Dans Ancolie, bande dessinée publiée aux éditions Glénat, Salomé Lahoche revisite la figure féministe de la sorcière en mettant en scène une jeune sorcière dévergondée et trash qui souhaite juste sauver le monde (et sa peau). Quel puissant sort l’aidera à adoucir une société inégalitaire, sexiste et capitaliste ?
L’Ancolie est une fleur vivace dont le sommet, de petites clochettes généralement violettes, est original et élégant. L’illustratrice Salomé Lahoche a choisi ce nom pour le personnage principal de sa nouvelle bande-dessinée sortie en juin 2025 aux éditions Glénat. Pour ce qui est de l’originalité, Ancolie coche la case : la sorcière de 360 ans – mais 27 ans en âge humain – souvent vêtue de violet traverse la vie à califourchon sur son balai enivrée par le vent de la liberté et de l’insouciance. Elle se traîne de beuveries en aventures sans lendemain, de disputes avec son ex en remontrances de ses amies. La débauche coule sur elle sans qu’elle ne s’inquiète de quoi ce soit, jusqu’au jour où le couperet tombe. Alors qu’elle assiste au congrès annuel du Conseil des sorcières, qui récompense les plus méritantes d’entre elles, Ancolie est convoquée par le Haut Conseil, un peu (beaucoup) lassé par ses frasques : si elle n’accomplit pas un acte de bravoure de taille dans l’année, on lui retirera ses pouvoirs et mourra. Il n’en suffit pas de plus pour qu’elle se remette en selle (sans balai, car on lui a confisqué) et décide … de sauver le monde ! Mais la tâche est rude dans une société égoïste qui ne cesse de faire que des mauvais choix.
Salomé Lahoche est ce que l’on appelle une illustratrice prolifique de la nouvelle génération : on connaît d’elle La vie est une corvée (éditions Exemplaire, 2023) et Ernestine (Éditions Même pas Mal, 2024) et Peur de mourir mais flemme de vivre (Éditions Exemplaire, 2025). La personnage d’Ancolie est haut en couleurs : jeune sorcière pas très rangée et pas aimable, elle cumule quelques défauts, est audacieuse, voire irrévérencieuse, avec souvent un air blasé peint sur le visage. C’est un peu la copine qu’on adore, mais qui a néanmoins tendance à nous taper sur le système tant ses choix sont mauvais.
On retrouve le trait actuel de Salomé Lahoche, son personnage tout en rondeur et son habitude à utiliser l’humour pour aborder des sujets contemporains, ce dont nous Cette dernière publication ne fait en effet pas exception : si dans les yeux d’Ernestine, elle abordait la charge mentale, la santé psychique, la cellule familiale, les addictions ou encore la mort, Salomé Lahoche ancre Ancolie, récit fantastique, dans le monde d’aujourd’hui pour servir une réflexion autour de l’écologie et des inégalités, comme beaucoup d’autres auteurs et autrices de sa génération, et pas seulement, peuvent le faire. « Les enjeux politique et écologiques se multiplient. Le recrudescence des conflits armés ne doit pas nous distraire du vrai défi de ce siècle : l’urgence climatique. » Mais si le monde des sorcières multiplie les actions pour protéger la planète, « comme un berger son troupeau », ces sujet passent bien au dessus de la tête d’Ancolie, égoïste sur les bords.
Ancolie s’inscrit dans les bandes dessinées de la nouvelle génération d’illustrateurs : le ton est léger, la lecture rafraîchissante et détendue, mais derrière l’humour trash, Ancolie soulève de véritables problématiques dans ses quelques moments de lucidité. Cependant, si parfois la fin n’est pas le plus important, mais plutôt le chemin qui y mène, la tournure de l’histoire interroge : on regrette la fin (trop) ouverte, voire l’absence de fin : elle arrive alors que l’intrigue semble réellement commencer, laissant le lecteur sur sa « fin » justement, un goût d’inachevé au bout des doigts.
Ancolie, Salomé Lahoche, éditions Glénat, 128 pages, 24 € (numérique : 16€99). Parution : 11 juin 2025. Feuilleter