C’est une scène digne d’un film des frères Coen version anatolienne. Le 18 avril dernier, la police turque de la ville de Lice (sud-est du pays) a eu une idée pour le moins… enfumée. Pour envoyer un « message fort » aux trafiquants, elle a choisi de détruire 20 tonnes de cannabis et 200 litres d’essence en les brûlant sur place. Sauf que « sur place », c’était littéralement au milieu de la ville. Résultat ? Une partie des 25 000 habitants a vécu une expérience sensorielle non sollicitée — étourdissements, nausées, hallucinations et rires nerveux compris. Quand la guerre contre la drogue tourne au trip collectif…
Un gigantesque brasier psychotrope
Selon les autorités et Samaa TV, l’opération visait à frapper les esprits. Mission accomplie. Le gigantesque feu de joie a fait plus que marquer les consciences : il a diffusé dans l’atmosphère de la ville une épaisse fumée chargée de THC. Des dizaines de riverains se sont retrouvés à l’hôpital, tandis que d’autres se contentaient de… contempler les nuages. L’ironie ne s’arrête pas là. D’après plusieurs témoins, les policiers auraient formé, avec les ballots de marijuana, le mot LICE au sol avant d’y mettre le feu. Une manière de signer leur œuvre ? Ou de graver dans l’histoire locale le premier happening anti-drogue qui finit en trip collectif ?
Un “incident” qui fait tousser Ankara
L’affaire fait désordre. D’autant plus que les vidéos du bûcher vert ont rapidement tourné sur les réseaux sociaux, en déclenchant moqueries, détournements et indignations. Certains internautes comparent la scène à une opération de hotboxing géante. D’autres s’interrogent : « Et si c’était volontaire ? Une tentative de réconciliation entre forces de l’ordre et population par le rire, la détente, et une soudaine envie de chips ? » Les autorités turques, elles, préfèrent parler de « malheureux incident ». Une enquête a été ouverte pour déterminer pourquoi la destruction n’a pas été opérée en zone sécurisée, comme le prévoient normalement les protocoles. Les premiers éléments font état d’une “erreur d’appréciation logistique”. Traduction : ils ne s’attendaient pas à ce que 20 tonnes, ça fume autant.
Quand la répression plane un peu trop haut
Lice est connue comme un point chaud du trafic de cannabis en Turquie, souvent lié aux tensions avec les groupes kurdes armés. La saisie massive visait donc autant à frapper les réseaux qu’à redorer l’image sécuritaire de l’État. Mais en mêlant message de fermeté et parfum de skunk, l’opération s’est transformée en séquence virale… et virale dans tous les sens du terme. Entre le burlesque involontaire et le fiasco sanitaire, cet épisode soulève aussi une question sérieuse : comment les États entendent-ils lutter contre le narcotrafic sans en faire les frais eux-mêmes ? Et surtout, comment éviter qu’un geste d’intimidation se transforme en feu d’artifice planant à l’échelle municipale ?
Moralité ? Si vous passez par Lice, ouvrez grand les fenêtres. Ou refermez-les très vite. Tout dépend de ce que vous avez prévu pour l’après-midi.