Derrière ce titre de Nouilles froides à Pyongyang qui résonne comme une parodie de polar, Jean-Luc Coatalem nous livre un récit de voyage, dans lequel le lecteur oscille constamment entre rire et nausée.
Jean-Luc Coatalem et son flegmatique et élégant ami Clorinde se sont rendus en Corée du Nord, ce « désert profond », ce pays si secret qu’on le croirait imaginaire. L’auteur s’est fait passer pour le représentant d’une agence de tourisme, et ainsi, escorté en permanence d’un guide, Kim, et de divers autres accompagnateurs, il a pu avoir un accès – surveillé, encadré et limité – au pays. L’impression d’irréalité que l’on a de cette « Corée fade » ne s’estompe pas à la lecture de ce récit – au contraire. Lieux déserts saturés d’effigies du leader ; musées vides et surréalistes ; restaurants faméliques aux menus-dînettes ; population entièrement soumise, comme hallucinée, décérébrée ; images et musiques en boucle, empruntes d’une « poésie mièvre et oppressante » : on se croirait sans arrêt dans une fable simpliste sur les excès des dictatures. A cet égard, la visite au mausolée de Kim Il-sung et son manège, réglé comme une marche militaire des pèlerins autour du « père de l’humanité », « mannequin cireux, cheveux couleur fil de fer, bouche en pâte à papier », est un summum. Et on frissonne devant la description de la salle de signature des livres d’or, « salle gigantesque que décorent des fresques de glaciers froids et de neiges immaculées. »
Que faire d’un « voyage qui n’en est pas un ? » Un récit ironique et parfois mélancolique, dans lequel Jean-Luc Coatalem cherche à nous communiquer un peu de cette folie collective et comme vitrifiée. Glaçante.