MONEY FOR NOTHING est un projet qui regroupe 1001 artistes autour du billet de banque. À son initiative, le collectionneur Dominique Barlaud qui l’a débuté il y a une dizaine d’années. Parmi ces artistes qui ont illustré ces billets de banque issus du monde entier, PMH un artiste originaire et résident à Redon. Unidivers est parti à sa rencontre et vous fait découvrir son œuvre pour le projet MONEY FOR NOTHING.
MONEY FOR NOTHING est un projet initié depuis une dizaine d’années par le collectionneur Dominique Barlaud. Ce projet regroupe 1001 artistes issus pour la majeure partie de l’univers du graff et de l’illustration autour du billet de banque. Le collectionneur a demandé à chaque artiste de customiser des billets de banque de toute provenance. Tout commence le 11 septembre 2012 lorsqu’un ami de Dominique Barlaud lui offre pour son anniversaire le film Faites le mur réalisé par Banksy. À partir de là il découvre le monde de l’art urbain qui finit par le passionner. Le premier artiste qu’il contacte est Speedy Graphito. De là s’engage tout un processus qui va mener peu à peu le collectionneur à mener ce projet de grande envergure.
Aujourd’hui, au-delà d’un simple projet MONEY FOR NOTHING 1001 est devenu une collection permanente qui devrait avoir pour vocation d’être présentée au public dans le cadre d’expositions itinérantes. Tous les bénéfices financiers seront quant à eux reversés à un projet pour la préservation de l’environnement et du monde animal.
Mais pourquoi le billet de banque ? Il s’agit d’un motif pour le moins ostentatoire et avec lequel les artistes ont plus d’une fois joué et déjoué. On peut notamment penser à Banksy qui avait réalisé en 2004 un faux billet de 10£ arborant le visage de Lady Di et non celui de la reine Elizabeth II, une manière de parodier le système monétaire. Au verso un portrait de Darwin avec l’inscription ” Trust no one”. Mille copies de ce billet avaient été distribuées sur le public de Nothing Hill Carnaval et du Reading Festival.
« Le billet de banque est complexe, paradoxal et un objet très symbolique avec lequel j’ai une relation très spéciale depuis mon enfance, » explique Dominique Barlaud.
Ses parents étant propriétaires d’un bar-tabac sur la RN20, Dominique Barlaud est dès petit amené à rendre la monnaie aux clients. Le billet de banque d’ores et déjà le fascine. Des années plus tard il y voit le support idéal pour les artistes. International comme le graffiti il s’exprime dans toutes les cultures, l’occasion pour des créateurs du monde entier de donner libre court à leur imagination.
Money for nothing devient aussi le terrain de jeu pour s’interroger sur la véritable valeur du billet de banque. Certes le billet de banque possède une valeur monétaire, mais elle n’est pas unique. Les billets possèdent une valeur historique, témoin aussi d’un passé, d’une société, d’événements passés. Symbole aussi de pouvoir, synonyme du capitalisme depuis les années 80 ce sont ces valeurs qui sont déjouées par les artistes pour faire vibrer ce support papier insolite et interroger aussi notre rapport au billet en tant que matière et concept. Sans oublier la progression actuelle vers des monnaies virtuelles ce qui ré-interroge notre rapport au billet de banque matériel et à sa valeur.
Des artistes français et internationaux
Pour mener à bien son projet Dominique Barlaud contactent et rencontrent les artistes personnellement. Il se déplace dans des salons, des galeries, des expositions à la rencontre des 1001 artistes qui constitue cette véritable collection permanente. L’important pour lui : ces rencontres qui le font vibrer, le lien qu’il tisse avec chacun et l’histoire qui en découle et qui devient figée dans chacun des billets de banque. C’est le rapport entre l’argent et l’art qui intéresse et nourrit la démarche de ce curieux collectionneur, rapport souligné par la valeur ajoutée par l’œuvre de chaque artiste. Parmi les centaines d’artistes présents sur le projet on peut citer Lady K, C215 ou encore Damien Hirst.
De la Bretagne dans l’air
Un des artistes contactés par le collectionneur est un artiste originaire de Redon est PMH dont la notoriété est plus qu’établie. Artiste à la grande créativité il propose ses créations sur toiles, des fresques, des customisations de skate et de sneakers, mais aussi des tutos vidéos et dont la particularité esthétique repose sur sa maîtrise du doodle. Le doodle est cet art singulier du dessin basé sur la répétition des formes (du mot gribouillage en anglais).
En 2020 Dominique Barlaud contacte l’artiste et lui fait part de son projet avant de lui faire la visite de sa collection impressionnante de billets de banque composée de billets de toutes les époques et de tous les pays. Lors de cette visite, le choix de PMH est fait et l’attention qu’il porte à l’une des coupures ne passe pas inaperçue. Et il s’agit non pas d’un billet mais d’une planche de huit billets de 2$ qui marque PMH pour plusieurs raisons. Tout d’abord pour la surface de jeu disponible bien plus conséquente que sur un seul billet et pour sa valeur historique. Pour l’ancien prof d’histoire, l’effigie de Jefferson au recto des billets et la déclaration d’indépendance des États-Unis de 1776 au verso l’attire et le choix de ce billet est comme une évidence. Enfin ce qui frappe l’artiste c’est également la possibilité laissé à la transparence. Dès l’instant où il tient la planche de billets nait en lui cette petite idée de travailler et jouer sur la transparence afin de créer une œuvre singulière.
Suite à cet entrevue germe une deuxième idée chez l’artiste. Celle de créer une vidéo qui mette à l’honneur et son travail et le projet du collectionneur. En effet la plupart des artistes participant au projet avaient pour habitude de se filmer à la réalisation de l’œuvre. Grâce à une ancienne connaissance qui lui propose un projet de vidéo autour de son travail la machine est enclenchée. De là le scénario se dessine. PMH sera filmé en train de réaliser son œuvre, dans le rôle d’un truand à mi-chemin entre un faussaire d’œuvre d’art et un faussaire de billets retenu en otage par un manipulateur fou. Un scénario déjanté qui entoure le projet d’une saveur bien particulière. Dominique Barlaud est appelé au secours pour jouer le rôle du psychopathe ayant enlevé les artistes dans son château en vue de la réalisation d’œuvres d’art uniques. Pendant ce temps on voit l’artiste dessiner sur la planche de billets de banque. Le tout dans un air de video-clip rutilant et tapageur.
En coulisse du projet la simplicité n’a pas été de mise pour l’artiste. Représentant environ une douzaine d’heures de travail, la réalisation de cette œuvre est probablement l’une des plus complexes qu’il ait jamais réalisées.
« Je suis parti direct, sans brouillon, j’ai juste tracé le cercle des deux côtés. C’était aussi la particularité et la difficulté supplémentaire, je NE me suis jamais autant pris la tête. J’avais une certaine pression, je me disais que je commençais une toile vierge sans retour en arrière possible. Non seulement il y avait la difficulté du support unique et les attentes de Dominique, mais aussi le défi de bosser en transparence et le travail hors de ma zone de confort, dans la banque, en jouant un personnage et en étant filmé avec la vraie planche. »
Pour la réalisation du billet PMH s’amuse avec les motifs présents sur les dollars. En jouant avec les différentes parties il met des personnages et des motifs du billet à l’honneur comme c’est le cas avec le visage de Jefferson. Il s’empare des motifs, les croise et les recroise dans un entremêlement sans fin des formes.
La ligne continue s’épanche harmonieusement sur la plaquette de 2 dollars. Ce geste du trait continu et régulier PMH le maitrise désormais. Depuis quatorze ans il alimente son art d’une pratique quotidienne. Malgré tout, s’adapter au support reste toujours un challenge et, pour ce projet, l’artiste déclare être particulièrement fier et content du résultat compte tenu des différentes difficultés imposées par le projet bien spécifique du collectionneur. Il rajoutait à propos de ce projet un peu fou :
« Money for nothing c’est aussi une vraie réflexion sur le rapport entre l’argent et l’art. Ce sont des billets qui ont circulé pour la plupart, ça dit beaucoup de choses sur le monde depuis quelqueS centaineS d’années, sur les échanges, ce sont des témoins, des supports qui véhiculent des faits historiques, des messages, des personnages. »
D’ici les deux prochaines années les expositions temporaires dédiées au projet MONEY FOR NOTHING 1001 devraient voir le jour et fleurir dans les grandes villes européennes. Le collectionneur qui passe la plupart de son temps libre à ce projet devrait choisir les derniers artistes qui viendront illustrer son impressionnante collection. La suite reste donc à suivre au prochain numéro.
Site du projet MONEY FOR NOTHING 1001
Site de l’artiste PMH