À la Galerie Le Carré d’Art de Chartres de Bretagne, l’exposition Burke + Norfolk, Photographs from the War in Afghanistan dialogue à 130 ans d’intervalle du 10 novembre au 11 janvier 2017. Entrée libre. Présentation à l’avenant.
Après avoir conquis le public de la Tate Modern de Londres en 2011, c’est à la Galerie Le Carré d’Art à Chartres de Bretagne que s’est installée l’exposition Burke + Norfolk , Photographs from the War in Afghanistan. Ce projet original de collaboration entre deux photographes à 130 ans d’intervalle fournit un précieux témoignage sur l’Afghanistan.
Simon Norfolk est un photographe de renommée internationale ayant reçu des prix prestigieux tels que le Prix Pictet en 2013 ou encore le World Press Photo en 2001 et 2012. Pour autant, la collaboration entre l’artiste britannique et la galerie s’est révélée assez simple. En effet, il aura suffi à Delphine Dauphy, conseillère artistique au Carré d’Art, d’envoyer un mail à l’artiste pour obtenir une réponse favorable. Collaboration qui sera par ailleurs facilitée par l’accessibilité du photographe.
Ce projet « Burke + Norfolk », conçu comme une collaboration artistique à travers les siècles, germe dans l’esprit de Norfolk après la découverte d’un des albums de John Burke (1843-1900). Ce dernier est un photographe de guerre irlandais dont la personnalité reste auréolée d’un grand mystère. Nous ne possédons aucune représentation de lui, aucun écrit. Ses photographies de la seconde Guerre anglo-afghane (1878-1880) constituent le premier « reportage » réalisé en Afghanistan. Burke travaillait en tant que photographe officiel pour la British Army.
Simon Norfolk est spécialisé dans la photographie de paysage. Il développe son œuvre photographique autour de la notion de champ de bataille. Norfolk a notamment travaillé sur la guerre en Bosnie dans les années 1990 ou encore la guerre en Irak. Pour la première fois depuis 10 ans, Norfolk, animé par sa fascination pour l’œuvre de Burke, retourne à Kaboul pour suivre ses traces. En octobre 2010, commence alors une série de photographies où il essaie de comprendre et de travailler à partir du regard de Burke. Ses photographies semblent ainsi répondre à la question : qu’est-ce que Burke aurait photographié aujourd’hui en Afghanistan ?
Dans Burke + Norfolk, 57 photographies de Norfolk et Burke sont ainsi réunies dans une scénographie soignée où les œuvres entrent en résonance. À travers ce jeu d’échos, l’Afghanistan apparaît comme un pays dont l’histoire est jalonnée par la guerre, une guerre dont les stigmates sont omniprésents. L’exposition accentue le caractère cyclique de l’histoire du pays puisqu’à l’impérialisme britannique succèdera l’impérialisme américain. Norfolk compare son travail à celui de l’archéologue, celui de révéler les strates historiques. La photographie est pour lui « une machine à remonter le temps ». Cette vision résulte certainement de ses photographies réalisées sur des sites archéologiques pour le National Geographic.
Loin de la propagande médiatique dictée par les gouvernements, Norfolk place son objectif du côté de la population. Une vidéo présentée dans l’exposition permet d’appréhender son travail sur le terrain. Les photographies de Norfolk se distinguent par leur lumière bleutée. L’artiste prend le parti de réaliser ses clichés à l’aurore et au coucher du soleil, obtenant une lumière reflétant selon lui son désenchantement, sa tristesse, mais aussi sa colère.
Les photographies de Burke + Norfolk ont pour dénominateur commun de souligner la manière dont la présence occidentale et la guerre ont façonné les paysages et la société afghane. Les infrastructures militaires américaines prennent l’apparence de villes dans la ville. Les édifices en ruine soulignent quant à eux la perte d’une richesse culturelle. Le palais de Darulaman en est le triste exemple, édifice dont le nom signifie pourtant demeure de la paix… Contraste des plus saisissants aussi entre les squelettes des immeubles et l’internet café à Herat ou encore le restaurant Pizza Express à Kaboul. Ces architectures qui reprennent parfois les codes de Bollywood, de Dubaï, aux allures surfaites, montrent à quel point le pays est aussi soumis aux influences de la mondialisation et des modes de vie occidentaux. Les États-Unis en tirant évidemment des intérêts économiques. Les guerres ont également entraîné des déplacements de populations tentant de fuir les combats opposants les talibans à l’OTAN. Les kuchis qui sont des éleveurs nomades de troupeaux de chameaux et de moutons ont ainsi vu leur mode de vie bouleversé par les bombardements par l’OTAN de leur zone de pâturage.
Une partie de l’exposition Burke + Norfolk est également consacrée aux portraits de groupe. Ces derniers sont l’occasion de s’attarder sur la technique de Burke. Le photographe utilise la technique du collodion humide, particulièrement sensible au bleu-violet et au contraire insensible au rouge. Cela explique le rendu des ciels blancs. Cette technique va aussi avoir pour effet d’accentuer le contraste entre les visages blancs des officiels Britanniques et les visages noirs des afghans. Norfolk va utiliser une technique numérique pour enlever le vert et le rouge et pour laisser la sensibilité au bleu-violet afin d’obtenir les mêmes effets que Burke. Il reprend aussi le tapis utilisé dans la mise en scène des portraits. Une photographie de démineurs en miroir avec celle de laboureurs se tenant derrière des propriétaires terriens offrent également un contrepoint subtil entre les détecteurs de métaux et les pelles.