La BD Katanga de Fabien Nury, scénariste, et Sylvain Vallée, dessinateur, interroge la mémoire du célèbre épisode de l’indépendance transitoire du Katanga. Cette riche province minière, sécessionniste dans la toute jeune République du Congo post coloniale. Passionnant.
Avant cette nouvelle BD Katanga, les deux quadragénaires Fabien Nury et Sylvain Vallée s’étaient déjà fait remarquer avec un opus en six volumes : « Il était une fois en France » retraçait la vie de Joseph Joanovici, juif roumain et ferrailleur, fournisseur des autorités allemandes pour ce qui est des métaux et bailleur de fond de la Résistance (ce qui lui donna une certaine tranquillité sous l’Occupation mais pas vraiment de reconnaissance nationale ensuite, l’on s’en doute…)
Le titre de la BD Katanga recoupe son thème : rapporter les événements qui se déroulent dans cette riche région minière du Congo dans l’immédiate période qui suit la décolonisation au début des « sixties ». Un brin d’histoire s’impose.
Fin du XIXe siècle en Afrique, les trois grandes puissances de l’époque – la France, La Grande Bretagne et l’Empire Allemand – achèvent de se tailler des possessions et concluent au traité de Berlin de 1885 de confier au Roi des Belges, Léopold II, un immense territoire qui restera domaine royal jusqu’à 1908 avant de devenir colonie de l’Etat belge à cette date sous le nom de Congo Belge. Ce pays – qui demeure toujours, surtout près des grands lacs – a pour son malheur d’être un « scandale géologique » : tout ce qui peut être extrait de la terre avec une valeur financière a des chances de s’y trouver. C’est le cas du coltan minerai dont la région de RDC appelée le Kivu détiendrait 80% des réserves mondiales. Ce minerai est absolument nécessaire à l’industrie (condenseurs, réacteurs, téléphones) : d’où diverses guerres et rébellion dont le voisin rwandais n’est jamais très éloigné…
Revenons à la période qui nous concerne : juin 1960, le Congo Belge devient indépendant sous la houlette du turbulent et gauchisant Patrice Lumumba. En moins de deux semaines, le Katanga, la plus riche région minière, proclame son indépendance sous la présidence de Moïse Tshombé aidé par l’Union minière du Haut Katanga, société belge spécialisé dans le cuivre et sous l’œil bienveillant de la France et des réseaux Foccart qui s’agitent au Gabon et au Congo Brazzaville pour maintenir les bonnes relations intéressées avec la Mère Patrie. Pour assoir son indépendance, le nouvel Etat se dote d’une force à la fois police et armée dénommée Gendarmerie Katangaise, milice qui survivra à la fin du Katanga et que l’on retrouvera plus tard en Angola mais aussi à l’origine de l’intervention française à Kolwezi. Cette milice, peu équipée, mal entraînée, a besoin de recruter des hommes de troupe mais aussi du personnel d’encadrement qui fait défaut dans la région.
Les bailleurs de fond du gouvernement katangais fourniront l’argent nécessaire au recrutement de mercenaires étrangers : français, britanniques, allemands, rhodésiens, afrikaners. On verra débarquer des soldats perdus des guerres précédentes, d’anciens légionnaires. Le surnom souvent mérité d’« Affreux » désignera ce groupe. Certains feront une longue carrière dans le mercenariat tel Jean Schramme ou surtout Bob Denard qui travaillera souvent avec le « feu orange » de la République. On les retrouvera plus tard au Biafra dans une configuration géopolitique similaire : des intérêts miniers (le pétrole), des conflits interethniques et le regard bienveillant de la France et des réseaux Foccart. Ces troupes hétéroclites affronteront les forces disparates et moins entraînées de l’ONU (casque bleus) avant d’être défaites et devront se réfugier en Angola ou ils participeront aux conflits des décennies suivantes.
L’affaire du Katanga fera grand bruit à l’époque par la violence interethnique ou à l’encontre des colons : on ne peut que recommander de revoir le cultissime film « Dernier train du Katanga » qui comme la BD de Nury et Vallée raconte une histoire qui tourne autour de la récupération de diamants dans un coffre sur fond de guerres tribales et de haine du colon… La BD Katanta est bien dessinée et restitue son époque ; bon scénario, belles couleurs : à lire ou à offrir.
La BD Katanga (tome 1 Diamants) de Fabien Nury et Sylvain Vallée est publié aux Editions Dargaud. 76 pages. 17 euros.
Sylvain Vallée sera présent au Festival de BD de Perros-Guirec du 8 au 9 avril 2017
DESSINATEUR : SYLVAIN VALLÉE
SCÉNARISTE : FABIEN NURY
GENRE : AVENTURE HISTORIQUE
PUBLIC : ADO-ADULTE – À PARTIR DE 16 ANS