Samedi aux Vieilles Charrues 2015 : la soirée fut-elle trop électronique avec Aurora, Biglo, Oli Calogero, Fritz Kalkbrenner, Oxmo Puccino, SBTRKT, The Shoes, Thylacine, Tony Allen, Calogero et The Prodigy ?
La jeunesse en force
La jeune chanteuse norvégienne Aurora a ouvert le bal en ce troisième jour. Forte des singles qu’elle a publiés jusqu’ici, et des nouveaux morceaux qu’elle présentait sur la scène Kerouac, elle a livré une performance véritablement habitée et touchante, achevant son concert en larmes, manifestement bouleversée par cette expérience. Parmi les jolies découvertes, on retiendra également la pop lumineuse et mélancolique d’Isaac Delusion, que l’on a retrouvée sur la scène Grall à partir de 20h10, ou encore le rock fougueux et vintage des Strypes, groupe dont la moyenne d’âge est de 17 ans.
Dans un de ses titres les plus célèbres, le duo rap Bigflo et Oli chante « J’suis pas un gangsta ». Leur concert, programmé à 16 h 50 sur la scène Grall, a confirmé cette volonté de démystifier le rap pour le rendre accessible au plus grand nombre : « C’est pas du rap, c’est de la musique! », ont-ils également clamé. Là où la plupart des rappeurs célèbres utilisent un langage crypté et uniforme porté vers ce que l’on nomme aujourd’hui l’ego-trip, Bigflo et Oli usent d’ne sincérité presque désarmante. Leur musique recèle un potentiel pop qui prend toute son ampleur en concert, lorsque les hordes d’adolescents et de jeunes adultes présents dans les premiers rangs reprennent en coeur les refrains du duo. Certains répliqueront que la machine est plus huilée qu’il n’y paraît : on remarque d’ailleurs que lesdits « freestyles » expédiés à toute allure par les deux rappeurs n’en ont en fait que le nom, puisqu’on peut les trouver sur Internet depuis plusieurs mois.
La fin du concert, lors de laquelle Bigflo a fait répéter en boucle le nom de l’album du duo à la foule (La Cour des Grands, soit dit en passant), avant de les encourager à le « choper », a pris un tour mercantile légèrement embarrassant. Mais qu’importe ? On préférera voir dans ce concert imparfait mais terriblement dynamique une promesse d’avenir. Bigflo et Oli ont manifestement le potentiel pour endosser un rôle important dans le rap français de demain.
Des concerts électro de qualité
Thylacine, jeune artiste électro que nous avons eu le privilège de rencontrer pour un entretien que nous publierons prochainement, a quant à lui proposé un concert original et planant sur la scène Grall, à partir de 18 h 30. Profitant de sa formation classique, il n’a pas hésité à faire plusieurs fois usage de son saxophone, que l’on a pu entendre sur certaines de ses dernières compositions.
Très aérienne, la musique de Thylacine a rapidement fait décoller la foule, sur fond de basses puissantes, comme sur la version allongée d’« Obsession » qu’il a proposée, et qui restera un des moments les plus forts du festival.
Au rang des bonnes surprises de la soirée, figure le concert de SBTRKT, qui a débuté à 23h45 sur la scène Kerouac. Alors qu’on pouvait s’attendre à une performance difficilement accessible, comme le deuxième album du projet d’Aaron Jerome faisait place à des expérimentations nouvelles, les efforts mis en œuvre par ce dernier et ces musiciens leur ont permis de réaliser un live nocturne de haute volée. Très communicative, la tête à penser de SBTRKT a régulièrement adressé quelques mots au public, avec un enthousiasme manifeste. Ses morceaux à la fois rythmés et apaisants, comme le très beau « Hold On », ont séduit une foule qui découvrait sans doute en bonne partie les morceaux joués.
Pour finir la soirée, l’Allemand Fritz Kalkbrenner a créé une atmosphère paisible sur la scène Grall, avec sa musique électronique nourrie de jazz et de soul.
Oxmo toujours imprévisible
Dans le même temps, Oxmo Puccino et Tony Allen (Damon Albarn ne les a finalement accompagnés que pour quelques morceaux) dévoilaient leur collaboration sur la scène Kerouac. La musique afrobeat de Tony Allen s’est bien adaptée aux textes poétiques du rappeur, dans une ambiance estivale qui semblait nier les nuages faisant le siège du site de Kerampuilh.
Calogero et The Prodigy incapables de nous séduire sur la scène Glenmor
Calogero, sans surprise, n’est pas parvenu à nous convaincre. Ses ballades remplies de sentiments dégoulinants, et accompagnés sans finesse au niveau instrumental, peinent à s’imposer sur scène, et se révèlent réservées à un public de fans.
Le lendemain du concert des Chemical Brothers, la programmation faisait une nouvelle fois la part belle à l’électro des années 90, avec The Prodigy. Nous avons rapidement été déçus par le concert que nous a proposé le groupe britannique. En cause, l’utilisation outrancière de percussions saturées et d’effets de lumières stroboscopiques, qui donnaient l’impression d’assister à une rave-party survitaminée plutôt qu’à un concert de musique.
Nous avons donc préféré assister à la fin du concert de The Shoes. Le duo électro-rock français a enflammé la scène Grall, avec la légèreté qu’on lui connaît, mettant l’accent sur les racines dance de sa musique pour proposer un live enjoué et séduisant
Cette journée du samedi a montré à quel point la programmation du festival des Vieilles Charrues ne cessait de s’étoffer en matière d’électro, à la fois en termes qualitatifs et en termes quantitatifs. On peut se demander si cette évolution ne se fait pas au détriment du rock, dont les dignes représentants furent très rares cette année à Carhaix.