ALTAN en gaélique irlandais signifie ruisseau. Aujourd’hui, le groupe fondé en 1987 par Mairéad Ní Mhaonaigh et Frankie Kennedy ressemble plutôt à une impétueuse rivière musicale, se jouant des canaux tout tracés et qui continue avec une grâce juvénile à insuffler vigueur et créativité à des musiques ancestrales.
Ce mardi 31 janvier 2017, ALTAN fêtait ses 30 ans d’existence, et rien n’est venu troubler la joie communicative du partage. Sur scène d’abord tant les membres d’Altan sont chacun et ensemble l’incarnation de cette écoute circulaire et bienveillante qui caractérisent l’essence des musiques traditionnelles bien comprises. Écoute, communication et communion… Ce concert anniversaire en porte la marque puisque le groupe a eu l’excellente idée d’inviter deux musiciens de talent pour compléter leur déjà impressionnant line-up. John Joe Kelly d’abord, bodhraniste hors pair, au jeu puissant et subtil dans la lignée du virtuose Johnny « Ringo » McDonagh des mythiques De Dannan (le bodhran est le tambour traditionnel irlandais, le nom signifie « assourdissant », joué par certains orfèvres il peut néanmoins s’avérer aussi précis et délicat que les tablas indiens). Et puis, Ronan Le Bars, immense musicien breton passé maître dans la pratique du uilleann pipe (cornemuse irlandaise, píb uilleann en gaélique) cet instrument au souffle aussi exaltant que déchirant qui personnifie toute la vibrante profondeur de la musique irlandaise.
La fraîcheur, extatique autant qu’infiniment émouvante, de l’étendue de la musique irlandaise c’est ce qu’ALTAN a délivré à un public nombreux et apparemment charmé dans une salle Jean Vilar quasi comble. La barrière de la langue tombe vite quand le langage musical est à ce point porté à vif. Compositions et airs traditionnels se confondent, la créativité des musiciens et des interprètes, loin d’être bridée se révèle et s’élève dans les codes ancestraux. Avec joie et respect, les musiciens d’Altan s’emparent d’une musique qui à force d’enracinement et de brimades a su s’universaliser en aller-retour perpétuels, d’exils contraints en rencontres fraternelles. Le bouzouki, l’accordéon, la guitare, instruments étrangers, ramenés à la maison en passant par le melting-pot américain (très actuelle leçon), se mettent à sonner, à parler gaélique. C’est que cette musique-là n’a pas oublié tout ce qu’elle doit au chant, à la voix, à la langue, à la terre qui l’a vu naître. Cette osmose millénaire aussi tendre que grave, céleste par son étrange rugosité terrienne la voix de Mairéad Ní Mhaonaigh la projette avec une confondante sincérité.
ALTAN au bout de trente années de pratiques et de partages, délivre encore, sur scène avec une simplicité et une décontraction désarmantes cette réalité vibrante. Loin de tout folklorisme autant que des tentatives casse-têtes de modernisation ou des dérives archéologiques, avec une joie et un plaisir solaire le groupe trentenaire, à qui nous souhaitons encore trente ans de créativité, aura déroulé le plaisir festif de partager des émotions musicales hautement contrastées. Les mêmes modulations déchirantes irriguent les ballades, les chants d’amours déçus, les grandes déchirures de l’âme et les musiques à danser, douloureuse joie et appels frénétiques à la danse résonnent des mêmes accents profonds. Les mélismes captivants et sombres apaisent les peines et les invitent à l’épuisement, à l’exorcisme par les rythmes trépidants… Oui, Altan à célébré là trente années d’une pratique musicale de la plus longue mémoire qu’il faut, contre toute grise mine et ségrégation, à tout crin préserver pour le pur et délicat bonheur du monde !
ALTAN, le groupe irlandais, s’est produit le mardi 31 janvier 2017 salle Jean Vilar, au TNB, Rennes avec John Joe Kelly et Ronan Le Bars (production : Naïade Productions)