Nouvel arrêt : Minot, patelin perdu du Dakota du Nord. Le voyageur : Olivier Hodasava. Un voyageur virtuel. Il arpente quotidiennement les artères du monde de Google Street View. Quand l’image saisie devient le réel ultime de la fiction commune… Pour Unidivers, l’arpenteur – qui se fait un peu géomètre – avance à la façon d’un fildefériste sur une ligne (presque) imaginaire : le 48e parallèle Nord. La latitude sur laquelle est située la ville de Rennes.
Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force. Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais. Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre côté de la vie. (Céline, Voyage au bout de la nuit)


Mais ce jour-là, j’avais beau regarder autour de moi, j’avais beau repérer par exemple, dans une allée, une remorque bricolée par son propriétaire sur laquelle en temps normal j’aurais pu pondre des pages ou, encore, une église norvégienne qui, de loin, faisait plus penser à une pagode qu’à autre chose… J’avais beau scruter le moindre panneau, la moindre affiche, toutes ces traces urbaines qui, habituellement, constituaient pour moi de faciles déclencheurs… Là, rien.

Au bout d’une demi-heure, un type s’est pointé, la quarantaine, costard-cravate. Il s’est installé à mes côtés sans me demander. Il a fallu attendre trois minutes encore avant qu’il ne se mette à parler, voix rauque, putain d’accent du coin, qu’il me dise qu’il s’appelait Mick, qu’il remarque qu’il faisait bon pour la saison, qu’il me demande si j’étais de la région ou d’ailleurs.

