ATRIUM. Un album en lutte et un clip contre les violences sexuelles

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Un corps enchaîné, à terre, presque sans vie. Puis un œil qui s’ouvre, la lutte qui reprend, les liens qui se brisent. Avec Operation Scumbag, nouveau clip issu de leur premier album Watery Grave, le groupe rennais ATR!UM transforme un huis clos noir en manifeste visuel contre les violences sexuelles et les systèmes qui les protègent.

Operation Scumbag : du corps brisé au corps debout

Réalisé par Marie Leclercq dans les studios de l’université Rennes 2, le clip d’Operation Scumbag (sortie le 17 décembre) choisit la frontalité plutôt que la métaphore. Sur un fond noir radical, la caméra suit une chaîne lourde, rouillée, qui serpente jusqu’au corps nu et recroquevillé d’une femme, interprétée par Sadbh Tapie Connolly. Le sol, la solitude, les taches sombres sur la peau : tout dit l’isolement, l’épuisement, l’impuissance des victimes de crimes sexuels.

Puis quelque chose bascule. L’œil s’ouvre, la conscience revient, la colère affleure. La protagoniste se débat, tire sur ses liens, oscille entre écrasement et sursaut. Le montage alterne gros plans et plans larges sur ce corps tour à tour déshumanisé, cadavérique, sali, puis peu à peu combattif. Jusqu’à la libération finale : les chaînes tombent et la femme quitte le cadre en marchant, debout. Sans spectaculaire inutile, le clip raconte cette ligne de crête fragile entre sidération, survie et reprise de pouvoir.

Watery Grave : un premier album entre folk rock et fureur politique

Sorti le 28 novembre (Microcultures / L’Autre Distribution), Watery Grave est le premier album studio d’ATR!UM. Dix titres originaux, composés et interprétés par les cinq musicien·nes, portés par les textes de la poétesse irlandaise Bríd Ní Chonghaile, véritable cœur battant du projet. Ses poèmes, en anglais et parfois en gaélique, mêlent histoires personnelles traumatiques, récits politiques et appels au militantisme. On y croise la mémoire de George Floyd, les guerres de religion, les féminicides, les droits des femmes rognés, la montée des eaux…

Musicalement, le groupe revendique un folk rock puissant et progressif, enregistré en live aux Apiary Studios (Laval) avec Amaury Sauvé. Particularité : ATR!UM a fait le choix de se passer de guitare électrique, privilégiant une guitare folk bardée d’effets, une basse, une batterie acoustique et surtout un travail vocal très poussé. Les chœurs à cinq voix structurent l’album, avec des moments de chorale qui servent de paroxysmes émotionnels et politiques.

L’album s’ouvre et se clôt par My Prayer et My Prayer II, deux invocations adressées à Morrígan, déesse celte de la guerre et du massacre. Une façon de placer la musique dans un cercle rituel : demander protection pour le long combat protestataire qui se joue, titre après titre.

ATR!UM, safe place militant venu de Rennes

Derrière ATR!UM, cinq musicien·nes rennais·es : Sadbh (chant lead), Jeanne (chant lead), Alexis (batterie, chœurs), Elie (basse, chœurs) et Marie (guitare acoustique, chœurs). Le nom renvoie à l’atrium antique, pièce centrale où l’on accueillait les invités et où se déroulaient les discussions politiques. Tout un programme : ATR!UM se conçoit comme un espace sûr, un lieu de parole et de confrontation des idées.

Le projet naît d’un refus très clair des normes patriarcales et systémiques. Sadbh, alors seule fille dans un premier groupe, assiste à l’effritement de cette formation au moment où elle s’éveille comme femme. Elle retrouve Jeanne, et ensemble elles bâtissent ATR!UM comme un espace d’empouvoirement : un groupe leadé par deux femmes, où les textes de Bríd Ní Chonghaile structurent l’écriture musicale et scénique.

Sur scène, ATR!UM s’inscrit dans la tradition orale : continuer de raconter ces histoires qu’on préfère oublier, ces violences qu’on efface trop vite, ces luttes qu’on fatigue à force de les répéter. Depuis 2023, le groupe sillonne les scènes du Grand Ouest – Jardin Moderne, Transat en ville, I’m from Rennes, Pride de Brest, Bars en Trans… – avec un live qui mêle tension rock, montée chorale et prises de parole engagées.

Avec Watery Grave et son clip Operation Scumbag, ATR!UM signe un premier geste fort : un album qui pense le monde en le dénonçant frontalement, et un clip qui redonne un visage, un corps, une marche à celles et ceux qu’on a voulu laisser à terre.