Harry Potter 8 l’enfant maudit, vous avez dit magie ?

Harry Potter 8 ou Harry Potter et l’enfant maudit (Harry Potter and the Cursed Child en anglais) est paru le 31 juillet 2016 – soit pour l’anniversaire, dans la fiction, du sorcier à lunettes. Sa traduction française sortira le 14 octobre. Huitième opus, peut-on lire sur la quatrième de couverture ; en réalité, Harry Potter 8 est le script d’une pièce de théâtre qui se joue actuellement à Londres. Comme pour Star Wars VII, l’événement est de taille. Et la déception, énorme. Article garanti sans spoil !

 

Harry Potter 8Je jure solennellement que mes intentions ne sont pas mauvaises ! Mais soyons honnêtes : Harry Potter 8 and the Cursed Child n’a pas la valeur de la saga qu’elle entend poursuivre. On peut aisément imaginer la douleur de ceux qui partageront cet avis. Critiquer J. K. Rowling revient quasiment à tuer le père. On nous comparera à Rita Skeeter, ou pire, à des Mangemorts ! Mais que s’est-il donc passé ?

À première vue, la différence entre les sept premiers tomes et cet Harry Potter 8 paraît simple : nous avons quitté le genre romanesque pour celui du théâtre. Mais cela n’explique pas tout. Deuxième raison ? L’histoire est écrite à six mains : J. K. Rowling a partagé son œuvre avec le dramaturge Jack Thorne et le metteur en scène John Tiffany. Néanmoins, l’explication la plus simple est aussi la plus cruelle : Harry Potter 8 n’est-il pas tout simplement devenu un produit des plus dérivés ? Triste dérive, donc, mais lucrative : outre-Atlantique, plus de 3 millions d’exemplaires ont été vendus. En France, le texte de la pièce est en tête des meilleures ventes.

Harry Potter 8
Ron, Hermione et leur fille Rose

Qui plus est, l’histoire d’Harry Potter 8 diffère radicalement des tomes précédents. Exception faite de quelques chapitres, la saga Harry Potter se déroulait toujours autour du protagoniste principal et de ses acolytes, Ron et Hermione. Les romans s’inscrivaient à Poudlard selon les codes de la campus novel. Harry Potter 8 and the Cursed Child commence où se terminait le septième tome, c’est-à-dire 19 ans plus tard. Harry est fonctionnaire au Ministère de la Magie, marié à Ginny Weasley et père de trois enfants. Leur second fils, Albus Severus Potter, rentre à Poudlard. Mais rien ne se passe comme prévu… On retrouve cependant une trame légèrement policière. Les forces du Mal se réveillent, menaçantes. L’intrigue tourne autour d’un ” Retourneur de Temps”, cet objet magique qui permet de retourner dans le passé. Nous n’en dirons pas plus…

Harry Potter 8
Harry, Albus Severus et Ginny

Il n’est pas question de demeurer passéiste et refuser que la saga Harry Potter ne se poursuive. Au contraire, les lecteurs assidus de l’œuvre en réclament toujours plus, au risque de se contenter des miettes. Les tolkiénophiles n’étaient-ils pas heureux de lire le Silmarillion ?

J. K. Rowling a le mérite d’étoffer son univers romanesque à travers des formats différents ou nouveaux. Grâce au site Pottermore, les fans ont eu la chance de lire plusieurs textes inédits. De même, l’écrivain a décidé d’adapter sous forme de scénario son livre Les Animaux Fantastiques : le film Harry Potter 8, réalisé par David Yates, sortira en novembre 2016. Difficile de trancher : faut-il voir dans ces productions un intérêt strictement commercial, un énième asservissement à l’industrie de la suite, du remake ou du prequel, ou une manière sincère et artistique de poursuivre une œuvre remarquable ? Force est de constater que, concernant Harry Potter, la littérature est plus magique que la lanterne. Comme pour Star Wars, il arrivera un moment où il faudra déterminer ce qui rentre dans le canon, et ce qui n’y rentre absolument pas.

Harry Potter 8
Drago Malefoy et son fils Scorpius

En ce sens, Harry Potter 8 and the Cursed Child ne constitue pas une oeuvre très orthodoxe. Pour faire simple, le texte ressemble à une médiocre fanfiction. Si l’humour est assuré par Scorpius Malefoy et un Ron Weasley vieillissant, mais toujours aussi drôle, on peine à retrouver la fluidité narrative des tomes précédents. Les auteurs s’acharnent sans grand succès à régler quelques problèmes ou apories posés par les premiers romans. On se rappelle que l’apparition du Retourneur de Temps dans Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban avait posé à J. K. Rowling quelques soucis. S’il existe un tel objet, pourquoi Voldemort ne l’utiliserait-il pas pour revenir ? Pourquoi ne l’avoir pas utilisé pour empêcher son retour ? L’écrivain s’en était tirée par une pirouette, dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix : tous les Retourneurs de Temps furent détruits durant la bataille du Département des Mystères. Pourquoi, alors, centrer ce nouvel opus sur un objet aussi problématique ? La lecture nous apprendra que le procédé, passablement bancal, permet de faire quelques révélations, le plus souvent grossières. Le retournement final demeure, quant à lui, tristement et faussement spectaculaire.

Sans doute est-ce, du reste, le problème de ce nouvel opus. Il confond le théâtre, le spectacle et le spectaculaire. Nous n’avons certes pas vu la pièce à Londres, mais le texte nous indique une chose : Harry Potter 8la langue de Shakespeare accompagne ici un son et lumière qui vise le pur divertissement visuel. Duel de baguettes magiques, transformation au Polynectar, changements incessants de lieux, voyages dans le temps… Harry Potter 8 and the Cursed Child mélange Hollywood et Le Soulier de Satin de Paul Claudel. D’ailleurs, il est clair que la dramaturgie repose essentiellement sur une vision cinématographique du théâtre.

La magie opère-t-elle ? Oui, parfois. La profondeur psychologique des personnages reste toujours aussi délectable. L’idée d’un Harry Potter fonctionnaire et dépassé par son rôle de père paraissait excellente, et finalement suffisante. On appréciera aussi la réflexion, quoique lointaine, sur l’Histoire, le passé qui ne passe jamais, le retour incessant du mal. Peut-être qu’il existait de nombreuses manières de faire un autre livre. J. K. Rowling ne pouvait-elle pas plutôt explorer le passé ? Écrire quelque chose à propos de la Première guerre des sorciers ? De l’enfance de James Potter, Dumbledore ou Severus Rogue ? On ne sait que dire de ce nouvel Harry Potter. Ou seulement, avec ennui : méfait accompli !

Harry Potter 8 et l’enfant maudit

Harry Potter and the Cursed Child, J.K. Rowling, Jack Thorne, John Tiffany, Little Brown and Compagny, 2016, 21 €, 320 pages

Nombre de lecteurs français n’ont pu attendre la version française le 14 octobre et à ce jour 40 000 exemplaires ont été vendus en V.O. Un site est en place pour aider les lecteurs non-bilingues, poudlard.org.

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