Frédéric Lo et Peter Doherty sont invités au festival Dinard Opening le 6 août 2023. Le duo franco-anglais de musiciens y présentera son album paru l’année précédente, The Fantasy Life Of Poetry And Crime. Dans cet opus composé à Étretat entre deux confinements, les impeccables instrumentations pop orchestrales d’un homme de l’ombre de la musique française ressuscitent les intonations légendaires de l’enfant maudit du rock anglais.
Le festival Dinard Opening (Ille-et-Vilaine) s’est trouvé un parrain de choix cette année en la personne de Frédéric Lo. Le 6 août 2023, le musicien français s’y produira en compagnie de Peter Doherty, avec qui il défend l’album The Fantasy Life Of Poetry And Crime paru en mars 2022.
Est-il besoin de présenter Peter Doherty ? Chanteur et guitariste anglais, il fonde les groupes The Libertines en 1997 — qui reçoit le prix NME du meilleur groupe britannique en 2003 — puis Babyshambles, avant de se lancer en solo en 2009. Héraut de la dernière des roses anglaises, c’est un artiste à la réputation sulfureuse, coqueluche des tabloïds anglais, figure moderne du poète maudit aux excès bien connus. Installé depuis quelques années à Étretat en Normandie, le barde anglais se refait une santé. En 2019, il y enregistrait un album avec une nouvelle formation, Peter Doherty And The Puta Madres, qui reçoit un accueil mitigé.
Frédéric Lo est certainement moins connu du grand public. Pourtant, ce musicien, auteur-compositeur-interprète et producteur livre un travail de fond sur la scène musicale française. Après deux albums solos à la fin des années 1990, il entame une collaboration durable avec Daniel Darc, composant notamment Crèvecœur, album révélation des Victoires de la musique 2005. On le retrouvera également à la composition d’albums ou de morceaux d’Alex Beaupain, Cali, Florent Pagny, Maxime Le Forestier, Alain Chamfort, Pony Pony Run Run et bien d’autres. En toute humilité, il a choisi cette voie à l’ombre des grands noms de la chanson française actuelle. « Je ne fais pas de hiérarchie dans le succès d’un album. Pour moi, Keith Richards est aussi important que Mick Jagger. J’adore John Cale du Velvet Underground, il a fait plein d’albums tout seul, mais le grand public ne le connaît pas », explique-t-il.
En 2020, Frédéric Lo travaille à la confection d’un disque hommage à son complice de longue date, Daniel Darc, décédé en 2013. Les deux amateurs de pop et de rock anglais avaient beaucoup apprécié l’album solo de Peter Doherty, et Frédéric décide donc de proposer à la vedette anglaise d’interpréter une chanson du rockeur français. « Ils ont en commun une hyper émotivité, et d’être à la fois des chanteurs et des poètes », justifie Frédéric.
« J’ai rencontré Peter il y a une dizaine d’années quand il enregistrait un album des Babyshambles dans un studio à Paris. J’y avais une cabine, on se croisait tous les jours, on se parlait comme deux personnes qui travaillent au même endroit », raconte le compositeur. « Je suis allé le voir à Étretat. On a discuté, à un moment donné il me tend une guitare. Je lui ai joué la chanson que je voulais qu’il reprenne. Ça lui a tout de suite plu. Il a sorti les bières, on a discuté toute l’après-midi, j’ai continué à jouer des morceaux. Là, il m’a expliqué qu’il était dans un moment où il avait du mal à créer, qu’il écrit un peu de poésie mais qu’il est assez éloigné de sa guitare. Je suis revenu la semaine d’après pour enregistrer le morceau. Tout se passe très bien. Et Peter me propose de continuer à travailler ensemble », poursuit-il.
« J’avais installé mon studio mobile dans une maison qu’on me prêtait à Étretat, dans la bibliothèque, magnifique. Au lieu de rester trois jours, je suis resté deux mois », annonce Frédéric Lo. Dans cette vénérable maison nommée Cateuil s’engage alors « une parenthèse enchantée pendant cet automne de 2020, à cette période où beaucoup de confrères, d’amis, ne savaient pas quel serait leur avenir », se rappelle Frédéric. « Rapidement le premier jour, on a commencé une chanson. On était très excités en se rendant compte que ça marchait tout naturellement. Tous les deux jours, on avait quasiment une chanson finie. Au bout de cinq, six chansons, on s’est dit qu’on pouvait faire un album ».
Résidence artistique improvisée, elle prend peu à peu l’aspect d’une idylle digne d’un film d’auteur. « On prenait le temps de manger, de se baigner, de se promener, de se parler, de parler de littérature dans cette bibliothèque pleine de livres, de se faire découvrir des choses. L’histoire s’écrivait toute seule, personne n’attendait rien de nous, nous n’en parlions à personne. C’est ça qui est fou dans la musique, quand on se rencontre, c’est comme une histoire d’amour, une évidence », témoigne Frédéric Lo. Ce roman prendra finalement le nom de The Fantasy Life Of Poetry And Crime.
Dans cet album, les deux auteurs-compositeurs décident de reprendre la formule qui était celle de Daniel Darc et Frédéric Lo : ce dernier à la composition, Peter Doherty à l’écriture des textes et au chant. « C’est la première fois qu’il collaborait de cette façon. Ça lui a donné un autre angle. Il a écrit ses textes sur ma musique, ses mélodies de voix sur les miennes, en les adaptant parfois », précise Frédéric. Il en ressort une performance vocale tout en maîtrise qui fait retrouver à Peter Doherty les inflexions toniques de son premier album solo.
Frédéric Lo apporte quant à lui une instrumentation mélodique et des arrangements aussi bien inspirés par la pop anglaise que par la musique moderne française à la Claude Debussy ou Gabriel Fauré. « Dans “The Ballad Of”, le thème fait très Erik Satie. Dans “Yes I Wear A Mask”, l’arrangement de cordes est un mix entre The Beatles et Maurice Ravel », analyse le compositeur. « Pour moi, j’ai fait un album anglais. Mais pour Peter, il a fait un album très français. C’est peut-être juste une histoire de point de vue… De toute façon, la musique ça a toujours été des mélanges d’influences », résume-t-il.
Dans The Fantasy Life Of Poetry And Crime, la voix retrouvée de Peter Doherty rencontre les instrumentations impeccables de Frédéric Lo, à la guitare, basse et clavier, et un orchestre de cordes et de cuivres aux arrangements soignés. Douze chapitres alternent puissance des harmonies acoustiques et fraîcheur d’une pop rock à l’anglaise. Les deux musiciens nous entraînent ainsi dans une douce mélancolie hors du temps, à l’image de leur séjour à Cateuil, qui apparaît finalement sur la pochette de l’album.
Le succès critique est au rendez-vous. À la sortie de l’album en mars 2022, une semaine de concerts acoustiques en Angleterre, dans des clubs aussi mythiques que le 100 Club à Londres ou The Cavern à Liverpool, sonne comme une consécration. Depuis, le duo a pu défendre son album au cours d’une cinquantaine de dates en France, Angleterre, Écosse, Allemagne, Hollande, et dans des formules différentes. Au festival Dinard Opening, on les retrouvera avec la même formation que lors de leur concert à la salle Pleyel à Paris : en acoustique, avec Peter Doherty au chant, Frédéric Lo à la guitare aux chœurs, Katia De Vidas au clavier et Mélie Fraisse au violon. « En jouant en acoustique dans cette tournée, je me suis rendu compte qu’on arrivait, même sur une grosse jauge, à avoir un moment très intime, ça amène autre chose, une humanité qui va bien à notre album. Ça représente bien notre histoire avec Peter, une rencontre », confie Frédéric.
Forts de cette amitié, les deux musiciens envisagent sérieusement d’écrire un nouveau chapitre de leur histoire, quand le temps le leur permettra. En attendant, retrouvez-les au festival Dinard Opening le 6 août 2023.
Écouter The Fantasy Life Of Poetry And Crime
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