En 2007, après le décès de sa grand-mère, Nadia Salmi découvre une photo de son grand-père en officier de la Wehrmacht. Comme environ 400 000 enfants, elle est, par sa mère, la petite-fille d’un soldat allemand. Elle tente alors d’en savoir plus sur ce grand-père transformé en fantôme par sa famille, par peur du scandale. Par honte. À partir de la correspondance laissée par sa grand-mère et jusqu’aux archives de la Wehrmacht, Nadia dénoue les non-dits de ses origines et se lance, durant quatre ans, sur les traces de ses grands-parents, à la recherche de son identité. « Que le chemin est long pour arriver jusqu’à toi ! J’espère que tu ne m’en voudras pas d’avancer à ma manière vers l’Allemagne, là où une moitié de moi a le vague à l’âme depuis que j’ai découvert tes mots, ta trace, toi, mon grand-père. Quel mot étrange… Grand-père. »
De la Seconde Guerre mondiale, on connaît les bourreaux, les nazis allemands, et les victimes, les juifs, les handicapés, les tziganes et autres minorités. Mais l’on parle très peu, pour ne pas dire jamais, des victimes collatérales : les enfants nés des unions ennemies. Souvent il s’agit d’une femme (française, anglaise, suédoise, etc.) et d’un soldat allemand. Qu’en est-il des bébés ? Ecartelés entre deux patries, avec un destin qu’ils n’ont pas choisi, souvent amputés d’un parent voire des deux, ces enfants honnis, détestés, conspués par la société ont aussi une plaie béante qui n’est pas prête de se refermer.
Nadia Salmi, lorsque sa grand-mère meurt, retrouve dans ses affaires des lettres mettant en scène son grand-père, qui n’était autre qu’un soldat allemand. Pour soulager Ingrid, sa maman née de l’union de Thérèse et Hans K., ainsi qu’elle-même, Nadia se lance dans une entreprise douloureuse : remonter ses origines pour comprendre.
Ce livre est document, témoignage de la douleur des ces unions à différents niveaux. Il y a Thérèse, une jeune femme qui au sortir de la guerre s’énamourache d’un prisonnier de guerre allemand. Lui, c’est Hans K. Il tombe dans les bras de Thérèse avant de rentrer au pays où la femme et l’enfant qu’il a quittés et qu’il croyait morts sont finalement vivants. Thérèse, seule, se retrouve enceinte. Ici, il y a la douleur d’un amour perdu et d’un enfant qu’il devient compliqué d’aimer.
Ingrid, cette enfant, grandit en restant fragile et visiblement égarée dans ses rapports au couple. Une enfant déracinée et qui a dû subir la honte d’être fille d’un soldat allemand.
L’auteur nous écrit tout cela grâce à diverses formes d’écriture : le journal intime où elle s’adresse à ce mystérieux grand-père qu’elle aime malgré tout, des copies de la correspondance retrouvée dans les affaires de sa grand-mère Thérèse, du récit romancé sur les évènements entre 1946 et 1948 (la rencontre de ses grands-parents, la naissance de sa mère, etc.) et les lettres qu’elle écrit aux institutions pour retrouver des informations sur les membres de sa famille. Chaque forme se distingue par une taille de caractère et une graisse différentes.
Nadia Salmi se livre beaucoup sur sa vie privée de jeune trentenaire : sa difficulté à s’installer dans une relation, cet instinct maternel envers sa propre mère ; autant d’attitudes qui révèlent encore des conséquences de l’union entre Thérèse en Hans K. Comment une mère peut rejeter un enfant ? Comment un père peut ignorer la vie de sa fille ? Et surtout, comment se construire après avoir vécu cela ?
Un récit émouvant. Où l’on a l’impression d’être un lecteur indiscret, presque de trop dans cette histoire. C’est peut-être le point qui m’a parfois dérangée. Néanmoins, la persévérance de Nadia est exemplaire et montre le besoin vital qu’elle avait à découvrir ce grand-père pour se rassurer et surtout pour faire avancer sa mère.
C’est une histoire d’amour, de guerre, qui pourrait presque faire l’objet d’une saga familiale romancée. A lire si vous souhaitez découvrir une autre facette des dégâts que peuvent engendrer les guerres.