Limitations de Vitesse, les limites d’une politique à la va-vite

Régulièrement, en France, les élus au pouvoir ressortent un projet d’abaissement des limitations de vitesse. Tantôt avec un argument sécuritaire, tantôt avec un argument environnemental. Mais rarement avec les bons arguments. De fait, la question de la vitesse sur la route est bien loin d’être aussi accidentogène que l’alcool ou les médicaments.

Actuellement, il y a 4 principales limitations de vitesse : 50 en ville, 90 sur route, 110 sur quatre-voies et 130 km/h sur autoroute. Elles ont été instituées en 1973 après des chiffres records de tués sur les routes. L’argument « anti gaspillage » de la crise pétrolière de 1974 aida à fixer cette nouvelle donne. Puis la limitation en ville tombe à 50 km/h en 1990 dans les agglomérations.

radar-mobile-300x209Qu’en est-il chez les autres ? Aux États-Unis, les vitesses vont de 105 à 130 km/h sur autoroute et de 56 à 72 km/h ailleurs. En Europe, en dehors des pays à fort enneigement, la vitesse sur autoroute est de 120 à 130Km/h et de 80 à 100 km/h sur route. La France se situe dans une position médiane. Pourtant, les chiffres d’accidents ne sont pas du tout dans cette moyenne. En fait, la rigueur exige de tenir compte des kilomètres parcourus et de la densité du réseau. Dès lors, les chiffres des accidents sont très différents.

Les Radars, argument économique

Qui dit limitation de vitesse, dit radar et, donc, amendes. Baisser la limitation aurait pour effet de hausser, temporairement, le nombre d’amendes et de faire baisser la vitesse globale du réseau pendant un temps. Au début de l’installation des radars automatiques sur le périphérique parisien, les conducteurs ne connaissaient pas leur positionnement : la circulation se fluidifia soudainement pendant quelques mois avec toutes les voies à 70 km/h. Mais rapidement on vit un comportement se généraliser : ralentissement brusque à l’approche de la zone de radar. Avec les avertisseurs et GPS, c’est devenu une habitude. Aujourd’hui, les autorités enregistrent un tassement progressif de l’amélioration des chiffres malgré une progression exponentielle du nombre de radars. Nous sommes bien loin des -20 % de tués en 2003 au début de cette politique. Il a fallu rebondir encore une fois. Le radar embarqué mesure dans les 2 sens de circulation. Les métrologues légaux doivent être bien gênés pour vérifier la conformité de tels appareillages…

L’argument Accident

limitations_de_vitesseUn comité d’expert vient d’annoncer une amélioration de 5 % due à la seule baisse à 80 km/h de la vitesse sur route. Une estimation qui se base sur la diminution  de la distance de freinage, sur l’énergie à dissiper dans le choc qui serait moindre et sur les statistiques d’accident sur route. Les deux premiers arguments sont des évidences qu’il convient toutefois de rappeler. Mais la vitesse comme cause racine de l’accident n’est que rarement avérée. Entre les conditions de trafic, la météo, l’état du réseau et une limitation inadaptée, en plus de l’alcoolémie, la consommation de drogue, la surcharge d’un véhicule, la fatigue – la vitesse intervient seulement comme facteur aggravant. Mais la baisse de la vitesse n’aurait pas toujours d’influence dans tous ces cas où le conducteur a perdu conscience du danger qu’il prend.

« Il n’est pas rare de voir les limites de vitesse de 110 km/h sur autoroute en conditions pluvieuses, bafouées par la majorité alors que la visibilité n’excède parfois pas vingt mètres ou qu’il y a de nombreuses cuvettes comme celles de l’A13. Et pour certains, ça se termine dans le rail de sécurité ».

L’argument Consommation-Environnement

Toucher au porte-monnaie du conducteur est plus intéressant. L’environnement n’est pas un argument valable pour l’achat de véhicules plus « propres » alors que par des primes et une baisse de la consommation, le consommateur-conducteur se sent plus motivé. Baisser la vitesse à 80 km/h sur route aura un effet sur la consommation des véhicules, mais pas forcément un effet sur le rejet de polluants. En effet, et cela serait plus sensible en ville, certains polluants augmentent à vitesse basse tandis que d’autres diminuent. Si la vitesse moyenne en agglomération dense est proche de 30 km/h, elle est très hétérogène et masque des variations de régime, des démarrages qui vont fortement influencer consommation et pollution. Baisser à 30 km/h diminuera la zone d’utilisation 30-50km/h et paradoxalement se rapprocherait du cycle de consommation normalisé actuel, celui-là même qui aboutit à des consommations théoriques loin des réalités. Les très nocifs NOx sont plus présents sur la zone inférieure à 50 km/h surtout sur les poids lourds.

Les NOx en fonction de la vitesse

Sur les automobiles, même s’il y a réduction sur les tout derniers modèles, les basses vitesses sont néfastes sur les diesels qui correspondent encore à 70 % du parc français. Mais dans les véhicules essence, les émissions sont plus dépendantes de la vitesse ; ce qui pourrait justifier les limitations si cela allait avec une véritable politique environnementale. Par contre la consommation en ville et les émissions de CO2 de ces mêmes moteurs essence en ville sont à l’inverse, à moins qu’ils soient dotés d’une hybridation électrique. Les hybrides et électriques sont  très avantageuses dans ces domaines d’utilisation, à condition d’en comprendre le mode de fonctionnement.

NOx sur les automobiles

Sur les particules, le constat est assez similaire avec les problèmes que connaissent aussi les diesels pour le nettoyage des filtres à particule dans une utilisation exclusivement urbaine. Là encore, avantage essence, mais les prochaines normes rapprocheront aussi les deux courbes. La pratique criminelle et marginale du « défappage » (suppression du filtre à particule pour éviter son encrassement) devrait faire l’objet d’un contrôle réglementaire lors du contrôle technique, si l’environnement faisait vraiment partie des priorités de l’actuel gouvernement.

Un problème de respect des règles

partic

Le mal français derrière la limitation de vitesse tient pour beaucoup à cette propension à ne pas respecter les règles établies. Ainsi les carrefours des villes sont souvent bloqués parce que les conducteurs s’engagent sans pouvoir traverser le carrefour – chose que l’on rencontre rarement dans les pays nordiques ou outre-Rhin. Le conducteur qui dépasse la vitesse-limite, outre l’ivresse de la vitesse, croit qu’il gagne beaucoup de temps. Mais les parcours sur route sont souvent moins longs et ces 10 km/h de moins que serait la limitation à 80 km/h ne représenteraient pas un allongement du temps de parcours conséquent pour le conducteur. Ainsi gagne-t-on à peine 4 minutes sur un parcours de 50 km entre 80 et 90 km/h de vitesse moyenne. En réalité, le gain n’est pas si véritable, car la vitesse moyenne n’aura pas une différence de 10 km/h avec les ronds-points, feux tricolores et autres obstacles de trafic.

Les véhicules étant de plus en plus sûrs, il y a un sentiment de toute-puissance et une perte de conscience de la vitesse réelle du véhicule. Sur les derniers modèles de milieu et haut de gamme, le conducteur a l’impression de se trainer à 90 km/h ou même à 130 km/h parfois, le confort étant sans commune mesure avec ce que l’on rencontrait il y a 20 ans. Les véhicules sont aussi plus lourds et donc toujours aussi longs à freiner, car il y a plus d’énergie à dissiper. L’ABS ne raccourcit pas le freinage contrairement à la croyance populaire et les distances de sécurité ont toujours leur raison d’être. Pourtant, elles sont de moins en moins respectées à cause de ce sentiment de sécurité.

Le problème de la limitation de vitesse est un faux problème monté en épingle, mais qui cache bien des problématiques. Sur le principe pris par les experts (experts accidentologues ?), il faudrait cesser de rouler pour ne pas avoir d’accident ce qui est incompatible avec nos modes de vie. D’autres éléments ont été aussi mis en avant comme la protection par des rambardes de sécurité. L’oubli de la signalisation au sol est toujours symptomatique de la politique française en matière de sécurité routière. Le mauvais positionnement des feux tricolores est aussi à signaler par rapport au système américain. Il suffit de rouler à Paris et dans d’autres capitales européennes pour s’apercevoir des différences. Une convergence vers les meilleures pratiques de chacun aurait un grand intérêt, sans négliger l’aspect formation. Mais là, nous dépassons la sécurité routière pour aborder le civisme. Les lecteurs d’Unidivers auront certainement des avis et témoignages à faire valoir pour améliorer la sécurité par des solutions souvent évidentes et moins couteuses qu’une nouvelle salve de radars. Avec surtout, un effet plus durable!

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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