L’actualité d’Alela Diane, musicienne et chanteuse américaine, a été marquée par deux évènements importants : son dernier album Cusp était sorti en février dernier sur son label AllPoints. Ce dernier vient également de rééditer The Pirate’s Gospel, son premier disque qui l’a révélé au grand public il y a maintenant 10 ans. Elle a débuté une tournée européenne qui fait escale le 8 novembre à l’Étage de Rennes.
La vie d’Alela Menig, plus connue sous le nom d’Alela Diane, a été bercée très tôt par la musique. Née en 1983 à Nevada City en Californie, elle reçut son éducation artistique par l’intermédiaire de ses parents, également musiciens. Sa mère, Miranda, est une artiste passionnée des musiques traditionnelles mexicaines et qui s’était auparavant illustrée dans le bluegrass. Son père, Tom, est également influencé par ce même style et a joué pendant un temps dans la même formation que son épouse, alors qu’Alela était encore enfant. Ils lui ont ainsi donné très tôt le goût des répertoires folk et c’est probablement forte de cette éducation musicale qu’elle a choisi d’orienter sa musique vers cette esthétique. Elle sortit tout d’abord en 2003 un premier album autoproduit, intitulé Forest Parade. Il fut suivi par la réalisation en 2004 de The Pirate’s Gospel, qui sortit 2 ans plus tard sous le label Holocene Music. Finalement édité en 2007 par Fargo Records, il lança la carrière d’Alela Diane, laquelle se poursuit actuellement avec succès.
Après cinq autres albums, dont un EP en duo avec Alina Hardin, elle a sorti le 9 février dernier Cusp, à l’ambiance élégante et éthérée. Ce dernier semble marqué par un nouveau regard que porte Alela Diane sur le monde et dont l’origine remonterait à la naissance l’année passée de sa seconde fille. Elle a effectivement confié avoir frôlé la mort lors de l’accouchement. Ainsi, le titre Cusp renvoie à la condition humaine, qui serait toujours en proie au danger. C’est probablement la raison pour laquelle elle a composé la chanson Song For Sandy, à la mémoire de la chanteuse folk britannique Sandy Denny, décédée prématurément à 31 ans peu après la naissance de sa propre fille.
La première chose que l’on constate en écoutant Cusp, c’est que la voix d’Alela Diane semble avoir acquis une douceur supplémentaire, avec plus de subtilités dans la gestion de l’intensité qu’à ses débuts et qui rendent sa voix encore plus délicieuse. De plus, l’instrumentation est davantage polarisée sur les délicates parties de piano que sur le jeu de guitare dont l’artiste s’était fait jusque là la spécialité. Il faut dire que l’accident qu’elle a subi à l’ongle au début des sessions de cet album l’a amené à composer au piano, d’une manière très différente par rapport à ses albums précédents. On perçoit notamment cet aspect dès les premières notes et accords de Albatross, la première chanson de l’album qui traite de sa difficulté à s’éloigner de sa fille pendant ses tournées. Toutefois, elle n’a pas abandonné pour autant son jeu de guitare, présent sur certaines chansons de l’album. Ce même jeu structure ainsi des compositions comme The Threshold dans laquelle il semble adopter des rythmes en contretemps proches de ceux de la bossa nova brésilienne. Dans Never Easy, traitant des relations complexes d’Alela Diane avec sa mère, les accords plaqués de septièmes évoquent davantage le style de Neil Young, l’un des artistes de folk les plus renommés et qui constitue une influence majeure pour l’artiste. De même, ces chansons bénéficient d’arrangements élaborés, dont certains sont réalisés par Ryan Francesconi, avec lequel Alela Diane avait déjà collaboré en 2015 sur un album duo. Cette dimension folk et orchestrale, planante à certains égards et caractérisée par un contrepoint élaboré, la rapproche également d’artistes comme Nick Drake. Cette autre influence de la musicienne avait effectivement suivi une démarche similaire dans son album Five Leaves Left de 1969.
Le 26 octobre a été marqué par la sortie d’une nouvelle version de The Pirate’s Gospel, le premier album d’Alela Diane qui soit connu du grand public. Enregistré à l’origine dans le studio de son père puis sorti par la maison de disques Fargo Records, il est aujourd’hui réédité chez AllPoints et enrichi de 10 titres inédits. Parmi ces compositions, figure notamment Blackberry, caractérisée par une harmonie majeure et une instrumentation assez enjouée. Dans cet album, le timbre vocal d’Alela Diane semble davantage tendre vers une déclamation passionnée, qui évite cependant de s’emporter dans les débordements de passions. Sa voix y est ainsi plutôt éclatante et fait entendre par moments un vibrato délicat, contrastant avec la sonorité plus douce de son jeu à la guitare acoustique. Elle résonne ainsi de façon particulière et légèrement différente de la vocalité qu’elle exploite sur son dernier album. D’une manière générale, son jeu de guitare est fidèle aux principaux éléments des répertoires folks : pour une part des chansons, elle emploie un picking bien maîtrisé et dont les basses résonnent, ainsi que des arpèges presque hypnotiques.
En redécouvrant ce premier opus dans sa version augmentée, on constate également que l’interprétation d’Alela Diane est généralement passionnée, voire parfois tourmentée. Par moments, elle semble même prendre des aspects « fantomatiques », teneur qui est renforcée par la légère réverbération du son que l’on perçoit dans ces chansons. Cette esthétique musicale comporte aussi certains moments de mélancolie, dans une approche qui paraît parfois sombre, presque proche de celle de certaines chansons de Leonard Cohen. Ainsi, la première chanson Tired Feet est construite sur un jeu épuré de guitare en tonalité mineure et la mélodie vocale presque plaintive et répétitive d’Alela Diane. Mais d’autres chansons, au contraire, sont articulées sur des rythmes plus entraînants, comme par exemple dans la chanson titre, The Pirate’s Gospel. De même, la tendresse y est également présente à travers Oh ! My Mama, composition que l’artiste a dédiée à sa mère.
C’est dans ce double contexte et dans le cadre de sa tournée européenne automnale qu’Alela Diane donnera un concert sur la scène de l’Étage, le jeudi 8 novembre. Accompagnée d’un trio de musiciennes, elle nous fera le plaisir d’interpréter de nombreuses chansons issues de The Pirate’s Gospel qu’elle a retravaillé pour l’occasion avec son groupe, ainsi que quelques-unes de ses nouvelles chansons. En attendant sa venue à Rennes, il n’y a plus qu’à se replonger dans ses albums pour se laisser envoûter par sa musique et sa belle voix claire.
Alela Diane sera en concert à L’Étage de Rennes le 8 novembre 2018, dans le cadre de sa tournée européenne.
Une nouvelle édition Deluxe de son premier album « The Pirate’s Gospel » est parue le 26 octobre chez AllPoints. Son dernier opus « Cusp », sorti le 9 février 2018, est toujours disponible sur le même label.