À l’heure où chaque mise à jour logicielle pousse des millions de smartphones à la retraite prématurée, le Fairphone continue de tracer sa route à contre-courant. La sortie du Fairphone 6, le 25 juin 2025, relance une question de fond : ce téléphone dit « équitable » et « durable » est-il réellement à la hauteur de ses promesses écologiques ?
Des composants réparables et un design modulaire
Le premier argument écologique du Fairphone reste son design modulaire. Le modèle 6, compatible 5G, Android 13+, 256 Go de stockage, écran 6,3 pouces OLED, processeur Snapdragon 7s Gen 3 et double appareil photo 50 MP (arrière) + 32 MP (avant), s’inscrit dans cette logique : chaque composant (batterie, caméra, écran, haut-parleur…) peut être remplacé à la main, avec un simple tournevis Phillips, sans connaissance technique poussée. Cela prolonge potentiellement la vie du téléphone jusqu’à 7 à 10 ans, quand la moyenne en France reste autour de 2,5 à 3 ans. La batterie reste remplaçable en quelques secondes — un fait rare en 2025 — et l’entreprise s’engage à fournir des pièces détachées au moins jusqu’en 2031.
Une fabrication plus éthique que verte
Fairphone affirme miser sur une chaîne d’approvisionnement plus respectueuse des droits humains : les minerais utilisés (étain, tungstène, or, lithium, cobalt) proviennent en priorité de sources éthiques et traçables. L’entreprise travaille avec des partenaires pour améliorer les conditions de travail dans les mines artisanales en Afrique ou les usines d’assemblage asiatiques. Mais sur le plan strictement écologique, la fabrication reste externalisée hors d’Europe (principalement en Chine), et le processus industriel n’échappe pas aux logiques extractivistes mondiales. La production d’un smartphone, même « éthique », reste énergivore (plus de 60 % de l’empreinte carbone d’un téléphone est liée à sa fabrication).
Matériaux recyclés : où en est Fairphone ?
Selon les données officielles communiquées par Fairphone en juin 2025 :
- 70 % des matériaux clés (or, étain, tungstène, terres rares, plastique, lithium, cobalt, cuivre, nickel et zinc) du Fairphone 6 proviennent de sources recyclées ou équitables.
- Exemples notables :
- 100 % de l’or est certifié Fairtrade ou recyclé.
- 75 % du plastique est recyclé post-consommation.
- Le magnésium du châssis est entièrement recyclé.
- Le cobalt et le lithium sont en partie issus de filières de recyclage ou d’extraction responsable.
Fairphone est à ce jour le leader du secteur sur la traçabilité et la transparence de ses matériaux.
Aucun smartphone ne peut encore revendiquer 100 % de composants recyclés.
Un téléphone qui veut durer
L’objectif central de Fairphone est la durabilité, pas la performance à tout prix. La marque s’engage à proposer des mises à jour logicielles pendant 7 ans, ce qui est bien supérieur à la plupart des fabricants Android. En limitant le besoin de remplacement, le Fairphone 6 vise donc à réduire l’impact carbone global de l’utilisateur.
Fairphone et greenwashing : critique fondée ?
Des voix critiques s’élèvent parfois pour dénoncer un greenwashing partiel : après tout, Fairphone reste un fabricant de nouveaux objets technologiques, dans un monde déjà saturé. Et même si l’entreprise compense ses émissions de CO₂, elle ne propose pas encore de modèle 100 % circulaire — aucun smartphone ne l’est. Mais à la différence de géants comme Apple ou Samsung, Fairphone n’encourage pas la surconsommation. Le modèle n’est décliné qu’en quelques couleurs (vert, noir, blanc), sans effet de gamme ou d’obsolescence marketing.
Prix, performances et réception
Le Fairphone 6 est vendu 599 € (ou 193 € avec abonnement chez SFR), soit un tarif élevé pour des performances de milieu de gamme. Il embarque toutefois une configuration solide : 8 Go de RAM, double SIM, écran 1080×2400 pixels, reconnaissance faciale, lecteur d’empreintes. Il est disponible chez Darty, Boulanger, Rakuten, Orange, SFR, ou sur la boutique officielle, avec livraison gratuite et garantie 24 mois. La prise en main par les médias tech (Frandroid, Les Numériques, Android Authority) est globalement positive, saluant son confort d’usage, sa finition, et la pertinence de son éthique… tout en notant qu’il ne conviendra pas aux accros de la performance pure.
Un « vrai » téléphone écolo ?
Oui, dans une certaine mesure. Le Fairphone 6 ne supprime pas l’impact écologique du numérique, mais il le réduit considérablement par des choix structurels : réparabilité, longévité, responsabilité sociale. Il reste, à ce jour, le seul smartphone grand public à combiner un effort systémique sur l’éthique et la durabilité. Pour les consommateurs conscients, c’est un choix de cohérence. Pas de perfection.