Tim Parks : No Sex ou le bouddhisme au secours d’une âme en souffrance… En réalité, No Sex est le titre de la version française ; en anglais, c’est Sex is forbidden (the Server). Ce roman de l’écrivain britannique Tim Parks est paru en 2014 aux éditions Actes Sud. Comme son titre l’indique frontalement, ce roman aborde le sujet d’une retraite spirituelle dans un centre bouddhiste où la mixité ainsi que les paroles échangées entre hommes et femmes sont prohibées.
Élisabeth, jeune chanteuse dans un groupe de rock dont les excès en tout genre (sexe, alcool, drogues, musique…) ainsi qu’une culpabilité plus imaginée qu’avérée (liée au décès d’une relation) l’ont menée dans un état de mal-être. Dans un centre bouddhiste, elle va expérimenter la méditation ainsi qu’un rythme de vie ultra discipliné dans une communauté où elle recevra un enseignement spirituel en échange de sa participation bénévole aux tâches domestiques.
Tim Parks nous livre ici un roman à la fois complexe et accessible. Compliqué de par sa référence au vocabulaire spécifique de la spiritualité bouddhiste et abordable en raison de la modernité de l’intrigue. En effet, ce roman très actuel dépeint les névroses que bon nombre de jeunes ou d’adultes occidentaux subissent aujourd’hui en raison d’un mode de vie chaotique sans repère, dénué de maturation spirituelle. Le rock qui séduit facilement les ados par son esthétique charismatique, le son saturé des guitares, les rythmiques véloces des batteries ainsi que des déclamations de textes souvent agressifs permettent une adhésion identitaire du jeune en situation de crise existentielle et de rébellion face à la figure parentale. Mais est-ce donc à cela et à la consommation de drogues que doit se limiter le rite initiatique de passage à l’âge adulte ? Certains y trouvent peut-être leur compte en le vivant légèrement, d’autres comme Élisabeth alias Beth (Tim Parks fait peut-être ici une allusion à la chanteuse du groupe rock Gossip, véritable icône de la subversion) passent mal ce cap, encore que cette dernière soit assez solide par rapport à bon nombre d’adolescents qui voient leur 20 ans sous un angle bien différent de celui évoqué dans la chanson stéréotypée de Charles Aznavour. En effet, l’idéalisation, la recherche d’absolu aboutissent chez certains à une confusion, une forme de déstructuration psychique qui se voit souvent prise en charge par des traitements médicamenteux. L’Occident, malgré sa modernité et ses richesses matérielles a, contrairement aux cultures orientales, mis au second plan le savoir-être. Il n’y a qu’à regarder à quoi se résument les discours trop souvent archaïques de bon nombre d’hommes d’Église et on peut comprendre les raisons pour lesquelles la jeunesse délaisse très tôt la messe dominicale. Le bouddhisme, davantage une philosophie qu’une religion, offre quant à lui une alternative car il se trouve plus fortement ancré dans la complexité de la réalité.
Dans son roman, Tim Parks fait évoluer son personnage d’un stade instable à un certain calme retrouvé (titre d’un autre ouvrage du même auteur). Le style narratif employé est assez novateur comme dans d’autres romans de cet écrivain : le lecteur alterne entre les monologues introspectifs des protagonistes et quelques dialogues, ce qui peut exiger un certain niveau de concentration, mais procure une riche immersion littéraire. Concernant la spiritualité en question, les notions de non-attachement, d’impermanence, de vacuité, de méditation y sont évoquées avec érudition, mais il ressort de ce livre une histoire profonde, originale également teintée d’humour qui peut donner même aux non-initiés un aperçu de cette science de l’esprit. Profondément pacifiste, le Dalaï-Lama a récemment proposé une rencontre et un échange avec les responsables de L’État islamique quand la réaction des gouvernements occidentaux a été d’entrer dans une riposte militaire, à méditer…
Roman No Sex Tim Parks, Actes Sud, 2014, 272 pages, 22 € ou e-book : 16,99 €
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Né à Manchester en 1954, Tim Parks a fait ses études à Cambridge et à Harvard. Il vit en Italie depuis 1981 et est l’auteur de nombreux romans dont Cara Massimina (Actes Sud, 1995), Double vie (Actes Sud, 2005), Rapides (Actes Sud, 2006), Rêves de fleuves et d’océans (Actes Sud, 2009). Il est également traducteur d’écrivains italiens parmi lesquels figurent Calvino, Calasso, Tabucchi et Machiavel. Tim Parks enseigne aussi la traduction littéraire à Milan et publie des articles dans le New Yorker et le New York Review of Books. Son œuvre comprend en plus de ses romans d’autres types d’écrits dont Le Calme retrouvé, livre personnel sur l’expérience des médecines douces (Actes Sud, 2012), Une saison à Vérone reportage sur le milieu du football en Italie (Ed. Christian Bourgois, 2002).