Rentrée de l’OSB au Triangle, Grant Llewellyn énergise Beethoven

Il aura fallu attendre cette soirée du 15 septembre et ce premier concert de l’Orchestre Symphonique de Bretagne au Triangle pour marquer de façon définitive la fin de la période estivale et le retour de la saison musicale. C’était aussi l’opportunité de faire connaissance du chef d’orchestre gallois Grant Llewellyn, nouveau directeur musical de l’OSB. Le programme entièrement axé sur Beethoven était en lui-même une sorte d’avertissement. Cette année allait être placée sous le signe de l’énergie, de l’autorité, de la volonté.

beethoven Entre la force de l’ouverture de Coriolan, la beauté absolue du cinquième concerto l’empereur, et la dimension mythique de la cinquième symphonie, il faut reconnaître que le public qui se pressait aux portes du Triangle a été gâté. Le choix de cet auditorium, au sein d’un quartier populaire, est peut-être chargé de signification, mais l’indisponibilité du TNB, comme de la salle de l’opéra sont aussi des raisons recevables et qui coupent court à toute interprétation.

C’est malgré tout un public d’habitués du centre-ville qui a majoritairement répondu présent. Obligé de faire la queue dans le hall d’entrée après avoir affronté les difficultés pour trouver un parking, l’agacement est assez perceptible. Rapidement, les choses rentrent dans l’ordre et c’est une assemblée curieuse qui attend de pied ferme le nouveau chef d’orchestre.

Grant Llewellyn est de toute évidence un homme de caractère, tout en lui démontre énergie et autorité, on est très loin des subtilités orientales de Darrell Ang, son prédécesseur. Aussi entame-t-il l’ouverture beethovénienne avec vigueur et un tempo plutôt soutenu un peu surprenant. L’ouverture de Coriolan, comme celle d’Egmont, ou d’autres encore, sont des particularités du maître de Bonn: censées ouvrir un opéra, elles ne connaissent pas de suite et sont devenues des œuvres totalement indépendantes, inaugurant par la même un genre tout à fait inconnu jusqu’alors. Deux thèmes musicaux se confrontent, le premier en do mineur, dominante de l’œuvre, emporté et presque violent, et le second, en mi bémol majeur, dont les notes chaleureuses et bienveillantes instillent l’idée d’espoir si souvent présente dans l’œuvre de Beethoven. La fin,  étincelante et majestueuse nous laisse pourtant un peu dans l’expectative, une certaine sécheresse d’acoustique en est peut-être la cause, car l’effectif d’une quarantaine de musiciens est suffisant pour offrir cette amplitude musicale indispensable à l’exécution d’une œuvre de Beethoven.

kotaro fukumaSentiment confirmé par la suite du programme avec une magnifique interprétation du concerto l’empereur, sous les doigts agiles du pianiste Japonais, Kotaro Fukuma. Son jeu transparent et techniquement irréprochable tisse avec l’orchestre une trame musicale tantôt emportée, tantôt intimiste et nous offre de purs instants d’émotion. À l’époque, l’auteur réfugié dans une cave pour s’abriter des bombardements de Vienne par l’armée napoléonienne, aurait déclaré que s’il avait eu dans l’art militaire autant de connaissances qu’il en avait de l’art musical, il se serait fait fort de montrer à l’empereur qui était le maître ! Impossible d’en douter face à une telle maîtrise.

Le second mouvement, Adagio un poco mosso, sera un authentique instant de beauté, l’introduction de l’orchestre tout en retenue et en délicatesse, ouvrira les portes à une phrase musicale au piano d’une bouleversante simplicité. Le dialogue des deux protagonistes se poursuivra tout au long du mouvement jusqu’à ce que, après quelques notes de basson en forme d’articulation, le piano nous indique le thème de ce qui sera le troisième mouvement. Des passages de gammes animés, qui rappellent furieusement l’entrée du piano dans le troisième concerto en ut mineur, lancent le mouvement et le concerto vers ce qui sera un bouquet final éblouissant.

Kotaro Fukuma, malgré son physique d’éternel adolescent, a réussi son coup et le public, enthousiaste à juste titre, lui soutirera dans la bonne humeur une étonnante Toccata de Mutsuo Shishido aux accents de Gershwin et Bernstein tout à fait saisissante. Le sourire aux lèvres c’est avec plaisir que nous rejoignons nos sièges pour l’ultime œuvre de la soirée. La cinquième de Beethov !! inutile de penser que c’est une œuvre qu’on a trop entendue, car rien n’est plus ridicule. Une telle puissance d’inspiration oblige à découvrir de nouveaux paysages à chaque audition de cette œuvre, légitimement hissée au niveau d’icône musicale. Grant Llewellyn, tout à fait à l’aise dans ces mélodies pleines de force, nous en délivrera une interprétation vivante et parfois assez personnelle, donnant aux instruments et de manière individuelle une présence plus prégnante que dans des interprétations classiques. Cela peut s’avérer surprenant, mais c’est assez plaisant, et les quatre mouvements nous paraîtront défiler en un instant. Nous serons un peu inquiétés par la sortie du premier violon Anatoli Karaev en cours d’exécution, mais l’explication semble se résumer à la casse d’une ou deux cordes. Au moment de la longue ovation du public, Grant Llewellyn aura la générosité d’aller chercher notre instrumentiste dans les coulisses afin qu’il recueille également les félicitations de l’assistance. Un véritable moment de « cauchemar » pour notre truculent Franco-Russe.

En un mot une rentrée réussie et une assistance conquise, comme d’habitude l’OSB aura exécuté un travail de qualité et, en une seule et première apparition, son nouveau directeur musical aura séduit son public tout en s’imposant avec autorité. Tout cela semble de bon augure pour la saison qui se présente.

Concert de l’Orchestre Symphonique de Bretagne au Triangle,

chef d’orchestre Grant Llewellyn, pianiste Kotaro Fukuma

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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