Beaucoup pensent que le débarquement du 6 juin 1944 n’a eu lieu qu’en Normandie. Pourtant dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, des parachutistes des SAS français (Spécial Air Service) formés en Angleterre ont été largués au-dessus des Côtes du Nord (Côtes d’Armor) et du Morbihan. Le caporal Emile Bouétard, natif de Pleudihen-sur-Rance (22) a été le premier mort du débarquement. Plusieurs parachutistes ont été abattus et les survivants se sont regrouper au maquis de Saint-Marcel (56), entre Vannes et Ploërmel dans le but d’aider les résistants.
A l’aube du 6 juin 1944, les alliés lançaient sur les plages normandes la plus grande opération militaire de tous les temps baptisée Overlord pour chasser l’occupant nazi du continent européen. La Bretagne participe également au débarquement des alliés sur deux de ses territoires, avec 36 commandos du 4e bataillon SAS (Spécial Air Service). Les Forces Françaises Libres (FFL), parachutistes des SAS français sont largués par petits groupes, d’une part au dessus de la forêt de Duault, non loin de Guingamp dans les Côtes du Nord : c’est la base Samwest et d’autre part à Plumelec dans le Morbihan : c’est la base Dingson. Les deux objectifs ciblés de ces parachutages sont d’une part de perturber le mouvement des 150 000 soldats allemands, de désorganiser l’arrivée de leurs renforts et de les empêcher de rejoindre la Normandie et d’autre part de prendre contact avec les résistants sur place.
Partis de Fairford à 130 km de Londres, le largage des parachutistes dans le Morbihan a lieu en deux sticks à 23 h le 5 juin 1944. Le responsable de la mission le lieutenant Pierre Marienne et ses hommes sont les premiers à fouler le sol français, sur les landes de Lanvaux à Plumelec dans le Morbihan, suivi du lieutenant Henri Deplanche et ses hommes formant le second stick. Leur mission est de préparer le terrain pour les autres unités à venir. Hélas, les parachutistes sont largués à 2 km de l’endroit initialement prévu, dans le secteur de Plumelec, près du moulin de la Grée sur une colline à 166 mètres d’altitude qui surplombe le bourg de Plumelec.
Les SAS ignorent que ce site est utilisé comme poste d’observation par les Allemands. Ces derniers donnent immédiatement l’alerte. Dès leurs atterrissages, les soldats doivent affronter les troupes supplétives allemandes, composées de soldats ukrainiens et géorgiens de l’armée Vlassov équipés par la Wehrmacht, l’armée allemande. Pierre Marienne s’illustre au combat. Ensuite, les parachutistes coupent les communications, le réseau électrique et sabotent les lignes de chemin de fer. Avec l’aide de la résistance française, une partie d’entre eux regagneront le maquis de Saint-Marcel. Ils seront, jusqu’à la bataille du 18 juin, 160 parachutistes à s’y installer et à combattre l’ennemi aux côtés des maquisards. Élevé au grade de capitaine, Pierre Marienne décide de déplacer son camp à Kerihuel à Plumelec le 9 juillet 1944. Les Allemands obtiennent, par trahison d’otages soumis à la torture, des informations sur le lieu où se trouve le capitaine et aidés par des miliciens, ils le surprennent encore endormi le 12 juillet au matin. Le capitaine Marienne, six autres parachutistes, huit maquisards et trois habitants (cultivateurs de Kerihuel : les père et fils Gicquello et Fernand Danet accusés de les avoir hébergés) sont froidement assassinés. Pierre Marienne fut inhumé dans le cimetière de Plumelec. Après la guerre sa sépulture est transférée au monument aux morts 1939-1945 de Plumelec érigé à l’extérieur du cimetière.
Dans les Côtes du Nord quatre équipes, soit deux sont commandées par le lieutenant Charles Deschamps et deux autres par le lieutenant André Botella sautent vers 00h30 le 6 juin 44 au-dessus de la forêt de Duault. La première phase de cette mission consiste à mettre sur pied une base de soutien secrète en Bretagne non loin de Saint-Brieuc (22) pour entrer en contact avec la Résistance locale intégrée aux opérations de guérilla et enfin établir des zones de parachutage et d’atterrissage pour le reste des commandos. Comme dans le Morbihan, ce bataillon a pour devoir de mener des opérations de sabotages, de destruction des lignes de communication, des ponts et de créer des embuscades pour gêner les convois des renforts ennemis qui circulent en Bretagne et qui envisagent de se diriger vers la Normandie après le débarquement des alliés. Jusqu’au 9 juin 1944, ils seront 116 SAS français parachutés sur la base secrète Samwest. Les survivants de l’opération de la cellule Samwest renforceront les parachutistes de la cellule Dingson pour coordonner leurs actions.
Sur les 450 parachutistes du 4e bataillon engagés en Bretagne, 70 ont été tués et 197 blessés, certains très gravement. Les 70 SAS majoritairement bretons ont disparu entre le 6 juin et le 28 septembre 1944, dont 13 ont été tués sur le sol de Plumelec. Un monument a été construit en 1989 au Moulin de la Grée à Plumelec, par le sculpteur Jean Mélinard, ancien SAS lui-même. Les 70 noms y sont inscrits.
Depuis 1994, une place du bourg de Plumelec porte le nom du caporal Emile Bouétard. Ce Breton était né le 4 septembre 1915 et était marin de métier depuis l’âge de 13 ans. En janvier 1943 il rejoint l’Angleterre et s’engage dans les Forces aériennes françaises libres qui recrutent des volontaires parachutistes. Emile Bouétard est la première victime du débarquement du 6 juin 1944. Il tombe au village : Le Halliguen à Plumelec à 0 h 40 à l’âge de 29 ans, touché à la gorge et à la face par une balle explosive allemande. Le 6 juin 2014, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, rendra hommage pour le 70 e anniversaire du débarquement à Emile Bouétard à Plumelec, premier mort du D Day, et prononcera ces mots : Le caporal Émile Bouétard, blessé au combat, est achevé par l’ennemi conformément aux ordres qu’avait donnés Hitler. Ce qui m’émeut particulièrement ce matin ici, c’est qu’en fait c’est le début de la libération du pays qui commence en Bretagne à Plumelec, et qui se termine le 9 mai 1945 à Lorient, dernière ville libérée.
Le parcours d’un autre SAS breton, parachuté en Bretagne :
René Dejean est né à Ploërmel le 18 novembre 1922. Il était étudiant et vivait rue du Val. Il répond à l’appel du général de Gaulle en juin 1940 et part pour l’Angleterre. Il s’engage à Londres le 10 août 1940 dans les Forces Françaises Libres (FFL). Il est breveté parachutiste le 10 avril 1941 et reçoit une formation de commando de mai à juillet 1941. Enregistré à la compagnie de l’Air Moyen-Orient, il participe, dès lors, aux opérations au Liban, puis en Egypte sur les bords du canal de Suez, avant de rejoindre la guerre du désert en Libye. Il appartient au French Squadron du Spécial Air Service britannique. Il combat aux côtés des Britanniques, qui affrontent les troupes allemandes de Rommel. Rappelé en Angleterre, son unité intègre le second régiment de parachutistes et le 4e Spécial Air Service (SAS) du commandant Pierre-Louis Bourgoin, dit Le manchot. Sa mission est de renforcer et d’encadrer les maquis bretons dans le cadre du débarquement, l’opération Overlord. Le caporal-chef René Dejean est parachuté dans la nuit du 9 au 10 juin 1944 sur le maquis de Duault dans les Côtes du Nord. La base de SAS est attaquée en force par la Wehrmacht, le 12 juin. Les résistants se replient dans le Morbihan au maquis de Saint-Marcel. René Dejean se retrouve à Plumelec. Le 23 juin 1944, l’ennemi surprend son groupe au village de Talcoët Meur à Plumelec. Au cours du combat, René Dejean est blessé puis capturé. Il est fusillé le même jour, à l’âge de 21 ans 1/2. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il aurait été jeté dans un bâtiment en feu dans ce même village. Il en fut de même pour son camarade Louis Guégan. A Ploërmel, une impasse (derrière le centre hospitalier Alphonse Guérin) rend hommage a la bravoure de René Dejean engagé des Forces Françaises. Elle a été inaugurée en août 2004 par l’ancien ministre Pierre Messmer, FFL lui aussi. La mairie de Ploërmel a ajouté en marge de son acte de naissance : décédé le 23 juin 1944, à blanc avec la mention Mort pour la France.
Le Général américain Dwight David Eisenhower (1890-1969), chef des forces alliées en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale a rendu hommage dans ses mémoires à la résistance bretonne.
Infos pratiques
Cérémonie le mardi 6 juin 2023 à Plumelec dans le Morbihan:
Une cérémonie commémorative et intimiste sera rendue en hommage aux héros des SAS et résistants bretons, tombés à Plumelec le 6 juin 1944 sur le site du moulin de la Grée.
Une classe d’écoliers venus du Tréport participera à la commémoration
Horaires : de 8h30 jusqu’à 12h, suivant l’itinéraire emprunté :
-recueillement au moulin de la Grée de la part des élus, des anciens combattants et de la population
– stèle Emile Bouétard
– monument aux morts 39-45