De retour à Rennes, Théo Muller, dj, producteur et programmateur de soirées lance Krakzh, un nouveau label et une résidence de soirées à l’Ubu. La première compilation digitale du label, Breizh Power Vol. 1, sort le 1er avril 2019. Après une première soirée Krakzh le 23 mars, Unidivers a pu rencontrer Théo Muller.
UNIDIVERS – Le public rennais vous connaît pour être un des fondateurs et animateurs de Midi Deux, un collectif de musique électronique très actif sur Rennes entre 2010 et 2017, mais aussi un label qui compte cinq sorties. L’annonce de ce nouveau label, Krakzh, signe-t-elle la fin de Midi Deux ?
THÉO MULLER – Non, nous continuerons à organiser des open airs et à écrire des articles pour notre blog. On attend une réponse de la mairie pour organiser un nouvel événement au parc de Villejean. Mais nous avons évolué, chacun a son métier maintenant. On était plus forts pour faire des soirées ou des open airs que pour le label en définitive. Même si on est super contents de chaque vinyle, il n’y avait pas de vision artistique globale, une identité, un son. C’était juste histoire de presser les vinyles de nos potes musiciens, qu’ils aient de la visibilité, ce qui a bien marché pour UVB 76 ou Signal ST, qui ont été pas mal joués.
Krakzh est plutôt une étape personnelle. Je voulais monter un label pour faire rapidement des sorties d’artistes, bretons en majorité, et de potes venus d’ailleurs. Cela s’accompagne d’une résidence à l’Ubu, trois dates de soirée pour le moment.
UNIDIVERS – Dans votre parcours, vous avez aussi bien travaillé dans des labels que comme programmateur de clubs. Y a-t-il une volonté de votre part de ne pas dissocier production artistique et événementiel ?
THÉO MULLER – Je dirais que ça fait partie de moi. Je fais de la musique, mais j’ai aussi envie d’écouter celle des autres. J’ai bossé à la Machine du Moulin rouge où je faisais des programmations tous les weekends. Mais ce n’est plus ce que je veux faire. Je suis rentré à Rennes avant tout pour me consacrer à ma musique. J’organiserai des teufs de temps en temps, où je serais libre de faire ce que je veux, et avec plus d’écart entre les dates. J’espère un jour un festival. Je suis toujours à la recherche de projets, et la scène aura toujours besoin que ça vive.
Le mouvement des musiques électroniques est un peu redescendu depuis deux ans. Même s’il y a toujours un engouement pour les gros headliners, les petits souffrent pas mal. Les ventes de vinyles ne rapportent pas grand chose. Un article récent d’Olivier Pellerin dans Libération parle d’une fin de cycle. Donc il faut continuer de proposer des choses et d’avancer musicalement.
Krakzh est une façon de construire une nouvelle identité, de développer un son et de passer des bons moments avec les artistes que j’apprécie. Pour l’instant, le label n’a aucune prétention. Ce sera simplement des compilations tous les trois ou quatre mois. Si des morceaux marchent, tant mieux. Si des djs les jouent, tant mieux. Mais il n’y a pas de perspective globale. Pour l’instant, je ne pense pas presser de vinyles. Peut-être des fois des CDs ou des cassettes, mais ça restera modeste. Un label coûte cher. On l’a bien vu avec Midi Deux, à coup de 1500 € par sorties, si tu ne les rembourses pas…
UNIDIVERS – La résidence Krakzh à l’Ubu marque votre retour en Bretagne. Comment a vu le jour cette résidence ? Qu’est-ce qui vous a orienté vers celle salle ?
THÉO MULLER – J’ai joué aux Transmusicales en 2017, et je suis resté en bon contact avec Jean-Louis Brossard et Mathieu Gervais, qui sont aussi les programmateurs de l’Ubu. Je voulais arrêter mon job à la Machine du Moulin rouge et je les ai contactés l’été dernier pour les prévenir de mon retour à Rennes et de ma motivation. On s’est donné rendez-vous et on a commencé à bosser là-dessus. J’aime bien l’Ubu, son staff. L’Antipode MJC, c’est grand. Là je voulais quelque chose de plus intimiste. Et puis comme c’est l’ATM (Association des Trans Musicales) qui produit les soirées, je n’ai pas grand chose à gérer, c’est un avantage. Je suis content qu’ils me fassent confiance sur la programmation, j’ai pu proposer un plateau assez pointu à la première soirée, c’est cool que ça ait suivi.
UNIDIVERS – La première soirée Krakzh était présentée comme un hommage à Visions et Positive Education. Que devez-vous à ces festivals ?
THÉO MULLER – De bons temps de rave ! Et puis ils ont un vraiment un son. Au Positive Education, j’ai vraiment découvert une musique que je trouvais fraîche, nouvelle, qui me rapprochait plus du rock que j’écoutais avant. Et ce sont des festivals où il y a un pur public, un pur cadre et un son qui correspond à celui de la première soirée Krakzh, l’association entre rock et techno.
Nate et Jojo ont fait le closing de Visions lors de la dernière édition. Le batteur de Violent quand on aime, Théo, y a joué sous de nombreux alias, Constance Chlore, Succhiamo…
Antoine est un fondateur du festival Positive Education. Un pur gars qui commence à produire des trucs vraiment bien et qui a vraiment un son à lui, qui est aussi celui du festival, celui des Fils de Jacob, de Jacques Satre, A Strange Wedding, toute une bande de producteurs qui produisent cette espèce de techno à 90-100 BPM (battements par minutes) qui est vraiment cool. Leur vinyles sont super jolis, ils font tout bien. Leur label c’est Worst Records.
UNIDIVERS – Sur l’affiche de la soirée, on distingue un système son, des danseurs, les mots « everybody welcome », « important », et les symboles de la paix et de l’amour. Mais aussi, « teuf », « techno », « rock », « bienfaitrice ». C’est une conception de la fête ?
THÉO MULLER – Les soirées de la résidence auront chacune un thème. Là c’était rock techno, la prochaine sera acid, espace, galactico-machin. À chaque fois, je fais des collages en rapport avec la soirée et Valentin Fontaine fait le graphisme par-dessus. Pour la prochaine soirée Krakzh, c’est un peu electronica, acid. Je voulais faire quelque chose sur les jeunes anciens, parce que Mondkopf et Voiron font du son depuis plus de dix ans et qu’ils ont toujours exploré.
UNIDIVERS – Revenons au label. Pourquoi ce nom, Krakzh ?
THÉO MULLER – C’est pour tracks, craquement, craque surdoué, crackheads, et le zh pour la Bretagne.
UNIDIVERS – D’autres labels vous inspirent dans votre démarche ?
THÉO MULLER – Des petits labels comme Vastechose, de Bruxelles, monté par Lostsoundbytes, qui fait d’ailleurs un morceau pour la première compilation Krakzh. Ou encore 99 cts de Miley Serious, des labels portés sur le DIY (Do It Yourself).
UNIDIVERS – Quelle identité musicale souhaitez-vous donner à Krakzh ?
THÉO MULLER – Je cherche des sons corrosifs, qui grattent. Quelque chose de viscéral, de raw. Que ce soit acid, techno, UK, ambient. Sur la compilation, il y a 12 morceaux : Knappy kaisernappy, Le Bagad de Montreuil, Antoine, Rubbish T.C, Dj Conséquences, Lostsoundbytes, Ian Tocor, Sina, PAP, Carlton, Full Quantic Pass et moi-même.
UNIDIVERS – Avez-vous déjà prévu d’autres sorties ?
THÉO MULLER – Je referai une compilation en septembre. Si des gens veulent m’envoyer des démos je les écouterai, et il y a aussi des potes qui vont m’envoyer des morceaux. Je me lancerai peut-être dans un projet d’EP après cette compilation.
https://www.youtube.com/watch?v=rmxG1e1ymds
UNIDIVERS – Vous êtes aussi producteur, avec deux EP à votre actif déjà. Des sorties à venir ?
THÉO MULLER – Je vais sortir des morceaux à droite à gauche, et j’ai un projet d’EP pour octobre, sur un autre label. Je suis rentré à Rennes pour avancer là-dessus, il faut que j’explore, que je gratte dans d’autres directions.
UNIDIVERS – Votre première compilation sort le 1er avril. Elle est intitulée Breizh Power Vol. 1. Selon vous, y aurait-il un pouvoir des musiques électroniques en Bretagne ?
THÉO MULLER – Oui, et il est grand même ! Quand tu vois les mouvements free party, les festivals électro, les Transmusicales, Astropolis. On est une terre de son en Bretagne. Breizh Power, ça me faisait marrer, c’est un truc d’Astropolis aussi, Breizh Power !
La compilation Breizh Power Vol. 1 sera disponible à l’écoute et à l’achat le lundi 1er avril 2019.