La BD Speed ball, paru aux éditions Sarbacane, mise en image par Étienne Gerin et racontée par Florian Pigé, vous embringue dans une course folle aux côtés de Graham Parson, star de baseball déchu. Il est prêt à tout pour retrouver sa vie d’avant et même à vendre son âme au diable s’il le faut… Laissez-vous tenter par un road trip au cœur des États-Unis des années 70. Embarquez avec des fous furieux, roulez et ouvrez les yeux, ça va décoiffer !
Il n’est pas bien glorieux Graham Parson. Ancienne star sportive, il est obligé pour gagner sa vie et acheter sa coke de passer du Baseball au Baiseball. Avec beaucoup moins de réussite, voyez vous, car en perdant sa notoriété Graham a aussi perdu de sa … Pas besoin de vous faire un dessin. Ou plutôt si, laissons Étienne Gerin vous montrer. Il va vous expliquer et en quelques traits nous immerger dans les années soixante dix. Ces années hippies, ces années aux pantalons patte d’eph, aux chevelures improbables, aux films pornos innombrables. Mais l’ancien joueur des Redskins, adulé à Nashville, les vit mal ces années de descente aux enfers. Heureusement, deux acteurs pornos, [fans du travail d’X-pert de Parson], vont le prendre sous leurs ailes, ou plutôt l’emmener dans la Cadillac du producteur pour un road movie d’enfer. Pas vraiment des lumières ces deux caïds mais ils sont prêts à tout pour aider le pauvre Parson. Il faut dire qu’il est dans une sacrée panade. Divorcé, il ne sait pas où sont sa femme et son fils. C’est alors qu’une étrange créature apparaît dans sa loge et lui propose de lui révéler à une condition : tuer quatre personnes qui lui seront désignées. Pas de doute, le joueur déclassé est bien victime du célèbre mythe de Faust, ce pacte passé avec le diable à qui l’on vend son âme contre une récompense choisie.
Les voilà parti sur les routes américaines de New-York à Colombus. En route, dans ces années psychédéliques, ils croisent pas mal de tarés, entre descendants de Jésus, psychopathe et autres flics pervers dont celui qui a enquêté sur la tuerie de Charles Manson. Et même le célèbre Jeffrey Dahmer, si ressemblant que Derf Backderf immortalisa dans sa BD Mon ami Dahmer. Alors bien entendu il y a beaucoup d’hémoglobine, bien rouge, bien écarlate pour bien colorer des planches à dessin, à défaut de planches de bouchers. Ces coulures sanguinolentes sont autant là pour le plaisir des yeux que pour l’intrigue. On est dans l’ambiance de ces années vouées aux paradis artificiels, ces années aux papiers peints à fleurs des salles à manger de l’époque, ceux qui donnaient envie de vomir quand vous sortiez de table.
Le récit va vite, il est mené tambour battant en douze chapitres. Tiens… comme les douze apôtres. Il ne manque plus que la bande son mais les onomatopées, les Drwin, le Scratch et les Blam suffisent à l’affaire. Du rythme, du rythme, dessins, textes syncopés, tout est fait pour vous inciter à tourner les pages dans une lecture frénétique à l’image des mésaventures du pauvre Parson.
Mais tout cela serait vain si ne se posait la question existentielle essentielle : Parson va t-il obéir au Diable ou au contraire renoncer à tuer pour sauver son âme ? Pour répondre à cette question, il faudra lire ces 240 pages haletantes qui vous font traverser l’Amérique et les mythes des 70’s. Ces années où les rêves semblaient permis mais aussi où le fric était roi, le sexe une valeur cardinale et la défonce, un synonyme du bonheur.
Ce plaisir de lecture on devine que Florian Pigé, le scénariste, et Étienne Gerin, le dessinateur l’ont eu tout au long de la réalisation de l’ouvrage. Mélange de fantastique qui permet toutes les audaces graphiques, de polar, de sexe et de drogue, voici un album rock’n’roll qui éblouit par ses couleurs et son originalité. Speed Ball ne ressemble en effet à rien d’autres si ce n’est à tous les albums de qualité.
Une dernière précision : vous aurez le droit à un peu de repos à la fin de la lecture, pour vous permettre de reprendre votre souffle et éviter l’infarctus… Ce serait dommage.