HeeWon Lee est une artiste multimédia originaire de Corée du sud. Les Champs libres de Rennes accueillent son exposition intitulée Memory of time du 5 juin au 1er septembre 2019. Invitation à contempler la beauté des paysages traversés par des flux et des temps plus ou moins singuliers. Une expérience immersive sensorielle et psychique à ne pas manquer.
« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. » (Héraclite)
HeeWon Lee développe une pratique artistique où se rencontrent vidéo, graphisme, son et installation. Univers fragile et onirique, ses projets ont été primés et présentés à de nombreuses reprises en France et à l’étranger. L’exposition Memory of time, présentée cet été aux Champs Libres, rassemble pour la première fois quatre de ses créations les plus récentes.
Les Rennais sont invités à assister, dans la salle Anita Conti dont la qualité programmative ne se dément pas, à trois voyages dans des flux immobiles. Dans des lieux primitifs (merveilles naturelles des paysages de Corée) où les rapports qu’entretiennent l’espace et le temps s’inscrivent à la fois dans les règles physiques communes en même temps que dans une expérience quasi-phénoménologique où ils deviennent singuliers, se détournent, voire se dérobent. Combien de gouttes d’eau faut-il ensemble pour donner l’impression du mouvement ou son illusion ?
Des chutes d’eau deviennent ainsi l’espace-temps où se rappelle à nous l’expérience de la contemplation primitive de la création nue et originelle. Le physique s’exhausse dans la métaphysique. A quoi ressemble le temps quand il n’y a personne pour le percevoir ? Et l’espace ? Que sont l’espace et le temps avant l’homme et sa conscience sensible ? Et comment décrire la création avant la conscience qui la perçoit ?
Ensuite et pour finir, une quatrième vidéo – à travers un casque 3D – vous fait dériver dans un vallon marin à la beauté naturelle immémoriale tandis qu’une bande sonore décrit le fonctionnement d’un des plus vifs traumatismes en Asie : les femmes de réconfort abusées par les soldats japonais entre 1930 et 1945 (environ 200 000 femmes, principalement chinoises et coréennes, ont été réduites en esclavage sexuel par l’armée impériale). In cauda violatum !
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Infinity II (2012)
Installation vidéo, 9’56’’
À la fois extrêmement réaliste et quasi surnaturelle, Infinity II est une œuvre immersive invitant le public à contempler une cascade au cours inversé, s’écoulant lentement du bas vers le haut. Un flux ininterrompu, tel le fantasme d’une nature perdue, dont l’homme se serait éloigné il y a longtemps… Ce voyage suspendu, renforcé par la création sonore de Ulf Langheirich, nous enveloppe, efface notre propre temporalité et nous renvoie vers l’infini.
https://vimeo.com/81414949
Infinity IV et V (2014)
Installations vidéo, 4’56’’ x 2
Dans ces deux projections grand format en noir et blanc où le temps s’étire, la force des éléments se déploie avec une lenteur quasi surnaturelle. Infinity IV représente une cascade en partie gelée qui s’écoule lentement, devenant un objet quasi monolithique et hypnotique.
Dans Infinity V, les éléments se déchaînent au ralenti. Le paysage marin que nous contemplons, brutal et aérien à la fois, exhale un sentiment étrange, hors du temps.
La Pluie (2017) Court-métrage en réalité virtuelle, 5’
La Pluie est un court-métrage en réalité virtuelle. L’action, dès lors que l’on s’équipe d’un casque, nous amène à survoler lentement un paysage coréen majestueux au crépuscule. Des voix féminines se font entendre. Qui sont-elles ? Peu à peu on devine leur histoire et leur présence semble flotter à nos côtés. Ce film est un hommage aux jeunes filles victimes de l’exploitation sexuelle établie par le gouvernement japonais durant la seconde guerre mondiale.
Pour HeeWon Lee, la réalité virtuelle est le moyen le plus approprié pour explorer la vision d’un spectre. Cette forme permet d’envisager une immersion totale dans l’œuvre et de créer une identification immédiate ; un flou entre les limites physiques et mentales du spectateur et des personnages.