A Rennes, les Danses en Trans prennent à nouveau place au Triangle avec In Bloom de la compagnie Chute Libre. In Bloom est une version hip-hop du mythique Sacre du Printemps de Vaslav Nijinski. Cette version a su faire, avec brio, le lien entre le modernisme absolu du Sacre en 1913, qui transgressait toutes les règles de son époque, et celui des danses urbaines.
Le Sacre du Printemps est une pièce qui fascine tous les danseurs et chorégraphes de danse contemporaine, elle est la pièce la plus reprise au monde. À l’origine, elle donna lieu à six uniques représentations et le scandale fut tel (puis la guerre) qu’il fut impossible à Nijinski de faire tourner ce qui s’avèrera être son chef-d’œuvre. La pièce est un tournant majeur dans l’histoire de la danse, pourtant on ne dispose que de très peu de documents : quelques dessins, des photographies (prises en studio, et non lors des représentations), des articles de presses ; pas de partitions, pas d’extrait filmé. Le Sacre est ainsi l’endroit de tous les fantasmes des danseurs de contemporain, une pièce fondamentale mais à trous, laissant ainsi une très grande place à la créativité des artistes qui s’attèlent à la ramener à la vie. Les plus grands chorégraphes ont proposé leur mouture : Maurice Béjart, Pina Bausch, Martha Graham, Angelin Preljocaj, Xavier Leroy, et tout dernièrement Dominique Brun.
Les chorégraphes doivent d’entrée de jeu choisir s’ils souhaitent reconstituer au plus près la pièce ou s’ils s’inspireront des éléments connus pour en donner leur propre vision. Ainsi Pina Bausch, en 1975, a donné sa version du Sacre qui reste dans les mémoires, elle conserve les règles fondatrices de la pièce et l’adapte librement ; Dominique Brun crée en 2013 une version qu’elle recherche la plus fidèle possible à partir de nouveaux documents trouvés récemment.
C’est sur ces deux versions que s’appuient Pierre Bolo et Annabelle Loiseau, chorégraphes de la compagnie Chute Libre, pour leur version hip-hop. C’est le travail de l’écriture de la danse qui les conduit au Sacre, LA pièce du répertoire qui inclut une recherche de postures très marquantes (les figures arrêtées font systématiquement partie des danses hip-hop), le rite, le personnage central (l’élue) laisse la part belle aux autres protagonistes de la danse. Mais dans la version de Pierre Bolo et d’Annabelle Loiseau, les chorégraphes ont une approche nouvelle de l’histoire du Sacre. Ils font l’hypothèse que le personnage central, l’élue, dont ont assiste au sacrifice dans toutes les autres versions, est ici déjà morte.
Leur pièce commence par un travail de deuil qui permettra au printemps d’advenir. Sur l’orchestration de Pierre Boulez mêlée de plages musicales d’Yvan Talbot, les danseurs mixent pas de hip-hop, de break, de krump et de danses africaines aux postures des photos de Nijinski. La souplesse des gestes de Clémentine Nirennold illustre parfaitement ces liens entre les différents styles et en font une élue très remarquée. Si les styles sont habilement enchevêtrés dans In Bloom, ils sont clairement identifiables. La danse consiste en beaucoup de tableaux en groupe mais chaque danseur est subtilement mis en avant à un moment de cette chorégraphie où l’individu est partie du groupe mais jamais noyé dans celui-ci.
In Bloom de la compagnie Chute Libre les 2 et 3 décembre 2016 au Triangle, Rennes, dans le cadre des Trans Musicales
Calendrier des représentations 2017 : ici
In bloom : chorégraphes Annabelle Loiseau, Pierre Bolo / danseurs et interprètes Abdeslam Mouhajir, Aida Boudriga, Gabriel Um Tegue, Clémentine Nirennold, Kevin Ferré, Patrick Flegeo, Andrege Bidiamambu, Florianne Leblanc, Annabelle Loiseau, Pierre Bolo / création lumière Véronique Hemberger / création musique Yvan Talbot / costumes Annabelle Loiseau
Crédit photo : Stéphane Tasse