Dans son nouveau film Loving Jeff Nichols, jeune cinéaste prodige du cinéma américain indépendant, revisite un événement historique : l’affaire Loving contre l’État de Virginie. Objectif : évoquer non seulement les lois raciales mais la puissance de l’amour (de Richard et Mildred Loving) face aux décrets d’une société injuste. Le film Loving était sélectionné à raison au Festival de Cannes 2016.
Loving, parce que le film de Jeff Nichols est une histoire d’amour. Loving, car c’est aussi le nom des protagonistes, Richard et Mildred Loving. L’histoire, basée sur des faits réels, commence en 1958 dans l’État américain de Virginie. Milfred Jeter, une femme noire, et Richard Loving, un homme blanc, décident de se marier dans le district voisin de Columbia pour contourner une loi qui interdit les mariages interraciaux. Ils sont, à leur retour, inculpés pour avoir violé la loi et contraints à un exil de 25 ans en dehors de leur État. Avec ce nouveau film, Jeff Nichols, jeune prodige du cinéma américain indépendant, confirme son immense talent. En sismographe, il ne cesse d’enregistrer, en filigrane, les contradictions des États-Unis, et d’en filmer l’incroyable géographie.
Le film Loving donne à voir un épisode célèbre de l’histoire des États-Unis : l’arrêt rendu par la Cour Suprême le 12 juin 1967 dans le cadre de l’affaire « Loving contre l’État de Virginie ». La décision, prise à l’unanimité, invalidera la loi interdisant les mariages interraciaux. Loving – littéralement, l’amour – est-il pour autant un film historique ou un biopic ? Le geste de son réalisateur, Jeff Nichols, consiste précisément à n’en faire qu’une histoire d’amour. La grande Histoire n’apparaît qu’en arrière-plan, au bout du téléphone ou sur l’écran des télévisions. Jeff Nichols aurait pu, comme souvent, faire de cette histoire une hagiographie mélodramatique : il préfère, en toute subtilité, et au risque d’ôter au film son caractère purement divertissant, filmer d’abord une romance simple, quotidienne, évidente.
Amour en noir et blanc certes, mais filmer en couleurs ! Le film Loving mise sur une poésie de l’intime et des corps. Il paraît proprement impossible de comprendre l’interdiction d’une telle union. Les deux acteurs, Joel Edgerton et Ruth Negga, sont impressionnants de justesse. Particulièrement le premier dans le rôle de Richard Loving : son caractère terrien, dépassé par les événements, mais toujours fidèle à son amour, campe à merveille ce personnage humble. Les deux protagonistes semblent toujours pris, dans le jeu des champs et contrechamps, à la fois dans une union inséparable et dans une machination qui tendent à les arracher l’un à l’autre. Comme dans son précédent film Take Shelter, Jeff Nichols saisit une atmosphère de catastrophe imminente. Et au passage, ressaisit la société américaine : si Take Shelter portait avec l’angoisse un monde post-11 septembre, comment ne pas voir dans le film Loving, avant l’heure, une œuvre des années Trump ? L’éthique de son cinéma, Jeff Nichols en donne peut-être l’image avec ce photographe du magazine Life qui vient photographier le couple Loving dans son intimité : l’art et les manières de suspendre un instant dans sa justesse et sa simplicité.
Film Loving, un long-métrage américain de Jeff Nichols sorti le 15 février 2017, avec Joel Edgerton, Ruth Negga, Michael Shannon
Titre original : Loving
Réalisation : Jeff Nichols
Scénario : Jeff Nichols
Direction artistique : Chad Keith
Costumes : Erin Benach
Photographie : Adam Stone
Montage : Julie Monroe
Musique : David Wingo
Production : Nancy Buirski, Sarah Green, Colin Firth, Ged Doherty (en), Marc Turtletaub et Peter Saraf
Sociétés de production : Big Beach Films et Raindog Films
Sociétés de distribution : Focus Features (États-Unis)
Langue originale : anglais
Genre : drame
Durée : 123 minutes