père Jacob envoyé en Sibérie. Avec cette correspondance, Ludmila Oulitskaïa conte avec tendresse, ironie et mélancolie la grande et la petite histoire de quatre générations d’une famille, et surtout la condition des femmes dans la Russie XXe siècle.

Catherine Clément
Catherine Clément

Partons en Inde maintenant avec Catherine Clément, philosophe, romancière et grande voyageuse. Elle dévoile depuis des années les mythes et légendes, parle d’histoire, de religion, du monde d’une plume romanesque qui enchante. Elle a vécu plusieurs années en Inde lorsque son compagnon, André Lewin y était ambassadeur. Elle a rencontré Indira Gandhi huit mois avant sa mort. Dans Indu Boy (Seuil, 8 mars 2018), elle raconte le destin incroyable d’Indira Gandhi, cette femme, fille unique de Nehru. Féministe, quatre fois Premier ministre de l’Inde, Indira réussit tout sauf sa vie familiale. Ce roman vrai, étayé par diverses sources dont les souvenirs de l’auteur, retracent brillamment la vie mouvementée de cette personnalité hors du commun, haïe autant qu’adorée, seconde femme au monde à se voir élue démocratiquement à la tête d’un gouvernement. Elle meurt assassinée par ses gardes sikhs en 1984. Est-ce réellement un assassinat. Catherine Clément fait de cette femme exceptionnelle une légende.

David Foenkinos
David Foenkinos

David Foenkinos nous emmène Vers la beauté (Gallimard, 22 mars 2018) avec un professeur d’art devenu gardien de musée. L’homme taciturne parle discrètement au portrait de Jeanne Hébuterne, fiancée de Modigliani. Mathilde Mattel, la Directrice des Ressources Humaines, intriguée par ces conversations l’observe. Une belle occasion de se promener dans les couloirs de l’Art.

Hubert Haddad
Hubert Haddad

Hubert Haddad promène cette fois son personnage principal dans Paris pour un Casting sauvage (Zulma 1er mars 2018). Un roman intense et grave sous la plume poétique de l’auteur.

Arto Paasilinna
Arto Paasilinna

Vous préférez l’humour ? Arto Paasilinna, le plus loufoque des écrivains nordiques revient avec un titre prometteur, Un éléphant ça danse énormément (Denoël, 1er mars 2018). Emilia est une belle éléphante de trois ou quatre tonnes, elle maîtrise mille acrobaties et danse la troïka et le gopak à la perfection. Mais elle se retrouve au chômage. Sa dompteuse ne peut l’abandonner, elle l’emmène pour un grand périple dans les forêts de Finlande. Rencontres et mésaventures insolites garanties.

Sebastian Fitzek
Sebastian Fitzek

Côté frissons, la croisière s’amuse avec Sébastian Fitzek, numéro 1 du thriller allemand. Plongez dans un lieu isolé, où disparaissent, année après année, des dizaines de personnes… Sans laisser de trace. Un lieu rêvé pour des crimes parfaits. Bienvenue à bord. La croisière ne fait que commencer avec Passager 23 (L’Archipel, 7 mars 2018).

Pour la session de rattrapage, n’oublions pas les sorties Poche.

Claudie Gallay
Claudie Gallay

Ne ratez pas Détails d’Opalka (Babel, 2 mars 2018), un des plus beaux textes de Claudie Gallay. D’une évocation subjective et captivante de la vie, de l’œuvre et de l’engagement si singuliers du peintre Roman Opalka, le sculpteur du temps, l’auteure éclaire son parcours d’écrivain en établissant une filiation secrète entre les deux œuvres.

Annie Ernaux
Annie Ernaux

En cette période où les femmes dénoncent toute atteinte à leur corps, on ne peut que conseiller Mémoire de fille (Folio, 1er mars 2018) d’Annie Ernaux. L’auteure replonge dans l’été 1958, celui de sa première nuit avec un homme, dans une colonie de l’Orne. Un roman pour comprendre cette onde de choc qui se propage violemment dans le corps d’une trop jeune fille jusqu’à polluer ses premières années de vie de femme.

Le Salon du livre a lieu à Paris du 16 au 19 mars 2018.

 

FROM GREY, LE DUO NANTAIS RONAN K DISTILLE UNE FOLK NOSTALGIQUE

Les deux nantais de Ronan K sortent leur premier album folk vendredi 9 février. Il est intitulé From Grey. Au son de ballades mélancoliques comme de chansons entraînantes, Steven et Ronan nous ont concocté un délicieux album folk qu’on déguste à volonté.

Vous vous êtes rencontrés en 2012 et avez commencé à jouer ensemble en janvier 2015. Depuis quel âge faites-vous de la musique et depuis quand travaillez-vous sur votre nouvel album ?

Ronan : Oui, en 2012, je faisais la première partie de Stéven au Ferrailleur à Nantes et après on a commencé à vraiment jouer ensemble quand on a sorti l’EP en janvier 2015. Là, on faisait toutes les dates ensemble. On est tous les deux des guitaristes assez tardifs puisqu’on a commencé aux alentours de 18-20 ans, ce qui est assez tard pour des guitaristes. C’est un détail car il n’y a finalement pas d’âge pour faire de la musique. On a commencé à travailler vraiment sur cet album là il y a deux ans, courant 2016. Comme Stéven a un studio à Blain, à 40km de Nantes, on avait tout le loisir de pouvoir travailler dans le studio à composer, à enregistrer. C’était bien car on est à la maison mais ce n’est pas bien car ça prend un peu plus de temps. On a le temps et on le prend donc on a mis deux ans à le faire mais on est plutôt contents du résultat.

LE DUO FOLK RONAN K SORT FROM GREY

Que signifie le « K » apposé au prénom de Ronan dans votre nom de scène ?

Ronan : A la base, la plupart de mes chansons qui font d’ailleurs partie de l’album sont issues de mon projet solo. Mon prénom c’est Ronan, mon nom de famille Keromnes donc Ronan K s’est fait comme ça. C’est un projet qui date de 2011 et qui avait abouti sur le premier EP qui est sorti en 2015. On a pas voulu changer de nom dans un premier temps, même si ça viendra peut-être par la suite, pour ne pas perdre le public, le déconcerter. Mais dans l’album il y a deux chansons que Stéven a écrites et composées et il en écrira et en composera davantage pour le second album je pense donc peut-être qu’on changera les choses. On est toujours sous l’étendard Ronan K mais c’est vraiment une collaboration, un duo.

Et quel est le sens du titre de votre album « From Grey » ?

Ronan : Dans l’album, il y a une chanson qui s’appelle « Grey » justement et qui a pour thème la nostalgie avec un rapport à l’enfance qui est assez important. Grey qui est traité comme une personne dans le texte est la personnification d’une ville qui est ma ville natale, Brest. On dit souvent que Brest est une ville grise avec son bâti, très bétonné. Ce n’est pas à la base une question de météo on va dire ! Mais plus une histoire de la ville, de ses couleurs. Après ça va un peu avec. Et puis, étant donné qu’on est tous les deux bretons, que Stéven vient de Perros-Guirec, que moi je viens de Brest on avait ce « From Grey », cette origine, qu’on avait envie de mettre en avant.

LE DUO FOLK RONAN K SORT FROM GREY

Votre morceau d’ouverture « The fall » fait référence à l’urgence de jouer ensemble mais aussi à l’urgence d’agir pour le climat et l’environnement. Cette urgence de jouer ensemble s’inscrit-elle dans un contexte particulier ?

Ronan : C’est une urgence qui se traduit par le fait que quand on tient quelque chose qu’on aime et qu’on a envie de faire fructifier comme nous, notre musique et notre collaboration, c’est une urgence avant que tout ça disparaisse. Nous voulons jouer le maximum pour profiter de l’instant présent.

Quant à l’urgence climatique, on comprend bien. Votre musique s’apparente par ses sonorités folk et celtes à la musique du sud-est des États-Unis. Est-ce novateur de parler de ces questions dans ce genre de musique ?

Ronan : On essaye d’allier la rusticité de certaines chansons d’une musique qui a des racines assez anciennes et une modernité de par les arrangements qu’on fait et aussi par les thèmes qu’on aborde. Ce thème est important pour nous. Ce sont des thèmes qui vont revenir de plus en plus peut-être dans les productions des artistes dont les musiciens. C’est plus ou moins facile de dire « faites attention à la planète » mais on est quand même dans quelque chose qui est important pour nous.

Les journalistes vous comparent parfois à Sixto Diaz Rodriguez. Qu’en pensez-vous ?

Ronan : C’est super flatteur ! J’avais jamais fait le rapprochement, c’est un truc que j’ai écouté, que j’aime beaucoup mais ça n’a jamais été une source d’inspiration à proprement parler. Effectivement, c’est ressorti plusieurs fois, par une radio et un journal qui supervisait notre première partie des Of Monsters and Men à Stéréolux en 2015. Je prends ça avec le sourire, c’est plutôt sympa comme comparaison donc j’en suis plutôt content !

Quelles sont vos sources d’inspirations ?

Ronan : On a des inspirations communes avec Stéven et on diffère sur certaines choses. Je vais être sur des choses assez classiques finalement comme Bob Dylan, Johnny Cash, Neil Young avec beaucoup d’autres choses beaucoup moins emblématiques mais tout aussi influentes. Là ce sont les bases, ce par quoi j’ai commencé à faire de la musique. Stéven va se retrouver dans tout ça aussi mais avec des choses également un peu plus underground comme Nick Cave ou Tom Waits, des choses toujours très connues mais un peu moins classiques on va dire.

Vous avez bien sûr beaucoup de dates de concerts prévues à Nantes. Y’a-t-il un lieu dans cette ville où vous aimez particulièrement jouer ?

Ronan : On aime bien jouer à La Scène Michelet, on vient justement d’y faire notre Release Party vendredi dernier, notre sortie d’album. On a fait une soirée folk avec d’autres groupes qu’on a invités à jouer avec nous. C’est un lieu où on a beaucoup joué et on aime bien y revenir. C’est un lieu populaire, un lieu chouette où évoluer et où rencontrer le public.

Souhaiteriez-vous ajouter quelque chose ?

Ronan : On va jouer à Châteaubriant le 23 février, à Rennes le 16 mars où on était déjà aller jouer et surtout on cherche un tourneur pour multiplier encore plus de dates et pour promouvoir notre album. J’espère de tout cœur qu’on va pouvoir continuer à jouer dans le Grand Ouest et même sur tout le territoire français. C’est un souhait !

Ronan K, « From Grey » :
23 février, La Charrue, Châteaubriant.
16 mars, L’Aviation, Rennes.

ILLE-ET-VILAINE, FÊTE DE LA BRETAGNE 2018 (PROGRAMME)

En mai 2018, la Fête de la Bretagne – Gouel Breizh fêtera ses 10 ans. Découvrez le programme des événements en Ille-et-Vilaine.

 

MAI 18
MAI 23

SIESTES MUSICALES

23 mai 201826 mai 2018

CÔTES-D’ARMOR, FÊTE DE LA BRETAGNE 2018 (PROGRAMME)

En mai 2018, la Fête de la Bretagne – Gouel Breizh fêtera ses 10 ans. Découvrez le programme des événements dans les Côtes-d’Armor.

 

MAR 03
MAI 18
MAI 18
MAI 19
MAI 20
MAI 23

BRETAGNE EN SIESTE

23 mai 201824 mai 2018
MAI 26
MAI 26

L’EFFET MODE

26 mai 201827 mai 2018
MAI 27

FINISTÈRE, FÊTE DE LA BRETAGNE 2018 (PROGRAMME)

En mai 2018, la Fête de la Bretagne – Gouel Breizh fêtera ses 10 ans. Découvrez le programme des événements dans le Finistère.

LES 40 ANS DE RUN AR PUÑS

17 mai 201820 mai 2018

MORBIHAN, FÊTE DE LA BRETAGNE 2018 (PROGRAMME)

En mai 2018, la Fête de la Bretagne – Gouel Breizh fêtera ses 10 ans. Découvrez le programme des événements dans le Morbihan.

 

MAI 27

FETE DE BOURG POL

27 mai 2018

NANTES, FÊTE DE LA BRETAGNE 2018 (PROGRAMME)

En mai 2018, la Fête de la Bretagne – Gouel Breizh fêtera ses 10 ans. Découvrez le programme des événements à Nantes.

DOCUMENTAIRE LA PRODIGIEUSE ELENA FERRANTE

Avec les éditeurs d’Elena Ferrante, quelques fans éminents et la voix de son auteure anonyme, le documentaire intitulé La prodigieuse Elena Ferrante développe une radiographie lumineuse de la tétralogie L’amie prodigieuse et de son succès phénoménal.

« Les choses les plus difficiles à raconter sont celles que nous n’arrivons pas nous-mêmes à comprendre. Ceci est à la base de chacun de mes livres. » Elena Ferrante a choisi l’anonymat depuis son premier roman, L’amour harcelant, paru en 1992, et entend s’y tenir. Mais l’auteur(e) de la tétralogie L’amie prodigieuse, best-seller mondial dont le quatrième tome vient de paraître en français chez Gallimard, n’en assume pas moins une parole publique.

ELENA FERRANTE

Elle répond à des interviews et vient même d’accepter de tenir une chronique pour le Guardian, le quotidien britannique. Surtout, en 2016, dans le livre La frantumaglia, un essai présenté comme autobiographique, celle à qui la presse a prêté diverses identités prend la parole pour livrer sa propre analyse de son œuvre, de son inspiration et de son histoire. Dit en voix off avec des extraits de ses romans, ce récit permet ainsi à Elena Ferrante de dialoguer dans ce film avec ses éditeurs italiens, le couple formé par Sandra Ozzola et Sandro Ferri (E/O Edizioni) et d’éminents fans comme son compatriote Roberto Saviano (Gomorra) ou les écrivains américains Elizabeth Strout et Jonathan Franzen, mais aussi avec les réalisateurs italiens qui, tour à tour, se sont emparé de son œuvre – Mario Martone, Roberto Faenza et, aujourd’hui, Saverio Costanzo, qui a commencé à tourner la série L’amie prodigieuse pour HBO et la RAI.

ELENA FERRANTE
Sorti en salles en Italie, le documentaire de Giacomo Durzi offre une radiographie intelligente et sensible de l’un des plus spectaculaires succès de librairie de ces dernières années. Comment un projet de roman est devenu saga, comment les États-Unis, en succombant à la « Ferrante fever » après l’Italie et d’autres pays d’Europe, ont démultiplié l’engouement initial pour en faire un best-seller mondial, et pourquoi L’amie prodigieuse constitue une œuvre littéraire à part entière. Les protagonistes du film, à commencer par Elena Ferrante elle-même et par ses éditeurs, défendent aussi avec ardeur le droit à l’anonymat qu’elle revendique. Un voyage finement mis en scène, au fil des pages et entre les lignes.

La prodigieuse Elena Ferrante, un documentaire de Giacomo Durzi (Italie, 2017, 52mn) – Production : Malia, Rai Cinema. Dates de diffusion : Arte 7 mars 2018 – 22.25 / 10 mars 2018 – 5.35

Crédits photos :
© Lorenzo Ambrosino
© Mara Cerri e Magda Guidi

RENNES, « IL Y A TOUJOURS EU DES FEMMES QUI VOULAIENT TOUT, COMME CLOTILDE VAUTIER. »

« Celle qui voulait tout. » Femme et artiste, Clotilde Vautier était une peintre rennaise d’exception, reconnue malgré son jeune âge. Mais sa carrière s’est brusquement interrompue le 10 mars 1968, lorsqu’elle meurt des suites d’un avortement clandestin. Une exposition lui est dédiée du 1er à 17 mars à la maison Internationale de Rennes. Entretien avec Laurie Hagimont, coordinatrice de HF Bretagne, et Justine Caurant, coprésidente de Histoire du féminisme à Rennes.

En dehors du collège qui porte son nom, beaucoup de personnes ne sont pas familières avec son nom… Est-ce que vous pouvez nous présenter qui était Clotilde Vautier ?

Justine Caurant : Clotilde Vautier est une artiste peintre et dessinatrice née à Cherbourg, en 1939. Elle est arrivée à Rennes en 1959 pour étudier aux Beaux-Arts, et y a rencontré les frères Otéro, avec qui elle crée l’Ateliers des trois. Elle se marie avec Antonio Otero et a deux filles avec lui, aujourd’hui connues : l’actrice Isabel Otero et la réalisatrice Mariana Otero. Ils ont peu d’argent, mais elle est très douée, et ils exposent tous les trois leurs œuvres.

En 1967 et 1968, elle commence à être très productive, et à être reconnue, avec une exposition à Paris. Mais au début de l’année 1968, elle tombe enceinte. Elle ne veut pas d’un autre enfant. Elle essaye d’avorter, de manière clandestine puisque l’avortement est alors illégal. Mais celui-ci se passe mal et elle meurt le 10 mars 1968, à l’hôpital de Rennes, le jour d’une exposition dédiée à son travail. La véritable cause de sa mort, elle, est dissimulée.

Clotilde Vautier a eu une carrière très courte, mais très productive. Elle a laissé derrière elle quatre-vingt-dix tableaux et plus de 150 dessins. C’était une artiste prometteuse : il y avait déjà une vraie maturité dès ses travaux étudiants. Elle a peint beaucoup de choses différentes : des nus, des portraits, des natures mortes…

Elle ne travaillait pas avec des modèles professionnels, mais avec ses amies. Elle leur laissait prendre la pose qu’elles voulaient. L’une d’entre elles témoignait ainsi qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait : lire tricoter, parler politique… C’est une toute autre approche que celle des peintres masculins, qui imposaient des poses particulières à leurs modèles.

vautier

Pourquoi lui dédier cette exposition ?

Justine Caurant : Quand on a monté ce projet, on avait davantage une vision historique. Pour nous, Clotilde Vautier, avec sa carrière d’artiste brisée, incarnait parfaitement les victimes des avortements clandestins. Mais on voulait aussi mettre l’accent sur son œuvre, exposer ses peintures et dessins.

Laurie Hagimont : L’exposition replace très bien Clotilde Vautier dans le contexte de l’époque. C’est une femme, et une artiste, que l’on peut rapprocher des autres femmes artistes de son temps. Elle est très importante dans ce qu’on appelle le matrimoine [l’héritage culturel des femmes, ndlr]. A chaque génération, la production des femmes est effacée. Il faut donc recréer ces figures.

Vous disiez qu’elle parlait de politique avec ses modèles, son mari était un réfugié républicain espagnol… Quels engagements portait-elle ?

Justine Caurant : Clotilde Vautier a adhéré au Parti Communiste, avec son mari, en 1964. Avant de faire les Beaux-Arts, elle avait un bac en philosophie. Ses modèles racontent qu’elle était très ouverte, curieuse, qu’elle pouvait parler de philosophie ou de politique tout en peignant. C’était des moments assez uniques, de poser pour elle.

A Rennes, elle fréquentait beaucoup le café des variétés, qui correspond aujourd’hui à l’artiste assoiffé. Elle dessinait sur les nappes, les serviettes… Elle y avait peint une grande fresque, sur un mur. Elle a aujourd’hui été enlevée et est à Saint-Grégoire. Quand on voit ces dessins, il y a un côté vie locale très fort.

L’écrivaine Nancy Huston avait employé ces termes pour la décrire : « celle qui voulait tout ». On en a fait le titre de cette exposition, parce que c’est le reproche que l’on nous fait tout le temps, quand on est militante, féministe. Alors on se le réapproprie. Oui, il y a et il y a toujours eu des femmes qui voulaient tout, comme Clotilde Vautier. C’était une femme pleine de vie, engagée. On ne veut pas la momifier en célébrant le cinquantenaire de sa mort, mais justement montrer cette vie et cette personnalité.

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Quel sens peut-on aujourd’hui donner à cette vie brutalement interrompue ?

Justine Caurant : On a beaucoup travaillé sur l’histoire des luttes pour l’avortement et la contraception. Cela nous paraît d’autant plus important qu’aujourd’hui ça paraît être un acquis indéboulonnable. Connaître l’histoire de Clotilde Vautier permet de voir qu’il n’y a pas d’histoire naturelle du progrès social. Ces droits ont été conquis, arrachés grâce à des luttes, et ils restent toujours fragiles. La preuve en est, des anti-avortement ont récemment attaqué le planning familial à Rennes.

Laurie Hagimont : Le droit à l’avortement est une liberté. Personne n’est obligé d’avorter. Et pourtant, des jeunes se mobilisent contre cette liberté. Même s’il est garanti légalement, il y a plein de façon de réduire ce droit, à travers la culpabilisation, la désinformation, ou en rendant son accès plus difficile. Cela fait toujours sens de préciser que le droit à l’avortement, comme tous les droits conquis, doit être défendu. Cette génération qui s’est battue pour l’avortement ne comprend pas que l’on puisse le remettre en question.

Pour les jeunes d’aujourd’hui, ces combats remontent au moyen-âge. Mais Clotilde Vautier permet de les incarner. Quand on raconte son histoire, d’un seul coup, ils comprennent, parce qu’elle était jeune, elle aussi.

Dans le cadre de cette exposition, il y a aussi cette conférence, le 14 mars, qui porte sur la reconnaissance des artistes femmes. Comment se fait-il qu’elles soient moins reconnues que les hommes ?

Laurie Hagimont : Apparemment, les hommes auraient plus de talent que les femmes, puisqu’elles sont aussi nombreuses qu’eux en études d’arts… Mais la distinction entre hommes et femmes se fait surtout avec les moyens de production. Les femmes reçoivent beaucoup moins de financements que les hommes. Il y a aussi les difficultés de la maternité. Clotilde Vautier, par exemple, a été beaucoup moins productive lorsqu’elle a dû élever ses deux jeunes filles.

La culture est un lieu de pouvoir, puisque l’on gagne en visibilité sur les murs, sur les scènes. Mais traditionnellement, le pouvoir revient aux hommes. Il y a toujours eu de grandes femmes artistes, et pourtant, leurs œuvres ne représentent qu’un pourcent de ce que l’on a conservé avant le vingtième siècle.

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Quelle dimension est-ce que cette domination prend dans la culture ?

Laurie Hagimont : On retrouve cela de manière inattendue dans les arts et la culture. Les milieux culturels passent pour ouverts et à la pointe du progrès, mais en vérité, les choses n’ont que très peu bougé. Les femmes dramaturges ont été très prolifiques à la révolution française, mais elles ont été effacées tout au long du XIXe siècle par l’académie française… comme le mot autrice. On nous présente souvent des œuvres d’auteurs anonymes. Mais comme disait [l’écrivaine] Virginia Woolf : « dans l’histoire, bien souvent, anonyme était une femme ».

Justine Caurant : Dans Une chambre à soi, Virginia Woolf parle des femmes et de la culture. Elle écrit que « toute femme qui veut écrire doit avoir quelque argent et une chambre à soi ». De manière similaire, [l’écrivaine] Lola Lafon me disait qu’elle a beaucoup d’amis auteurs en couple ensemble. L’homme a souvent son bureau d’écrivain, tandis que la femme écrit où elle peut.

Laurie Hagimont : George Sand a une histoire similaire. Pour écrire, elle a dû s’aménager un espace dans un placard…

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Pourquoi s’engager pour la défense d’un matrimoine ?

Laurie Hagimont : A chaque génération, c’est comme si on était obligées de tout recommencer, parce qu’on n’a pas de modèle. C’est pour cela qu’on défend ce matrimoine. A l’école, on va apprendre que tous les grands artistes sont surtout des hommes. Ça crée des déséquilibres dans la société. La culture est un bien commun, qui touche tout le monde. Les jeunes filles vont par exemple beaucoup s’identifier aux chanteuses. C’est bien la preuve que la scène est un lieu de pouvoir. Défendre cette mémoire et cette diversité permet à chacun d’avoir une image des femmes plus multiple que celle qui leur est imposée traditionnellement.

Justine Caurant : On essaye de remettre en visibilités ces femmes. L’année dernière, on a mis en lumière l’écrivaine rennaise Colette Cosnier, ainsi que Louise Bodin, qui était une femme engagée, féministe, journaliste, suffragette. Cette notion de matrimoine est importante pour nous. Il ne s’agit pas de mettre en avant seulement des femmes illustres, mais aussi toutes ces militants qui nous ressemblent, qui ne sont pas forcément connues mais qui ont fait bouger les lignes à une certaine époque.

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Du 1er au 17 mars : Dernières œuvres, 1967-1968
Exposition à la Maison Internationale de Rennes,
Du lundi au samedi, de 14h à 19h
(ouverture plus tardive en cas d’autre événement à la MIR)

10 Mars : Histoire d’un secret
Projection et rencontre avec Mariana Otero
Cinéma l’Arvor, 18h

14 Mars : A partir de Clotilde Vautier, point de vue féministe sur la création et la reconnaissance des plasticiennes
Conférence de Fabienne Dumont, historienne de l’art
Maison Internationale de Rennes, 19h

17 Mars : Rennes au féminisme
Visite guidée
Centre-ville, 15h30
Inscription obligatoire auprès de Histoire du féminisme à Rennes

FILM LES ÉTOILES RESTANTES, POÉSIE RÉALISTE DE LOIC PAILLARD

« Ce n’est pas un film sur quelqu’un qui meurt mais sur ceux qui restent » affirme Loïc Paillard. Pour son premier long-métrage, Les étoiles restantes qui sort au cinéma le 7 mars, le réalisateur aborde des sujets sombres avec tendresse et bienveillance dans un univers sensible et poétique.

LES ETOILES RESTANTES DE LOIC PAILLARD
Loic Paillard, réalisateur de Les étoiles restantes

Seul sur les toits de Paris la nuit, Alexandre (Benoît Chauvin), le personnage principal, enregistre la lecture d’un passage de Sur la route de Jack Kerouac. Seul dans une gare, il regarde les photos de son ancienne amie. « On s’est regardé pour la dernière fois, rien derrière et tout devant, comme toujours sur la route ». Amour, rupture, voyage… C’est dans une ambiance qui fait penser au slam Les voyages en train de Grand Corps Malade que commence ce premier long-métrage.

Très vite Alexandre nous évoque Xavier joué par Romain Duris dans L’auberge espagnole de Cédric Klapisch. Un travelling arrière d’Alexandre en costume, cheveux mi-longs marchant dans la rue ne peut que nous évoquer l’étudiant en voyage Erasmus de Klapisch. Cette scène n’est pas l’unique point commun entre les deux personnages. Perdu, en plein questionnement, Alexandre a fini ses études, ne semble pas avoir fait grand-chose pendant deux ans, si ce n’est aimer, et cherche un travail pour donner un semblant de stabilité à sa vie.

LES ETOILES RESTANTES DE LOIC PAILLARD

Alexandre représente bien une partie de la génération Y, jeunes diplômés – sur-diplômés- qui peinent à trouver du travail et un travail qui leur plaît. Ce qu’on propose à Alexandre ? Un « contrat découverte », un stage en somme ! Le jeune homme s’entraîne comme beaucoup d’autres à paraître motivé pour ces entretiens. Le petit vide de deux ans sur son curriculum vitae après ses études supérieures interroge un chargé de recrutement qui ne manquera pas de nous surprendre jusqu’à la fin du film. La répartie sincère d’Alexandre rend la scène inattendue et intéressante.

Mais en fait, pourquoi ne pas voyager ? Dans ce film, ce n’est pas tant le jeune adulte qui prône haut et fort son envie, son besoin ou même la nécessité de voyager mais son père, Patrick (Jean Fornerod), qui est malade. « Trouves-toi un truc qui te plaît au lieu d’une fiche de paie qui te dit combien de temps tu as passé à gâcher ta vie » dit-il à son fils.

Les deux hommes et le colocataire d’Alexandre, Loris (Sylvain Mossot), apparaissent comme des personnages qui font face à leurs faiblesses. Ils se battent contre leurs défauts, leurs doutes et la maladie. Les femmes, l’ancienne amie d’Alexandre et Manon (Camille Claris) donnent, elles, une image de femmes plus fortes et sûres d’elles. Manon, n’est pourtant pas dans une situation facile ni dénouée d’émotions : elle se prostitue et parle, non pas de ses clients, mais de ses patients à qui elle apporte du réconfort.

LES ETOILES RESTANTES DE LOIC PAILLARD

Alexandre va d’ailleurs apprendre par surprise que Manon est « l’ostéopathe » de son père et ils vont partir tous les trois en week-end au bord de la mer. Il ne va pas y avoir de conflits ou même de scènes gênantes. Les personnages sont sincères, vrais, sans artifices et respectueux. Cet intermède en Bretagne sera comme tout le film, empreint de poésie. Les couleurs pastel d’une balade sur la plage accompagnée d’une bande-son de Soko est un réel appel à la rêverie.

LES ETOILES RESTANTES DE LOIC PAILLARD

La jolie Camille Claris, dans le rôle de Manon sublime le film par son charme naturel, son air innocent qui cache un passé quelque peu compliqué. Loic Paillard arrive à rendre les scènes dans un supermarché poétiques. Et un instant, avec son bonnet, ses cheveux bruns et le rouge qui dessinent ses lèvres nous avons l’impression de voir Norah Jones dans My Blueberry Nights, sauf que nous sommes avec Manon et Alexandre dans un supermarché parisien.

Le film provoque tristesse et nostalgie mais le rire est également largement présent dans ce long-métrage. La musique participe à rendre des scènes magiques comme lorsque Loris et Alexandre parlent de la prostitution en écoutant la comptine « Les petits poissons dans l’eau ». L’absurdité et le décalage avec la réalité nous font souvent vraiment sourire.

Loris, le colocataire complètement perché d’Alexandre tient un rôle important dans la dimension humoristique de ce film. Il ne cesse de nous surprendre dans des scènes improbables toutes aussi drôles les unes que les autres. A la fois touchants et attachants, Loris et la voisine des trentenaires, Mathilde (Marica Soyer), rendent le film aussi délirant que drôle.

LES ETOILES RESTANTES DE LOIC PAILLARD

Les étoiles restantes aborde des sujets violents de façon libre, sincère et onirique. Ce film parle ainsi aux jeunes face aux réalités du marché du travail aujourd’hui et en quête de sens. Les thèmes universels des relations père-fils et des relations amoureuses seront des thèmes qui toucheront tous les publics adultes. Loïc Paillard pose ainsi délicatement sa caméra sur ses personnages, transformant à certains moments son film en un clip indie pop, oscillant parfois entre slam et rap. Un film séduisant.

Film Les étoiles restantes, Loïc Paillard, Sortie le 7 mars 2018, durée : 1h20, avec Benoît Chauvin Camille Claris, Jean Fornerod, Sylvain Mossot, Marica Soyer, Zack Zublena, Clément De Dadelsen, Etienne Beydon, Ludovic Berthillot.

MANUEL LIÑÁN OU LA RÉVOLUTION DU FLAMENCO (BAILE DE AUTOR)

Ce n’est pas par hasard si Manuel Liñán a obtenu le titre de meilleur danseur de flamenco de l’année 2013. Il serait même en droit de sourire à la seule pensée que « La ventana de la danza », dont le but est de promouvoir la création artistique Madrilène, a accordé son prix a un art qui n’est pas vraiment nouveau… le sien, celui du Flamenco. A découvrir avec le spectacle Baile de autor au Triangle de Rennes le vendredi 2 mars à 20h.

manuel linan

Alors qu’est-ce qui peut faire de Manuel Liñán un danseur à part ? C’est simple, quand d’autres offrent une danse impeccable mais figée dans des codes immuables, Liñán pense que le Flamenco est quelque chose de totalement vivant et susceptible d’évoluer. Aussi, tout en gardant un grand respect pour cet art, il ne se sent pas obligé d’en adopter les postures outrées, les cambrures insolentes ou les visages sans tendresse. Chez lui pas de chevelure figée par des kilos de gel mais un goût prononcé pour aller à l’essentiel de la danse, pour en atteindre l’essence même.

manuel linan

Liñán a dans le flamenco un parcours qu’on pourrait qualifier de classique, il pourrait prétendre à être un digne héritier de danseurs fameux, en dehors de l’Espagne comme Antonio Canales ou Joachim Cortés. Son intérêt pour l’évolution du flamenco le rapproche cependant plus de Israël Galvan, danseur et chorégraphe contemporain, que des danseurs classiques. Formé par Mario Maya et Manolete il a évolué dans des « tablaos » de prestiges ou des groupes flamencos comme ceux de Merche Esmeralda, Manolete, Paco Romero.

C’est à partir de 2008 qu’avec sa compagnie il va vraiment commencer à explorer son univers personnel et produire des spectacles atypiques et novateurs. TAURO, son premier spectacle lui vaut le prix de la révélation au festival de Jerez en 2012. Il fait preuve dans ses créations d’une audace à laquelle on est peu accoutumé, utilisant des vêtements habituellement réservés aux danseuses, comme le manton ou la bata de cola, autrement dit une robe à traîne et un châle. Il s’amuse des codes tout en gardant un absolu respect de son art. Pratiquant volontiers l’ironie ou le pastiche, il mélange de façon époustouflante tradition et avant-garde.

Si vous voulez vous en convaincre, prenez le temps de jeter un coup d’œil à son spectacle intitulé « REVERSIBLE » et vous comprendrez à quel point ce danseur hors du commun est capable de jeter la main du ciel en enfer. Manuel Liñán c’est un flamenco comme on ne l’a jamais vu, les Espagnols utilisent volontiers l’expression « estupendo » ils ont bien raison, c’est proprement stupéfiant !

 

Spectacle Baile de autor au Triangle le vendredi 2 mars à 20h.

16€ plein
12€ réduit
6€ -12 ans
4€ / 2€ SORTIR !
PASS Triangle :
12€ plein
9€ réduit
7€ -30 ans
5€ -12 ans

PARUTIONS BD MARS 2018, ÉCLECTISME AU RENDEZ-VOUS

Mars 2018 : le printemps s’annonce. Avec lui les bonnes feuilles de BD ressurgissent au détour de quelques parutions attendues. Petit inventaire des albums essentiels à paraître.

Une rareté dans l’édition : la publication à deux mois d’intervalle d’un diptyque. Il faut préciser qu’il s’agit d’une série très attendue puisque le tome 11 de « Bouncer » (1), ce cow-boy manchot va devoir sortir de l’enfer dans lequel l’album précédent l’a laissé. Le dessin de Boucq, unique et grandiose, colle parfaitement à ce héros des grands espaces de l’Ouest sauvage.

bd bouncer

Dans le domaine des BD ou des auteurs déjà évoqués à Unidivers on ne peut passer sous silence l’adaptation du roman de Sorj Chalandon, « Profession du père » (2), par Sebastien Gnaedig, le journaliste du Canard Enchainé, aimant visiblement la mise en images de ces romans, après les adaptations notamment du « Quatrième mur », de « Mon traitre (voir article Unidivers). Nous avons hâte de découvrir le visage et la silhouette donnés à ce père terriblement fantasque et dangereusement fou. Un dessin au crayon noir et blanc, épuré, devrait restituer l’atmosphère familiale étouffante du roman initial.

bd profession du père

Beaucoup plus reposant et contemplatif, chez le même éditeur, « Mon Voisin Raymond » (3) devrait renvoyer une image totalement opposée à celle proposée par Chalandon. Inspiré là aussi de la réalité, Troubs, le dessinateur fait parler son voisin Raymond, en Dordogne, un paysan octogénaire dont le mode de vie ressemble à celui de parents, de ses grands-parents.  Un album annoncé comme un hymne à la nature, à l’esprit de Pierre Rahbi, et une démarche qui n’est pas sans rappeler celle de Davodeau auprès d’un voisin viticulteur de l’Anjou. Surement une belle respiration optimiste que nous promet la couverture tout en douceur et tendresse.

Mon Voisin Raymond

Une place particulière ce mois-ci pour une maison d’édition, qui sort des sentiers battus, dans cette BD qualifiée d’ « indépendante »: « L’Association ». Deux ouvrages attendus. Dans la réédition de  « Safari Monseigneur » (4), deux journalistes au début du siècle dernier embarquent pour l’Afrique. L’occasion de décrire un univers colonial avec l’ironie de Desproges et des dessins épurés pour montrer un monde clos perverti par la bêtise et le cynisme.

Safari Monseigneur

Avec « Alice dans le Sussex » (5), nous retrouvons l’adaptation d’oeuvres littéraires, en l’espèce la réunion de personnages de Lewis Caroll, Jules Verne, Cioran, Voltaire, une rencontre improbable qui amène Alice à côtoyer Frankenstein ou Le Chat de Cheschire, dans un album où le lecteur devra probablement abandonner sa raison pour aller à la rencontre d’un imaginaire poétique et mélancolique.

Alice dans le Sussex

Unidivers avait aimé la BD de Laurent Bonneau « Ceux qui me restent » (voir article). C’est donc avec impatience, qu’est attendue chez le même éditeur « On sème la folie » (6), Bd dans laquelle cinq amis d’enfance se retrouvent le temps d’un week-end dans une maison louée au bord de mer. Ils vont faire le point de leur jeune passé et échanger sur leurs vies. Une ode à l’amitié que la sensibilité du dessinateur à décrire l’indicible devrait porter très haut.

On sème la folie

Il ne vous aura pas échappé que nous allons célébrer le cinquantenaire de Mai 68. Les romans, ouvrages historiques, sociologiques, ont commencé à envahir les rayons des libraires. La BD ne pouvait passer à côté de cet évènement. « La Veille du Grand Soir » (7) est le premier album à paraître sur ce thème. Il s’adjoint les services du journaliste Patrick Rotman,  gage de sérieux et d’authenticité, qui raconte ici le récit « des journées de Mai à Paris, vues par les yeux d’un très jeune étudiant », nourries de souvenirs et d’anecdotes personnelles, et par des multiples entretiens d’époque. Un mélange de vécu et de recul historique qu’illustre Sébastien Vassant avec notamment une couverture symbolique: Dany le Rouge bâillonnant le Général sur un fond rouge comme la révolution.

La Veille du Grand Soir

La collection « Jour J » (8) qui s’attache à illustrer les journées décisives de l’histoire mondiale ne pouvait ignorer cet anniversaire. Elle le fait avec une édition spéciale dans laquelle deux hypothèses s’affrontent : Mai 68 accouche d’une utopie ou d’un cauchemar. Deux histoires, « L’imagination au pouvoir » et « Paris brûle encore », sont ainsi réunies dans une édition unique.

 Paris brûle encore 

Retour historique également avec « El Comandante Yankee » (9) Bd qui s’attache à William Alexander Morgan, figure un peu oubliée de la révolution cubaine, seul comandante avec le « Che », non cubain. Un roman graphique qui devrait nous conduire à nous replonger dans la période de la guerre froide avec la rigueur historique nécessaire.

El Comandante Yankee 

La couverture de « Serena » (10) nous a séduits simplement, le graphisme de Risjberg, opérant avec charme et efficacité comme d’habitude. Un dessin et une colorisation superbes mis au service d’une histoire que nous laissons deviner à la curiosité des futurs lecteurs.

Serena

Comme chaque mois, mars verra également les parutions habituelles de Walking Dead, Une Génération française, Wonderball, Ils ont Fait l’Histoire, l’Histoire Secrète, et tant d’autres.

Beaucoup d’heures de lecture et de plaisir en perspective sous des arbres en fleurs.

(1) Bouncer Tome 11. L’échine du Dragon. François Boucq. 80 pages. Editions Glénat. Parution le 07/03/ 2018. 18 €.
(2) Editions Futuropolis. 232 pages. Parution le 8 mars 2018. 26€.
(3) Editions Futuropolis. 96 pages. Parution le 8 Mars. 17€.
(4) Collection Ciboulette. Auteurs: Jérôme Mulot et Florent Ruppert. 64 pages. 13€. Parution le 10 mars 2018
(5) Collection Ciboulette. Nicolas Mahler. 136 pages. 24€. Parution le 10 mars 2018.
(6) Editions Grand Angle. 21,90€. Parution le 14 mars 2018.
(7) Co édition Le Seuil-Delcourt. 192 pages. Parution le 14 mars 2018. 24,95€.
(8) JOUR J MAI 68 Edition Spéciale. Scénaristes; Duval, Pécau et Blanchard. Illustrateurs: Damien et Fab. Editions Delcourt. Parution le 14 mars 2018. 22,95€.
(9) Auteur: Gani Yakupi. Editions Dupuis. 200 pages. Parution le 23 mars 2018. 28€.
(10) Editions Sarbacane. Auteur: Terkel. Parution le 7 mars 2018. 23,50€.

MON TRAÎTRE, UNE BD QUI FAIT CONFIANCE AU ROMAN

« Comment fait on après, lorsqu’on est traître, pour effleurer la peau des autres ? ». La réponse à cette question terrible, Pierre Alary dans sa BD Mon traître, adaptation du roman éponyme de Sorj Chalandon, y répond avec émotion maitrisant son dessin pour garder les mots essentiels. Une réussite.

bd mon traître

Mon traître : deux mots qui claquent comme une balle dans les rues de Belfast au milieu des années 80. « Mon », un possessif qui appelle l’amitié, la connivence, la tendresse. « Traître », un des adjectifs les plus laids de la langue française, celui de la désertion, de la tromperie, du reniement. L’association des deux génère un malaise, une violence contenue. Cette violence c’est celle racontée par Sorj Chalandon dans un magnifique roman publié en 2007, qui s’inspirant de la vie de l’auteur, alors journaliste à Libération, décrit la rencontre d’un jeune luthier parisien, Antoine, envoûté par l’Irlande, avec Tyrone, une icône de l’lRA (armée républicaine irlandaise). Cette rencontre devient une amitié, au moins pour Antoine, jusqu’à la fin du conflit, moment où le français découvre, avec le monde entier, que Tyrone a été 25 ans durant un agent double travaillant pour le gouvernement britannique.

bd mon traître

Il fallait un certain courage pour adapter en BD ce texte fort et au style marqué. Pierre Alary, qui réalise cette mise en image, affirme qu’il lui fallait « surtout, conserver les mots ». Les romans de Chalandon vous happent en effet par la musique syncopée des phrases et l’apparente simplicité de leur mise en harmonie. C’est un style qui va directement à l’os. Aussi l’auteur de Bd a eu la bonne idée de conserver la voix « off » du narrateur Antoine, ses mots qui rythment le récit. Plus présents encore que dans le roman, les interrogatoires de Tyrone, menés par l’IRA lorsque sa traitrise a été découverte, structurent l’album et mettent en conflit le décalage entre ce que vit Antoine en images, et la réalité des aveux de Tyrone. Par ce procédé la terrible trahison du combattant irlandais est montrée avec une violence presque irrespirable. Bien entendu, la physionomie d’ Antoine ou de Tyrone, n’est pas forcément celle que chaque lecteur s’est faite de ces personnages, mais la transposition de cette histoire inspirée de faits réels, est fidèle et l’atmosphère générale de guerre civile traduite à la perfection.

bd mon traître

Le dessin reste sobre et va à l’essentiel, comme si la volonté de l’auteur était d’accompagner et non pas de supplanter le texte. Les pages monochromes, dans une palette de couleurs réduites, évitent une surenchère esthétique. Les épisodes des grèves de la faim, succédant à la grève de la propreté menant à la mort de sept prisonniers, dont Bobby Sands, et une Margareth Thatcher reniant ses engagements, sont traités avec force mais sans emphase. Alary a choisi, par la simplicité de ses procédés picturaux, de montrer une colère sourde, comme celle d’une marche silencieuse qui tire sa force des visages fermés, des poings tendus, des regards de violence. La contraction de la violence plus qu’un cri de guerre. La réussite de l’album est indéniable puisqu’au final les questions essentielles du roman subsistent : la trahison politique de Tyrone s’est-elle accompagnée d’une trahison de l’amitié ? Pourquoi trahit-on en faveur de combattants dont on déteste ce qu’ils ont fait de soi ? Pourquoi choisit-on un camp plus qu’un autre lorsque l’on est français, étranger aux origines du conflit ? Une musique, des paysages suffisent-ils pour s’engager dans une lutte parfois meurtrière ?

bd mon traître

La remarquable qualité de cette bd Mon traître nous laisse espérer la continuation de cette mise en images, avec la parution de la suite de « Mon traitre » : « Retour à Kirllybegs ». Mais préalablement, on aura eu l’occasion de découvrir chez Futuropolis, le 8 mars une autre adaptation BD d’un roman du journaliste, « Profession du père » (voir article Unidivers) par Sébastien Gnaedig (1). Depuis quelques semaines, au-delà du choix visible de Sorj Chalandon d’offrir ses livres à la BD, ces adaptations de roman se multiplient et vont peut-être devenir une tendance lourde de l’édition. Raison économique, absence de grands scénaristes ou attente des lecteurs ? L’avenir nous le dira.

BD Mon Traître d’après le roman de Sorj Chalandon, Éditions Rue de Sèvres, 150 pages, 20 €, ISBN:9782369814740.

(1)  En 2016 était déjà parue une adaptation en BD d’un roman de Chalandon : Quatrième mur chez Marabout.

PHANTOM THREAD, FILM SUBLIME POUR COUPLE SALVATEUR

Phantom Thread est un film visuellement sublime de bout en bout. Paul Thomas Anderson, l’un des cinéastes américains actuels les plus brillants interroge les rapports de force qui président à l’harmonie du couple.

Dans les premiers plans de There Will Be Blood, Paul Thomas Anderson filmait dans une vertigineuse contre-plongée un homme remontant péniblement d’un puits où il recherche du pétrole, suggérant ainsi symboliquement une des thématiques centrales de son film : l’ascension individuelle. Au début de Phantom Thread, par un effet de rappel, la caméra s’élève pour filmer – toujours en contre-plongée – des jeunes femmes montant les escaliers de l’atelier de Reynolds Woodcock, espérant être retenues pour collaborer avec ce couturier renommé. Même élévation, mais autre point de vue : cette fois, nous sommes déjà en haut de l’échelle.

phantom thread

D’emblée, Phantom Thread apparaît donc comme une sorte de miroir de There Will Be Blood. Car si ce dernier film racontait la déshumanisation progressive d’un homme prêt à tout pour réussir, la nouvelle œuvre de « P.T.A. » s’attache à un être qui a déjà réussi, et qui semble avoir sacrifié tous ses rapports humains à son désir maniaque de perfection. Froid, direct et souvent désagréable, il n’est pas sans rappeler – toutes proportions gardées – le Daniel Plainview de la fin de There Will Be Blood.

Aussi s’agira-t-il cette fois de conter la ré-humanisation, ou du moins la réincarnation (au sens propre d’un retour à la chair) d’un homme au contact de l’amour et, en particulier, d’une femme : Alma, qui, comme le suggère l’étymologie de son nom, occupe pour Woodcock le rôle d’une mère nourricière de substitution.

Contre toute attente, Phantom Thread évite à tout prix le mélodrame. Anderson ne cherche pas à bouleverser son spectateur, mais à ménager un espace entre lui et les personnages, par une superbe mise en scène d’un classicisme achevé, nous invitant ainsi à exercer un regard distant sur le comportement des personnages. Sans tomber dans le psychologisme ou le jugement facile des personnages, il refuse les extrêmes : il n’y aura ni déchirement absolu, ni parfaite félicité. Tout se tient dans un délicat entre-deux, fait de rapports de pouvoir et de jeux d’inversion qui aboutissent à un équilibre tout en tensions, qui apparaît ici comme le propre de l’amour véritable ; car si Woodcock commence par faire d’Alma sa créature, une nouvelle muse parmi d’autres dont il méprise les goûts, la jeune fille ne se laisse pas dompter, et sait prendre à son tour le pouvoir en sein du couple.

phantom thread


Moins qu’un film sur la création (l’analogie entre l’art du cinéaste et l’art du couturier semble évidente, mais n’est en fait pas véritablement approfondie), Phantom Thread est donc un film sur un créateur. Il n’est peut-être pas anodin que les initiales du titre soient aussi celles de « Paul Thomas », comme si ce dernier, aujourd’hui à l’apogée de sa carrière, nous suggérait qu’il s’agit aussi pour lui de jeter un regard sur l’homme qu’il est devenu au contact du succès. Mais le film dépasse ces déterminations locales, le choix de la figure d’un artiste permettant de proposer une réflexion plus large sur le couple comme possible échappatoire à l’égoïsme.

Pour Reynolds, cet amour signifie avant tout un retour du risque et de l’incertitude dans son existence : Alma est le foyer de pulsions de vie, mais aussi de pulsions de mort, toutes symbolisées par la nourriture. C’est dans cette négativité même que réside la force de leur relation, qui n’est pas le confort d’une habitude, mais la perpétuelle mise en danger des certitudes de chacun, qui rend ainsi possible la préservation respectueuse, quoique fragile, d’une altérité infranchissable. Car au terme des différentes luttes d’ego qui jalonnent le film, Reynolds et Alma ne découvrent pas autre chose que la singularité de l’être aimé, qu’ils ne pourront rendre entièrement conforme à leurs désirs respectifs.

phantom thread

La subtilité psychologique du film Phantom Thread est superbement servie par trois acteurs éblouissants : face à un immense Daniel Day-Lewis toujours aussi impressionnant de justesse, Vicky Krieps est loin de démériter. La jeune actrice luxembourgeoise, pourtant confrontée à un des monstres sacrés du cinéma contemporain, a le courage de son personnage : entre pudeur et détermination, elle incarne à elle seule le sens du risque qui est au cœur de sa relation avec le couturier. Leslie Manville, qui campe avec une grande finesse la sœur du couturier, occupe un rôle de médiatrice entre les deux amants, ce qui permet à Anderson de suggérer que l’équilibre du couple n’est pas nécessairement binaire.

La superbe partition de Jonny Greenwood, associée à quelques pièces du répertoire classique (Fauré, Schubert et Debussy entre autres), apporte quant à elle une sorte de supplément d’âme à la mise en scène. Onde d’émotion sous un vernis plastique impeccable, elle est à l’image du fil fantôme qui donne son titre au film : elle incarne cette harmonie mystérieuse qui, envers et contre tout, relie des êtres que tout semble opposer.

phantom thread

Titre original et français : Phantom Thread
Titre québécois : Le Fil caché
Réalisation et scénario : Paul Thomas Anderson
Direction artistique: Mark Tildesley
Décors : Véronique Melery
Costumes : Mark Bridges
Photographie : Paul Thomas Anderson
Montage : Dylan Tichenor
Musique : Jonny Greenwood
Production : Paul Thomas Anderson, Megan Ellison et JoAnne Sellar
Sociétés de production : Annapurna Pictures et Ghoulardi Film Company
Sociétés de distribution : Focus Features et Universal Pictures, Universal Pictures International France (France)
Budget : 35 millions de dollars
Pays d’origine : Drapeau des États-Unis États-Unis / Drapeau : Royaume-Uni Royaume-Uni
Langue : anglais
Format : couleur
Genre : drame
Durée : 116 minutes
Dates de sortie :
États-Unis : 24 novembre 2017 (sortie limitée) ; 25 décembre 2017 (sortie nationale)
Royaume-Uni : 2 février 2018
France : 14 février 2018

ROUTE DU ROCK HIVER, GIRLS IN HAWAII, MAGNETIC FRIENDS, KELLEY STOLTZ, PARK HOTEL

Depuis 1991, le festival breton la Route du Rock se tient à Saint-Malo. Avant de profiter des concerts sous le soleil breton lors de l’édition été du festival, nous avons, vendredi 23 février 2018, échappé au froid hivernal afin de nous réchauffer aux côtés des groupes rock et pop de l’édition hiver. Compte-rendu chaleureux avec Girls in Hawaii, Concrete Knives, Kelley Stoltz, Park Hotel.

ROUTE DU ROCK HIVER 2018

Il est 21h passé lorsque nous arrivons à l’entrée de La Nouvelle vague à Saint-Malo, anciennement l’Omnibus. Il y a peu de monde, les festivaliers sont déjà à l’intérieur. Nous croisons quelques jeunes au look plutôt hipster mais nous nous détrompons vite sur l’âge du public : la majorité des personnes a plus de trente ans. Si la salle est quasi pleine, l’ambiance reste intimiste.

Nous échangeons avec une femme qui est accompagnée de son fils. Elle a découvert Girls in Hawaii sur France Inter et a eu envie de les voir en live. Ce n’est pas la première fois qu’elle assiste à un concert sur la scène malouine. Elle avait beaucoup aimé Lou Doillon il y a quelques années.

Nous sommes accueillis par les Magnetic Friends qui colorent la soirée entre chaque concert. Leur sourire est communicatif et la musique qu’ils passent donne envie de nous « ambiancer ». Ce sont d’ailleurs ces DJ résidents du festival qui animent la chenille géante qui est devenue une tradition à la Route du Rock été. Cela ne nous étonne pas, ils ont vraiment l’air dans leur élément derrière les platines.

ROUTE DU ROCK HIVER 2018

Après cet entracte, Kelley Stoltz pose ses premières notes. Clément du blog musical Alternative Lads n’a pas vu le temps passé, les ballades rock pop du groupe influencé par les Beatles, les Beach Boys et les Kinks lui ont fait passer un bon moment. Les américains ont enthousiasmé le public avec le petit show funk de Kelley en veste à sequins dorée sur une chanson que le groupe a l’habitude de jouer devant d’immenses foules au Canada. Voir Kelley Stoltz est une bonne façon de commencer la soirée de façon progressive tout en profitant des bonnes ondes que nous envoie le chanteur et ses musiciens. « What I need is confidence … » reste en tête bien après la soirée et nous a charmés.

Girls in Hawaii ne nous a pas déçus non plus, loin de là. La voix suave des chanteurs et son accompagnement pop nous ont transportés dans un univers plein de douceur. Les chansons s’enchaînent et comme dans un songe éveillé le public se laisse bercer au gré des mélodies des bruxellois. Pour Alternative Lads, qui n’est pas aussi séduit que nous par leur album, leur prestation de ce soir est « plus dynamique que leur composition. C’est très propre, le groupe est très calé ». La prestation visuelle du groupe était aussi intéressante, notamment l’utilisation d’un éclairage très puissant sur un boule disco statique qui permet à la lumière d’irradier.

ROUTE DU ROCK HIVER 2018

Après ce délicieux moment, place à Concrete Knives dont la présence sur scène est impressionnante. C’est vraiment un groupe qu’il faut voir pour se rendre compte de l’énergie que les Normands dégagent. Non seulement Morgane Colas et Nicolas Delahaye ont un réel charisme mais les musiciens participent fortement à donner du caractère à leur prestation. Le groupe emporte le public facilement avec leur jeu de scène singulier.

ROUTE DU ROCK HIVER 2018

Quand les londoniens de Park Hotel montent à leur tour sur scène, la salle s’est quelque peu désemplie et seuls les plus fêtards sont restés écouter le groove du jeune duo anglais. L’énergie de Rebeca Marcos Roca est débordante et sa prestance indéniable. Alternative Lads reconnaît dans ce groupe aux sonorités pop presque funky des points communs avec le groupe Jungle dans la fraîcheur de certaines sonorités. Le groupe a pour le moment sorti deux titres et présentait hier soir de nouvelles chansons qui vont sortir sur le label Kitsuné.ROUTE DU ROCK HIVER 2018

Pour les membres d’Alternative Lads, cette soirée reflète bien le festival en général, édition hiver comme été : “On y va les yeux fermés à la Route du Rock, surtout pour l’ambiance mais tout est qualitatif. Tu es rarement déçu de ce qui passe musicalement. Chacun peut y trouver son compte”.

LE POIDS DE LA NEIGE DE CHRISTIAN GUAY-POLIQUIN, ROMAN BLANC

La période hivernale est plutôt faste pour découvrir le deuxième roman de Christian Guay-Poliquin, Le poids de la neige, puisque celui-ci nous entraîne dans un petit village du Québec en plein cœur de l’hiver. Inutile de préciser que la dominante picturale du déroulement de ce roman – un vrai huis clos – est le blanc. Le blanc, encore le blanc… comme un linceul.

Christian Guay-Poliquin
Dans Le poids de la neige, tout comme les deux protagonistes, le jeune homme revenu de l’Ouest canadien suite à une gigantesque panne d’électricité venu voir son père mourant et victime d’un accident de la route et Matthias, vieillard un peu rustre qui n’aspire qu’à pouvoir retrouver sa femme, nous sommes pris par cette météo qui interdit pratiquement tout mouvement et condamne nos deux personnages comme nous autres à une sorte de réclusion qui durera jusqu’au printemps.

Comme eux nous sommes tenus de vivre au rythme de cette neige qui ne cesse de s’amonceler et isole jour après jour, nuit après nuit et obligés de patienter.

Matthias, qui donne autant dans les soins prodigués au jeune homme (pacte passé avec ceux du village dont on peut tout redouter), dont la rémission sera longue, s’évertue à trouver de quoi assurer le chauffage quotidien de cette baraque que quelques habitants calculateurs leur ont confiée et s’échine à assurer le couvert quotidien car les denrées se font de plus en plus rares mais il va peu à peu se laisser approcher. Si la nature, sous la plus poétique et épurée de Christian Guay-Poliquin, s’avère sublime, loin de toute pollution, elle est tout autant hostile et ne laisse que bien peu de chances aux néophytes. Et les humeurs des deux protagonistes sont en parfaite adéquation avec les lieux, les ambiances : complexes, ambivalentes, oscillant entre méfiance, nécessité et entraide.

Le pods de la neige de Christian Guay-Poliquin est un écrit important sur l’échange au-delà du caractère taiseux des deux hommes, sur l’amitié naissante, sur le besoin de se soutenir dans l’épreuve. Du coup, quand l’un ou l’autre exprime un ressenti, il prend toute sa puissance. La vie est un partage permanent ou la fraternité occupe une part non négligeable. C’est peut-être ce que retiendront ces deux-là au terme d’un hiver plus que  » rigoureux « ,  » éprouvant « , dans tous les sens sémantiques que l’on veut bien donner aux adjectifs.

C’est un roman dans lequel chacun, Matthias, le jeune homme ou le lecteur est invité à se surpasser. (un incontournable de la rentrée littéraire de ce début 2018).

Christian Guay-Poliquin Le poids de la neige, Éditions de l’Observatoire, 260 pages, Parution : janvier 2018, prix : 19,00 €. Prix France-Québec, Prix du Gouverneur général 2017, Prix littéraire des collégiens au Québec, Prix littéraire des lycéens AIEQ Suède-Estonie-UAB Barcelone

Actualité de l’UQAM (Université du Québec à Montréal) à propos du poids de la neige de Christian Guay-Poliquin : Dans une véranda cousue de courants d’air, en retrait d’un village sans électricité, s’organise la vie de Matthias et d’un homme accidenté qui lui a été confié juste avant l’hiver. Telle a été l’entente : le vieil homme assurera la rémission du plus jeune en échange de bois de chauffage, de vivres et, surtout, d’une place dans le convoi qui partira pour la ville au printemps. Les centimètres de neige s’accumulent et chaque journée apporte son lot de défis. Près du poêle à bois, les deux individus tissent laborieusement leur complicité au gré des conversations et des visites de Joseph, Jonas, Jean, Jude, José et de la belle Maria. Les rumeurs du village pénètrent dans les méandres du décor, l’hiver pèse, la tension est palpable. Tiendront-ils le coup ?

Christian Guay-Poliquin

LA PETITE REINE DU BUDGET PARTICIPATIF RENNAIS (C’EST AÏNO)

Les Rennais avaient jusqu’au dimanche 25 février pour élire leurs projets préférés de la Fabrique citoyenne, le budget participatif de la ville de Rennes. Parmi toutes les idées proposées, celles qui touchent à la bicyclette, aux deux roues, à la petite reine – bref, au vélo – tentent une échappée…

« LES SAS VÉLOS, C’EST PAS POUR LES CHAMEAUX ! » Sur le site de la fabrique citoyenne, le budget participatif de la ville de Rennes, Aïno Renard-Descaves a écrit son projet en grandes lettres majuscules. « NOUS, EN TANT QUE CYCLISTES, NOUS AVONS  UN PROBLÈME : CERTAINS VÉHICULES NE FONT PAS ASSEZ ATTENTION AUX  VÉLOS ! », continue-t-elle. Et d’expliquer qu’en particulier, les voitures ne respectent pas les sas prévus pour les cyclistes au niveau des feux.

vélo rennes

Aïno avait 10 ans quand elle a écrit sa proposition. Elle en a désormais 11, alors que les votes sont désormais clos sur le site de la Fabrique Citoyenne. D’une voix assurée, elle explique calmement au téléphone qu’elle fait beaucoup de vélo avec son père et ses deux frères. « Pour aller à l’école, pour aller en ville, ou pour me balader », précise-t-elle.

« J’ai dit à mon père que je voulais bien faire un projet » pour ce budget participatif raconte-t-elle. Elle ne savait pas trop quoi proposer. « Et puis j’ai vu un sas à vélo et je me suis dit que ça serait une bonne idée pour la sécurité », continue l’élève de CM2. Avec l’aide de son père, elle écrit le texte descriptif de son projet « SIMPLE, FACILE À METTRE EN PLACE ET EFFICACE » : mettre une signalisation colorée au niveau de ces sas à vélo, pour les rendre plus visibles. Avec, petite touche personnelle supplémentaire, un message humoristique pour l’accompagner. Son initiative est acceptée, et est soumise au vote.

« Mon père a commandé des autocollants » pour présenter le projet, continue Aïno. Elle en distribue à ses amis, qui pour la plupart ont voté pour son projet – ou lui ont promis de le faire – « parce qu’ils trouvent que c’est une bonne idée ». Mais ce bouche-à-oreille autocollant ne suffit pas à expliquer le succès de son idée.

rennes pistes

VÉLOS 1 – CHAMEAUX 0

Avec 119 commentaires, l’idée de ces sas à vélos coloriés est le huitième projet le plus commenté – l’écolière reconnaît elle-même ne pas avoir eu le temps de tous les lire. À la clôture des votes, c’était également le sixième projet ayant recueilli le plus de suffrages en ligne. Malgré cela, les élus n’ont pas retenu le projet d’Aïno car, explique l’un d’eux :

”Il existe deux catégories de projets : les projets appelés projet quartier, car localisés géographiquement par leurs auteurs genre une fresque sur le pignon de l’école Villeneuve classé quartier sud gare et les projets dits projet ville non-localisés. Au résultat on retient d’abord les 24 projets (2 par quartier) arrivés en tête puis en fonction de la somme restante on prend les projets arrivés en tête tous quartiers confondus. Cette année les porteurs de projets quartiers se sont fortement mobilisés. Les 24 premiers consomment toute l’enveloppe. On a décidé malgré tout de repêcher les projets ayant dépassé les 1000 suffrages, soit 3 projets.”

L’initiative était pourtant originale, portée par une citoyenne en herbe et teintée d’une légère touche d’humour – certes, stigmatisante pour les chameaux, mais ceux-ci restent peu présents à Rennes. Mais, surtout, elle porte sur un sujet qui tient à cœur aux Rennais : le vélo. Au total, sur les 234 propositions retenues pour le vote du budget participatif, 22 concernent directement les cyclistes.

Mettre en place des radars pédagogiques, améliorer la signalétique, construire de nouvelles pistes, prévoir des arceaux et des abris à vélos… Ces propositions touchent à tous les aspects de la pratique du vélo. Et si la plantation d’arbres et l’aménagement des espaces verts recueillent de nombreux suffrages, ces propositions dirigées vers les deux roues ne s’en placent pas moins en bonne position dans le peloton.

MAISON DU VÉLO RENNES
LA MAISON DU VÉLO RENNES 45 RUE DU PUITS-MAUGER

4 PROJETS POUR LES CYCLISTES RETENUS

Chaque année, chose curieuse, le nombre de propositions dédiées au vélo reste fixe : 22 projets, soit environ 10% des projets soumis au vote entre 2016 et 2018. Mais surtout, elles soulèvent un intérêt particulier, puisque leur proportion augmente quand on regarde les idées les plus commentées.  Cette année, parmi les 50 propositions ayant recueilli le plus de commentaires, 10 concernent directement le vélo. Au sein de cet échantillon, 7 projets se détachent, et recueillent entre 497 et 776 suffrages en ligne (à la clôture des votes).

Au sein de ce peloton de tête, quatre projets dédiés entièrement ou en partie aux cyclistes ont été retenus. Le quartier de la Poterie bénéficiera ainsi d’une liaison pédestre et cyclable jusqu’à la Zone d’Activité de la rocade Sud (voir ici le descriptif). Un cheminement similaire reliera la coulée verte au parc des Gayeulles (la description ici) et un autre le canal Saint-Martin à l’avenue Gros-Malhon (le descriptif ici). Enfin, la construction d’une passerelle après la base nautique de la plaine de Baud permettra elle aussi la circulation des piétons comme des cyclistes (la description est ici).

« Il y a des demandes qui correspondent à une augmentation de la pratique du vélo »,  constate Sylviane Rault, adjointe à la Maire en charge des mobilités. Chaque année, depuis 2010, les déplacements à vélo augmentent de 13%. En six ans, leur nombre a donc doublé. Plus de 3 000 cyclistes transitent par le centre-ville chaque jour, d’après les décomptes de la ville. Qui compte bien encourager cette pratique.

bus vélo rennes

UNE AUGMENTATION DU NOMBRE DE VÉLOS MALGRÉ LA PEUR DES ACCIDENTS

« Avec le plan vélo voté en 2015, on ambitionne de porter la place du vélo à 20% des déplacements dans la ville », explique l’adjointe.  Pour cela, la municipalité aménage de nouvelles pistes cyclable, réduit la vitesse des voitures – d’ici 2020, 80% de la ville sera limité à 30 km/h – et multiplie les initiatives pédagogiques. Le nombre d’écoliers concernés par des formations au vélo va doubler : 21 classes bénéficieront de 12 heures de cours pour apprendre les bons comportements à adopter à vélo.

Pourtant, l’association Rayons d’action pointe les nombreux manques dans la politique de la ville. Notamment en matière de sécurité. En 2017, sur 478 personnes blessées lors d’un accident de la route à Rennes, 15% étaient des cyclistes. Une proportion similaire à celle observée, par exemple, à Nantes, où 13% des accidentés étaient des cyclistes en 2016.

Les projets déposés auprès du budget participatif expriment cette crainte. À dix ans, Aïno s’est rendu compte des pratiques dangereuses des automobilistes au niveau des feux. Un autre projet réclame des radars pédagogiques au niveau de ces sas à vélos. De son côté, l’association Rayons d’Action propose de sécuriser davantage le carrefour du pont de Nantes, particulièrement accidentogène. D’autres encore demandent plus de pistes cyclables, plus d’accès aménagés.

rennes pistes cyclables

510 000 EUROS DE BUDGET PARTICIPATIF POUR LES DEUX ROUES

Le budget participatif viendrait-t-il révéler les manquements du plan vélo de la ville ? « Les projets déposés viennent conforter notre programme », répond l’adjointe aux mobilités. « Cela nous pousse à aller plus vite, cela permet de prioriser des projets qui de toute façon seraient faits. » Pour Sylviane Rault, cet engouement est même une petite victoire. Si le plan vélo a été voté à l’unanimité par le conseil municipal, certains élus lui paraissaient moins convaincus que d’autres. Les propositions du budget participatif devraient les convaincre de la justesse de ce programme.

D’autant plus que ces projets retenus ne font que s’ajouter au budget déjà dédié à la petite reine. Du moins tant qu’il n’y a pas de couac. « Parmi ces projets, il y en a deux qui n’auraient pas dû être mis au vote », reconnait l’adjointe. Les aménagements proposés sur la rue de Fougères et le boulevard de la duchesse Anne étaient en effet déjà prévus dans le plan vélo… Les votants du budget participatif n’ont cependant pas retenu les deux propositions.

Cela n’empêchera la ville d’investir 510 000 euros pour développer la pratique du vélo à travers ce budget participatif, sur les 3,6 millions répartis (auxquels s’ajoutent, hors budget, 156 000 euros pour trois projets qui ont recueilli plus de 1 000 suffrages).

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Aïno ne veut pas laisser sa place aux chameaux

AU P’TIT BLOSNEUR DE RENNES LE BONHEUR EST DANS LA SOLIDARITÉ

Depuis le mois d’octobre 2017, une conciergerie a ouvert dans le quartier du Blosne, au sud de Rennes. Portée par l’association le p’tit Blosneur, elle tente de récréer du lien social en proposant activités et échanges de services.

Au milieu du centre commercial Sainte-Elisabeth, à deux pas de l’hôpital sud de Rennes, la Conciergerie est un îlot atypique. Le rideau de fer désespérément fermé d’un espace commercial inoccupé fait face à sa devanture lumineuse et à sa cabane à dons, où sont déposés livres et revues en libre accès.

À l’intérieur, les murs clairs et la décoration colorée tranchent avec les passages vétustes du centre. Une dizaine de jeunes retraités s’y active dans la bonne humeur, bavardant et riant ensemble. Ils préparent un buffet à partir des invendus récupérés auprès de grandes surfaces ; une manière d’alerter sur le gaspillage alimentaire.

conciergerie

« L’idée de la conciergerie, c’était de recréer de l’entraide et du partage entre les habitants du quartier », explique Claire-Agnès Froment. À l’origine de cette initiative, elle est depuis salariée du P’tit Blosneur, l’association qui porte le projet. D’un geste, elle écarte tous les documents budgétaires et demandes de financements qui s’entassent sur sa table, pour expliquer le fonctionnement du lieu. L’ambition, explique-t-elle, « c’est se rendre tous les petits services du quotidien entre habitants. » Si une personne a besoin d’aide, elle pourra contacter la conciergerie, qui transmettra la demande à ses adhérents.

Certains demandent à ce qu’on leur prête un outil bien particulier, d’autres auraient besoin d’un peu de bricolage, pour monter un meuble ou pour fixer une bâche. En tout, trente de ces services ont pu être rendus depuis l’installation de la conciergerie dans ce centre, en octobre 2017. De mémoire, Claire-Agnès Froment en énumère une volée : « on a réparé des vélos, des imprimantes, taillé des arbres, réparé une cabine de jardin qui menaçait de s’effondrer, emmené une personne à la gare parce qu’elle s’était faite une entorse, on a gardé des chats… ».

conciergerie

Mais la conciergerie veut aller plus loin encore que ces petits actes d’entraide. « L’idée du local, explique la salariée de l’association, c’est de créer des moments de convivialité, pour que les gens se rencontrent, parlent ensemble. »

Chaque jour de la semaine, la conciergerie reste ouverte, pour que tous puissent venir prendre un thé, un café, s’asseoir ou y discuter un moment. Les bénévoles de l’association viennent tenir des permanences pour accueillir ces habitants.

Alors que l’initiatrice du projet détaille ce fonctionnement, l’un de ces bénévoles, un médecin retraité, s’installe à la même table, avec son livre. Il propose un café, se sert lui-même, puis se plonge dans sa lecture, relevant de temps en temps la tête pour écouter la conversation et intervenir. « De plus en plus de salariés, de patients de l’hôpital sud, de services civiques viennent ici le midi pour manger », se félicite Claire-Agnès Froment. « Ils s’installent ici comme à la maison ! »

En plus de l’entraide entre habitants et de l’ouverture de ce lieu, le P’tit Blosneur veut multiplier les activités autour de la conciergerie. Repas partagés une fois par mois, échange de nourriture à travers un frigo troc, organisation d’ateliers sur le numérique ou de découverte de jeux de société, de sorties collectives, une fois par semaine. « On a organisé un marché d’hiver pour mettre en avant les professionnels du quartier, poursuit Claire-Agnès Froment, on va organiser un marché d’été pour mettre en avant les compétences des habitants. »

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Avant même que ce marché d’été ne soit organisé, d’autres projets doivent déjà se concrétiser. Des ateliers de bricolage, des collectes de déchets, un référencement des artisans du quartier, des collectes de déchets, des job dating, pour aider les habitants à trouver des emplois en s’échangeant leurs carnets d’adresses… « La conciergerie n’est qu’un des moyens possibles pour recréer du lien », assume Claire-Agnès Froment.

Quartier populaire du la capitale bretonne, le Blosne, où est implanté le local, souffre d’une image qui ne reflète pas la réalité, déplore-t-elle. Face à ces idées reçues, la salariée du P’tit Blosneur ambitionne de recréer du lien social et travailler, progressivement, sur le développement économique du quartier. « Nos activités remplissent tous les objectifs formulés par la politique de la ville », se félicite-t-elle.

À ce titre, l’association a reçu 4 000 euros de l’État en 2016, auxquels se sont ajoutés 10 000 euros du département. Des subventions qui ont aidé l’association à s’installer, mais qui ne permettent pas de financer la totalité de son fonctionnement. « On a besoin de 40 000 ou 50 000 euros par an pour fonctionner », explique Claire-Agnès Froment. Alors en plus de l’argent récolté à travers les activités de l’association, celle-ci vient demander des financements à des entreprises privées. « On continue les demandes, au quotidien », souligne-t-elle.

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Mais plus que l’argent, c’est l’engagement bénévole des habitants qui permet de faire vivre l’association. « Aujourd’hui, on a entre 130 et 140 adhérents », se félicite Claire-Agnès Froment. Une douzaine d’entre eux tiennent des permanences hebdomadaires, certains proposent des activités aux habitants du quartier. D’autres encore viennent proposer leurs services de manière ponctuelle, selon leurs disponibilités. Une jeune en service civique vient de son côté assister la salariée de l’association dans la gestion quotidienne de ces activités.

Malgré ces engagements, l’initiatrice du projet reconnaît qu’il n’y a pas autant de mixité sociale qu’elle le souhaiterait. Au Blosne, les tours d’immeubles marquent le paysage au cœur du quartier, tandis qu’à sa périphérie s’étalent de petites maisons. La conciergerie, elle, est située à l’intersection de ces deux mondes. Mais ses usagers sont en grande majorité issus de ces lotissements. « On a moins de possibilités de distribuer de prospectus à l’intérieur des tours », justifie Claire-Agnès Froment. Avant de préciser : « on rencontre les bailleurs sociaux, et on travaille avec le CDAS [Centre Départemental d’Action Sociale, ndlr] ».

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Ces rencontres sont autant d’occasions de développer de nouveaux projets d’entraide. « Au CDAS, une personne refuse de se faire hospitaliser pour ne pas abandonner ses chats : on pourrait les garder », suggère-t-elle. Et d’autres initiatives semblables se développent, portées parfois par les simples bénévoles de l’association. « Grâce à notre newsletter, quelqu’un nous a contactés pour proposer une aide administrative », se félicite la salariée de l’association. D’autres personnes encore proposent des partenariats avec diverses associations, pour organiser un point de récolte pour les vieilles chaussures et lunettes.

« On avance pas à pas, progressivement », constate Claire-Agnès Froment. Cela ne fait, après tout, que quelques mois que cette conciergerie aux murs colorés a ouvert. Mais déjà, beaucoup s’en sont emparés, des plus jeunes qui viennent chercher leurs livres dans la cabane à dons aux plus âgés qui, discrètement, croquent dans un de ces champignons prévus pour le buffet du soir.

Le pt’tit Blosneur, Centre commercial Ste Elisabeth, 15 avenue de Pologne, 35200 Rennes. Permanence : Lundi à vendredi : 9h-17h, Mercredi : 9h-12h.

LAPIERE ET EFA, « SEULE » UNE BD POUR TOUS

S’appuyant sur un témoignage familial Lapière et Efa racontent l’irruption de la guerre civile espagnole dans la vie naissante d’une petite fille, la BD Seule, sur les routes catalanes. Émouvant et magnifiquement dessiné.

BD SEULE

La guerre et l’enfance. Deux mots a priori totalement irréconciliables. Comme la violence et l’innocence. La haine et l’amour. Pourtant lorsque l’instinct de destruction des hommes éclate, les enfants découvrent un nouveau monde. À hauteur de leur regard et de leur incompréhension. « Qu’est ce que c’est la guerre? » demande alors le petit garçon ou la petite fille ? De nombreux auteurs de BD ont illustré cette question. Pour les plus jeunes, l’exceptionnel et éternel « Flon-Flon et Musette » (1) explique comment un fil de fer barbelé sépare une amitié enfantine unique. Plus récemment « Ermo » (2) de Bruno Loth raconte la découverte de la guerre d’Espagne par un orphelin de 12 ans, devenu saltimbanque. L’auteur s’appuie sur des souvenirs familiaux, son père ayant combattu auprès des républicains espagnols. C’est cette même démarche que reprennent Lapière et Efa, en racontant dans Seule la guerre civile hispanique à travers les souvenirs de Lola, aujourd’hui âgée de 83 ans, et très jeune orpheline de 7 ans au coeur de la Catalogne quand la nation espagnole se déchire.

BD SEULE

Lola est élevée par ses grands-parents dans le village d’Isona. Chaque soir elle cherche à ne pas oublier le visage de ses parents et celui d’une petite soeur inconnue, ignorant les raisons de son éloignement. Mais un jour, de noirs et gigantesques oiseaux viennent jeter leurs bombes mortelles sur les habitations, semant peur et panique. « La voilà donc, la guerre ». La petite fille, aujourd’hui grand-mère de la femme de Ricard Efa, découvre les angoisses des adultes, les meurtres, les cadavres, les calots des Républicains ou les drapeaux des nationalistes. L’horreur à hauteur d’enfant. La guerre l’a déjà séparé de ses parents. Elle va l’isoler désormais de ses grands-parents et la confronter au canon d’une jeune soldate franquiste dans un face à face entre son innocence et le regard d’un militaire. Il ne lui restera plus, comme unique solution, que de prendre la route pour retrouver sa mère, dans un périple qui la confrontera à une douleur peut être encore plus forte, à une douleur affective. Un cheminement vers le monde réel des adultes que sauvera un caractère bien trempé.

BD SEULE

C’est une voix neutre, un peu emphatique, qui raconte ce récit hésitant un peu entre une narration appuyée et les mots d’un enfant. Trop présente, elle prend le dessus sur les paroles et la perception d’une enfant, mais les dessins magnifiques de Efa font rapidement oublier cette hésitation. Le dessinateur par les variations de couleurs, joue entre des pages monochromes pour décrire les angoisses de la nuit ou les lumières éclatantes de l’été. Chaque case est un tableau miniature dans lequel, à la manière des impressionnistes, les ombres violettes dessinent des taches estivales de chaleur. L’orange explose quand les bombes touchent le sol. L’orange flamboie quand le jour s’estompe devant la nuit. La nature magnifiée, seul véritable refuge, est omniprésente, troublée seulement par des gros plans expressifs de Lola, visage d’enfant qui raconte par ses mimiques tous ses sentiments. L’histoire prend alors de l’ampleur privilégiant les états d’âme de la petite fille qui, indifférente à la victoire ou à la défaite, souhaite retrouver avant tout sa vie d’avant. Le village fait place à la route. La solitude remplace la famille. Et Lola doit se « conduire en adulte ».

BD SEULE

Évitant la noirceur extrême « Seule » mêle, grâce à de superbes illustrations, la beauté et l’innocence à l’horreur et la violence dans un récit qui en se simplifiant devient émouvant. La guerre a retiré à Lola non seulement les murs de sa maison, mais surtout l’ essentiel: l’amour familial. Avec l’aide de son grand-père, elle devra le reconstruire. Pierre par pierre, comme les murs de sa maison.

SEULE de Denis Lapière (récit) et Ricard Efa (dessin). Éditions Futuropolis. 16 €.

Sort actuellement chez Futuropolis, l’adaptation du roman de Alessandro Baricco « Trois fois dès l’aube » illustré par Aude Samama et mis en scène par Denis Lapière.

(1) Flon-Flon et Musette de Elzbieta. Editions Ecole des Loisirs. Collection Pastel. Première édition 1993. Toujours disponible. Et indispensable.
(2) « Ermo » de Bruno Loth. 6 tomes disponibles chez Libre d’Images.

PANTHEON À RENNES, RICHARD LOUVET EXPOSE SON HISTOIRE

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Le projet Panthéon Personnel est le fruit d’un travail collectif mené depuis 2015 entre le photographe rennais Richard Louvet et des habitants de Rennes. Une expo photos à découvrir à l’Orangerie du Thabor du 13 au 25 mars 2018. Une expo historique, on vous dit !

RICHARD LOUVET

Tout est parti d’une rencontre avec Yves Carreau (à l’Hôtel Pasteur), un homme qui, à vélo, a fait plusieurs fois le tour de la France sur les traces des personnages de l’histoire.
Son échappée solitaire a inspiré cette aventure collective qui prend maintenant la forme d’une exposition de 30 portraits noir et blanc. Au fil des rencontres, l’artiste propose aux volontaires d’incarner un personnage historique.

RICHARD LOUVET

Figure tutélaire, inspiratrice ou mentor, chacun fait le choix d’interpréter quelqu’un qui « résonne » profondément en lui. Cette intimité est ensuite photographiée par les outils habituels de l’artiste, une chambre photographique grand format dans un noir et blanc intemporel.

RICHARD LOUVET
Entre statue éphémère et hommage vivant, la liste des personnages historiques est vaste :
Robert Surcouf, Calamity Jane, François-René de Chateaubriand, Rosa Parks en sont quelques-uns. Chacun.e est photographié.e dans un lieu faisant écho au personnage,
dépôt des bus de Rennes pour Rosa Parks, le château des Rochers pour la marquise
de Sévigné ou plage du Bon secours de Saint-Malo pour Robert Surcouf.

RICHARD LOUVET
Première étape d’un projet qui se poursuivra avec de nouveaux personnages, les 30
premières photographies sont présentées du mardi 13 au dimanche 25 mars 2018 à
l’Orangerie du parc du Thabor à Rennes.

RICHARD LOUVET
L’exposition est accompagnée d’un film documentaire de Pierre Arnaud Lime retraçant les étapes de l’aventure sur une musique de la violoncelliste Béatrice Toussaint. Projet réalisé avec l’aide de la Ville de Rennes, de l’AIS35 et du centre social de Cleunay.

Richard Louvet
Richard Louvet

Panthéon Personnel c’est :
• Une série photographique mettant en scène de grands personnages de l’Histoire interprétés par des inconnu.e.s.
• Un projet collaboratif où chacun choisit son personnage, son décor et son vêtement pour incarner sans parodier le personnage qui lui est cher.
• 30 portraits noir et blanc, de Jeanne Jugan à Geneviève Anthonioz-de Gaulle en passant par Arthur Rimbaud ou Jean-Moulin.

Connu pour ses photographies à mi-chemin entre arts et expérience sociale, Richard Louvet travaille le plus souvent avec des groupes d’individus (scolaires, habitants, usagers) avec qui il compose des installations visuelles dans lesquelles les personnes jouent à s’approprier des rôles et des actes inédits.

Richard Louvet expose régulièrement son travail en France et en Europe. Vous pouvez le découvrir sur la façade de la salle Guy Ropartz, dans le hall du CHU de Rennes.

Panthéon personnel est une exposition photographique de Richard Louvet avec des citoyens et les artistes associés Pierre Arnaud Lime et Béatrice Toussaint. Orangerie du Thabor, Rennes du 13 au 25 mars 2018 – de 14h à 18h. Vernissage le vendredi 16 mars 2018, 17h. Photos extraites de la série Panthéon Personnel © Richard Louvet.

IN VIA AU TEMPS POUR TOI, UNE VOIX DE LA COMÉDIE CHRÉTIENNE

IN VIA Au temps pour toi ? Depuis le succès planétaire de Jésus-christ Superstar ou l’excellent Godspell au Théâtre de la Porte Saint-Martin, on avait un peu perdu l’habitude de ce genre particulier qu’est la comédie musicale chrétienne. L’association ADOLESANCTUS le fait revivre avec une revigorante énergie et un souffle de jeunesse devant lequel il est difficile de ne pas céder. Dans la capitale bretonne, 2700 personnes ont répondu à l’invitation de la troupe de IN VIA Au temps pour toi.

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Ne nous voilons pas la sainte face : tout ce que Rennes compte de bons catholiques romains était présent au Liberté. Un grand nombre d’enfants, même très jeunes, avaient accompagné leurs parents. Malgré un public tout acquis à leur cause, ces jeunes artistes de quelques soirs ont donné avec une authentique générosité, un spectacle de qualité.

C’est du rêve de l’auteur, Bernard Pelou, assisté de Mathieu Poisbeau et de Bruno Ferry, à la mise en scène, qu’est née cette comédie musicale. L’intrigue en est simple : trois lycéens parisiens, assez différents, sont confrontés à la disparition d’un camarade de classe récemment arrivé. Pour faire suite à un curieux message téléphonique, ils sont entraînés dans une sorte de tourbillon temporel et historique, qui leur fera vivre de nombreuses et riches expériences.

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Avec beaucoup d’ingéniosité, le décor changeant est projeté sur trois écrans géants et donne une réelle authenticité au déroulement de la comédie musicale . Le trio principal est emmené avec conviction par l’énergique Raphaël de Barbeyrac, autrement dit Alexis, il est accompagné d’Emma et de Manon, interprétées par Appoline Louis et Blandine Bodet. C’est Briac Beutter qui, avec une touchante naïveté, incarne le personnage de Thomas.

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Le message chrétien est évident, on s’en serait douté, mais il aurait sans doute gagné à être parfois un peu plus subtil… Certes, quand on va assister à une représentation de IN VIA, on sait où l’on met les pieds. Comme il faut toujours un méchant, c’est de toute évidence Satan qui s’y collera, Pascal Beutter y est parfais et nous propose un maître des enfers des plus crédibles. Son assistant, malfaisant à souhait, prend la forme d’un homme vêtu de noir, qui paraît s’acharner sur Thomas en le poursuivant à travers lieux et époques. Le jeune Baptiste Pelou tient ce rôle avec brio.

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Parmi les voyages initiatiques qui nous sont proposés, une première halte en Italie nous permet de faire connaissance de Saint François d’Assise. Le rôle est joué par Michel de Vasselot qui est purement et simplement remarquable. Plutôt que de jouer un rôle, il est, pour quelques instants, le personnage, ce qui est la marque des vrais artistes. Étonnant ! Qui sait si nous n’assistons pas à l’avènement d’un futur acteur.

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Les autres déambulations temporelles nous conduiront auprès de Jeanne d’Arc, incarnée par la délicieuse Clara Tran qui fait preuve d’une belle présence et sera vocalement notre petit coup de cœur du jour. Étonnant pape Jean-Paul II que celui que nous propose avec beaucoup de sincérité le souriant Henry Delaunay, devenu pour l’occasion « oncle Carol ».

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C’est avec l’épisode mettant en scène le sacrifice du père Maximilien Kolbe au camp d’Auschwitz que nous atteindrons un niveau d’émotion intense. Gabriel de Barbeyrac, avec l’économie de moyens qu’impose son texte, tient sous sa coupe un public qui ne peut s’empêcher de sentir sa gorge de se serrer. C’est sans doute à cet instant que se mesure avec le plus d’intensité la valeur exemplaire qu’est censé véhiculer le message chrétien. Générosité, oubli de soi, sacrifice, lequel sacrifice peut aller jusqu’au don de sa propre vie.

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Cela nous conduit à réfléchir sur la finalité d’une telle comédie musicale. Le but est-il de faire plaisir à une communauté définie ? Dans ce cas il est atteint au-delà de toute espérance. A contrario, si les auteurs comme les acteurs de In Via souhaitent présenter un spectacle « tout public » le challenge semble un peu plus difficile. Reconnaissons que pour un non-chrétien, les voix de Jeanne d’Arc comme les apparitions de Bernadette Soubirou peuvent paraître des plus étonnantes, à ne pas dire suspectes. À l’inverse, les actes de personnes comme mère Thérésa, sœur Emmanuelle, comme ceux de l’Abbé Pierre sont magnifiques et indiscutables. RES NON VERBA, des actes et pas de mots, il semble que cette ligne de conduite permettrait une compréhension plus aisée du but que poursuit le chrétien. Il ne s’agirait pas d’inviter le public à croire, mais plutôt à constater que même des êtres modestes, comme ces trois religieux, ont trouvé dans leur foi une énergie capable de soulever les montagnes.

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Il y aurait bien sur d’autres remarques à formuler, comme les petites erreurs de justesse, ou rendre plus solennel un personnage un peu trop virevoltant pour être un archange, mais ce ne sont là que des détails. Avant toute chose, il convient de se souvenir que ce spectacle de deux heures est entièrement réalisé par des jeunes lycéens et étudiants (et au moins deux collégiens). Entièrement bénévoles, ils se sont investis pendant de nombreux mois. Ils ont dû sacrifier beaucoup de soirées ou de samedi pendant lesquels ils auraient pu faire des choses plus futiles ou plus drôles, mais ils ont préféré se livrer à ce travail, apprenant en même temps le sens du mot engagement. Rien n’est plus louable que cela et le résultat est assez impressionnant. Reste que le public a ressenti un pur enthousiasme quand, à la fin du spectacle, tous ces jeunes comédiens sont montés sur scène saluer l’assistance. Voir tous ces acteurs en herbe s’impliquer, s’engager et œuvrer pour une cause qui leur est chère a quelque chose de beau et de réconfortant.

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