La BD SYKES rend hommage au western traditionnel

Une couverture magnifique pour cette BD Sykes qui vient de paraître au Lombard. Elle nous entraîne dans les grands espaces de l’Ouest à la quête de bandits et de voleurs. Classique mais efficace dans un genre qui a le vent en poupe.

 

sykes lombardLe western est bien de retour dans le domaine de la BD. Blueberry et Les Tuniques Bleues (dont sort le 59 ème album) semblaient depuis la fin des années soixante avoir phagocyté le genre. Et puis, progressivement, le thème est réapparu avec souvent une once de dérision et d’humour (« Lincoln », « l’Homme qui aimait les armes à feu » notamment*) ou une dose solide de violence (« Bouncer », « Pinkerton » et le magnifique « Western » de Van Damme et Rosinski**). Alors que va être publié le deuxième tome très attendu de Undertaker***) , est édité un « one shot » qui constitue un véritable retour au classicisme. La BD Sykes reprend tous les ingrédients traditionnels : un héros marqué par son passé, cherchant la justice ou la repentance, un indien recruté comme éclaireur, beaucoup de méchants et peu de gentils, un saloon et ses accortes serveuses, un orphelin qui veut devenir grand et venger ses parents, des notables véreux… Bref,  l’Ouest américain conforme à sa mythologie.

sykes bdCes archétypes « Sykes » les reprend à la manière des films américains comme cette apparition du héros au visage noyé dans un violent contre-jour, identique à une séquence de « Sherif Jackson ». Plan panoramique, plongée et contre-plongée, le dessin d’Armand prolonge une caméra imaginaire qui filme au ras du sol comme en vue aérienne. Il sait aussi à la manière des westerns italiens figer en très gros plan les rictus de haine ou d’angoisse. La peur suinte des yeux, les cris explosent hors des bouches. Une case saisissante rappelle même un auto-portrait de Gustave Courbet. Armand sculpte avec précision la peau ridée par le soleil de Sykes ou la violence définitive d’un coup de feu. Les couleurs sont somptueuses et magnifient les paysages et les situations. La silhouette de corbeau du héros, semblable au ciel d’orage, est le rappel constant du deuil que porte en lui ce Marshall Sentence Sykes. De fait, ce redoutable tireur cherche, en poursuivant la bande des Clayton, à oublier de terribles souvenirs personnels…

sykes dubois armandSans faire preuve d’une grande originalité, mais le parti-pris des deux auteurs est visiblement de faire une œuvre « classique », le scénario est efficace, rapide, même si l’espace temps du récit est très inégal, contrainte liée au principe de l’album unique. La première partie de l’album se consacre à la chasse de bandits violeurs et voleurs mais pose déjà les jalons de secrets et de mystères qui ne se dévoileront que dans les dernières pages ou le dessin magnifique, libéré de texte, apporte les révélations attendues. Une fin qui démontre dans la tradition du western que le héros est peut-être plus complexe que prévu et que la violence constitue un exutoire à la souffrance.

bd sykesSykes se lit en un seul jet, à la vitesse d’une balle de colt traversant les vitres d’un saloon. Précis et juste, même si l’histoire et le personnage, compte tenu des pistes offertes par le scénario, auraient permis de s’ouvrir vers plusieurs albums. Un titre qui trouvera pleinement sa place dans le rayon western de l’amateur de BD.

BD SYKES Dimitri Armand (Dessins) Pierre Dubois (Scénario), Le Lombard Collection Signé, novembre 2015, 80 pages, 17 euros

 

* Quelques conseils de lecture si vous souhaitez vous plonger dans ce genre si riche :
Lincoln : de la « famille » Jouvray ! 8 albums chez Paquet. Dieu et le Diable au pays du western. Sans pareil. Entre philosophie et loufoquerie.
« L’homme qui aimait les armes à feu » : 3 tomes chez Delcourt. De Lupano, Salomone et Pieri. Le triomphe de l’humour et de la dérision.
« Pinkerton «  de Guerin et Damour chez Glénat. Du classique et du solide. De Jesse James à la guerre de sécession.
«  Bouncer » des mythiques Jodorowsky et Boucq chez Les Humanoïdes associés. Un premier album paru en 2001 qui a relancé le genre. Des dessins somptueux.
« Durango ». 17 tomes de Swolfs aux Éditions des Archers. Une série qui depuis 1981 a assuré la pérennité du genre aux côtés de Blueberry. Du Technicolor pour une lecture adolescente ou adulte.
« Stern » de F et J Maffre chez Dargaud. Une nouveauté qui fait mouche. Quand un croque-mort devient détective pendant la guerre de sécession. Un angle inédit et passionnant.

** « Western » De Van Damme et Rosinski. Le Lombard

***  Le tome 2 d’Untertaker sort le 27 novembre

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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