Nutshell de Ian Mc Ewan court roman à l’intrigue singulière est sorti cet automne en Angleterre. Une histoire d’adultère et de meurtre dont la narration est menée par… un fœtus. Originale mise en scène en effet.
Après L’intérêt de l’enfant, parut aux éditions Gallimard en 2015, Ian Mc Ewan le célèbre écrivain britannique et particulièrement apprécié des lecteurs français revient avec Nutshell.
Enceinte, Trudy trompe son mari John avec le frère de celui-ci ; ne pouvant plus supporter l’attachement de John envers Trudy et entrevoyant la possibilité d’hériter de la maison conjugale, le couple malveillant décide de se débarrasser du mari gênant en maquillant le meurtre en suicide. Jusque-là l’intrigue semble assez banale, c’est du déjà-vu sauf que durant les quelque 200 pages du roman, le principal protagoniste et narrateur s’avère être le fils de Trudy et de John, encore au stade fœtal, confortablement installé dans l’utérus de sa mère, à l’abri des tourments et turpitudes de ce bas monde… Un être intelligent, observateur, branché sur les émotions, les pensées de sa mère et à l’écoute du monde extérieur. Cela est invraisemblable, mais rendu possible dans le cadre d’une fiction, un être à la fois non-être pouvant penser, s’exprimer avec la verve d’un McEwan qui, pour ce livre, a pioché dans un vocabulaire complexe et parfois désuet afin de donner une dimension classique à cet écrit qui revisite à sa manière Hamlet, la célèbre tragédie de William Shakespeare.
Au déroulement des faits et des dialogues entre Trudy, son amant Claude, et John, se superposent les monologues intérieurs du fœtus, déjà conscient de l’état de la planète en écoutant par l’intermédiaire de sa mère les émissions radio traitant de l’actualité. Cet écart entre le sérieux introduit par McEwan et la supposée ignorance normale d’un fœtus est assez drôle. Trudy qui apparaît comme un personnage peu responsable et plutôt immature a un penchant pour l’alcool, et à chaque verre qu’elle boit, son enfant ressent aussi une légère ivresse, état qu’il semble apprécier ce qui est également cocasse.
Trudy and I are getting drunk again and feeling better… She and I share two glasses of the Sancerre… Oh, to be alive while such a grape exists ! A blossom, a bouquet of peace and reason. (Trudy et moi nous enivrons encore une fois et nous nous sentons mieux… elle et moi nous partageons deux verres de Sancerre… Oh, être en vie alors qu’un tel cépage existe ! Une fleur, un bouquet de paix et de raison ». (Traduction provisoire réalisée par la rédaction d’Unidivers).
Les deux frères ennemis apparaissent comme étant assez opposés, John le mari de Trudy, passionné de poésie a une sensibilité assez exaltée, et légèrement fleur bleue, ce qui agace profondément le couple assassin. Claude quant à lui est l’incarnation du plouc éloigné de toute forme de culture (ce qui n’échappe pas à l’observation du fœtus) et dans l’élaboration de son plan machiavélique il se dévoile comme un être dénué de tout sentiment. Ce livre est court, l’intrigue se déroule rapidement et sans réelles surprises, l’intérêt du roman réside donc dans les pensées du fœtus, protagoniste le plus intelligent de l’histoire. Le dénouement est assez bien imaginé et là encore, le futur nouveau-né aura un rôle à jouer. Le titre Nutshell ou « coquille de noix » renvoit à la matrice, mais également à l’expression in a nutshell qui signifie « en un mot » : à l’image du format concis et direct de ce roman.
Roman Nutshell, Ian Mc Ewan, 208 pages, publié le 1er septembre 2016 aux éditions Jonathan Cape
Ian McEwan est un scénariste et écrivain anglais. Auteur de nombreux romans dont Amsterdam qui a reçu le Booker Prize for fiction en 1998. Son livre Expiation (2001) a été adapté à l’écran par Joe Wright sous le titre Reviens-moi. On retrouve souvent dans les écrits de cet auteur un penchant pour la satire sociale de l’élite politique, culturelle ou autres puissants qui voient leurs faiblesses mises à nue par une plume caustique d’une profonde acuité.
- First Love, Last Rites (1975) a remporté le prix Somerset Maugham Award en 1976
- Il a reçu en 1993 le prix Femina étranger pour son roman L’Enfant volé.
- En 1998, l’attribution du prix Booker à son court roman Amsterdam a été controversée.
- Il a reçu le prix Shakespeare de la Fondation Alfred Toepfer, de Hambourg, en 1999.
- Il a été fait commandeur de l’Order of the British Empire en 2000.
- Nommé le meilleur auteur de l’année par le Reader’s Digest pour 2008.
- Il a reçu le prix Jérusalem 2010. Lors de la remise de son prix, il a tenu à dénoncer « la colonisation israélienne » et condamner « la confiscation des terres et les expulsions à Jérusalem-Est ».
Ian McEwan est membre de la Royal Society of Literature, de la Royal Society of Arts, et de l’Académie américaine des arts et des sciences.