Pourquoi Laura Marling a-t-elle toujours raison ? Semper Femina ! Parce que la musicienne anglaise est toujours, éternellement femme et continuellement créatrice de sa propre voie musicale. A vingt-sept ans, reine un jour, reine toujours d’une jouvence folk en perpétuelle réinvention, Laura Marling confirme à pleine voix une irrésistible ascension faite de persévérance mélodique, universelle parce qu’ultra-personnelle…
Impressionnante Laura Marling. C’est il y a dix ans, en 2007 qu’elle sort ses deux premiers EP. Elle n’a que vingt ans et ces compositions font déjà preuve d’une cinglante maturité. Rien d’usurpé dans cette allégation qu’on lit un peu trop souvent. Et si la facture de ces premières chansons est encore un peu classique, la voix et le chant posaient déjà les bases d’une approche puissamment personnelle, permettant de développer une liberté pleine d’originalité par rapport aux canons formels de la musique folk. C’est cette liberté que Laura Marling va cultiver et renforcer au fil de cinq albums qui chacun contiennent de véritables perles d’inventivité et de personnalité musicale.
À travers sa musique aussi sobre que sophistiquée, Laura Marling questionne depuis toujours la féminité et à travers elle l’humaine condition, ces choix et ses ratés, superficiels ou abyssaux. Elle a depuis bien longtemps éclaté les normes inclusives des genres, folk ou plus post-modernes « nus-folk » tout en en conservant certains des codes, de ceux qui font que la beauté puisse encore titiller le plus grand nombre malgré l’inventivité et la liberté. La présence et la fluidité de la voix et du chant de Laura Marling sont le fil d’acier de cet art insensé de l’équilibrisme musical auquel elle se livre. Semper femina est de cette trempe, nul doute que cet album suave et sauvage marquera l’un de acmés de sa carrière musicale. Passons sur l’anecdote rabattue de la phrase qui donne son titre à l’album, sentence tirée de Virgile et que la jeune femme aurait tatoué sur sa cuisse, pour en venir à sa mystérieuse substantifique moelle…
Moderne sorcière folk Laura Marling, nous entraîne au long des neuf titres de Semper Femina dans un fascinant cheminement à rebours. Avec une rare maîtrise des arrangements minimaux nous pénétrons dans la dense forêt boisée de cet album avec deux titres aux atours jazz country d’emblée dominés par une voix sinueuse et obstinée qui ne s’en laisse pas compter. Avant d’enchaîner sur une ballade aux fausses allures de folk song classique aux arrangements en constante tension avec le propos déterminé et direct servi par une voix aussi charmeuse que tranchante. Là réside tout l’art de Laura Marling… Cette incroyable et impénétrable précision entre apparente simplicité et redoutable complexité des compositions, cette beauté sauvage et contrôlée qui fait apparaître dans l’émouvante ballade Next time une guitare saturée doublant les accords tragiquement aiguisés des cordes classiques. L’envoûtement rudement sensuel s’affirme dans les deux titres qui clôturent l’album en retournement complet. Nouel basé uniquement sur la voix et la guitare de Laura Marling prend le contre-pied total des arrangements subtils et incroyablement justes des premiers titres très efficacement et sensiblement produits. On pourrait croire cette chanson (dans laquelle est utilisée la « fameuse phrase » semper femina) enregistrée « à l’arrache » dans une chambre… là où le monde entier peut basculer sur une intonation. Nothing, but nearly ne fait que confirmer en en rajoutant un peu, même tension sublimement urgente… La voix maîtrisant sa fragilité, une guitare électrique tend le propos et une batterie archaïque appuie l’urgence de la scansion, les imperfections, les frisés conservés confirment l’évanescence de l’émotion mieux encore que les arpèges terminaux aux accents médiévaux qui viennent soulignés la permanence du propos… We’ve not got long, you know, To bask in the afterglow, Once it’s gone it’s gone, Love waits for no one