Voilà la rémunération des papes, cardinaux, évêques et prêtres et ce qu’ils en font

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Combien gagne un prêtre ? Un évêque ? Un cardinal ? Le pape lui-même ? Derrière les images d’apparat et les soutanes immaculées, les membres du clergé catholique romain vivent souvent de manière bien plus modeste qu’on ne l’imagine. Cet article détaille leur rémunération, mais aussi narre leur quotidien : du Vatican aux presbytères de campagne, autrement dit, du prochain pape aux prêtres de village, en passant par les évêques et les cardinaux.

Le pape

  • Rémunération : 0 €.
  • Le pape ne reçoit pas de « salaire ». Il est nourri, logé, habillé, et tous ses besoins personnels sont pris en charge par l’État de la Cité du Vatican.
  • Il peut disposer de fonds pour ses œuvres personnelles de charité, mais il ne touche pas de rémunération personnelle à proprement parler.

Les cardinaux

  • Rémunération : entre 4 000 et 5 000 € par mois nets, lorsqu’ils résident au Vatican ou y exercent une fonction officielle.
  • Ceux qui vivent ailleurs peuvent toucher des revenus annexes, parfois moindres. Ce « salaire » leur permet de subvenir à leurs besoins et d’assurer leur rang sans être dans l’opulence.
  • Ce revenu est versé par l’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique (APSA).

Les archevêques et évêques

  • Rémunération :
    • En France, un évêque touche environ 1 400 à 1 800 € nets par mois.
    • La somme est ajustée pour couvrir ses frais personnels car le diocèse prend en charge son logement et ses dépenses officielles.
  • Ce montant peut légèrement varier d’un pays à l’autre. Aux États-Unis, par exemple, certains évêques peuvent toucher jusqu’à 3 000 à 4 000 dollars par mois, mais cela dépend aussi des ressources du diocèse.

Les prêtres

  • Rémunération :
    • En France, un prêtre diocésain gagne environ 950 à 1 200 € nets par mois.
    • Ce montant est appelé la « stipende ».
    • Ils bénéficient en plus :
      • du logement (presbytère),
      • de repas souvent pris en charge (au moins partiellement),
      • et de frais de fonctionnement assurés par leur paroisse.
  • À l’étranger (États-Unis, Allemagne, Italie…), le revenu peut varier, mais la logique reste la même : un revenu modeste car leur mission n’est pas considérée comme un « emploi » au sens du travail salarié classique.

À noter

Beaucoup de prêtres cumulent leurs modestes revenus avec des dons personnels de fidèles ou des cachets pour des cérémonies (baptêmes, mariages, obsèques), qui restent très encadrés. Religieux et religieuses (moines, moniales, membres d’ordres religieux) vivent généralement sous la règle de la pauvreté : ils ne perçoivent aucun salaire personnel. Tout revenu éventuel est mis en commun au profit de la communauté. En cas de retraite, prêtres et évêques reçoivent une petite pension, souvent versée par le diocèse ou par l’État dans les pays comme la France, avec des conditions spécifiques.

Tableau comparatif des rémunérations dans l’Église catholique romaine :

FonctionFrance (€ net/mois)Italie (€ net/mois)États-Unis ($ net/mois)
Pape000
CardinalN/A4 000 – 5 0004 000 – 5 000
Archevêque / Évêque1 400 – 1 8001 500 – 2 0003 000 – 4 000
Prêtre950 – 1 2001 000 – 1 2002 000 – 2 500

Illustration d’une journée d’un pape, cardinal, évêque et prêtre

Une journée, une nuit et un matin avec le nouveau Pape (qu’on appellera, pour l’exemple, Pierbattista)

Matin – Un nouveau souffle sur Rome

Le ciel de Rome s’était paré d’un bleu éclatant, comme un signe discret venu d’en haut.
Dans les appartements pontificaux encore imprégnés de la mémoire de son prédécesseur, le nouveau Pape, Pierbattista Ier, achevait de nouer sa ceinture blanche.

Face au miroir dépouillé, son regard demeurait grave, presque incrédule.
Il n’avait jamais cherché la tiare ; à Jérusalem, au cœur d’une Église éclatée entre tant de confessions, il s’était pensé serviteur discret, pasteur d’une terre blessée.

Et pourtant, après un incroyable rebondissement qui a fragilisé les positions des modérés comme des conservateurs, c’était lui que les cardinaux avaient élu.

Il s’agenouilla longuement devant un crucifix simple, murmurant sans bruit :

— « Seigneur, me voici, bien plus pauvre que ce que Tu demandes. Mais si Tu m’as voulu ici, fais de ma pauvreté une porte pour ton unité. »

Milieu de journée – L’appel intérieur

Dans la salle du Consistoire, les premiers rendez-vous officiels s’égrenaient. Discours, bénédictions, courtoisies. Mais sous les sourires et les formules solennelles, son cœur battait ailleurs.

Depuis l’aube, une certitude le traversait : l’unité. Il pensait aux frères orthodoxes, si proches dans la foi, si éloignés dans l’histoire. Il pensait à Constantinople, à Moscou, à Antioche, aux petites églises de pierre où l’encens monte toujours vers le même ciel.

En se retirant quelques instants dans la petite chapelle privée, il posa la main sur une icône du Christ Pantocrator. Et il pria :

— « Seigneur, donne-moi la folie d’aimer assez pour franchir les murs que nos pères ont dressés. Permets que l’Occident et l’Orient puissent un jour se reconnaître, non par faiblesse, mais par plénitude. »

Après-midi – Les premiers pas

Son bureau débordait déjà de lettres, de félicitations, de requêtes. Mais au sommet de la pile, il avait placé un dossier personnel : Projet de commission pour le dialogue total avec les Églises orientales.

Sans faste, sans bruit, il voulait jeter des ponts de pierre solide. Pas un geste médiatique ; une patience évangélique, tissée de visites fraternelles, de gestes de pardon, de lenteur choisie.

Le vent romain entrait à flots par la fenêtre ouverte, soulevant doucement sa soutane blanche. Il se fit servir un souper très léger sous forme d’une salade de calamars.

Nuit – Le poids et la lumière

La ville s’assoupissait. Dans sa chambre nue, Pierbattista Ier ne trouvait pas encore le sommeil. Il repensait à Jérusalem, à ces messes où l’on priait en arabe, en hébreu, en grec, en latin. À ces regards parfois pleins de suspicion, parfois illuminés d’une fraternité inattendue. Il savait que Rome porterait désormais un poids immense — celui des attentes, des peurs, des résistances. Mais il savait aussi qu’on ne construit rien de vrai sans passer par l’invisible.

Il murmura dans la nuit :

— « Seigneur, fais de moi un artisan d’unité. Non pas un conquérant, mais un frère. »

Puis, apaisé, il s’endormit, confié au mystère.

Matin – Un chemin commence

À l’aube, il ouvrit la fenêtre sur un ciel d’or pâle. Aujourd’hui, il recevrait les premiers patriarches orientaux. Il n’avait pas de plan secret, seulement la brûlure du désir : rendre au monde une Église respirant enfin à deux poumons, comme l’avait tant espéré Jean-Paul II.

Il s’agenouilla, et dans un souffle, répéta :

— « Ut unum sint. Que tous soient un. »

Puis il se leva, ajusta son manteau blanc, et sortit au-devant du jour nouveau.

Une journée, une nuit et un matin avec le Cardinal Angelo

Matin – Rome au ralenti

Dès l’aube, Cardinal Angelo gravit les marches raides de son modeste immeuble. Ses chaussures cirées claquent doucement sur le marbre poli par les siècles. Au petit-déjeuner, il relit les notes de la réunion du jour. Un café noir fume à côté de son bréviaire élimé.

Milieu de matinée – Dans les palais

Dans une salle aux fresques pâlies, il assiste à une commission pontificale. Les mots sont précis, les visages graves. Quand vient son tour, il parle d’une voix douce, presque fragile, mais son regard brille d’une fermeté intacte. À la sortie, dans la cour, il échange un sourire complice avec un jeune secrétaire.

— « N’oubliez jamais que les plus belles réformes commencent dans un cœur, pas dans un décret. »

Le jeune homme s’incline.

Après-midi – Un banc de pierre

Après un déjeuner frugal, Angelo marche lentement jusqu’à une petite église oubliée du quartier Borgo. Il s’assoit sur un banc de pierre sous les orangers. Là, à l’ombre, il feuillette un vieux livre de théologie et caresse machinalement son chapelet de bois. Le tumulte de Rome roule au loin, comme un fleuve invisible. Il pense au nouveau-né de sa sa soeur, une petite Maria, il faut qu’il trouve un moment pour aller lui acheter un beau cadeau de baptême.

Nuit – Doute et fidélité

Dans sa chambre étroite, le cardinal referme son missel avec lenteur. Dehors, les rues de Rome sont devenues un grand ventre sombre où roulent les échos lointains de la ville moderne.

Angelo fixe une vieille croix suspendue au mur. Autrefois, il croyait que la fidélité suffisait. Aujourd’hui, il voit les églises se vider, la colère sourde des blessés, les revendications nouvelles, le cri des enfants trahis, la souffrance des exclus. Il ferme les yeux.

— « Où ai-je failli, Seigneur ? Où avons-nous fermé nos cœurs quand il fallait les ouvrir ? »

Il pense à ces jeunes qui réclament la bénédiction de leur amour, à ces femmes qui frappent à la porte du ministère sacerdotal, à ces regards fatigués d’attendre un signe.

Sur son bureau repose un dossier, discret, qu’il n’a pas encore eu la force d’ouvrir entièrement : un nouveau rapport de sœur Mary Lembo.
Douze religieuses en Afrique, violentées par des prêtres qui avaient transformé leur confiance en asservissement, en silence contraint. Ill ferme les yeux, le front contre ses mains jointes.

— « Seigneur… comment réparer ce que nous avons laissé pourrir si longtemps ? Comment guérir ces blessures infligées par ceux qui auraient dû être des frères ? »

Dans l’obscurité, il prie pour les victimes oubliées, pour ceux qui se sentent rejetés, pour ceux qui réclament des gestes que l’Église hésite à faire — et pour ses propres mains trop pleines de limites.

Il murmure :

— « Comment tenir la barre, Seigneur, quand le bois est vermoulu et que la mer est en furie ? »

Le cardinal s’agenouille devant son lit. Il ne demande pas des réponses. Seulement le courage de rester fidèle au Christ, même quand les chemins se brouillent dans la nuit.

Matin – Petits signes d’espérance

Dans la lumière grise de l’aube, Angelo s’assied à son bureau, un cahier ouvert devant lui. Il relit une lettre reçue la veille : celle d’une jeune femme blessée par l’Église, mais qui pourtant demande encore une bénédiction. Un sourire doux, presque imperceptible, effleure ses lèvres ridées.

— « Tout n’est pas perdu », pense-t-il. « Tant qu’un cœur cherche encore, la route existe. »

Il prend sa plume, trempe soigneusement dans l’encre, et commence à écrire une réponse. Pas une défense institutionnelle, mais une simple parole d’homme à femme, de croyant à croyante. Dehors, la lumière glisse sur les toits, et un vol de pigeons s’envole dans le ciel neuf.

Une journée, une nuit et un matin avec Monseigneur Christophe

Matin – Un vent d’Ouest

Dans la grande bâtisse de pierre où il vit seul, Monseigneur Christophe referme la porte de sa chambre glaciale. Dans la petite cuisine, il prépare un café maigre, avalé en quelques gorgées. Son agenda est griffonné à la main : réunion avec des catéchistes, visite à un malade, messe dans un village oublié. Et pensez à faire restaurer, grâce à sa rémunération qu’il vient de recevoir, le petit mais magnifique crucifix en jade qu’il a déniché lors de la brocante de Pâques.

Milieu de matinée – Sur les routes

Il roule dans sa vieille voiture bringuebalante, une main sur le volant, l’autre posée sur son bréviaire. Les haies défilent, gorgées de pluie. Des moutons paissent dans les prés détrempés. Dans une école de campagne de l’enseignement catholique sous contrat, il anime une rencontre avec des enfants :

— « Dieu n’est pas au-dessus de nous, il est au-dedans, comme une lampe qu’on n’éteint pas. »

Des regards pétillent, quelques mains se lèvent.

Début d’après-midi – Un hôpital silencieux

À l’hôpital, il passe de chambre en chambre, distribuant des paroles d’encouragement, parfois un simple regard silencieux quand les mots manquent. Une soeur clarisse très âgée l’attrape par la manche.

— « Dites-moi, Monseigneur… Vous êtes sûr que je suis attendue, là-haut, là-bas ? »

Il serre sa main fripée.

— « Avec impatience, ma soeur. Avec impatience… »

Après-midi – Entretien sur le fil du doute

Un peu plus tard, dans la petite salle de réunion de l’évêché, il retrouve Marie-Jo Thiel, médecin, théologienne, présidente de l’Association européenne de théologie catholique. Ils partagent un café tiède sous le néon blafard. La conversation glisse vite vers les terrains escarpés. Marie-Jo pose doucement ses mots, sans accusation, sans amertume :

— « Monseigneur, vous le savez mieux que moi : la moitié de vos prêtres ne respectent plus, en vérité, leur vœu de célibat… »

Christophe ne répond pas tout de suite. Il contemple sa tasse vide, y cherche peut-être un reflet, un écho.

— « Oui, je le sais, » finit-il par murmurer. « Et parfois je me demande si nous leur imposons une solitude plus grande que ce que leurs épaules peuvent porter. »

Marie-Jo incline la tête, sans triomphalisme, puis ajoute, d’une voix douce :

— « Vous savez… selon la tradition, Saint Pierre lui-même était marié et combien de papes, d’évêques, d’abbés et de prêtre ne le furent-sil pas durant des siècles ?!… »

Elle marque une pause, avant de poursuivre, le regard plongé dans la fenêtre mouillée :

— « Et vous savez bien comme moi que les décisions tardives d’interdire le mariage, d’abord aux papes, puis aux évêques, puis aux prêtres, répondaient avant tout à une logique économique : il fallait éviter que les biens de la curie et des diocèses soient dispersés par l’héritage familial… »

Un silence lourd suit ses paroles, non de colère, mais de vérité nue.

Christophe soupire, la main posée sur son anneau pastoral :

— « Mais comment continuer à traduire ce que le Christ lui-même a vécu — ce don total, cette pauvreté intérieure — tout en ne brisant pas ceux qui nous servent avec un cœur sincère, même s’ils trébuchent ? »

La question reste suspendue entre eux, fragile, presque sacrée. Dehors, la pluie crépite sur les vitres. À l’intérieur, deux cœurs cherchent, tâtonnent, au bord du mystère et de grandes réformes.

Nuit – La charge invisible

Dans son évêché silencieux, Monseigneur Christophe reste assis dans la pénombre, une tasse froide entre les mains. Sur son bureau, une lettre non ouverte repose : un prêtre du diocèse vient de quitter les ordres, las d’un ministère qui lui semblait devenu étranger.

L’évêque se lève, marche lentement jusqu’à la fenêtre. Sous la lune voilée, les toits du village s’étendent, noirs et luisants. Il pense à ses jeunes années : il rêvait d’une Église joyeuse, ouverte, fraternelle. Et maintenant… tant de fractures. Tant de chrétiens qui souffrent, qui doutent, qui partent.

Son regard se perd un instant dans la nuit. Dans le silence, une autre blessure affleure, ancienne, presque effacée : celle d’un amour qu’il n’avait pas su, ou pas osé, retenir. Ils avaient partagé des livres, des silences pleins, des étés vibrants de promesses. Quand était venu l’appel du ministère, il avait choisi — ou cru choisir — sans retour. Mais parfois, comme ce soir, une douleur fine revenait frapper à la porte de son cœur.

Il ferme les yeux, laisse la nuit entrer en lui. Et une autre question monte, âpre et lancinante : pourquoi le mal persiste-t-il avec tant d’obstination ? Pourquoi, malgré tant de prières, de combats, de sacrifices, l’injustice, la cruauté, la haine semblent-elles toujours plus rapides que la bonté ?

— « Seigneur… comment se peut-il que la semence mauvaise pousse plus vite que le bon grain ? Pourquoi la souffrance a-t-elle tant de voix, et le bien si peu de défense ? »

Il pense aux enfants meurtris, aux couples rejetés, aux appels qu’il n’a pas su entendre à temps. À ceux qu’on aime et que l’on quitte pour croire mieux servir. À ce mal silencieux, rampant, toujours vivant.

Il serre dans ses doigts son anneau pastoral : non pas un trophée, mais un fardeau offert librement. Puis il s’assoit devant l’autel domestique du salon, et prie en silence jusqu’à ce que la nuit s’efface.

Matin – L’espérance fragile

Le réveil est rude. La cafetière met du temps à ronronner dans la vieille cuisine du presbytère. Monseigneur Christophe s’étire longuement, les pieds nus sur le sol froid. Les doutes de la nuit planent encore au-dessus de lui, comme des ombres lentes.

Mais au courrier posé sur la table, une petite enveloppe attire son regard. Un dessin maladroit, signé d’un enfant : un bonhomme avec une croix géante et ce mot bancal : « Merci Monseigneur de nous parler de Jésus. » Il rit doucement, le cœur agréablement pincé.

— « Voilà ma raison de marcher encore. »

Alors, il prend sa canne, son manteau râpé, et s’apprête à rouvrir les portes de la cathédrale.

Une journée, une nuit et un matin avec Luc, prêtre de campagne

Matin – Sous le ciel bas

La lumière est grise et basse sur le village. Le vent venu du large a balayé les chemins, les flaques reflètent un ciel sans relief. Dans le vieux presbytère humide, le Père Luc s’habille lentement. Sa soutane est sèche mais rêche, comme si elle refusait d’épouser encore le corps de son porteur. Il lace ses souliers devant le poêle éteint. La maison sent la pierre et la poussière d’encens froid. Avant de sortir, il s’arrête un instant devant le crucifix de bois accroché au mur. Il murmure, sans regarder le Christ :

— « Je vais faire de mon mieux. Ce ne sera pas grand-chose. »

Il enfourche son vélo rouillé. La cloche tinte sans conviction. Les volets sont clos. La pluie, fine et continue, traverse les champs comme une bénédiction désabusée.

Rencontres – Le frottement du monde

Devant la boulangerie, Kevin, le commis, lui tend un croissant tout juste sorti du four.

— « Bonjour, Mon Père ! Prenez-le, c’est pour vous. »

Luc éclate de rire :

— « Le Bon Dieu passe parfois par le beurre et la farine ! »

Plus loin, Jo Le Corre l’interpelle, moqueur :

— « Vous avez pas le beau rôle, hein, Mon Père ? Vous ramez contre le vent. »

Luc répond doucement :

— « Je rame, oui. Mais je crois que Dieu est dans le vent aussi. »

Le vieux marin hausse les épaules et se détourne sans un mot.

Sur la route de la Fontaine, un petit garçon, Émile, pleure, genou écorché. Luc descend de vélo, nettoie la plaie, console :

— « Eh bien, soldat, tu es tombé au champ d’honneur ?… Rien de cassé. La prochaine fois, dis bonjour au virage avant de foncer dedans ! »

Émile repart, sourire retrouvé.

Après-midi – Traversée d’ombre

Il pleut fort. Luc rentre au presbytère, trempé. Il allume une bougie sur le coin de son bureau. Personne n’est venu à la messe du matin. Il n’en veut pas à ses paroissiens : ils ont leurs douleurs, leurs horaires, leurs lassitudes.

Il tente d’écrire son homélie. Les mots peinent à venir. Il pense aux bancs vides, aux jeunes qui s’éloignent, aux amours exclues, aux blessures anciennes qui n’ont pas été pansées. Une phrase, deux mots, de la poussière. Comment leur dire la vie, leur faire entendre l’esprit ?

Il lève les yeux vers la croix, suspendue au-dessus de la bibliothèque.

— « Tu as eu soif. Moi aussi. Mais j’ai beau boire à ton puit, il me brûle la gorge. »

Nuit – La mémoire blessée

La maison dort. Le silence grince dans les poutres. Luc reste assis, le visage dans les mains. Une autre mémoire s’invite : celle des coups, des cris. L’odeur d’alcool, les soirs d’enfance où son père, ivre, le battait pour un mot de travers, un silence mal placé. Il se souvient de sa mère, absente de peur, et du froid des murs contre lesquels il pleurait en silence. Il n’a jamais vraiment parlé de cela. Pas même en confession. Il a simplement décidé un jour que l’Évangile, ce serait le contraire. Aimer là où l’on a été défait. Guérir là où l’on a saigné.

Il murmure, les yeux ouverts dans la nuit :

— « Seigneur, est-ce que je vous sers vraiment ? Ou est-ce que je me sers de vous pour me survivre ? »

Il ferme les paupières. Il écoute seulement le vent.

Matin – La grâce ténue

Le jour n’est pas levé, mais l’obscurité est moins lourde. Luc descend dans le jardin. L’air est glacé, la rosée colle à ses sandales. Il s’arrête sous le vieux poirier, lève le regard vers les nuages déchirés. Il sent un petit feu, un peu de joie. Surtout, une volonté tranquille.

— « Encore un jour. Vous m’avez laissé ouvrir les yeux. Alors je vous le rends. Encore un jour, Seigneur. Encore un jour pour aimer. »

Ce matin, il reçoit sa stipende mensuelle. C’est bien, il va pouvoir aller donner quelques sous à cette mère isolée avec deux enfants et ce jeune couple d’agriculteurs qui accumule la malchance depuis leur installation. Il monte sur son vélo. La selle est encore humide. Il part. Vers les routes. Vers les souffrants, les riches, les pauvres, les endeuillées, les absents. Vers ce mystère d’espérance qui continue, malgré tout, de marcher à ses côtés.

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il étudie les interactions entre conceptions spirituelles univoques du monde et pratiques idéologiques totalitaires. Conscient d’une crise dangereuse de la démocratie, il a créé en 2011 le magazine Unidivers, dont il dirige la rédaction, au profit de la nécessaire refondation d’un en-commun démocratique inclusif, solidaire et heureux.