Le petit musée de la danse
du 27 mai au 28 juin 2014 à Rennes
Des flashs crépitant autour d’un tapis rouge ? Des paparazzi au Festival de Cannes ? Non, il s’agit du hall du musée de la danse, transformé pour l’occasion…
Pour clore sa saison 2013-2014, le (grand) musée de la danse accueille de nouveau le petit musée de la danse, pour une exposition, interactive, réservée aux enfants ? Certainement pas ! Même les moins neuneus des adultes peuvent s’y rendre pour réviser leurs connaissances en matière de proto-cinéma, et s’initier à quelques pas de danse, ou plutôt à quelques pauses dansées.
Cette troisième édition[1] du petit musée de la danse propose un jeu de miroir entre danse et photographie, où vient s’immiscer un tiers : le cinéma. Elle s’inscrit dans le cadre plus large de l’année de La Permanence qui permet au musée de la danse d’exposer des œuvres en lien avec le mouvement et la danse figurant dans les collections du Centre National des Arts plastiques.
« Une photographie peut-elle reproduire le mouvement ? Pas vraiment. Mais elle essaie. Elle fait comme si. » Gilles Amalvi
Aveuglé par les flashs, le regard du visiteur qui entre dans le couloir s’abaisse au sol et suit la bande de tapis rouge. Deux corps barrent cette ligne de fuite. Ils se traînent, se tassent, se déplient, font tout ce qu’il faut faire pour ne pas avancer, pour ne pas se décider, pour suspendre le passage du temps. Alors que Gaspard Guilbert, en Charlot punk contorsionniste, s’épuise à essayer de trouver un équilibre précaire sur la tête, Raphaëlle Delaunay continue sa conférence inintelligible inspirée par une carte-progamme de Double Jack[2] dont elle à du se saisir à l’accueil du musée.
Dans le hall, sont exposées des machines curieuses recouvertes de petites vignettes ou bandes de papier, montrant des ballerines, des bonshommes sans tête, des animaux, des textes à demi effacés. Les enfants, fascinés, se saisissent de ces objets sans parvenir à les faire fonctionner. Pas de boutons ? Pas de piles électriques ? Thaumatrope, phénakistiscope, zootrope, praxinoscope, autant d’appellations construites à partir de préfixes et suffixes grecs, si difficiles à épeler et mémoriser, qui désignent des jeux optiques anciens préfigurant l’invention du cinéma. Et Gaspard Guilbert d’entremêler et de répéter les syllabes des noms barbares de ces toupies à image, comme un disque raillé, comme un sampleur humain, comme un danseur prisonnier de sa boucle. Raphaëlle Delaunay quant à elle anime le praxinoscope et en fait la réclame. L’attention du visiteur est partagée, alors qu’il contemple les mouvements miroités d’un petit personnage, son regard est aussi captif des grands yeux hypnotiques, toujours mobiles, de la danseuse. Plus tard, le cahier du petit musée de la danse, permettra au visiteur de retrouver les noms et une description de tous ces appareils illusionnistes qui font apparaître le mouvement à partir d’images fixes.
De la lumière à l’obscurité, de l’obscurité à la lumière ; de l’image en mouvement à l’arrêt sur image : dans le grand studio, les danseurs inventent des photographies éphémères qui ne laisseront pas de trace matérielle, mais s’imprimeront dans la mémoire du spectateur, sa chambre noire. Au rythme qui s’accélère d’une lumière intermittente stroboscopique, les mouvements des danseurs se ralentissent au contraire, se déploient dans le temps comme des vagues engourdies. Puis, le stroboscope diminue le rythme de ses flashs alors que la danse, que l’on aperçoit plus qu’entre de longs trous noirs, devient agitée, s’hystérise de plus en plus sur une musique electro syncopée. Et la sensation du temps finit de se déréaliser…
Autre expérience de photo-danse dans le grand studio – il ne se se passe jamais deux fois exactement la même chose au petit musée – : inspirés par la chorégraphie Flip book de Boris Charmatz, les danseurs, Raphaëlle et Gaspard – à noter que ce sont des couples différents de danseurs qui accueillent les visiteurs chaque semaine, autant d’interprétations subjectives de l’exposition – proposent cette fois aux visiteurs de prendre les pauses des photographies illustrant le mur, extraites de La Grande Evasion, une collection constituée par l’artiste Pierre Leguillon. Les visiteurs s’immobilisent ainsi comme des statues. L’un va incarner un grassouillet W. C. Fields grimaçant, un club de golf à la main, un autre va copier un Buster Keaton imitant lui-même la pause d’une colonne sculptée, un autre encore figurera, par exemple, l’élégante et fine silhouette de Julie Andrews en smoking, le doigt pointé vers on ne se sait quoi.
Pas besoin de costumes ni paillettes pour doubler ces photos ; il s’agit juste de porter son attention sur l’attitude physique, sans recourir à des artifices. D’autres visiteurs sont invités à s’insérer entre deux « statues ». Leur rôle: prendre une pause intermédiaire, imiter l’un et l’autre à la fois, devenir ce chaînon manquant dans l’espace-temps. Puis devant les plus petits, spectateurs privilégiés, toutes les statues et leurs intercalaires commencent à se mouvoir, et le grand studio se transforme alors en une sorte de dessin animé vivant, sans début ni fin, tournant en boucle, ce jusqu’à l’épuisement des visiteurs dégoulinant de sueur…
Au Petit musée de la danse, l’on peut aussi voir un choix de courts métrages, conçu par l’association Braquage, dont plusieurs films réalisés sur le principe du montage image par image, qui induit ces mouvements artificiels saccadés et scintillants. Sont exposées également, dans le petit studio, des photographies de Pierre Boulat, Gilbert Garcin, Robin Rhode, Denis Darzacq, Hicham Benohoud et Michel François qui voient le temps s’arrêter, se courber, se chiffonner. Entre deux barres parallèles, un film est projeté en boucle – décidément beaucoup de boucles dans cette exposition – il s’agit de Mouse (2007) de Teun Hocks, qui rend hommage aux Tex Avery ainsi qu’à La Féline de Jack Tourneur – voir le photogramme qui illustre le livret de l’expo. Il convient aussi de mentionner le photomusée de la danse, une collection « in progress » de Tim Etchells qui invite « chacun à apporter une photographie qui (selon lui) représente la danse et le mouvement ». Pour l’instant sont surtout accrochées des photographies, disons “sages comme des images”. Il reste encore de la place pour rajouter la sienne !
+ d’infos :
http://www.museedeladanse.org/fr/articles/petit-musee-de-la-danse-la-permanence-3
http://www.scoop.it/t/musee-de-la-danse-press
[1] Voir notre article sur la seconde édition du petit musée de la danse:
https://www.unidivers.fr/petit-musee-de-la-danse-rennes-danses-exposees/
[2] Voir notre article sur Double Jack de Thierry Micouin :
https://www.unidivers.fr/double-jack-thierry-micouin-triangle/