Le Made, festival rennais dédié aux musiques électroniques, revient pour une quatrième édition du 23 au 26 mai 2019. Entre les têtes d’affiche et la scène locale et émergente, de bars en parcs et jusque dans les hangars industriels du Parc des expositions, la capitale bretonne va une nouvelle fois résonner de basses et de bonne humeur pendant quatre jours ! À cette occasion, Unidivers a rencontré Rémy Gourlaouen et Thomas Mahé, créateurs du festival.
UNIDIVERS – C’est la quatrième édition de ce festival rennais de musiques électroniques, peut-on revenir avec vous sur l’historique de cet événement que vous avez créé ?
THOMAS MAHÉ – Avant le Made, on a commencé par organiser les soirées Boogie Night. On jouait dans les bars rennais, comme le Chantier, on a commencé fin 2012.
RÉMY GOURLAOUEN – On invitait aussi la scène locale. La toute première soirée a eu lieu au Bar’hic. Puis on est passés de bar en bar jusqu’à arriver au El Teatro, qui avait une licence bar de nuit nous permettant d’aller jusqu’à 3h du matin. Les plusieurs étages nous permettaient de programmer un certain nombre de DJs locaux pour un prix d’entrée modique.
THOMAS MAHÉ – La première soirée en club c’était Michael Mayer à L’Espace Club.
https://www.youtube.com/watch?time_continue=3&v=SqN4kpKMwv8
RÉMY GOURLAOUEN – Pendant un moment on a continué les petites soirées en bar et les têtes d’affiche en club.
THOMAS MAHÉ – Pour proposer autre chose que les soirées Boogie, on a lancé les soirées Made au 1988 Live Club. Elles ont été créées à peu près au même moment que le 1988, en 2014. Par rapport à L’Espace où on n’utilisait qu’une grande salle, les deux salles de 400 places environ nous permettaient de faire des plateaux plus importants et plus variés. On pouvait par exemple avoir une scène house et une scène techno.
RÉMY GOURLAOUEN – Au bout d’un moment, on s’est rendus compte qu’avec les DJs qu’on programmait, les clubs affichaient complets et qu’on laissait plein de monde dehors. On s’est alors dit qu’en programmant plus d’artistes, on pouvait voir plus grand. L’idée de base était le Liberté. Mais très rapidement, on a compris que ça n’avait pas non plus grand intérêt de faire une seule soirée au Liberté ou au Muzikhall. Pour que ça tienne la route, on a préféré passer sur le format d’un festival, avec plusieurs événements le temps d’un weekend.
RÉMY GOURLAOUEN – Le premier Made festival a eu lieu en 2016. Il y a eu un temps long entre l’idée, la préparation, et le festival. C’est toujours le cas quand on passe d’une soirée à un festival. On manque d’expérience, donc ça prend du temps à mettre en place.
La première édition, c’était des off le jeudi soir, une soirée au 1988 sur les trois salles, une soirée au Musikhall, et de nouveau des off le dimanche.
UNIDIVERS – Vous revenez à cette première formule pour l’édition 2019, elle vous convenait mieux ?
THOMAS MAHÉ – Pour plusieurs raisons, oui. Des raisons économiques déjà. Et puis nous avons sondé les gens autour de nous, cette catégorie de public très particulière, des festivaliers certes, mais de musique électronique. Ils n’envisagent pas forcément un festival de musique électronique, à part les très gros, sur plusieurs soirs, pour voir des DJ sets s’enchaîner deux ou trois soirs d’affilée. On a pensé qu’ils seraient plus intéressés par un événement concentré sur une journée, avec des lieux différents. On voulu garder le côté club, d’où la soirée au 1988 le vendredi, mais la grosse journée c’est le samedi. D’abord au parc des Gayeulles l’après-midi, et le soir au Parc expo, sur deux halls. Comme tout jeune festival, on cherche encore la formule qui nous convient et qui s’accorderait à une évolution future du festival. C’est l’expérience de ces quatre années qui nous conduit à proposer ce format.
UNIDIVERS – Cette année, pour la première fois, c’est le Made qui organise l’unique open air de cette édition, et non des collectifs partenaires…
RÉMY GOURLAOUEN – Ce changement est une volonté municipale. Alors qu’à l’origine, nous souhaitions laisser le plus de place possible aux collectifs locaux, au fur et à mesure, la municipalité a souhaité que ce soit directement nous qui organisions le maximum d’événements. Il y a énormément de problématique nationales de sécurité qui font que la municipalité préfère avoir un seul interlocuteur. La mairie a donc demandé que nous nous chargions d’organiser les open airs. Or beaucoup réclamaient le retour des Gayeulles.
Lors de la première édition du Made festival, le samedi 14 mai 2016, les collectifs Texture, Frangines & Co et Kepler réunissaient 4 000 danseurs au parc des Gayeulles.
On a donc préféré faire un seul open air, conséquent, aux Gayeulles. Avec toutes les problématiques de sécurité, cela engendre un coût qui n’a rien à voir avec il y a quatre ans, c’était impossible de faire un événement gratuit. À partir de là, on s’est dit qu’il valait autant programmer des têtes d’affiche, et faire de l’open air un grand apéro avant d’aller au Parc expo.
THOMAS MAHÉ – Il y a aussi le Red Bull Music Boom Bus, un petite scène où jouent des collectifs locaux, qu’on a sélectionnés nous-mêmes. Red Bull nous met à disposition des moyens techniques et nous laisse complètement libre de la programmation. Nous ne sommes pas subventionnés du tout, donc quand un partenaire propose des moyens sans contrepartie ça nous intéresse évidemment !
UNIDIVERS – Comme chaque année, on retrouve dans les collectifs partenaires des acteurs bien implantés dans le paysage rennais, mais aussi des nouveaux venus…
RÉMY GOURLAOUEN – C’est ce qu’on souhaite. On veut éviter de tomber dans une routine qui ferait que les gens connaîtraient par cœur le festival à l’avance. On essaie de faire intervenir des nouveaux collectifs, de trouver des nouveaux endroits, quelque chose en plus. L’année dernière c’était le chapiteau house au Parc expo, cette année il y a le deuxième hall, les Gayeulles avec des têtes d’affiche, chaque année on essaie de créer la surprise, de ne pas rester enfermés.
UNIDIVERS – Au sein de la programmation, vous faites aussi la part belle à la scène émergente, avec un tremplin organisé et quatre lauréats qui jouent sur les scènes du festival.
THOMAS MAHÉ – On est surpris du nombre de mix qu’on reçoit, une centaine environ, ce qui nous paraît énorme parce qu’on écoute tout ! D’abord chacun de notre côté, à l’aveugle, sans regarder les noms ni la bio, pour ne pas être influencé au cas où on connaît les artistes, les Rennais notamment. Ensuite on recoupe les noms, on prend ceux qu’on a en commun et on se met d’accord sur quelle scène les faire jouer selon leur style.
UNIDIVERS – Parlons du reste de la programmation artistique, qui, à l’image des années précédentes, est à la fois pointue et mainstream, avec des grands noms de la musique électronique tel que Chez Damier pour les pionniers, ou Pan-Pot pour la nouvelle génération. N’est-ce pas un risque financier d’inviter chaque année autant de têtes d’affiche ?
RÉMY GOURLAOUEN – Organiser un festival est un risque financier.
THOMAS MAHÉ – C’est un équilibre fragile. Mais il faut mettre les choses en perspective. On reste quand même dans une niche. Les têtes d’affiche des musiques électroniques ne sont pas si mainstream. Et pour un panel représentatif de la société française, notre programmation reste pointue. On est loin de ce qui passe sur les grandes radios, le seul artiste qui peut passer à la radio programmé cette année c’est Breakbot.
Effectivement, pour nous ce sont des grosses stars de la techno, des gros cachets, mais ce ne sont pas les Rolling Stones, ni Pharrell Williams ou Beyoncé… Tout est relatif, une tête d’affiche, le mainstream, ce sont des termes flottants de nos jours. Les gros noms qu’on programme sont mainstream, mais pour la niche niche électro.
UNIDIVERS – Est-ce que le fait de programmer des grands noms de la musique électronique est aussi le moyen d’attirer des néophytes qui connaitraient tout de même ces noms ?
RÉMY GOURLAOUEN – Le Made se veut fédérateur. Par exemple, l’intérêt pour nous du retour au 1988, c’est que les jauges étant plus réduites, on peut faire plus pointu. À côté de ça, dans le Muzikhall immense, t’as pas le choix, il faut être fédérateur. L’alchimie est là. C’est un joyeux mélange entre les headliners et les plus petits, pour que justement, le fêtard qui arrive à l’électro par les gros noms découvre le reste.
Vue dans le Hall 9 du Parc expo lors des Trans Musicales 2018, La Fraîcheur, jeune DJ et productrice française de talent, apparaît comme la représentante d’une techno consciente et engagée. Elle enchantera de nouveau Rennes de sa musique le vendredi 24 mai au 1988 Live Club.
THOMAS MAHÉ – Notre but est que fans comme novices puissent être intéressés par au moins un nom sur la programmation. On ne fera pas un festival avec que du Pan-Pot, ni avec que du Aleksi Perälä, qui représentent les deux extrêmes de notre programmation de cette année. D’un côté Aleksi Perälä, une techno à la Aphex Twin, et Pan-Pot la techno de gros festivals, avec des sets bien chiadés qui retournent tout le monde. Souvent il ne s’agit pas du même public. L’intérêt ici, c’est que les deux publics se retrouvent et apprécient les deux moments.
UNIDIVERS – Merci à vous, Rémy Gourlaouen et Thomas Mahé…
Le Made festival se tiendra du 23 au 26 mai 2019 à Rennes.
BONUS EN FORME DE TEASING : Cet entretien a été réalisé lors de la soirée Made invite Astropolis x Paco Tyson x Modern au 1988 Live Club. À paraître bientôt sur Unidivers, un entretien réunissant ces différents organisateurs de festivals électro du Grand Ouest. À consulter ici !