Dans son nouveau roman In Extremis Tim Parks scrute sous différents angles les réactions et attitudes devant la fin de vie d’une vieille femme atteinte du cancer et profondément pieuse. Son fils, Thomas Sanders, principal personnage du livre, livre au lecteur ses pensées intimes durant ces derniers instants en tentant in extremis de faire part à sa mère de sa volonté de quitter son épouse pour une femme bien plus jeune que lui.
Contacté par sa sœur par un e-mail concis et à la formulation décomplexée dont seuls les anglophones sont capables « Mum going downhill fast. Better come now », Thomas Sanders, linguiste, s’apprêtant à participer à une conférence à Berlin, se voit contraint de se rendre au chevet de sa mère mourante dans les plus brefs délais. Agnostique issu d’une famille fervente, dont le père fut révérend, et la mère femme rayonnante et profondément altruiste, Thomas sera partagé dans ses sentiments et ses interrogations face à l’agonie de Martha.
Tim Parks, à travers ses différents romans, met en scène de façon très réaliste – excepté pour sa trilogie tragi-comique Morris Duckworth – des personnages confrontés à des remises en question existentielles ou faisant face à des drames personnels. On pense au roman No Sex (voir notre article), évoquant une retraite dans un centre bouddhiste, ainsi qu’au livre Rêves de fleuves et d’océans ou, encore, à Rapides dans lesquels la question du suicide est abordée en demi-teinte. Des romans pas vraiment optimistes, mais pas vraiment noirs, simplement réalistes…
À la lecture d’In Extremis de Tim Parks, on pourrait se dire qu’il ne se passe pas grand-chose, l’essentiel de l’histoire se déroulant à l’hôpital sur une journée durant laquelle Parks imaginera le monologue intérieur de Thomas. Mais c’est bien là le but recherché par l’auteur. Effectivement, comment réagir face à la mort d’un parent ? Quels sentiments ou émotions peut déclencher cet événement ? De la tristesse ? Une incapacité à éprouver de la peine ? Une difficulté à essayer de montrer des gestes de tendresse envers un mourant ? D’autres personnes, dont la foi en une vie après la mort est inébranlable, dépasseront le stade de la peine et considérer l’événement comme une renaissance bienheureuse.
L’écrivain évoque ces questions à travers les pensées de Thomas lors de la venue du pasteur local prêt de Martha : « I can see your mother’s beauty, this clergyman was telling me, the beauty of a saintly soul at the gates of Paradise, while you, Thomas Sanders, the doubter, see only her gross corruption of the body » (« Je peux voir la beauté de ta mère, me disait ce pasteur, la beauté d’une âme sainte aux portes du paradis, alors que toi, Thomas Sanders, le sceptique, ne voit que la brute dégradation du corps »). Martha Sanders aura aussi ses doutes en ces derniers moments de sa vie ; son fils découvrira dans sa chambre d’hôpital un livre intitulé « What to do when faith seems weak ? » « Que faire quand la foi vacille ? »
En parallèle aux monologues intérieurs de Thomas viennent se greffer des dialogues et situations avec des proches et membres de la famille : une sœur qui semble être dans une humeur exaltée, un couple d’amis dont le fils adolescent viendra perturber le linguiste dans ses instants de recueillement. Thomas est aussi atteint d’un problème à la vessie ce qui créera des situations cocasses auxquelles s’ajouteront les complications relationnelles et sentimentales causées par un adultère. Tim Parks arrive, dans un style plus rythmé et moins complexe que d’habitude, à faire ressortir les divergences de sensibilités des êtres face à la question de la foi, de la moralité, de l’intériorité ou expressivité affective, causant souvent une coexistence difficile dans nos sociétés modernes.
In Extremis Tim Parks, en anglais, éditions Harvill Secker, 23 mars 2017, 252 pages, 21€
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Tim Parks est né à Manchester en 1954, a grandi à Londres et étudié à Cambridge et Harvard. En 1981, il s’est établi en Italie à Vérone où il vit depuis lors. Il est romancier et traducteur. Il a traduit de l’italien Alberto Moravia, Tabucchi, Italo Calvino et Roberto Calasso. Tim Parks donne des conférences sur la traduction littéraire à Milan. Il est également l’auteur d’une douzaine de romans et de sept essais. Il compte parmi les auteurs anglais les plus talentueux et originaux de sa génération.
Comment peut-on aimer Roger ?, Arles, France, Éditions Actes Sud, coll. « Cactus », 1992, 175 p.
Translating Style: The English Modernists and Their Italian Translations (en), Londres/New-York, Continuum, 1998, 256 p. (ISBN 978-0304703548)
Cara Massimina, Arles, France, Éditions Actes Sud, coll. « Cactus », 1999, 278 p.
Europa, Paris, Éditions Christian Bourgois, coll. « Littérature Étrangère », 2000, 225 p.
Destin, Paris, Éditions Christian Bourgois, coll. « Littérature Étrangère », 2000, 341 p.
Adultères et autres diversions, Paris, Éditions Christian Bourgois, coll. « Littérature Étrangère », 2000, 225 p.
Une saison de Vérone, Paris, Éditions Christian Bourgois, coll. « Littérature Étrangère », 2002, 415 p.
Double vie, Arles, France, Éditions Actes Sud, coll. « », 2005, 351 p.
Le silence de Cleaver, Arles, France, Éditions Actes Sud, 2007, 381 p.
Rapides, Arles, France, Éditions Actes Sud, coll. « Babel », 2009, 304 p.
Rêves de fleuves et d’océans, Arles, France, Éditions Actes Sud, 2009, 425 p.
Le Calme retrouvé, Arles, France, Éditions Actes Sud, coll. « Lettres anglo-américaines », 2012, 320 p.
Le site de Tim Parks est ici