Les Ratz sont un collectif rennais de danse hip hop spécialisé dans le breaking. Accompagné par l’incubateur d’entreprises ESS (économie sociale et solidaire) Tag35, il travaille actuellement à l’ouverture d’un lieu dédié à la culture hip hop : Ratz Hall. Rencontre.
Le collectif rennais de danseurs Les Ratz fait partie de la promotion 2023-2024 de Tag35, organisme qui soutient les projets émergents dans le domaine de l’économie sociale et solidaire. Pendant un an, Les Ratz bénéficient d’un accompagnement collectif et personnalisé pour les aider à mener à bien leur rêve : ouvrir un lieu à Rennes qui accueillerait tous les acteurs et actrices des danses hip hop. Unidivers rencontre les membres du collectif au Quadri, bâtiment ESS du quartier du Blosne où est domicilié Tag35.
Autour de la table, certains des membres fondateurs des Ratz : Ayã et Kaê Brown Carvalho, Oscar Lassus, et Dylan Rakaotoarivony. Amis d’enfance, ils pratiquent depuis leur enfance le breaking et fondent le collectif il y a une dizaine d’années. « On se connaît depuis toujours, pour la plupart on a grandi dans la danse ensemble », confie Dylan. Ils prennent le nom Les Ratz, en référence au dessin animé de Richard Zielenkiewicz (France 3, 2003). « Dans le générique, il y a un passage où ils font du break. C’est aussi parce que pendant des années on s’est entraînés dans la rue comme des rats », explique Ayã avec le sourire. Également présente, Seynabou Diaw a rejoint le collectif plus récemment, dans le cadre du projet Ratz Hall, mais elle gravitait déjà dans les sphères hip hop rennaises. Elle a notamment travaillé pour Ladaïnha, compagnie de danse contemporaine aux influences capoeira et breaking avec laquelle collaborent régulièrement les Ratz.
L’idée de Ratz Hall naît d’un constat, celui d’un manque d’infrastructures dédiées au hip hop par rapport à la vitalité de la scène rennaise. En plus de Ladaïnha, les Ratz citent en vrac la compagnie Engrenages (active depuis 20 ans, spécialisée dans le locking funkstyle, organisatrice du festival Le Funk prend les Rennes), West Coast Project (fondé par Iron Mike et Doc Brrown, un artiste popping et un rappeur qui travaillent notamment avec le Triangle et le CCNRB), la compagnie Primitifs (créée par le chorégraphe François Bazenet, organisatrice du battle Rennes Storming), la compagnie Inside Out (de Linda Hayford, codirectrice du CCNRB) ou encore le collectif The Love Movement (organisateur de battles, de soirées musicales et de performances dans le domaine de la house dance). En dehors de ces structures, il faut encore compter les cours de danse donnés par des indépendants et tous les danseurs et danseuses qui participent activement à la culture hip hop à Rennes.
À côté de ça, les lieux sont rares. Le CCNRB est plutôt axé sur la création chorégraphique. Il a bien ouvert, depuis quelques années, des créneaux de pratique libre, mais qui restent très limités (5 heures par semaine). Le Triangle, cité de la danse, est aussi un lieu relais de la culture hip hop, mais n’est pas pour autant spécialisé dans le domaine.
Avec Ratz Hall, les Ratz veulent créer un lieu fédérateur, qui réponde aux besoins de cette communauté et participe à la diffusion de sa culture. « Il nous faut un lieu pour pouvoir avancer et évoluer dans nos pratiques, transmettre et démocratiser. Un lieu qui soit aux couleurs du hip hop, mais aussi accueillant, parce qu’on ne va pas donner des cours à des gamins dans la rue », explique Ayã Brown Carvalho
L’ambition de Ratz Hall est de combiner trois volets d’activité. D’abord, la mise à disposition d’un espace pérenne de pratique libre sur une amplitude horaire large (10 h-23 h). « C’est un des premiers besoins qu’on a identifiés », précise Seynabou Diaw. En effet, les danseurs et danseuses hip hop rennais ont dû migrer au fil des années parce qu’ils n’étaient plus acceptés dans les lieux investis. Au début des années 2000, ils étaient nombreux à s’entraîner sur la dalle du Colombier. Ils ont ensuite trouvé refuge dans le hall du bâtiment Érève sur le campus de Villejean pour finalement ne plus y être les bienvenus à partir de 2020. « C’est primordial d’avoir un espace où chacun peut venir s’entraîner quand il le souhaite », affirme Seynabou.
Complémentaire, la deuxième activité serait l’enseignement : des cours hebdomadaires, des ateliers avec des publics éloignés en collaboration avec diverses associations, des initiations gratuites, y compris hors les murs pour aller à la rencontre de nouveaux publics. Sont d’ores et déjà prévus des cours de breaking, hip hop freestyle, locking et house. À terme, les Ratz aimeraient proposer à l’enseignement toutes les formes de danse hip hop.
Enfin, le Ratz Hall pourrait aussi accueillir différentes sortes d’événements : battles, y compris pour les jeunes et les débutants, jams, soirées. « C’est une activité qu’on mène déjà mais qui est dispersée dans différents lieux », rapporte Seynabou Diaw.
L’objectif du lieu serait ainsi de promouvoir et de démocratiser la culture hip hop qui, si elle fête cette année ses 50 ans et a largement imprégné la musique, la mode, les arts visuels et même la danse contemporaine, reste encore victime de clichés et de méconnaissances. Dans le domaine de la danse, par exemple, les différents styles sont encore très mal connus et amalgamés sous l’étiquette médiatique de breakdance. Quant à l’esprit du hip hop, sa philosophie de vie fondée sur la liberté, le partage et la mixité, elle est globalement ignorée du grand public qui a surtout retenu le bling bling et la violence du gangsta rap. La culture hip hop a 50 ans, « mais c’est 50 ans de désinformation », déplore Ayã Brown Carvalho.
Accompagnés par Tag35 pendant un an, les Ratz sont actuellement en cours de structuration et à la recherche d’un lieu d’une superficie d’au moins 300 m2. En attendant, vous pourrez les retrouver le 17 novembre au café des Champs libres pour la soirée The Sound Is Yours de The Love Movement, ou encore le 2 décembre pour la Vortex Jam, une jam internationale à Saint-Domineuc (Ille-et-Vilaine).