En août, vous avez pu découvrir sur nos pages une sélection des meilleurs romans de la rentrée littéraire. Mais celle-ci est loin d’être terminée : en septembre, place aux voix venues d’ailleurs, avec une rentrée qui prend des accents résolument étrangers.
Commençons toutefois par deux titres français. Le premier roman de François Garde, Ce qu’il advint du sauvage blanc (Gallimard, 2012), avait été couronné par le Prix Goncourt du premier roman. Depuis, l’auteur poursuit une œuvre remarquée, mêlant finesse d’observation et goût du récit. Dans La dame aux oiseaux (Grasset, à paraître le 3 septembre 2025, feuilleter), il propose un roman choral à quatre voix, oscillant entre enquête et onirisme. Dans un petit village côtier, au bord de l’Atlantique, Tom, Annie, Élise et le vieux Léon tentent de comprendre les drames récents qui viennent troubler leur quotidien. Qui est vraiment cette mystérieuse « dame aux oiseaux » qui vit recluse, sans jamais parler à personne ? Quelle obsession étrange la pousse à répéter inlassablement son rituel quotidien ? Et surtout, quel secret enfoui depuis trente ans menace aujourd’hui de ressurgir sur le village ?
Roman de terroir signé Christian Signol, D’une beauté sauvage (Albin Michel, à paraître le 17 septembre 2025, feuilleter) porte admirablement son nom. Sur les hauts plateaux du Limousin, deux couples que tout oppose défendent leurs convictions. Lucas et Mathilde observent et protègent les loups, fascinés par leur grâce et leur rôle dans l’équilibre naturel. Face à eux, Jeanne et Damien, éleveurs ancrés dans la terre, redoutent la menace que ces prédateurs font peser sur leurs bêtes. Au cœur de ce conflit, deux loups, Lupa et Lena, traqués sans relâche, luttent pour leur survie et celle de leurs petits.
Avec la sensibilité qu’on lui connaît, Christian Signol livre une fresque vibrante du monde sauvage, portée par une profonde justesse de regard sur la nature, ses lois et ceux qui la peuplent.


En littérature étrangère, cap d’abord sur le Royaume-Uni avec Jonathan Coe et Natasha Brown, avant de remonter vers le nord avec l’Islandaise Auður Ava Ólafsdóttir et le Danois Jens Christian Grøndahl.
Les romans de Jonathan Coe mettent en scène des personnages confrontés aux bouleversements politiques et sociaux de l’Angleterre contemporaine. Les preuves de mon innocence (Gallimard, à paraître le 18 septembre, traduit par Marguerite Capelle) ne fait pas exception. Alors que Liz Truss vient d’être nommée Première ministre, l’intrigue suit deux groupes que tout oppose : des ultra-conservateurs et des étudiants de Cambridge. Coe joue habilement avec les codes du polar, tout en conservant sa plume vive et ironique, pour explorer la montée des extrêmes et la diffusion de la désinformation.
Révélée par son premier roman, Assemblage (Grasset, 2023), qui a connu un succès fulgurant, Natasha Brown revient avec Les Universalistes (Grasset, à paraître le 3 septembre, traduit également par Marguerite Capelle). À partir d’un fait divers survenu dans une ferme du Yorkshire, l’autrice interroge le pouvoir du langage et la manipulation médiatique. L’histoire débute avec l’enquête d’Hannah, une jeune journaliste, avant de se prolonger à travers le regard de Lenny, écrivaine en quête de reconnaissance. Avec une plume incisive, Natasha Brown dévoile comment, derrière l’humour et les métaphores, peuvent se dissimuler des discours insidieusement populistes.
Les lecteurs français ont découvert Audur Ava Ólafsdóttir avec Rosa candida (Zulma, 2015). Elle a ensuite obtenu le prix Médicis étranger avec Miss Islande (Zulma, 2019). Elle pourrait bien à nouveau se démarquer avec DJ Bambi (Zulma, à paraître le 4 septembre, traduit par Éric Boury, extrait). Dans ce nouveau roman, on suit Logn, biologiste spécialiste des cellules, âgée de soixante et un ans. Née dans un corps d’homme, elle s’est toujours sentie femme et attend avec impatience « son opération du bas ». Rejetée par sa famille, son seul soutien demeure son frère jumeau. Entre passé et présent, avec une infinie délicatesse, la narratrice évoque les épreuves et les questionnements qui ont jalonné sa quête identitaire. Un récit sensible, une ode à la féminité et au temps qui passe.
Avec Au fond des années passées (Gallimard, à paraître le 4 septembre, traduit par Alain Gnaedig), Jens Christian Grøndahl livre un roman d’amour tout en finesse. Atteint de la maladie de Parkinson et abandonné par sa femme, le narrateur semble avoir perdu tout espoir. Jusqu’au jour où, dans un parc, il croise Anna, son amour de jeunesse. Elle l’entraîne alors dans ses propres tourments. Grøndahl compose ici une partition subtile où, entre souvenirs intimes et drames contemporains, surgissent des thématiques puissantes : la maladie, le désarroi politique, le choc des générations, les violences faites aux femmes. Un roman aussi lucide qu’émouvant.


Enfin, un mot sur la littérature ghanéenne, avec Fleurs de nuit de Peace Adzo Medie (Éditions de l’Aube, à paraître le 2 septembre, traducteur : Benoîte Dauvergne). Un très beau roman sur l’amitié féminine et la force des liens familiaux. Selasi et Akorfa, deux cousines nées le même jour, grandissent comme des sœurs, sous le regard aimant mais exigeant de leurs mères. Leurs parcours, pourtant, prennent des directions opposées : l’une poursuit de brillantes études aux États-Unis, l’autre reste au Ghana et se bat pour trouver sa place. Désillusion du rêve américain, racisme, sexisme, corruption : chacune devra se libérer du poids des attentes sociales pour vivre sa propre vérité. Une saga africaine vibrante, portée par deux héroïnes inoubliables.
Septembre offre aussi un grand choix de romans noirs. Les figures incontournables du genre sont au rendez-vous : Viveca Sten, Dan Brown, Gillian McAllister, Lee Child, Harlan Coben, Ken Follett, Franck Thilliez… Mais intéressons-nous plutôt à des auteurs moins médiatisés, dont le talent mérite tout autant notre attention.
Jacques Saussey, pilier du polar français, signe un nouveau thriller haletant avec Invisible (Fleuve Noir, à paraître le 25 septembre). Le roman s’ouvre sur une scène de crime insoutenable, découverte sur une aire d’autoroute. Alice Pernelle, tout juste sortie de l’école de gendarmerie, est la première à intervenir avec sa brigade. S’agit-il des prémices d’une série meurtrière ? C’est ce que semble évoquer le comportement de Loulou, un jeune routier en route vers la frontière allemande…
Alia Trabuco Zerán, remarquée pour Propre (Robert Laffont, 2024), huis clos percutant autour d’une domestique dans une famille aisée et oppressive, revient avec Assassines (Robert Laffont, 4 septembre 2025, traduction : Anne Plantagenet). Dans cet essai narratif à la portée féministe assumée, l’autrice s’intéresse à quatre femmes accusées de meurtre, puis condamnées au silence et à l’oubli. En redonnant voix et chair à ces figures de l’ombre, elle interroge la justice, le pouvoir et l’acte de résistance.
Philip Gray, quant à lui, mêle suspense, passion et Histoire dans La Maison aux neuf serrures (Sonatine, à paraître le 18 septembre, traduction : Élodie Leplat). Bruxelles, février 1952. Un incendie ravage un entrepôt. Le corps d’un veilleur de nuit est retrouvé. Accident ou acte criminel ? Le commandant De Smet, envoyé sur place, penche pour la seconde option. Cinq ans plus tard, à Gand, Adélaïs De Wolf hérite d’une étrange demeure verrouillée par sept serrures. Une enquête romanesque et poignante, nourrie de secrets familiaux, où l’auteur déploie une profonde empathie pour ses personnages.

Séance de rattrapage en format poche : les incontournables de la rentrée
Avec La Ballerine de Kiev (Pocket, 11 septembre), Stéphanie Perez nous plonge au cœur de l’Opéra national de Kiev, en février 2022, alors que la guerre éclate. Entre passion artistique et choix vitaux, ce récit bouleversant met en lumière le courage et la solidarité exemplaires des Ukrainiens. Un hommage vibrant à la résilience.
Sally Rooney revient avec Intermezzo (Folio, 4 septembre, traduit par Laetitia Devaux), un roman aussi intense que subtil, dans la lignée de Normal People. Corps et cœurs se dévoilent, les liens se tissent et se délient dans une troublante valse des sentiments. Une lecture captivante, à la fois sensuelle et mélancolique.
Côté roman noir, ne manquez pas Le Seul Coupable de Jacques Saussey (Pocket, à paraître le 25 septembre). Un ancien policier confronté au spectre d’une possible erreur judiciaire : le doute s’installe, la vérité vacille. Une enquête haletante, portée par une tension psychologique constante et des rebondissements maîtrisé.
