Le prolifique Sufjan Stevens revient ces jours-ci avec un nouveau projet assez ambitieux nommé Planetarium. Accompagné de Nico Muhly, Bryce Dessner et James Mc Alister pour la réalisation de ce nouvel album, le chanteur s’inspire ici des différents éléments de notre système solaire : Mars, Neptune, Jupiter, la comète de Halley, les trous noirs…
Un album long de 17 plages, alternant morceaux instrumentaux et morceaux chantés. L’ambiance de Planetarium est, évidemment aérienne, planante. Musicalement on y entend de l’ambient zen, de l’électronica plus rythmée en passant par le minimalisme contemporain (Nico Muhly a entre autres collaboré avec le grand compositeur Philip Glass). Baptisé Planetarium, ce disque est dans l’ensemble assez expérimental, même si les morceaux ne sont pas énormément déstructurés et restent assez accessibles grâce, entre autres, aux mélodies vocales de Sufjan Stevens. Un chant très doux qui se prête bien à la dimension onirique de l’œuvre ; l’utilisation du vocoder apporte également une dimension futuriste, robotique, déshumanisée à l’interprétation de certains morceaux.
Les textes, écrits par Sufjan Stevens, sont assez pointus : introspectifs, poétiques, spirituels, personnels autant qu’universels. Le titre Mars évoque la guerre, le chaos apocalyptique en référence aux prophéties bibliques. « In the future, there will only be war, profanity outside and after all the devastation will we see the Lord as it is written ? ». L’autre morceau torturé de l’album, intitulé Saturn, renvoie lui à la vision manichéenne de notre condition humaine : le bien, le mal ; Dieu, le Diable : « Where there’s joy, I bring you trespass. Where there’s light, I bring you darkness. Where there’s health, I bring affliction. Where there’s hope, I bring misfortune ». Sufjan Stevens s’interroge également en chantant « What’s right and what’s wrong ? » sur le titre d’ouverture intitulé Neptune. Le Cosmos et ses mystères, sa magie, son lien avec notre complexe nature humaine. Que se passe- t-il après la mort ? Quelque chose de mieux ? De pire ? Ou bien rien ? Ces questions, qui ne cessent de tarauder les hommes depuis les premières civilisations, sont ici, avec la force d’une musique brillamment composée, exposées dans un sentiment d’urgence, de saturation, de spleen face à l’incompréhension de nous-mêmes et de notre environnement.
Du spleen mais pas seulement. Si l’idéalisation va de pair avec une mélancolie en forme d’impasse, on peut toujours s’offrir, dans ces moments de gravité, des instants de contemplation, de bonheur personnel, de rêverie. C’est cette seconde approche qui est développée sur ce disque, à travers les plages instrumentales ambient, qui savent offrir à l’auditeur un certain apaisement émotionnel. L’instrumentation fournie sur cet opus est très riche : célesta, piano, guitare électrique, batterie, percussions, programmation électronique, mellotron et également des instruments classiques : violons, violoncelle, trombone. Une atmosphère à la fois moderne, avant-gardiste et classique. C’est au cosmos que s’adresse ce disque, donc : respect ! Nous ne sommes plus en 1977, où il était de bon goût d’envoyer le morceau Johnny B. Goode avec la sonde interstellaire Voyager en guise de présentation de notre humanité.
Tant que l’on parle de présentation, celle de la pochette est très soignée : des visuels magnifiques viennent conceptuellement illustrer chaque titre. On connaissait l’originalité et l’ambition de Sufjan Stevens pour des projets faramineux (les trois disques dédiés à 3 États américains ; il s’est arrêté là et n’a pas fait évoluer le projet pour les 50 États, heureusement pour lui et pour nous…). Par contre, Planetarium est, quant à lui pleinement aboutit, un projet grandiose, peut-être un peu mégalo mais le résultat est là : de haute volée et c’est l’essentiel.