Sans doute frustré par une période estivale qui semble ne pas vouloir en finir, le public rennais a répondu massivement au rendez-vous fixé par Damien Guillon et sa formation baroque, le banquet céleste, toujours en résidence à Rennes, pour le plus grand plaisir des mélomanes.
Si les portes de l’opéra s’étaient ouvertes en grand pour ce début de saison 2019-2020, c’est grâce à un travail commun avec une association qui porte un nom bien connu dans notre capitale bretonne: Les concerts de midi. Sous la houlette compétente d’Olivier Légeret, vous êtes convié à une pause musicale de la mi-journée en dégustant un sandwich et une boisson fraîche tout en écoutant d’excellents musiciens vous proposer des œuvres habilement choisies.
Mais revenons à l’opéra. Cette soirée d’ouverture, dédiée aux cantates de Bach proposait un programme d’une durée d’environ une heure et quart, donc assez court, mais d’une densité particulière. La première œuvre, Ich habe genug, BWV82, a dans la production de Bach une symbolique particulière, il en proposera d’ailleurs quatre versions différentes. Elle n’est pas basée sur un extrait des évangiles comme c’est généralement le cas, mais sur un poème qui raconte la joie de Siméon, qui reconnaît le Messie en l’enfant Jésus, à l’occasion d’une visite au temple de Marie. Ich habe genug, peut-être traduit le plus simplement par « j’ai assez ». Ce serait restreindre la dimension spirituelle de cette composition. Pour le chrétien, avoir reconnu le visage de Dieu est en soi suffisant et peut combler une vie, c’est ce qui arrive à Siméon, aussi il attend presque avec hâte le moment de son propre trépas. À tout le moins il attend celui-ci sans crainte et avec une joie réelle. ich habe genug, je suis comblé !
Après les quelques mesures d’une courte ouverture Damien Guillon entame la narration de cette profonde méditation sur la foi. Sa voix de contre-ténor s’élève dans un opéra mué en cathédrale, où chacun retient son souffle afin que rien ne vienne troubler cet instant hypnotique et sacré. C’est à n’en pas douter un moment d’exception. Soutenu par un groupe de huit musiciens triés sur le volet, notre Rennais offre de cette œuvre, une interprétation à la fois sensible et dépouillée.
La seconde partie de ce concert propose la cantate BWV 134a, « Die Zeit, die Tag und Jahre Macht », autrement dit : Le temps qui fait les jours et les années. Cette cantate, chantée à l’occasion de la Saint Sylvestre pour fêter le changement d’année, célèbre également les bienfaits dispensés par le prince d’Anhalt-Köthen, protecteur de Jean-Sébastien, dont l’anniversaire avait lieu trois semaines plus tôt. Véritable action de grâce vis à vis du souverain, cette œuvre est définie par le terme « Glückwunschkantate », c’est à dire cantate de vœux. La structure de l’œuvre alterne récitatifs et aria pour aboutir en un dithyrambique chœur final. Cette fois Damien Guillon entamera un dialogue vocal avec le ténor anglais, Thomas Hobbs. Il n’est pas pour le public un visage inconnu puisque son interprétation de l’évangéliste dans la passion selon Saint Jean avait déchaîné il y a quelques mois un véritable enthousiasme, tant il avait approché la perfection. Égal à lui-même, il nous offre une vision claire de l’œuvre malgré les nombreux écueils d’un texte qui le soumet à rude épreuve. Même punition pour Damien Guillon qui s’en sort bien et dont on est obligé de reconnaître l’exploit tant ce texte est touffu. Nos deux chanteurs, pour le chœur final, reçoivent l’aide de jeunes interprètes issus du pont supérieur, c’est à dire de membres du cycle d’études après le conservatoire, la soprano Sarah Rodriguez, l’alto Orelle Pralus, le ténor Thibault Givaja et enfin les barytons et baryton-basse, Thomas Coisnon et Olivier Lagarde. Ces deux derniers, par la solidité de leur travail et la clarté de leur diction emporteront cette fois nos suffrages.
C’est un tonnerre d’applaudissements qui saluera la fin de ce très remarquable concert d’ouverture, signe de succès tant pour l’opéra de Rennes que pour les concerts de midi, démonstration, si cela était nécessaire qu’unir ses forces est intelligent et productif.
Parmi les auditeurs, le chef de chœur de la maîtrise de Bretagne, Jean-Michel Noël était venu entendre celui qu’il a formé il y a de cela de nombreuses années, rencontré à la fin du concert il a pratiquement créé la consternation en avouant qu’il ne lui restait plus qu’une semaine à la tête de cette splendide formation avant de prendre sa retraite. Le choc passé, il nous a pourtant laissé entendre qu’il occuperait très certainement son temps en créant une maîtrise d’enfant à la cathédrale de Rennes. Nous lui souhaitons donc une heureuse retraite, et surtout, qu’il n’arrête jamais.
LE BANQUET CÉLESTE
Damien Guillon, directeur artistique
contact@banquet-celeste.fr
Delphine Chrétien, déléguée générale
delphine.chretien@banquet-celeste.fr
Coline Dubos, chargée de production
production@banquet-celeste.fr
Opéra de Rennes
Place de la mairie
35000 RENNES
Site internet Concerts de midi